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(]•.!> i do> CrarulH AiiKiisiinsi, .>v RAPPORTS PRESENTES AU CONGRÈS INTERNATIONAL DE PHYSIQUE RÉUNI A PARIS EN 1900 SOUS LES AUSPICES DE LÀ SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE PHYSIQUE, RASSEMBLÉS ET PUBLIÉS PAR Cil. -ÉD. r.UlLLAUME et L. POINCARÉ, Sccrélaires généraux du Congrès. TOME 1. QUESTIONS GÉNÉRALES. — MÉTROLOGIE. PHYSIQUE MÉCANIQUE. — PHYSIQUE MOLÉCULAIRE. PARIS, GAUTIIIER-VILLARS, IMPKIMEUR-LIBRAIRE DU BUREAU DES LONGITUORS, DE l'ÉCOLE POLYTECHNIQUE, Quai des Grands- .Vuguslins, 33. 1900 AVERTISSEMENT. Lorsque la Société française de Physique eut résolu de provoquer, à roccasion de l'Exposition universelle de 1900, la réunion d'un Congrès international de Physique, plusieurs membres de la Commission d'organisation et particulière- ment son illustre Président, M. A. Cornu, conçurent le dessein de profiter de cette circonstance pour édifier une œuvre qui survivrait au Congrès; il parut à nos Collègues de la Commission que Ton pouvait tenter, à l'occasion de cette première réunion des physiciens de tous les pays, de dresser une sorte de bilan des connaissances définitivement acquises dans le domaine que cultivent ces savants, et Ton tomba facilement d'accord qu'il y aurait un intérêt majeur à tracer à grands traits le tableau des idées et des hypothèses par les- quelles on cherche aujourd'hui à expliquer la constitution de la nature et les lois qui la régissent. Alors même que, suivant le cours ordinaire des choses, les années futures viendraient à bouleverser complètement nos manières de voir actuelles, il semble utile de marquer l'étape atteinte aujourd'hui par l'esprit humain dans son éternel voyage à la recherche de la vérité; aussi bien une partie de l'œuvre, au moins, ne sera pas soumise à la fluctuation des idées, car si les hypothèses passent, les faits demeurent; et pour arbitraire que soit, aux yeux d'un physicien, la divi- sion conventionnelle du temps, la fin d'un siècle apparaît — VI — cependant comme le moment le plus naturellement propice pour procéder à un inventaire. La Commission estima qu'il ne fallait s'adresser, pour esquisser le tableau qu'elle projetait, ni à un seul homme quelque grand qu'il fût, ni même à un nombre restreint de physiciens crudits; elle pensa qu'il convenait de remonter jusqu'aux sources, et elle décida que l'on prierait un grand nombre de savanls, pris dans tous les pays, et choisis aussi parmi ceux qui cultivent les divers domaines scientifiques où progressent toutes les variétés de la Science de la nature, de parler eux-mêmes de ce qu'ils avaient fait ou de ce qu'ils avaient vu faire autour d'eux. Certes le temps paraissait un peu étroitement mesuré qui restait pour mener à bien avant l'ouverture du Congres une telle œuvre, mais la Commission jugea que, dût-on restreindre un peu, en cours d'exécution, le plan primitif, il fallait néanmoins essayer d'en exécuter les parties essentielles, et elle nous fit le redoutable honneur de nous charger de recueillir, de classer et de publier les rap- ports relatifs aux sujets les plus intéressants qui préoccupent à l'heure actuelle le physicien : ce sont ces rapports que nous présentons aujourd'hui réunis en trois volumes. Nous ne saurions avoir la prétention de faire l'éloge de ces mémoires que le nom de leurs auteurs recommande au sur- plus très suffisamment. Il ne nous appartient pas non plus de chercher soit à en donner une analyse, soit à indiquer quelle impression se dégage de cet ensemble, soit enfin à tirer les conclusions auxquelles la lecture de ces rapports semble conduire; il est bien probable, d'ailleurs, qu'à cet égard le résultat n'apparaîtrait pas semblable à tous les es- prits. Sans doute chacun voudra voir dans ces livres la justi- fication des idées que l'on se plaît à se faire a priori sur la constitution de la nature, et, tandis que les uns penseront que la conquête prochaine d'un principe unique, régissant tous les phénomènes physiques, apparaît de mieux en mieux — VII fissurée, les autres estimeront, au contraire, que la diversité des lois du monde semble de plus en plus grande et d'une complexité plus effrayante. Mais nous devons, en revanche, aux lecteurs quelques explications sur la manière dont a été conduit le travail pour l'édification de cette œuvre, sur la façon dont les matériaux ont été recueillis, et sur les moyens qui ont été employés pour les assembler. A une époque où tant de chercheurs fouillent les moindres parcelles d'un champ presque illimité, il nous sembla tout à fait impossible de demander à chacun le détail de ses inves- tigations, et cependant il ne fallait pas se contenter de ces aperçus généraux qui sont utiles peut-être pour les amateurs, mais dont le manque de précision ne saurait convenir aux physiciens, pour qui nous désirions avant tout construire l'édifice. Le titre des volumes caractérise d'ailleurs, à lui seul, l'es- prit dans lequel nous avons pensé, dès le début, que ces tra- vaux devaient être conçus. En demandant à d'illustres savants d'écrire des Rapports, nous leur avons imposé sou- vent un léger sacrifice. A plusieurs de ceux dont les travaux constituent à eux seuls une page importante de l'histoire de la Physique, nous avons demandé d'écrire cette page, en s'attachant aussi à celle qui la précède, et en faisant prévoir celle qui la suivra demain; nous leur avons demandé de prendre la question dans son ensemble et d'oublier pour un instant des détails qui furent d'une grande importance au moment de la première élaboration du travail et auxquels le chercheur prend un si vif plaisir. Pour la plupart, ces détails sont consignés dans les mémoires originaux, où le lecteur les retrouvera aisément. On n'a pas d'ailleurs cherché à accomplir l'impossible tâche de parcourir le domaine entier de la Physique; rien ne serait plus facile que de signaler dans ces trois volumes de profondes lacunes, mais les sujets qui y sont traités sont généralement envisagés sous toutes leurs faces; quant aux — VUI — contrées délaissées, elles n'ont point été omises par oubli, mais le plus souvent parce que Ton n'a pas eu le concours du guide expérimenté et de bonne volonté que Ton avait espéré trouver pour y conduire le lecteur. Parmi les sujets abordés dans cette œuvre durable du Congrès, les uns ont pris leur assise et les rapports où ils sont traités marqueront pendant longtemps encore un état toujours actuel. D'autres, au contraire, sont en pleine évo- lution ; leur variation est d'une extrême rapidité et ils vieilli- ront plus vite. Mais, au moins, auront-ils le double avantage de guider les chercheurs vers le progrès et de fournir, pour l'avenir, un document de premier ordre sur les idées qui dominaient la Physique au seuil du xx* siècle. Une fois les matériaux préparés il fallut les assembler, et c'est alors qu'apparut une difficulté considérable. Les an- ciens cadres où l'on se plaisait autrefois à enfermer les divers chapitres de la Physique éclatent de toutes parts, mille et mille sentiers sillonnent maintenant ces régions qui n'étaient parcourues autrefois que par de grandes roules isolées et droites. Qui oserait dire aujourd'hui : « Ici s'arrête l'Electri- cité, là Commence TOptique »; ou bien encore : « Nous quit- tons maintenant le domaine de la lumière et nous entrons désormais dans celui de la chaleur ))?Et en lisant les rapports que nous avions recueillis, nous découvrions parfois entre ceux qui nous avaient paru, de prime abord, devoir différer complètement les uns des autres, de telles affinités qu'il nous semblait dès lors impossible de les séparer, et nous étions pris de la crainte qu'en introduisant entre tous ces mémoires des cloisons artificielles, nous ne fissions, parla même, dispa- raître les relations qui nous avaient frappés et qu'il nous sem- blait très désirable de bien mettre en évidence. C'est ainsi que nous avons été conduits à n'étabhr en aucun endroit une ligne nette de démarcation; sauf les séparations en vo- lumes, nécessitées par les conditions matérielles de la publi- cation, les quatre-vingts rapports se suivent sans séparation — IX — et sans barrière. Nous n'avons point cependant poussé jus- qu'au paradoxe cette idée que, dans la Physique, un phéno- mène se rattache à tous les autres, et nous n'avons pas laissé au hasard le soin de ranger nos richesses; les sous-titres des volumes indiquent suffisamment que leur contenu a subi une ébauche de classification. Le Tome I débute par une étude de M. H. Poincaré sur les relations de la Physique mathématique et de la Physique expérimentale. C'est là, semble-t-il, la question primordiale qui domine toutes les autres. N'est-ce pas d'ailleurs à l'intelli- gence plus complète de ces relations que sont dus la plupart des progrès accomplis en ces dernières années? Si même l'expérimentation est, en principe, l'unique source de la con- naissance, la généralisation atteignant son expression la plus haute dans la forme mathématique, permet seule d'en tirer parti. La Métrologie est devenue un chapitre spécial de la Phy- sique, et c'est bien ce chapitre qui apparaît le premier dans l'ordre naturel; avant que l'on se préoccupe de rechercher les rapports qui existent entre les diverses grandeurs, ne convient-il pas en effet d'établir tout d'abord quelles règles il faudra suivre pour les mesurer, c'est-à-dire pour les con- naître véritablement? On trouvera donc en premier lieu un exposé du développement historique de la Métrologie suivi d'une récapitulation critique qui s'imposait de toutes les définitions et décisions adoptées par les divers Comités et Congrès qui ont déjà discuté de tels sujets et abouti à des conclusions fermes. Puis, et en quelque sorte comme exemple des conditions du progrès en Métrologie et des bénéfices aux- quels conduisent des méthodes de mesure appliquées avec ri- gueur, on pourra lire des rapports sur les laboratoires natio- naux et sur les déterminations métrologiques par les franges d'interférence. Ce ne sont pas d'ailleurs les seules mesures des longueurs ou des masses qui ont tiré un profil consi- dérable d'une bonne application des lois de l'expérience : la — X — lecture des rapports qui suivent et qui sont consacres soit à la mesure des températures, soit à la détermination de Fcquivalent mécanique de la chaleur, soit encore à la fixation de Tunité de chaleur, le prouve surabondamment. Après les questions de mesures et d'unités nous avons placé toutes celles qui se rattachent à la Physique mécanique et à la Physique moléculaire. C'est là un vaste domaine, un peu morcelé encore, mais où de riches conquêtes ont été faites en ces dernières années; bien des questions même qui paraissaient épuisées ont été complètement renouvelées : (ju'il s'agisse de la propagation d'un mouvement vibratoire dans un milieu élastique, des propriétés élastiques des corps cristallisés ou amorphes, des déformations permanentes ou temporaires des solides, des propriétés des alliages qui sont, pour le physicien, un terrain presque neuf, où il a été pré- cédé par le chimiste et l'ingénieur, ou bien encore que Ton considère ces phénomènes tels que la dilVusion des solides, la rigidité des liquides, qui nous font comprendre combien arbitraires sont nos classifications entre les différents états de la matière, que d'idées originales ont pris naissance dont on trouv(»ra ici des résumés très complets! h^t à côté de ces mémoires sont venus naturellement se placer des études sur la capillarité, sur la diffusion des gaz, sur la théorie ciné- tique, sur l'hydrodynamifpie, sur la cristallisation, sur les phénomènes osmoti(pies. Un groupe fort important termine le Volume : c'est celui (pii est relatif aux propriétés fondamentales des fluides sous pression. On trouvera là des mémoires comj)lets sur la sta- tique» des fluides non mêlés, sur la stati(pie des mélang(»s, des étudr's particulières sur Tétat critique et les pro[)riétés ther- miques (h.»s gaz. Dans le Tome H, a[)rès un m Muoire magistral de Lonl Kelvin et le résumé de l'admirable conférence Cette évaluation de l'exactitude atteinte alors dans les mesures est confirmée par une particularité de construction que présentait la ïoise du Pérou {^fig» 1). Chacune de ses extrémités se prolon- geait, sur la moitié de la largeur de la règle, par un talon saillant, Fig. 1. rizzjp Toise ilii réruu. — au. Toise à l><>uls; bb» Toise à points. laissant ainsi sur l'autre moitié une sorte iVentaii/c, dont la sur- face de fond définissait, a\cc le fond de rcntaille semblable de - 33 - l'extrémité opposée, la longueur d'une toise à bouts. Sur le talon et dans le prolongement de cette surface on avait tracé un traii, et sur ce trait, à une petite distance, on avait marqué un point conique, dont le centre définissait de même, avec le centre du point de l'autre extrémité, une toise à points. On avait admis que ces deux loises, à bouts et à points, étaient identiquement égales, et qu'on pouvait se servir indifféremment de Tune ou de l'autre. Plus tard, des mesures exactes ont fait reconnaître qu'elles différaient de ~ de millimètre environ. Une longueur équivalente au dixième de millimètre était donc considérée alors comme né- gligeable, ou difficilement déterminable, même dans les recherches scientifiques de l'ordre le plus élevé. Nous voyons un progrès considérable s'accomplir, lorsque nous arrivons, avec la fin du même siècle, à l'époque de la création du Système métrique. Je ne m'étendrai pas sur l'histoire de cette période, qui est si parfaitement connue qu'elle est devenue clas- sique aujourd'hui. Je rappellerai seulement le procédé qui fut employé dans les comparaisons faites, d'abord par Borda et Lavoi- sier, plus tard par la Coipmission générale des Poids et Mesures, pour fixer le rapport de la nouvelle unité à l'ancienne et établir l'étalon du Mètre, On employa pour ces mesures un compara- teur, constitué par une grande barre de laiton, de i3 pieds de long, sur laquelle on plaçait successivement les deux règles à com- parer. L'une des extrémités de ces règles était appuyée contre un petit cylindre formant butoir, solidement fixé près d'un des bouts de la barre. Contre l'autre extrémité, on amenait un petit chariot ou curseur, portant une réglette divisée en dix-millièmes de toise; cette échelle correspondait à un vernier tracé sur la barre et qui donnait le dixième de ces divisions, soit le cent-mil- lième de toise. La différence des lectures de ce vernier, la ré- glette étant mise successivement en contact avec les deux règles à comparer, donnait, dans cette dernièrq unité, la différence de longueur cherchée. « Dans toutes les comparaisons faites de cette manière, et par cinq à six personnes successivement, dit un Rapport présenté à la Commission générale des Poids et Mesures le lo mai 1799, nous avons été toujours d'accord pour le cent-millième, et nous n'avons C. P., I. 3 — 34 - jamais dîfTéré entre nous dans restime que de deux à trois mil- lionièmes. Or, comme un cent-millième de toise ne répond qu'à un cent seizième environ de la ligne, ancienne division, il est pro- bable que nos résultats ne s'écartent pas de la rigoureuse précision d'un deux-cenlième de la ligne, ce qui est insensible. » On pourrait emprunter à l'Ouvrage de Delambre, qui a pour titre Base du Système métrique décimal, nombre de citations qui évaluent à peu près de la même manière l'approximation atteinte dans ces mesures et conduisent à une conclusion à peu près semblable. Il en résulte que la précision, comparée à ce qu'elle élaitun demi-siècle environ auparavant, était sensiblement décuplée. Mais drjà on la considérait comme insuffisante, et la Commis- sion qui, apn^'S la mort de Borda, acheva les travaux relatifs à Tcxccution du mètre étalon définitif, s'était proposé d'atteindre le millième de ligne. Elle fit construire, dans ce but, un comparateur fondé sur un nouveau principe, qui consistait à multiplier les lon- gueurs à évaluer parle moyen d'un levier coudé à branches très inégales. Nous manquons de documents sur l'emploi qui fut fait de cet instrument, qui ne donna peut-être pas tout ce qu'on en attendait. On a, en effet, à peu près renoncé aujourd'hui, dans la haute Métrologie, à ces procédés d'amplification mécanique, qui exposent aisément à des erreurs systématiques, rendant souvent illusoire leur précision apparente. Les étalons et règles principales construits à cette époque pré- sentaient, par rapport aux précédents, de notables améliorations. La principale consista dans le choix de la matière dont ils furent faits : au fer, facilement oxydable, on substitua le plus inaltérable des métaux, le platine, tel qu'on savait le préparer alors, c'est-à-dire obtenu en comprimant la mousse précipitée de ses dissolutions. Pour le mètre qui fut déposé aux Archives et devint le prototype du Système métrique, aussi bien que pour les copies qui en furent faites, on conserva la forme d'étalons à bouts. Les quatre grandes règles de deux toises, dites de Borda, qui servirent à mesurer les bases de la méridienne et à établir le passage de Tancienne à la nouvelle unité, ainsi que celle qui fut employée dans la détermi- nation de la longueur du pendule battant la seconde, étaient aussi - 35 - des règles à bouts ; mais elles pouvaient être prolongées, à Tune de leurs extrémités, par une réglette divisée, glissant dans une cou- lisse et permettant d'établir le contact de Tune à l'autre sans risquer de les endommager. La longueur de la portée élait mesurée par un vernier correspondant à la division de la réglette. En outre, en superposant une barre de laiton à la barre de platine et faisant ainsi de la règle son propre thermomètre, Lavoisier et Borda ima- ginaient le principe des mesures bimétalliques, qui a reçu depuis de nombreuses applications en Géodésie. Angleterre. — Dès cette époque, cependant, un autre mode de définition des longueurs et une autre méthode pour les com- parer faisaient leur apparition dans la Science. En 1 798, à Londres, sir George Shuckburgh déterminait des étalons à traits, — c'est- à-dire des étalons dont la longueur est définie, non plus par la distance de leurs faces terminales, mais par la distance de deux traits gravés sur leur surface, — au moyen d'un comparateur optique construit par Troughton et composé de deux microscopes verticaux, déplaçables à volonté le long d'une barre métallique. L'un de ces microscopes portait un réticule fixe, l'autre un réti- cule qui pouvait être mû au moj^en d'une vis de micromètre. La division de la tête de cette vis correspondait au dix-millième de pouce anglais (c'est-à-dire à 2,5 microns environ). Les réticules étaient formés de deux fils croisés à angle aigu. Cet appareil fut apporté en France en 1802, et servit à établir pour la première fois une relation entre le Système métrique et le Système des mesures britanniques. A cet effet, un étalon anglais, apporté en même temps, fut comparé à deux étalons français, l'un en pla- tine, l'autre en fer. Pour faire cette comparaison entre deux choses hétérogènes, un étalon à traits et un étalon à bouts, on employa l'artifice suivant : Une petite pièce auxiliaire, portant un trait, était d'abord appuyée contre un butoir fixe, et le premier micro- scope du comparateur ajusté de manière à superposer son réticule à l'image du trait. La pièce était ensuite enlevée, le mètre à dé- terminer mis à sa place touchant par l'un de ses bouts au même butoir, la même pièce reportée contre son autre bout, et le réti- cule du deuxième microscope pointé sur le trait. La valeur qui se déduit de ces mesures, après réductions, pour le Yard, unité - 36 - du Syslèmc britannique en fonction du Mètre, différait d'environ deux centièmes de millimelre de celle que des expériences ulté- rieures ont fixée plus exactement. Les méthodes appliquées dans les opérations dont je viens de parler étaient, en principe, celles qui sont encore aujourd'hui mises en œuvre dans les déterminations de la même nature; le comparateur de Troughton peut se reconnaître, dans ses carac- tères essentiels, dans nos comparateurs modernes. Mais bien des progrès, bien des perfectionnements devaient se produire à la fois dans les étalons, daas l'appareil de comparaison, et dans la ma- nière d'opérer, avant qu'on pôt parler des précisions, de cin- quante à cent fois supérieures, que nous demandons à nos me- sures actuelles. Déjà, cependant, à cette époque et avec les moyens dont on disposait, il paraît certain qu'on eût pu garantir une exactitude sensiblement plus grande, si l'on avait apporté plus d'attention aux effets de la température. Bien que l'on connût parfaitement l'influence de la chaleur sur les métaux et que des coefficients de dilatation eussent été déjà passablement déter- minés, il ne semble pas qu*on attachât une importance suffisante aux perturbations que cet élément peut introduire dans les expé- riences, et à la lenteur avec laquelle ces perturbations disparaissent une fois qu'elles ont été produites. Les observations étaient faites très peu de temps après qu'on avait manié les règles ou les micro- scopes; aucune précaution n'était prise pour se mettre à l'abri du rayonnement ou de l'influence de l'observateur, non plus que. pour maintenir la température constante et uniforme. Quelques années plus tard, Kater, dans le Mémoire consacré à ses célèbres expériences sur le pendule réversible, signalait cette cause d'incor- rection dans les mesures de Shuckburgh. A son tour, il employait un appareil semblable et des méthodes analogues, et, par des séries de comparaisons répétées à plusieurs jours d'intervalle, il mesu- rait la distance des arêtes des couteaux de son pendule avec des e^rreurs, qui, en tant qu'erreurs purement accidentelles, ne dépassaient pas un dix-millième de pouce, c'est-à-dire deux microns. Il faisait une nouvelle détermination du rapport des unités métrique et britannique, et comparait un certain nombre d'étalons anglais, avec une exactitude apparente à peu près - 37 - du même ordre; apparente en effet, car des vérifications ulté- rieures devaient bientôt la démentir, et montrer que des incerti- tudes notablement plus grandes provenaient de causes systéma- tiques mal connues ou mal éliminées. C'est à atténuer ou à faire disparaître autant que possible l'influence de ces causes que les progrès de la Métrologie devaient dorénavant s'appliquer. Quelques années plus tard, en 1826, le même Rater décou- vrait l'une de ces causes, dont l'influence était restée complète- ment insoupçonnée jusqu'alors : il reconnaissait que la longueur définie par la distance de deux traits marqués sur la surface su- périeure d'une barre d'une certaine épaisseur dépend, à un degré relativement considérable, des flexions, même très petites, que peut imprimer à cette barre le banc sur lequel elle est posée, et par conséquent varie avec le mode de support. Pour échapper à cette difficulté, il imaginait de constituer un étalon par une règle très mince supportée par une règle très forte. Nous verrons bientôt qu'une autre solution, plus simple et plus parfaite en même temps, a prévalu. Cependant l'avancement progressif des relevés géographiques dans le royaume d'Angleterre faisait sentir de plus en plus la nécessité d'asseoir les résultats obtenus sur des bases mieux définies que par le passé. De nouvelles règles avaient été con- struites; et, en i834, une série de comparaisons étendues fut faite entre ces règles et un certain nombre de règles anciennes. Baily, qui dirigeait ces opérations, en rendit compte dans iln Rapport {Report on the new Standard scale 0/ the Royal Astronomical Society)^ qui fut publié seulement en i836, et dans lequel, après avoir fait un historique détaillé de la question des unités de mesures britanniques jusqu'à cette époque, il ana- lysait avec une remarquable sagacité les causes d'erreurs et les conditions à satisfaire, et donnait des instructions qui, sur bien des points, peuvent servir de guide aux métrologistes de nos jours. Il critiquait avec raison le mode de construction d'un éta- lon qui consiste à le former de deux bandes de métaux différents fixées ou soudées l'une sur l'autre, aussi bien que les procédés mis alors en usage pour tracer les divisions ; il montrait l'influence — 38 - d'une courbure latérale, il étudiait le mode de support, coustatait l'effet des frottements qui peuvent gêner la liberté des expan- sions ou contractions de la règle, et concluait à porter celle-ci sur deux rouleaux lui laissant une parfaite mobilité; il analysait les erreurs introduites par une connaissance imparfaite des coeffi- cients de dilatation, el celles qui s'accumulent lorsqu'une relation ne peut s'établir qu'en faisant intervenir une série d'intermé- diaires; enfin, pour la première fois, il mettait en évidence et nommaiiV équation personnelle, analogue à celle déjà connue en Astronomie, et qui consiste dans celte propension qu'a chaque observateur à apprécier d'une certaine manière, différente des autres, la position de l'axe d'un trait ou du centre d'un point, lorsqu'il y superpose le fil d'un réticule. Dans ce même Rapport, Baily donnait la description, avec figures, du nouvel appareil qui avait été construit pour ces com- paraisons. C'était toujours le même principe. Mais les deux mi- croscopes étaient munis chacun de son micromètre; ils avaient un objectif achromatique, « ce qui, dit l'auteur, est une grande amé- lioration et ajoute de la clarté et de la netteté à l'image » ; le gros- sissement était de 27 fois. A une charpente, indépendante des supports des microscopes, étaient fixés deux bancs parallèles sur lesquels se plaçaient les règles à comparer. Cette partie de l'ins- trument pouvait être déplacée, en la faisant glisser sur la table qui portait le tout, au moyen de deux poignées, de manière à amener les règles sous les microscopes, sans être obligé de les toucher avec les mains, comme on l'avait fait jusqu'alors. Des vis, agissant sur les bancs, permettaient l'ajustement aux foyers. Il y avait donc, dans ces diverses dispositions, de notables perfectionnements; mais le tout était trop faible et léger, et garantissait peu de stabi- lité. En outre, on avait jugé inutile d'introduire quelque protec- tion relativement à la constance ou à l'uniformité de la tempé- rature, que l'on mesurait par quelques thermomètres placés sur les règles. Parmi les règles qui entrèrent dans ces comparaisons se trouvait un étalon ancien (construit par Bird en 1760), qui, dix ans aupa- ravant, avait été, par un acte du Parlement de juin 1824, déclaré l'étalon légal officiel des mesures de longueur anglaises, sous le nom de Impérial Standard Yard. Il ne devait pas y survivre - 39 - longtemps. L'année n'était pas finie qu'il fut détruit, en même temps que l'étalon de poids et quelques copies, dans le grand incendie qui dévora, en octobre i834, les palais du Parlement. On le retrouva, mais complètement détérioré et dans le plus mauvais état. Si nous nous en rapportons à Baily, cette perte était un mé- diocre malheur. La longueur de l'unité y était définie par deux trous marqués sur des chevilles en or incrustées près des extré- mités. Ces trous avaient été sans doute, à l'origine, des points petits et nets; mais, après de nombreux contacts, opérés selon toute apparence sans aucun soin ni précaution avec les pointes de compas à verge de construction grossière, ils s'étaient élargis; leurs bords s'étaient irrégulièrement déchiquetés, et la position de leurs centres primitifs ne pouvait plus être appréciée avec exac- titude. « Jamais probablement, dit Baily, il n'y a eu une mesure aussi complètement impropre à remplir le rôle d'un étalon précis, et certainement, à un point de vue scientifique, sa perte n'est pas regrettable On pourra toujours se demander avec étonnement comment la législation de notre époque, où Tart de la construc- tion des instruments de mathématiques est arrivé à un tel degré de perfection, a pu sanctionner l'adoption d'une mesure aussi impar- faite et aussi mal définie comme étalon Il semble que le Gou- vernement n'ait été attentif, dans ces circonstances, qu'aux intérêts des marchands et commerçants, pour l'usage desquels des mesures grossières de ce genre sont amplement suffisantes, et ait dédaigné les besoins plus raffinés des hommes de science, qui exigent souvent le plus haut degré d'exactitude et d'uniformité. » On le voit, Baily n'est pas bien loin de se réjouir du malheur arrivé à l'étalon fondamental des mesures de son pays. Nous pou- vons franchir le pas avec moins de scrupule et nous féliciter sans réserve (en ce qui concerne cet étalon) d'un accident qui devait avoir bientôt pour conséquence l'exécution d'une œuvre scientifique de tout premier ordre, et l'introduction de nouveaux et importants progrès dans la Métrologie. Une Commission désignée par le Gouvernement anglais en 1 838, confirmée dans ses attributions et complétée en i843, fut chargée de procéder à la reconstitution des étalons fondamentaux des Poids et Mesures du Royaume. Baily et après sa mort Slieepshanks firent tous les travaux relatifs à l'unité de longueur. La Commis- — 40 — sîon donna ses conclusions et ses résullats dans un Rapport au Gouvernement, en mars i854, et, Sheepshanks étant mort l'année suivante, le détail des opérations fut publié par Airy dans un Mémoire inséré aux Philosophical Transactions en iSSj. Je ne puis en faire ici qu'un court résumé. La Commission repoussait tout d'abord, contrairement à une disposition de la loi de 1824, l'idée de retrouver l'unité perdue en s'appuyant sur sa relation avec la longueur du pendule battant la seconde, telle qu'elle avait été déterminée par des expériences, dans lesquelles une critique sévère et des vérifications ultérieures avaient découvert déjà de nombreuses sources d'erreurs ou d'incer- titudes. Elle décidait de dériver le nouvel étalon de quelques règles anciennes, qui avaient été comparées antérieurement à VImperial larrf disparu, en choisissant, après un minutieux examen, celles qui lui paraissaient mériter le plus de confiance, et en se conten- tant, faute de pouvoir mieux faire, de l'approximation que l'on pouvait raisonnablement attendre de l'emploi de tels intermé- diaires. Pour la matière, elle rejetait le fer et l'acier, à cause de leur facile oxjdabilité; le platine, parce qu'il est mou et lourd, peut-être aussi rare et coûteux; et elle choisissait, après de nom- breux essais sur divers alliages, un bronze dur, élastique, peu altérable, composé de iG parties de cuivre pour a^-d'étain et i de zinc. La forme adoptée pour le nouvel étalon à construire et ses copies était celle d'une forte barre, à section carrée, de \ pouce de côté. La Commission se prononçait en faveur de l'étalon à traits. Pour supprimer l'influence des flexions découverte par Kater, elle mettait à nu Y axe neutre ou axe des fibres invariables (coïn- cidant, dans ce cas, avec Taxe géométrique de la règle), en creu- sant à l'endroit voulu, près de chaque extrémité, une sorte de puits jusqu'à moitié hauteur de la section, et traçant les traits limitatifs sur une petite cheville d'or incrustée dans le fond de ce puits {Jig' 2). En même temps, elle apportait un soin inconnu jusque-là dans la construction et l'étude des thermomètres, et l'évaluation des températures. Enfin elle procédait aux mesures de dilatation et à des comparaisons très étendues entre les règles con- struites. Pour exécuter ce travail, la Commission avait fait construire un comparateur, dont les deux microscopes à micromètre étaient fixés - 41 - à de fortes pierres appuyées sur une solide fondation; les règles à comparer y étaient enfermées dans une boîte à double paroi dont l'enveloppe extérieure était remplie d'eau. Cette boîte était montée sur un chariot porté par trois galets, permettant de la dé- placer transversalement avec facilité et sans secousses. Des ajus- tements étaient ménagés pour amener les règles en position et les mettre au point sous les microscopes. V Fig. 2. V 0 © Yard étalon, plan et coupe. La Commission anglaise mit ainsi au jour une quarantaine d'étalons, soigneusement étudiés et comparés entre eux. Elle en choisit un, qu'elle proposa comme étalon fondamental, et qui devint, en effet, légalement le nouvel Impérial Standard Yard par un acte du Parlement du 3o juillet i855. Quelques autres furent conservés comme témoins; et le plus grand nombre fut ensuite distribué entre divers observatoires ou établissements publics, ou largement répandu parmi les Gouvernements des autres pays, sur toute l'étendue du globe civilisé. Ces quelques mots ne donnent qu'une idée très imparfaite de ce travail, dont le complet achèvement ne demanda pas moins de dix-sept années d'études théoriques, de recherches expérimen- tales et de mesures précises, et qui peut encore, sous plus d'un rapport, nous fournir un modèle à imiter. Ses résultats ont mal- heureusement perdu une certaine partie de leur valeur absolue, par suite de deux circonstances. En premier lieu, la résolution de fixer la température normale de l'étalon à 62"F. (i6"|C.), résolution inspirée sans doute par le désir de ne rien changer à de vieilles traditions, et par des considérations de commodité pra- tique qui n'ont plus pour nous aucune importance, cette réso- — 42 - lulion, dis-je, devait inévitablement, en liant la définition même de l'unité à une mesure thermométrique, introduire dans cette définition un certain degré de vague et d'imprécision. On ignorait alors que la définition d'une échelle thermométrique « par la dila- tation du mercure dans le verre » n'est point suffisante et conduit à autant d'échelles différentes qu'il existe de sortes de verre; on ignorait également les lois des variations des thermomètres et les méthodes propres à en tenir compte et à en éliminer les effets. En deuxième lieu, il paraît certain que, malgré l'extrême souci qui hanta constamment la Commission de construire ses règles d*une matière stable et exemple de toute variabilité avec le temps, malgré les efforts qu'elle fit pour tâcher de leur garantir cette qua- lité, elle n'y put réussir qu'imparfaitement. Si l'on met en regard avec les comparaisons de Sheepshanks celles qui ont été faites depuis en Angleterre, aux États-Unis et en France, sur un certain nombre de ces étalons, il est difficile d'échapper à la conviction qu'ils ont changé, depuis l'origine, de quantités sensibles. Pour cette double raison, il nous serait impossible de garantir que la relation qui a été déterminée récemment, au Bureau international des Poids et Mesures, entre le Mètre et l'Impérial Standard Yard dans son état actuel, corresponde à la valeur primitive de l'unité du Système britannique, jusqu'au degré d'approximation avec lequel la Commission anglaise s'était proposé et s'était flattée de fixer celte unité. Russie. — Pendant ce temps, d'autres nations s'occupaient éga- lement à essayer de mettre un peu d'ordre dans le chaos de leurs poids et mesures et d'en fixer aussi bien que possible les unités principiiles. lin Russie, le Gouvernement avait, dès i833, chargé de cette tache une Commission, des travaux de laquelle KupflTer rendit compte dans un Ouvrage important publié en iS.ji* L'unité russe était légalement la sa gène , égale par définition à sept pieds anglais; mais elle n'était représentée par aucun étalon authentique et vérifié. On construisit une sagène-élalon en fer, de longueur exacte, qui fut reliée aux mesures anglaises par rinterniédiaire d'un yard fourni par Kater; ainsi qu'une sagène témoin, dite sagène normale, dont la disposition, assez singulière et compliquée, ne comportait pas moins de six règles de platine et de six règles de — 43 - laiton associées en groupe. Pour l'éxecution et l'étude de ces règles, on avait monté divers appareils, entre autres un grand comparateur, analogue à ceux dont j'ai déjà parlé, mais muni de quatre microscopes à micromètre; au réticule à deux fils croisés était substitué le réticule à deux fils parallèles. A chacun des mi- croscopes était adapté un tracelet pour permettre d'exécuter des copies. Ces divers dispositifs, inférieurs, sans aucun doute, à ceux dont la Commission anglaise devait se servir un peu plus lard, représen- taient pourtant des progrès sensibles sur ce qui avait été fait jusqu'à ce moment. Tous les étalons étaient à traits. Allemagne. — Cependant l'étalon à bouts n'était pas abandonné. En 1828, Bessel avait fait construire par Fortin une copie de la Toise du Pérou, qui était une simple règle plate de fer terminée par des surfaces sensiblement planes et perpendiculaires à sa lon- gueur. Bessel, semble-t-il, nourrissait, à l'égard des règles à traits, quelques préventions, qui lui avaient été inspirées par les observa- tions de Kater sur l'influence des courbures et sur l'influence de l'équation personnelle de chaque observateur, double influence qu'il est si aisé de faire disparaître dans des étalons convenable- ment construits. La forme à bouts s'adaptait mieux d'ailleurs aux expériences que Bessel avait en vue, et dont l'objet devait être la détermination de la longueur du pendule battant la seconde à Kœnigsberg. Cette même règle lui servit, en i8.^5, à ajuster un nouvel étalon pour le rojaume de Prusse, étalon qui était encore une règle à bouts, en acier, mais dont les extrémités étaient for- mées par des pièces de saphir inscrustées dans le métal. La toise de Kœnigsberg devait prendre plus tard une impor- tance particulière dans l'histoire de la Géodésie, parce qu'elle devait devenir, d'une façon plus ou moins directe, la base adoptée comme point de départ pour une grande partie des triangulations européennes faites pendant le xix* siècle. Extexision du Système métrique. — C'est vers celte époque que, en France, le Système métrique, après avoir rencontré dans son développement bien des résistances et couru plus d'un danger, devenait enfin obligatoire, par une loi du 4 juillet 1837, bientôt - u - suivie d'une série d'ordonnances, de décrets et d'instructions ayant pour objet l'organisation du service des Poids et Mesures. En même temps, le Gouvernement français se préoccupait d'entrer en relation avec les autres Gouvernements pour propager le Sys- tème métrique chez tous les peuples, conformément au vœu et à l'espoir de ses fondateurs, et pour le plus grand avantage de tout le monde civilisé. Il n'entre nullement dans le plan de cetle Note de faire Tliisloirc de cette extension progressive, ni de rappeler les manifestations d'opinion qui, à diverses reprises, se sont pro- duites tant en France qu'à l'étranger, ont contribué à en accélérer la marche, et ont peu a peu amené un certain nombre d'États à adopter le Système métrique, soit facultativement, soit obligatoi- rement. J'indiquerai seulement que le service des Poids et Mesures de France, centralisé des lors au Conservatoire des Arts et Mé- tiers, perfectionna son outillage, et fit en particulier construire par Gambey un comparateur à mouvement longitudinal, avec micro- scope et tracelet, pour la comparaison des mètres à bouts et des mètres à traits, lequel servit à vérifier un assez grand nombre d'étalons qui furent distribues en divers pays. Ces opérations, tou- tefois, faites essentiellement dans le but de favoriser le dévelop- pement du Système métrique, à un point de vue plutôt industriel et commercial qu'à un point de vue rigoureusement scientifique, ne marquent pas de progrès sensible dans la Métrologie, et il n'y a pas lieu de s'y arrêter. Il faut cependant accorder une mention spéciale aux déterminations que fil, en 1859 et i863, une Com- mission composée de Regnaull, Le Verrier, Morin et Brix sur les étalons métriques en platine que le Gouvernement prussien possé- dait depuis 1867, et pour lesquels les anciennes vérifications d'Arago et de Ilumboldt étaient reconnues insuffisantes. Ces dé- terminations étaient le préliminaire de l'introduction du Système métrique en Allemagne, qui eut lieu en 1868. Je citerai également^ comme ayant été faites en vue d'une application plus exclusive- ment scientifique, les opérations exécutées en 1866, au Conserva- toire des Arts et Métiers, par Tresca et Perrier, pour étalonner les verges, laiton et acier, de Tappareil bimétallique à traits que Porro avait construit quelques années auparavant pour le Dépôt de la Guerre, et qui devait immédiatement après servir à la mesure des deux bases de contrôle de la triangulation algérienne. — 45 - Mesures géodésiques. — La science géographique , comme je l'ai déjà dit, et surtout sa partie la plus élevée, la Géodésie, avait du reste depuis longtemps exercé une heureuse influence sur le dévelo])pement de la Métrologie. La Géodésie, mettant en œuvre les méthodes d'observation et de calcul les plus rigoureuses et les perfectionnant sans cesse, ne pouvait cependant en tirer un parti définitif sans demander à la Métrologie les points de départ fonda- mentaux de toutes ses mesures. Elle était l'aiguillon qui forçait cette dernière à avancer; à certains moments, on l'a vue la pré- céder. D'immenses travaux étaient exécutés pour déterminer la forme et les dimensions de la terre; tous les pays civilisés se cou- vraient de vastes triangulations, appuyées sur des bases mesurées en divers points, avec des instruments variés, et rapportées à des étalons divers. Les instruments de mesure, progressivement amé- liorés, devenaient des appareils de haute précision, de véritables comparateurs transportables, munis de tous les organes nécessaires pour assurer aux mesures faites sur le terrain une exactitude com- parable, ou peu s'en faut, à celle que l'on peut atteindre dans un laboratoire. Le dernier type et le plus perfectionné était l'appareil de bases, à règles bimétalliques, platine et laiton, qui fut construit en i855 par la maison Brunner pour la Commission de la Carte d'Espagne, qui fut étalonné l'année suivante par comparaison avec le module de Borda, et dont depuis d'autres exemplaires ont été réalisés par les mêmes artistes pour les Services géographiques de France, d'Allemagne et d'Egypte. Convention du Mètre. — Pour utiliser cette masse de documents récoltés ainsi sur tous les points du globe qui nous porte, pour en discuter les résultats et en tirer des conclusions, il fallait avant tout se mettre d'accord sur les unités en fonction desquelles ils étaient exprimés. Clarke avait fait en 1864 et i865, dans son labo- ratoire de Southamplon, à V Ordnance survey Office, une série con- sidérable de comparaisons entre un certain nombre d'étalons et de règles géodésiques appartenant aux systèmes de la Toise, du Yard et du Mètre. Mais on jugeait déjà que ces efforts partiels et locaux étaient insuffisants. En 1867, la Conférence géodésique interna- tionale, réunie à Berlin, émit le vœu que, dans l'intérêt de la Science en général et de la Géodésie en particulier, un système unique de - 43 - poids et mesures, avec subdivisions décimales, fût adopté en Europe; que le système choisi fût le Système métrique; qu*un nouveau mètre prototype européen, de longueur égale à celle du mètre des Archives de France, fût construit, ainsi que des copies en nombre suffisant pour être distribuées aux différents pays, par les soins d'un Comité dans lequel les États intéressés seraient représentés; enfin qu'il fût créé un Bureau international des Poids et Mesures. Celait indiquer les premières bases* de Tentente qui devait se manifester bientôt après par la réunion de la Commis- sion internationale du Mètre, dont la première session eut lieu en 1870, et qui devait aboutir un peu plus tard à rorganisation actuelle du Service international des Poids et Mesures, telle qu'elle a été créée par la Convention diplomatique du Mètre, signée le 20 mai 1875 par les représentants de dix-huit États; ce nombre a été porté depuis à vingt-deux par des adhésions successives. L'œuvre dont le premier programme, singulièrement élargi ensuite, avait été esquissé par la Conférence géodésique de 1867, s'est accomplie depuis celte époque. Les prototypes internationaux, non seulement de longueur, mais aussi de masse, ont vu le jour. Des copies en nombre considérable, vérifiées avec le plus grand soin, par les méthodes et au moyen des instruments les plus per- fectionnés que la science et Tari de la construction puissent mettre aujourd'hui à notre disposition, ont été distribuées aux Gouvernements signataires de la Convention pour devenir leurs prototypes nationaux. D'autres copies, aussi bien déterminées, ont été largement répandues parmi les institutions publiques, les sociétés scientifiques, les observatoires, les laboratoires, chez les savants ou chez les constructeurs de tous les pays. Les règles géodésiques des appareils de base appartenant aux Services géo- graphiques de France, d'Allemagne, d'Autriche, d'Espagne, de Russie, de Suède, de Norvège, de la République Argentine, delà colonie du Cap, ont été comparées et rapportées au prototype fondamental. Les relations entre l'unité du Svslème métrique et les unités d'anciens systèmes, tel que celui de la Toise, ou ceux de systèmes encore actuellement en usage dans certains pays, tels que celui du Yard, ont été établies avec plus d'exactitude. En même temps, on étudiait, ou soumettait aune minutieuse revision di- verses questions annexes, telles les questions thermométriques, — 47 — par exemple, qu'il serait abusif de qualifier d'accessoires, tant elles interviennent directement et à tout moment dans le travail du mé- trologiste. Je n'ai pas à m'étendre ici sur cette phase récente de l'histoire du Système métrique et de la Métrologie en général. Notre collègue M. Guillaume s'est chargé de faire <;onnaître au Congrès celles des résolutions prises, soit par la Commission du Mètre, soit par le Comité international des Poids et Mesures, qui sont d'un intérêt général pour la Science. De ces résolutions, et des suites qui leur ont été données, je ne retiendrai ici que ce qui intéresse immédiatement mon sujet, c'est-à-dire ce qui se rapporte au perfectionnement des étalons de premier ordre et aux progrès des méthodes et des instruments de mesure. Prototypes métriques. -^ La Commission avait décidé de prendre pour point de départ, dans l'établissement des nouveaux prototypes internationaux, les anciens étalons des Archives de France, dans leur état actuel. On conservait donc sagement les anciennes unités, de manière à ne produire aucune scission, aucun saut systématique entre les mesures qui leur avaient été rapportées jusqu'à ce moment et les mesures à venir. Mais il s'agissait de donner à ces unités des représentants matériels nouveaux, dans lesquels, en mettant à profit l'expérience acquise pendant un siècle, on s'efforcerait de réunir, au plus haut degré possible, les conditions essentielles qu'on doit exiger des étalons fondamentaux appelés à fixer les valeurs de tous les autres, et à donner dans tous les domaines les bases exactes de toute mesure. Ces conditions peuvent se ramener à deux ordres d'idées : premièrement l'inaltérabilité, l'invariabi- lité avec le temps; deuxièmement des dispositions propres à assurer, dans la définition de ces prototypes, et à permellre dans les déterminations auxquelles ils doivent servir de point de départ, la plus haute précision réalisable, de manière a satisfaire aux plus sévères exigences de la Science et des arts techniques. Conformément à la proposition que fit Saiûte-Claire Deville, comme conséquence de ses beaux travaux sur le platine et les métaux de la mine de platine, on adopta pour la matière des nou- veaux prototypes un alliage de platine et d'iridium, à lo pour loo d'iridium, alliage possédant une inaltérabilité absolue, une grande dureté, un coefficient d'élasticité élevé, un coefficient de dilata- — 48 - lion faible, susceptible de fournir de bonnes surfaces et de recevoir un beau poli. On prépara des barres de ce métal, qui durent subir une série d'essais physiques et mécaniques, furent chauffées et refroidies à plusieurs reprises, tantôt lentement, tantôt brus- quement, soumises à Taction de chocs répétés ou de vibrations continues pendant plusieurs heures; elles y résistèrent sans pré- senter aucune trace de changement. Pour la création des nouveaux prototypes de l'unité de lon- gueur, la Commission se prononça sans hésiter en faveur de l'étalon à traits. Les conditions essentielles auxquelles on se proposait de satis- faire étaient les deux suivantes : donner aux règles une rigidité aussi grande que possible, tout en y employant une quantité de matière assez modérée pour ne pas entraîner, étant donnée la valeur du platine et de l'iridium, un prix exorbitant et presque prohibitif; et secondement placer les traits dans le plan des fibres neutres. H. Tresca fit une élude complète de la question, et en présenta les conclusions à la Commission internationale dans un Rapport dont j'extrairai quelques passages : On sait, disait-il, pour ne parler d'abord que de la flexion que peut éprouver la règle entre les points sur lesquels elle serait portée, que la seule longueur qui ne change pas sensiblement est celle qui serait tracée dans le plan parallèle aux supports et passant par les centres de gravité de toutes les sections transversales. En dehors de ce plan, toute ligne lo«- gitudinale convexe est allongée, toute ligne concave est raccourcie; et cela d'autant plus, de part et d'autre, que la flèche est plus grande et que les faces extérieures sont plus éloignées du plan des fibres moyennes. Pour éviter cette influence, qui est loin d'être à négliger, on a eu re- cours, pour un certain nombre d'étalons, à difl'érentes dispositions qui permettent de placer les traits qui définissent leur longueur dans le plan moyen. Tantôt on creuse des puits jusqu'au milieu de l'épaisseur de la règle, et c'est au fond de ces puits que la longueur se trouve définie par les traits; tantôt on réduit les extrémités tout entières à la moitié de leur section normale, en conservant ainsi des talons d'une hauteur moitié moindre, et qui reçoivent également les traits qui définissent la mesure. Dans l'un et l'autre cas, on met à nu une petite partie du plan moyen de la règle, de manière à éviter l'influence de son épaisseur plus ou moins grande. Nous avons pensé que cette altération partielle de la section transversale de la règle, dans une partie phjs ou moins grande de sa longueur, n'était — 49 ~ pas sans inconvénient au point de vue de Tinterruption qui en résultait pour certaines files longitudinales de molécules, et nous avons cherché à résoudre le problème, en nous assujettissant à laisser apparaître, sur toute sa longueur, une partie du plan moyen assez large pour que les traits terminaux puissent être tracés sur ce plan, à peu de distance de ses extré- mités. Gela revient, en définitive, à employer une forme exactement pris- matique, dont la section droite est disposée de telle façon que le plan horizontal, qui contient le centre de gravité, forme une sorte de tablette, accessible aux outils traceurs et aux visées des microscopes. Tresca montrait ensuite que le tracé sur le plan des fibres neutres, nécessaire pour rendre la longueur de l'étalon indépen- dante des effets de la pesanteur, n'est pas moins efficace si l'on considère les déformations qui peuvent résulter d'inégales ré- partitions dans la température, ou encore des frottements qui peuvent se produire entre la règle et son support. Après avoir étudié un certain nombre de sections satisfaisant plus ou moins parfaitement aux conditions indiquées, il proposait le profil, dit en X avec talons, qui est représenté dans la fig, 3a, et qui fut Fig. 3. h n n Profils mettant à découvert le plan des fibres neutres. adopté. Ce profil est compris dans un carré de 20™" de côté, avec nervures d'une épaisseur constante de 3"", mesurée suivant la direction horizontale, à l'exception des jambages inférieurs, qui ont subi un léger amincissement, afin de ramener le centre de gravité, par raison de symétrie, au milieu de la hauteur. C'est sur la surface supérieure du jambage transversal que doivent être gravés les traits limitatifs. Cette forme satisfaisait donc rigoureusement à la condition du plan neutre. Pour montrer quels étaient ses avantages au point de vue de la rigidité du solide obtenu, il ne sera peut-être pas sans intérêt de reproduire quelques chiffres. L'aire transversale S du profil du Mètre des Archives étant représentée par i, l'aire du nouveau prototype était égale à 1,509; ^^ quantité de matière em- ployée était donc augmentée très sensiblement d'un tiers. Avec C. P.,I. 4 - 50 - cet accroissement, qui n'avait rien d'exorbitant, le moment d'iner- tie 1 de la section par rapport à l'axe neutre, lequel mesure la ré- sistance de la règle à la déformation sous l'action d'eflbrts exté- rieurs, devenait 89 fois plus grand. Le coefficient de raideur, c'est-à-dire le rapport ^ de ce moment d'inertie à l'aire de la sec- tion, rapport dont l'inverse mesure la déformation de la règle appuyée sur deux supports sous l'action de son propre poids, de- venait 26 fois plus grand. Si ces deux supports étaient placés aux points correspondants à la flexion minima (*), la flèche maxima entre les points d'appui était d'à peu près 8ijl; la dénivellation totale entre les points extrêmes et le point milieu était inférieure à 4u'- Le raccourcissement de la fibre neutre, c'est-à-dire la diffé- rence entre la longueur de cette fibre et la longueur de sa projec- tion horizontale, lorsque, dans cette même position des supports, elle est fléchie par l'action de la pesanteur, était de 01^,0004 en- viron, quantité calculable, mais impossible à mesurer par aucun moyen. Enfin, pour faire voir quelle est l'importance d'une telle disposition, j'ajouterai que, tandis qu'un déplacement des sup- ports entre les limites exlrêmes possibles, c'est-à-dire depuis les extrémités de la règle jusqu'à son milieu, fait varier la longueur du plan neutre de oH-, 6, ce même déplacement fait varier la lon- gueur de la surface supérieure des nervures latérales (ou la dis- tance de deux traits qui seraient tracés près des bouts de cette surface) de 4oîJ'- environ, quantité -o fois plus grande et i5o ou 200 fois supérieure aux limites d'incertitude que Ton peut se flatter de ne pas dépasser dans les déterminations de ces longueurs. Ces chiffres ont été vérifiés par Texpérience. La forme proposée par Tresca, et adoptée j)ar la Commission internationale, satisfait donc d'une manière remarquable aux con- ditions qu'on s'était imposées. Ajoutons que le plan neutre mis à découvert dans toute la longueur permet, si l'on veut, de tracer une échelle entière, par exemple un mètre subdivisé en milli- mètres. Sur les prototypes, cependant, on n'a marqué que les traits limitatifs du mètre, en encadrant seulement chacun d'eux (*) C'esl-à-dire, ainsi que Bcssel l'a indiqué le premier, en des points situés symétriquement, à une distance égale à 0,5594 de la longueur de la règle. — 51 — entre deux autres traits à ua demi-millimètre de distance; l'en- semble de ces deux traits auxiliaires donne à chaque bout de la règle un étalon du millimètre, qui, une fois sa valeur déterminée, peut servir à faire la tare exacte des micromètres employés dans les comparaisons. L'ensemble des trois traits est recoupé par deux lignes longitudinales, distantes de deux dixièmes de millimètre, qui marquent Taxe de la règle; c'est la partie des traits transver- saux comprise entre ces deux lignes qui seule définit la longueur et est employée aux mesures. La portion de surface du jambage horizontal sur laquelle sont tracés ces traits a été polie aussi par- faitement que possible; on a reconnu, en efiet, après des essais comparatifs, que cette condition est indispensable pour permettre d'obtenir des traits fins et à bords nettement limités, capables de définir des longueurs avec le maximum de précision. Les prototypes ainsi construits devaient répondre à un but tout spécial ; ils étaient destinés à fixer, avec le plus haut degré de pré- cision possible, dans l'état actuel delà Science, l'unité fondamen- tale des mesures de longueur, à porter cette unité dans toutes les parties du monde, et à en assurer la conservation. Extrêmement coûteux encore, à cause du haut prix de la matière qui les consti- tue, leur nombre doit rester forcément assez limité. Ne portant pas l'échelle entière de la subdivision du mètre, ils sont im- propres à être employés directement à la plupart des applications que comportent les recherches scientifiques. 11 faut donc néces- sairement, dans celles-ci, avoir recours à des étalons dérivés ou de deuxième ordre, plus accessibles aux budgets ordinaires des laboratoires ou des savants, et dont on pourra faire varier les dis- positions suivant les circonstances. Ces étalons ne présenteront pas, assurément, les mêmes garanties d'invariabilité et de durée indéfinie que les précédents, et devront être contrôlés de temps en temps. Mais, à tous les autres points de vue, on peut leur donner, et il y a évidemment tout avantage à le faire, les carac- tères d'étalons de premier ordre, aptes à servir aux mesures de haute précision. C'est ici l'affaire des constructeurs; mais il ne sera pas inutile d'indiquer quelles sont les conditions qu'une longue expérience de métrologistes nous a fait reconnaître comme nécessaires, et les types d'étalons auxquels elles conduisent. Les - 52 - règles à observer sont d^ailleurs les mêmes que pour les prototypes fondamentaux, et le mode d'application seul est modifié en un certain nombre de points. Conditions auxquelles doivent satisfaire les étalons. — Un étalon de précision doit être fait d'une seule pièce; on doit y éviter les assemblages par le moyen de vis, et l'association de mé- taux hétérogènes par soudure ou autrement : c'est ainsi, par exemple, que nous considérons comme peu recommandable le mode de construction qui consiste à incruster une lame d'argent sur une barre de laiton ou de bronze. L'étalon doit être rigide et difficilement déformable. La matière qui le forme doit être dure et élastique; elle doit pouvoir fournir, pour le tracé des divisions, des surfaces bien polies, qui ne s'altèrent pas avec le temps. La nature, il faut Tavouer, ne nous laisse pas beaucoup l'embarras du choix, lorsqu'il s'agit de satisfaire à la fois à toutes ces conditions; si le platine iridié, qui a été adopté pour les prototypes, les remplit à un haut degré, il n'en est pas de même pour les métaux usuels, et la dernière, en particulier, est difficile à rencontrer. Cependant, les progrès qu'a accomplis, de- puis quelques années, la métallurgie du nickel et de ses alliages avec le cuivre ou Tacier, mettent actuellement à notre disposition des matières dont les propriétés sont très avantageuses et, dans leur ensemble, répondent suffisamment aux exigences indiquées. Ce sont donc ces métaux qui nous paraissent aujourd'hui devoir être adoptés de préférence. Le tracé doit toujours être fait sur le plan des fibres neutres ; mais, peur mettre celui-ci à découvert dans toute la longueur de la règle, on peut au profil en X substituer le profil en H, beaucoup plus facile à construire {Jig^ 3 6). Il est un pefu moins avantageux pour l'utilisation de la matière au point de vue de la résistance aux déformations; mais, comme celte matière est ici de peu de valeur, on en est quitte pour augmenter un peu l'aire de la section. Un autre profil en H avec lalons {fig- 3c) a été adopté, sur nos indi- cations, pour la règle d'acier-nickel destinée à la nouvelle mesure des bases de l'arc de méridien du Pérou. 11 convient d'ajouter que la condition du tracé sur le plan neutre perd son importance et peut être négligée lorsqu'il s'agit — 53 - d^étalons de petites longueurs; par exemple, du décimètre. Les déformations sont alors beaucoup moins à craindre, et leur in- fluence devient négligeable. La surface à tracer doit être polie spéculairement, aussi bien que le permet la structure, le grain du métal. En ce qui concerne le tracé, une longueur est évidemment définie avec d'autant plus de précision qu'elle l'est par un trait plus fin, à la condition que ce trait soit bien recliligne, qu'il présente des bords parfaitement nets, réguliers et parallèles, qu'il supporte TefTet amplificateur des microscopes sans prendre une apparence grossière et défectueuse. Dans les prototypes, on a donné aux traits une largeur de 6 à 8 microns ; nous avons reconnu depuis qu'on peut avec avantage les réduire à 2 ou 3 microns. Il semble difficile de descendre beaucoup en dessous; on est, en effet, arrêté dans cette voie par la nécessité de laisser au trait une profondeur assez grande pour que sa conservation soit assurée. La qualité du trait, sa netteté, sa pureté dépendent avant tout du choix de la pointe traçante en diamant, dont Télude doit être faite avec le plus grand soin. L'axe de l'échelle doit être marqué par deux lignes longitudi- nales qui traversent la division dans toute sa longueur, à une petite distance (-j^ de millimètre par exemple) l'une de l'autre. C'est la portion des traits comprise entre ces deux lignes qui, seule, compte, sur laquelle on fait, s'il y a lieu, l'étude des erreurs de division, et qui est toujours employée dans les mesures. Comparateurs. — La Section française de la Commission internationale du Mètre, chargée de poursuivre les travaux relatifs à la construction des nouveaux prototypes métriques, avait monté, au Conservatoire des Arts et Métiers, deux comparateurs : l'un à mouvement transversal, qui servit à établir le passage entre l'ancien Mètre des Archives et le Prototype international, par l'intermédiaire d'un mètre provisoire; l'autre à mouvement lon- gitudinal, qui servit au tracé de tous les nouveaux prototypes. Un peu plus tard, le Bureau international des Poids et Mesures, établi à Sèvres, près de Paris, formait à son tour son outillage et installait un certain nombre de comparateurs. Ces comparateurs, qui sont aujourd'hui au nombre de six, présentent des dispositions plus ou moins variées, suivant les objets spéciaux auxquels ils — 54 - sont destinés : comparaisons des mètres à traits; — détermination des subdivisions ou des multiples de l'unité, et des corrections des échelles divisées; — mesures des dilatations par la méthode absolue ou par la méthode relative; — comparaisons des longueurs à bouts avec les longueurs à traits; — comparaisons des longueurs à bouts entre elles; — détermination des règles géodésiques qui servent à mesurer les bases sur le terrain. Il ne peut entrer dans ma pensée de décrire ici ces divers instruments, ni les dispositifs variés par lesquels l'ingéniosité des constructeurs s'est appliquée à satisfaire à des exigences souvent assez compliquées et parfois assez difficilement conciliables. Mais tous les comparateurs ont des caractères généraux qui leur sont communs; et, après avoir indiqué ce que doit être un étalon de premier ordre, je m'arrêterai un instant à passer rapidement en revue les conditions essentielles auxquelles doit satisfaire l'instrument qui sert à le déterminer. Tout comparateur pour longueurs à traits se compose essen- tiellement de microscopes à micromètre, sous lesquels on fait passer successivement les étalons à comparer. La première con- dition qu'il doit remplir est la stabilité. L'instrument tout entier est porté sur de profondes fondations de maçonnerie, isolées du bâtiment environnant. Les microscopes sont scellés, par l'inter- médiaire d'éqiierres de fonte, sur de lourdes pierres; une fois mis en place et exactement réglés en position, on n'y touche plus dé- sormais. Dans le cas cependant d'un comparateur universel, qui doit pouvoir s'adapter à des longueurs diverses, le corps de ces microscopes est invariablement lié à un chariot massif, qui permet de les déplacer à volonté en les faisant glisser le long d'une forte charpente. Même solidité doit être demandée à la partie du com- parateur qui porte les règles. D'une manière générale, tous les organes ne sauraient avoir trop de masse et de robustesse. Enfin, il est avantageux que le comparateur soit installé, autant que pos- sible, dans un endroit tranquille, à distance suffisante des voies à circulation intense, des chemins de fer, des machines, de toutes les causes qui peuvent produire des trépidations dans le sol. Les règles à comparer sont généralement portées par deux bancs parallèles, et appuyées sur deux rouleaux placés à la distance voulue pour la flexion minima. Le mouvement du chariot du com- — 55 - parateur les amène Tune après l'autre sous les microscopes. S'il s'agit de déterminer les erreurs d'une division, la règle qui la porte est placée sur un chariot qui peut glisser longitudinalement, de façon à faire passer successivement sous les microscopes les dif- férentes parties de la division. Il est à peine besoin de dire que le comparateur doit être muni de mécanismes appropriés pour que ces mouvements puissent être exécutés avec facilité et sûreté. Il faut encore ajuster les règles exactement en bonne position, et, pour ce faire, les mouvoir longitudinalemen^ ou transversalement et les mettre au point sous les microscopes. Toutes ces rectifi- cations doivent pouvoir se faire rapidement, et être au besoin mo- difiées au cours même des expériences, au moyen de transmissions dont l'opérateur trouve commodément sous sa main la commande, tout en ayant l'œil à l'oculaire. Les dispositions générales de l'in- strument indiquent, dans chaque cas, les solutions les plus avan- tageuses. Une , troisième condition est d'avoir des protections suffisantes pour assurer la constance et l'uniformité de la température. Dans certains cas, le comparateur tout entier est entouré d'une boite d'où émergent les oculaires des microscopes et les boutons des trans- missions. D'autres fois, c'est la partie mobile, seule, qui est en- fermée dans une boîte à double paroi, dont l'espace annulaire est rempli d'eau, tandis que d'épais couvercles ne laissent subsister que les petites ouvertures strictement indispensables pour les mesures. Les meilleures conditions sont réalisées, à ce point de vue, en im- mergeant les règles elles-mêmes dans de Teau. Cette pratique de- vient obligatoire lorsqu'on opère à des températures différentes de la température ambiante, par exemple dans les mesures de dilata- tion. Ces températures s'obtiennent et se maintiennent constantes pendant les expériences au moyen d'une circulation, dans la double enveloppe du comparateur, d'eau fournie par un réservoir extérieur. Un agitateur, mû généralement par une petite dynamo, mélange les couches dans l'intervalle des mesures et assure l'uniformité» La température est mesurée par une série de thermomètres, par- faitement étudiés, placés à côté des règles, à la hauteur de leur axe, et dont les réservoirs sont distribués symétriquement dans les diverses parties du bain. Ajoutons enfin qu'on diminue l'in- fluence des causes perturbatrices en installant le comparateur dans - 56 - une vaste salle, à murailles épaisses, isolée de Textérieur par des couloirs, et éclairée par des fenêtres disposées de façon à ne jamais laisser pénétrer à Tintérieur les rayons du soleil. Il n'est pas besoin d'insister sur les qualités optiques que Ton doit demander aux microscopes pour la clarté et la netteté des images. La construction des micromètres a fait, entre les mains d'artistes habiles, de grands progrès. Le temps perdu entre la vis et l'écrou est éliminé par des ressorts qui maintiennent constam- ment le contact sur les mêmes faces des filets, et ce n'est guère plus que par acquit de conscience que l'on se condamne à terminer toujours un pointé dans le même sens. Dans les micromètres des bons constructeurs, les erreurs progressive et périodique de- viennent si faibles qu'elles sont difficilement déterminables. J'ai déjà dit que depuis longtemps on a substitué au pointé par deux fils croisés le pointé par deux fils parallèles. Dans ce dernier pro- cédé, on juge de la coïncidence de l'axe du trait avec l'axe de la paire de fils par l'égalité des deux petites plages lumineuses qui bordent le trait de part et d'autre, entre lui et les deux fils. Ce mode de mesure, en quelque sorte photométrique, fondé sur l'identité des sensations produites par deux phénomènes extrême- ment voisins, est sans aucun doute plus précis. Il présente en outre un avantage important. L'image d'un trait grossi par un microscope décèle souvent quelques petites irrégularités; le point de croisement de deux fils placés anguiairement l'un sur l'autre peut tomber précisément sur l'un de ces points défectueux; avec deux fils tendus parallèlement, on fait aisément abstraction de ces accidents locaux, et l'on encadre le trait dans son ensemble, dans toute la longueur utile. L'influence des diflerences d'appréciation propres à divers observateurs est ainsi notablement atténuée. La difl'érence' de largeur des deux plages lumineuses se juge d'autant plus aisément qu'elles sont plus étroites. La distance qui sépare les fils doit donc être appropriée à la largeur des traits aux- quels ils doivent s'appliquer. Un micromètre porte, en général, plusieurs paires de fils, inégalement écartés, tendues sur son châssis, à des distances suffisantes les unes des autres pour que la dissymétrie qui en résulte dans le champ ne puisse pas donner lieu à des illusions d'optique et apporter du trouble dans les pointés. - 57 — Un point qui mérite une attention particulière est Téclairenient de la surface de la règle sous le microscope. Les éclairages obliques, dont on s'est longtemps servi, et qui sont encore accep- tables pour des surfaces à poli mat ou douci, diffusant la lumière dans toutes les directions, doivent être tout à fait abandonnés pour les surfaces présentant le poli spéculaire; il est évident, en effet, que tout rayon tombant obliquement sur une surface de ce genre, est renvoyé obliquement, et ne pourrait pénétrer dans le corps du microscope que si cette surface élait elle-même inclinée par rapport à son axe. Le faisceau lumineux doit tomber normale- ment sur la surface, et être par conséquent dirigé en dernier lieu suivant la direction même de Taxe du microscope. Mais Téclaire- ment doit satisfaire, en outre, à des conditions qui ont été analysées avec beaucoup de soin par M. Cornu, et qu'il a résumées dans les deux prescriptions suivantes : 1° Le champ de vision doit être uniformément éclairé dans toute son étendue; 2° L'anneau oculaire du microscope, examiné avec une loupe convenable, doit avoir une forme symétrique par rapport au trait, et présenter un éclat uniforme. Des dispositifs assez variés permettent de réaliser, de façon à peu près équivalente, ces conditions, dont je ne puis m'arrêler ici à développer les raisons théoriques, aisément vérifiables d'ailleurs par l'expérience. Le plus généralement, la source éclairante est une petite lampe électrique à incandescence, suivie d'un collima- teur muni d'un verre dépoli, qui substitue au filament lumineux étroit une surface de quelque étendue d'éclat uniforme.- L'image de celte surface, produite par une lentille, est projetée sur la règle à illuminer, après réflexion du faisceau lumineux, soit sur un miroir ou un prisme placé sous l'objectif et qui en masque la moitié, soit préférablement sur une glace transparente fixée à 45® d'inclinaison dans le corps même du microscope. Il reste enfin à dire quelques mots du grossissement. Celui-ci, depuis l'origine, et au fur et à mesure des perfectionnements introduits dans les appareils d'optique, a tendu à être augmenté progressivement; il est certain qu'on a pu ainsi gagner en préci- sion. Dans nos comparateurs actuels il varie depuis 8o fois jusqu'à 25o fois environ, suivant les cas particuliers auxquels s^appliquent — 58 - les mesures. Il ne faudrait pas croire toutefois qu'il y a toujours intérêt à forcer de plus en plus le pouvoir amplificateur des micro- scopes; au delà d'une certaine limite, variable avec les conditions des expériences, on ne gagne plus en marchant dans cette voie. En effet, l'apparence d'un trait gravé sur la surface d'un étalon change lorsque augmente le grossissement sous lequel on le regarde. Les bords, d'abord très nets, deviennent un peu vagues eljloiis; de petites irrégularités, qui étaient insensibles, apparaissent et s'ac- cusent avec une importance croissante; leur aspect peut être un peu modifié par de petites variations dans l'éclairage, dans sa direction, dans son intensité. Le pointé devient alors plus incer- tain; ou bien il se fixe, même inconsciemment de la part de l'observateur, par quelqu'une de ces particularités, qu'un autre observateur appréciera différemment; la concordance de plusieurs pointés consécutifs donne dès lors une mesure illusoire de l'exac- titude réelle obtenue. En réalité des tracés qui supportent des grossissements de 200 ou 2 5o fois ne sont pas communs. D'un autre côté, lorsqu'on augmente le grossissement, on diminue forcément ''^tendue du champ visible; on est alors conduit à faire la tare du micromètre, c'est-à-dire la détermination de la valeur de la division du tambour qui fixe l'unité en fonction de laquelle seront exprimés les résultats des mesures, en s'appuyant sur un intervalle plus petit, sur un intervalle par conséquent qui a été relié à l'unité fondamentale par un étalonnage plus com- pliqué et un plus grand nombre d'intermédiaires. Dans une mesure de dilatation par exemple, le coefficient obtenu restera affecté, en dehors des incertitudes provenant des erreurs acciden- telles, d'une erreur relative systématique de valeur exactement égale à l'erreur relative de la tare : elle sera d'autant plus impor- tante que l'intervalle employé aura été plus petit, même en sup- posant cet intervalle connu avec le même degré de précision absolue. Il faut ajouter aussij à un point de vue pratique, que l'aug- mentation du grossissement au delà d'une certaine limite se concilie difficilement avec d'autres exigences. A moins d'employer des microscopes de dimensions inusitées, on ne peut l'obtenir que par des objectifs à très courte distance focale. Mais la condition du tracé sur le plan neutre de l'étalon impose déjà un minimum — 59 - de distance entre l'objectif et la surface observée. Si la règle est immergée dans l'eau, il faut au-dessus d'elle une couche d'épais- seur suffisante; par-dessus, il faut encore ménager l'espace pour le couvercle de l'auge qui la contient. Pour gagner sur le grossis- sement, il faudrait donc sacrifier quelque chose sur d'autres con- ditions tout aussi nécessaires, et l'avantage final pourrait être problématique. Il est un cas cependant, dans lequel ces objections tombent, au moins partiellement : c'est celui de l'étude des erreurs de division d'une échelle, si celle-ci est tracée en traits fins et nets sur une belle surface. La méthode peut en effet être combinée de manière à s'affranchir complètement de l'influence de la tem- pérature et à rendre négligeable l'effet de l'erreur de tare. Mais je ne puis m'arrêter plus longtemps sur cette question, qui m'en- traînerait trop loin. Causes d'erreurs. — Les causes d'erreur qui peuvent intervenir dans les opérations métrologiques et fausser les résultats sont nombreuses. Les unes tiennent aux instruments et peuvent être considérées comme de nature systématique : telle, par exemple, l'erreur de tare, dont je viens de parler; telles encore les erreurs progressives ou périodiques des micromètres; telle serait encore l'erreur qui serait commise sur la température, en tant qu'elle serait liée à une connaissance imparfaite des thermomètres employés et de leurs corrections. Ces erreurs s'éliminent par l'étude préalable des instruments, ou quelquefois par une combi- naison convenable des observations. C'est ainsi que les deux premières, par exemple, n'ont qu'une influence minime dans les comparaisons de deux prototypes de longueur presque exactement égale, si Ton s'astreint à ramener toujours les traits dans la même partie du champ, de façon à pointer constamment à peu près dans les mêmes divisions du micromètre. Dans d'autres conditions, l'erreur périodique des micromètres s'élimine en déplaçant à chaque fois le pointé d'une fraction aliquote d'un tour de vis, etc. D'autres causes d'erreur peuvent se présenter avec un caractère systématique pendant une certaine durée, pendant une partie d'une expérience, ou même pendant une expérience tout entière; ce serait, par exemple, une distribution inégale de la température dans les différentes parties de l'auge qui contient les règles à - 60 - comparer; ou bien une mise au point imparfaite conservée pen- dant quelques pointés consécutifs. D'autres encore pourraient être classées dans la même catégorie; et, à la rigueur, il n^est pas jusqu'à la fatigue de TobservateLir qui ne puisse être considérée, à un moment donné, comme une cause d'erreur systématique. Tou- tefois, si l'on envisage l'ensemble d'un nombre considérable d'observations, ces causes agiront, à différents moments, de façons très inégales, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, et il sera permis de les considérer, par rapport à cet ensemble, comme accidentelles. On rangera donc dans ce.tte classe toutes les erreurs qui ne peuvent s'inscrire dans des tables de corrections construites d'avance, et s'éliminer que par la répétition des expériences, en en variant les conditions. La première est l'erreur proprement dite de pointé, variable, cela va sans dire, suivant la largeur et surtout la qualité des traits, suivant le grossissement employé, suivant l'habileté de l'observateur. Sans vouloir, par conséquent, donner à l'évaluation que je vais citer une valeur trop générale, j'extrairai des dossiers du Bureau international des Poids et Mesures, à titre d'exemple et d'indication, le résultat suivant d'une longue série de mesures faites pour déterminer celte erreur : un observateur exercé, niesu- rant un intervalle défini par des traits de 7 à 8 microns de largeur, avec un microscope de grossissement mo^en (90 fois environ), a obtenu pour Veneur probable d'un pointé ± ol*,o8, résultat moyen de six séries d'expériences, comprenant 1 5o mesures, et très sensiblement concordantes entre elles. Vient ensuite l'erreur de mise au point, qui altère la valeur micrométrique d'un intervalle. L'ajustement au foyer du micro- scope se fait généralement en se guidant par la netteté de l'image et par la parallaxe. Ces modes d'appréciation comportent, comme toute opération dans laquelle interviennent nos sens, une certaine tolérance. On a imaginé, pour en réduire les limites, divers pro- cédés, parmi lesquels je citerai seuicmeut celui qu'a proposé M. Cornu, et qui consiste à déplacer devant l'objectif un écran percé d'une fenêtre qui le diaphragme partiellement, et à chercher la position de l'objet pour laquelle ce déplacement ne produit aucun déplacement de l'image. Ce procédé peut rendre, dans cer- tains cas, de très grands services. Toutefois, dans les conditions - 61 — habituelles des comparaisons des règles étalons, les intervalles à mesurer sont assez petits pour que Tincertitude de la mise au point n^ait qu^une influence extrêmement faible, souvent tout à fait négligeable. On se contente donc presque toujours d^éli- miner cette erreur, comme la précédente, par la répétition des observations. Quelle que soit la stabilité du comparateur, la distance des axes des microscopes est sujette à varier avec le temps : Tinflucnce de la température sur Fensemble de leurs supports, sur les équerres auxquelles ils sont fixés, et sur les fondations même de rinstrument, produit nécessairement, à la longue, des déplace- ments d^une certaine étendue. Mais ces mouvements sont, dans un appareil bien monté, dVine telle lenteur, que leur eflet reste complètement insensible pendant la durée d^une comparaison. Néanmoins, on admet toujours leur possibilité, et on les élimine par des observations alternées. Quant aux mouvements qui se- raient dus à des trépidations du sol, indices d*une installation faite dans des conditions défavorables, il n^y a, pour en atténuer les eflets, d'autre moyen que de choisir pour opérer les moments où les causes de ces trépidations sont réduites au minimum, et de répéter sullisamment les observations pour que les erreurs qui en résultent prennent le caractère d'erreurs accidentelles. La dissymétrie de position du comparateur par rapport aux pa- rois de la salle qui le contient, aux portes qui y donnent accès, aux fenêtres qui Téclairent, aux objets placés dans le voisinage, par rapport aussi à l'observateur qui, en général, se tient con- stamment d'un même côté, devient aisément une source d'erreurs, en établissant des inégalités de température dans les diverses par- ties de rinstrument. Ces influences peuvent s'exagérer lorsqu'on compare des règles dont les formes, les masses, les surfaces exté- rieures sont très diflerentes. On les diminue beaucoup, ainsi que je Tai déjà dit, en faisant les comparaisons, lorsque cela est pos- sible, les règles étant immergées dans Teau. Et, en tout cas, on achève de les éliminer, en répétant les observations après avoir échangé les règles sur leurs supports. Je dois enfin ajouter encore quelques mots à propos de Y équa- tion personnelle, dont j'ai déjà parlé. Sans qu'il soit bien aisé de comprendre de quelle cause dépend ce phénomène, il est certain — 62 - que, sur un même trail et dans des conditions identiques, tel obser- vateur a une tendance à pointer /or/, tel autre à pointer /ai6/e. Cette divergence d'appréciation n'est d'ailleurs pas absolument constante : elle peut varier suivant les conditions particulières de Tobservation, et aussi, avec le temps, suivant les dispositions mo- mentanées de l'observateur. Si les traits qui interviennent dans une comparaison étaient tous rigoureusement semblables, limités par des bords parfaitement nets et rectilignes, se présentaient dans le champ des microscopes avec une apparence exactement identique, Tiniluence de Téquation personnelle disparaîtrait d'une façon complète, par la raison qu'il n'est pas de détermination métrologique dont le résultat ne soit donné par la différence de deux lectures. Mais les conditions que je viens d'indiquer ne sont pas toujours satisfaites. Les légères imperfections des tracés, rendues d'autant plus apparentes que le grossissement est plus fort, amènent à avoir, en quelque sorte, une équation person- nelle particulière pour chacun des traits. Bien plus : un même trait, placé sous un autre microscope, avec un autre éclai- rage, pourra, quels que soient les soins avec lesquels le tout a été réglé, présenter un aspect un peu différent, entraînant l'ob- servateur à apprécier autrement la position de son axe. On est ainsi conduit, pour éliminer autant que possible les incerti- tudes provenant de cette cause, à répéter les comparaisons après avoir retourné les règles bout pour bout sur leur support. 11 sera évidemment avantageux, en outre, lorsque ce sera possible, de combiner les résultats obtenus par plusieurs observateurs égale- ment exercés, qui pourront d'ailleurs opérer, soit isolément l'un après l'autre, soit simultanément en pointant chacun à un mi- croscope et échangeant leurs places au milieu de chaque série. Lorsque des traits sont défectueux, c'est cette cause physiolo- gique qui limite, plus que toute autre, l'exactitude réelle que Ton peut espérer atteindre. La concordance de plusieurs mesures, faites consécutivement, dans des conditions données, prouve alors peu de chose, puisque ces mêmes mesures, faites dans d'autres conditions ou par un autre observateur, pourraient conduire, avec tout autant de précision apparente, à un résultat sensiblement différent. C'est en s'attachant à réaliser des tracés aussi parfaits - 63 — que possible qu'on peut arriver à rendre ces influences complète- ment négligeables. Celte rapide analyse suffit pour montrer que Inéquation relative de deux étalons ne peut être obtenue avec une certitude suffisante que par la combinaison d'un ensemble de séries indépendantes, assez espacées et faites dans des conditions assez variées pour que les diverses circonstances qui alfectent à un moment donné tous les éléments d'une opération de mesure et l'observateur lui-même aient été sensiblement modifiées de l'un à l'autre. C'est le résultat moyen de cet ensemble qui devra être contrôlé par d'autres résul- tats obtenus d'une manière semblable, et c'est la confrontation de tous ces résultats entre eux qui pourra fournir, par le degré plus ou moins grand de leur concordance, une évaluation un peu sûre de l'exactitude réellement atteinte. Exemple; détermination des prototypes métriques; précision atteinte. — Pour donner une idée de ce qu'est une opération métrolo- gique de premier ordre^ conduite de manière à tenir compte, autant que possible, des divers éléments ci-dessus indiqués et à réunir le maximum de garanties, il me semble que je ne saurais mieux faire que de rappeler brièvement le travail qui a été accompli il y a une dizaine d'années, pour établir les équations des nouveaux prototypes construits par la Commission internationale, et destinés à être distribués aux Etats signataires de la Convention du Mètre. On avait construit d'abord un mètre provisoire, dont la valeur exacte avait été déterminée par des comparaisons faites directe- ment avec l'ancien étalon des Archives. La longueur de ce mètre provisoire une fois connue, servit de point de départ pour tracer, en tenant compte de la correction qu'elle imposait, une série de trente règles, qui devait fournir le nouveau prototype international et ses témoins et les prototypes nationaux demandés par les Gou- vernements. Ces règles, transportées du Conservatoire des Arts et Métiers, où les précédentes opérations avaient été faites, au Bureau international des Poids et Mesures, y furent soumises à une longue série de comparaisons, organisées de la manière suivante : Pour fixer le nombre des opérations à effectuer, les 3o nou- - 6^ - veaux prototypes furent rangés en un Tableau comprenant 5 séries horizontales, de 6 règles chacune, et disposées les unes au-dessous des autres ; on compara alors entre elles, dans toutes les combinai- sons possibles, les règles qui entraient dans chacune des séries, tant horizontales que verticales. Chacun des 3o prototypes s'est trouvé ainsi comparé à 9 autres. En outre, tous furent com- parés au mètre provisoire. Celte première opération servit à désigner, après le calcul de compensation de tous les résultats qu^elle avait fournis, celle des 3o règles dont la longueur reproduisait le plus exactement la longueur de l'étalon des Archives, et que Ton proposa en consé- quence pour devenir le futur prototype international. Ce prototype étant choisi, on le fit sortir du cadre, où on le remplaça par une 31* règle semblable, afin de conserver la symétrie complète dans le schéma et Télégante simplification du calcul qu'elle permet- tait^ et enfin on compara au prototype choisi celles des règles qui n'avaient pas encore été comparées avec lui. Cet ensemble con- duit à un total de 196 combinaisons. Il faut ajouter que chaque comparaison se composait en réalité de quatre comparaisons, dans quatre positions symétriques des règles. Le résultat moyen de ces quatre mesures était considéré comme une observation et fournissait une équation de condition. Ce travail a occupé, pendant plus d'un au, deux observateurs, opérant en général simultanément. Les résultats ont été réduits à la température de zéro, au moyen des coefficients de dilatation qui étaient déterminés en même temps, à l'aide d'un autre appareil et par d'autres observateurs. Enfin le tout a été compensé suivant les procédés de calcul ordinaires, et en admettant l'égalité de poids entre des observations faites dans des conditions à très peu près identiques et que l'on peut considérer comme ayant très sensiblement la même valeur. Ce calcul a donné, pour Verreur probable d'une comparaison, ±z oV-, 1 2, et, pour l'erreur probable de la valeur de l'un quelconque des nouveaux prototypes ainsi déterminés, ±:ol*,o4. D'autres séries de comparaisons, faites au Bureau international des Poids et Mesures, ont conduit, en ce qui concerne la mesure de la précision, à des résultats toujours sensiblement du même ordre de grandeur, et que l'on peut résumer en disant que l'erreur - 63 — probable calculée d'une comparaison (entendue comme je viens de l'indiquer) tombe généralement dans le voisinage de rboH-, i ^ souvent un peu au-dessous. Si Ton veut déduire de ces chiffres Tapproximalion vraie atteinte, ce que Ton peut garantir dans la mesure d'un étalon, il ne faut pas oublier, comme on est quelque- fois un peu trop porté à le faire, qu'une erreur probable déduite de la compensation d'un certain nombre de résultats implique pour tel ou tel d'entre eux la possibilité d'une erreur réelle de deux à trois fois supérieure. Le calcul de l'erreur probable con- duit d'ailleurs fréquemment à une évaluation certainement trop avantageuse de l'exactitude, et pour des raisons qui, en partie au moins, sont faciles à découvrir. Très généralement le nombre des observations qui fournissent la base de ce calcul est trop petit, et la distribution des résidus s'écarte trop de la loi de répartition des erreurs fortuites, pour que le terme même ne perde pas toute signification précise. On n'est jamais assuré, de plus, quelques efforts que l'on ait faits, d'avoir complètement éliminé les erreurs systématiques; en outre de celles qui proviennent des expériences elles-mêmes, le nombre dans lequel se résume finalement une ob- servation conlient presque toujours, à l'état latent en quelque sorte, une certaine quantité de données (corrections ou tare des fliicromètres, corrections des thermomètres, réductions à une tem- pérature donnée par des coefficients de dilatation, etc.), qui y ont été introduites comme de simples coefficients numériques sans •erreur, tandis qu'elles sont, en réalité, elles aussi, des résultats d'expériences affectés de leurs incertitudes propres. Ces considérations ont leur importance lorsqu'il s'agit de juger de la permanence des étalons avec le temps. Il est certain qu'il ne faudrait pas trop se hâter de conclure à une variation réelle, lors- qu'une nouvelle comparaison vient donner un résultat qui ne con- corda pas avec un résultat ancien, dans les limites de leurs terreurs probables ; celte conclusion pourrait être démentie par des expériences ultérieures. C'est ce qui arrive en effet; et lorsque les équations relatives obtenues entre deux règles, à des époques successives, ne présentent aucune marche systématique, leurs -divergences peuvent être considérées comme fournissant aussi une mesure de l'exactitude réalisable. Cette mesure est généralement cin peu moins avantageuse que celle qui est fournie par le calcul C. P., I. 5 — 66 -^ des erreurs probables. En analysant des observations ainsi faites au Bureau international, entre les années 1881 et 1894, par divers observateurs avec différents instruments, et portant sur sept éta- lons de premier ordre en platine iridié, on est conduit à cette con- clusion qu'on peut, dans de bonnes conditions, arriver à garantir, dans la mesure d'une longueur, une exactitude de -^ de micron environ ; il est certainement possible d'aller un peu plus loin, dans le cas d'étalons courts, dans l'étude desquels la température n'in- troduit que des perturbations insigniHantes, à la condition que leurs tracés supportent de forts grossissements; mais j'estime qu'on est sujet à s'illusionner lorsqu'on se flatte de dépasser beau- coup ces limites, avec les étalons et les procédés de mesure dont nous disposons actuellement. Permanence des étalons. Unités naturelles. — La question de la permanence des étalons avec le temps, que je viens d'effleurer, est naturellement de la plus haute importance, au point de vue de la conservation d'un système de mesures. Les conséquences de chan- gements dans les étalons, et particulièrement dans le prototype qui définit l'unité fondamentale, seraient d'autant plus graves pour l'avenir de la Science universelle que les procédés et les instruments de mesure se sont perfectionnés davantage, que la précision dans tous les ordres de recherches est devenue plus grande. C'est la crainte de cette variabilité possible, qui, préoc- cupant les métrologistes du temps passé, leur avait inspiré l'idée de rapporter leurs unités à des grandeurs invariables fournies par la nature elle-même : le mètre au méridien terrestre, le yard au pendule battant la seconde; on pensait alors que, si le prototype venait à être perdu ou altéré, on le reconstituerait aisément en recourant à la base naturelle d'où on l'avait déduit originellement et en recommençant les mêmes opérations. Ce sont les progrès mêmes de la Métrologie qui devaient ruiner cette conception, au moins pour un temps, en faisant reconnaître bien vite que la liaison de Tunité au point de départ choisi pour la définir théori- quement ne pouvait s'obtenir que par Tinlermédiaire d'une série d'opérations compliquées, entraînant toutes des erreurs ou des in- certitudes tellement supérieures à celles qui afiectent la simple comparaison de deux étalons que la reconstitution du prototype - 67 - perdu se ferait loujours avec beaucoup plus de sécurité et d^exac- litude par une simple copie aulhentiquement déterminée. Par le fait, nous avons vu que, dès la première fois que l'occasion s'est produite d'appliquer ce mode de procéder, après l'incendie de Westminster, on l'a repoussé sans hésiter, bien qu'il eût été, à cette époque, formellement prescrit par une disposition légis- lative. On a donc abandonné l'idée des unités naturelles, et Ton en est venu à considérer une unité fondamentale comme une grandeur arbitraire et conventionnelle, dont la valeur est définie et fixée par l'étalon accepté par le consentement de tous comme en étant lai représentation matérielle. Le Mètre, pour nous, c'est, par défini- tion, la longueur comprise entre les axes des traits limitatifs du Prototype international, à la température de o** C. J'ai indiqué succinctement quelles précautions ont été prises, par le choix de la matière et par les épreuves auxquelles celle-ci a été soumise, pour tâcher de garantir à ce Prototype aussi bien qu'à ses copies de premier ordre le plus haut degré d'invariabilité avec le temps qu'il soit possible de réaliser. Je puis ajouter que les nombreuses vérifications qui ont été failes, au Bureau international, depuis que les premières de ces règles ont été construites, ne nous permettent pas de suspecter qu'il se soit produit, jusqu'à présent, dans aucune de celles qui ont fait Tobjet de ces études, des variations réelles appréciables. Elles sont pourtant dans des conditions défavorables relativement au Prototype lui-même qui, à partirdu moment (1889) où il a été sanctionné par les représentants des Gouvernements signataires de la Convention du Mètre, est resté presque toujours immobile dans son étui hermétiquement clos, enfermé, à tempéra- ture à peu près constante, dans un caveau profond, qui ne s'ouvre qu'à de longs intervalles, et après des formalités réglées par la Convention elle-même (*). S'ensuit-il que nous devons être absolument rassurés? Sommes- ( ' ) Le dépôt des prototypes est situé dans le sous-sol de l'Observatoire du Bureau international des Poids et Mesures. Le Mètre prototype a été retiré une fois du dépôt, en 1892, et est resté quelques mois entre les mains du personnel du Bureau, pour une série de déterminations dans lesquelles il était néceissaire. — 68 — nous cerlains que des variations ( * ) gui ne seraient pas encore sen- sibles à nos moyens de contrôle après une vingtaine d'années ne pourraient pas le devenir au bout de cinquante ou de cent ans? Il serait, à coup sûr, imprudent de Taffirmer. Si le platine iridié nous donne, sans aucun doute, plus de garanties que Talliage de Baily, rien ne prouve qu'il ne sera pas, dans^ un temps beaucoup plus long si Ton veut, affecté par des phénomènes analogues. A mesure que les perfectionnements des mesures de précision nous font pé- nétrer plus intimement les propriétés de la matière, nous consta- tons des mouvements, des changements, des transformations, là où nous ne les aurions pas soupçonnés. Nous reconnaissons que la^ma- tière, même celle qui nous paraissait au premier abord la plus immobile et la plus inerte, est en réalité le siège d'une activité in- térieure constamment en jeu, et Ton a pu dire avec raison qu'elle est douée d'une sorte de vie. L'un de nos collègues, le pro- fesseur Spring, va augmenter nos craintes, en nous montrant com- bien est fragile la barrière qui sépare l'état solide de l'état fluide, avec quelle facilité la matière solide est plastique, difl^usible, modi- fiable. Sans rien exagérer, il est donc permis de n'avoir pas une confiance absolue dans l'invariabilité indéfinie d'une barre, même de platine iridié; et il est naturel qu'on ait cherché des moyens de constater des changements dans sa longueur, s'il venait à s'en pro- duire. On a d'abord accompagné le Prototype de témoins^ c'est-à-dire d'autres étalons qui lui ont été comparés et sont conservés avec les mêmes soins que lui. Si, en les comparant de nouveau plus tard, on retrouve les mêmes valeurs relatives, ce sera, sinon une certitude, au moins une probabilité, en faveur de l'invariabilité des uns et des autres. On a songé un instant à faire l'un de ces mètres témoins en quartz, matière qui, cristallisée depuis des milliers d'années, paraît devoir fournir toute garantie d'un état stable et définitif; on n'a cependant pas donné suite à ce projet, dont la réalisation pratique aurait rencontré bien des difficultés. Enfin les progrès de lOptique supérieure devaient plus récemment conduire (') Je ne considère point ici les variations qui pourraient provenir d'accidents, d'altération ou d'usure des trait» par des netioyage;» maladroits, etc. à ridée de comparer Tunité métrique à des longueurs d'ondes lu- mineuses produites dans des conditions déterminées. Ainsi, il est assez curieux de le constater, on est revenu à la fin du siècle à la conception primitive, considérée pendant quelque temps comme chimérique, de rapporter l'unité des longueurs à un repère na- turel, constant ou pouvant être reproduit à volonté identique à lui- même; non plus, il est vrai, pour en établir la définition, mais au moins pour contrôler l'étalon qui la représente et la fixe, ce qui, au fond, n'est pas bien différent. Mais, cette fois, le terme de comparaison choisi, et les procédés dont on disposait pour établir la relation étaient tels que le problème pouvait être abordé et résolu avec une approximation suffisante pour répondre utile- ment au but poursuivi. L'application des phénomènes d'interférence aux questions qui intéressent la Métrologie a été inaugurée par Fizeau, en 1864, lorsqu'il a imaginé la méthode pour la mesure des dilatations à laquelle son nom est resté attaché. Dans cette méthode, on sait que les variations de longueurs produites par les changements de température se déterminent par le déplacement de franges repé- rées par rapport à des points fixes. L'augmentation considérable de la sensibilité due à la substitution du procédé interférenliel au procédé micrométrique permet d'employer de petits fragments, et, par exemple, de mesurer la dilatation d'une règle sur un échan- tillon de quelques millimètres, prélevé, pendant sa construction, sur l'une de ses extrémités. Depuis cette époque, les applications de ce moyen si délicat se sont multipliées, et c'est le premier qui se présente à l'esprit toutes les fois qu'il s'agit de déterminer de très petits déplacements. Dans des expériences bien faites, on évalue avec sûreté jusqu'à j^ ou j^ de frange, c'est-à-dire des quan- tités qui correspondent à quelques millionièmes de millimètre. La mesure des longueurs d'ondes par les réseaux peut évidem- ment être considérée comme un moyen d'établir le rapport entre ces repères naturels et les unités métriques. Mais c'est un moyen trop indirect et trop compliqué, les causes d'erreur ou d'incerti- tude qui s'y accumulent sont encore trop considérables, pour qu'il soit apte à contrôler la permanence du Prototype fonda- mental. Les travaux du Professeur Michelson, les perfectionne- ments introduits par lui dans les méthodes interférentielles, la - 70 — découverte de sources lumineuses nouvelles, plus parfaitemenl monochromaliques que celles connues jusqu'alors, ont fourni la première solution du problème. Noire collègue M. Macé de Lé- pinay doit exposer dans son Rapport les Ingénieux procédés qu'a imaginés le physicien américain, et qu'il est venu mettre lui- même en œuvre, dans un travail exécuté en 1892-1893, au Bureau international des Poids et Mesures, avec la collaboration du per- sonnel de ce Bureau. Je n'ajouterai donc qu'un mol : par l'examen d'ensemble de ce travail, et d'après la concordance de plusieurs séries indépendantes, il semble que nous pouvons aujourd'hui considérer le Mètre comme déterminé, en fonction d'une longueur d'onde bien définie (celle de la raie rouge du spectre du cadmium) avec une exactitude de ^^^^^^^^ environ, c'est-à-dire au micron près. II semble aussi que, si Ton recommençait, en mettant à profit l'expérience acquise et perfectionnant quelques détails soit dans les appareils soit dans la manière d'opérer, il serait possible de gagner encore quelque chose, et de fixer par conséquent la va- leur de l'unité mélrique avec un degré de précision extrêmement voisin de celui que comporte sa définition même par l'étalon pro- totype. Les franges de superposition de MM. Pérot et Fabry nous four- niraient un aulre moyen, en suivant une marche générale ana- logue, de résoudre le même problème. Étalons à bouts. — Je me suis occupé exclusivement, dans ce qui précède, des élalons à traits. L'étalon à traits est en effet re- connu aujourcriiui, d'un consentement à peu près universel, comme le véritable étalon scientifique. 11 se recommande par la simplicité de sa définition, et l'extrême précision dont elle est susceptible, lorsque sa conslrucrion satisfait aux conditions que j'ai indiquées. Les procédés de comparaison qui s'y appli- quent sont purement optiques, el les opérations peuvent être répétées indéfiniment sans aucun danger de produire la plus légère altération. Ajoutons que, dans la pratique dos observations scienlifiques les plus délicates, les mesures sont très fréquem- ment rapportées à des échelles divisées. Il y a un intérêt évident, à ce point de vue, à ce que l'étalon fondamental soit de la même na- ture n{j;ueur. — 75 - du résultat cherché, que je ne puis terminer ce Rapport sans consacrer encore quelques mots à cette question. Si Ton considère l'histoire de la Métrologie à ce point de vue spécial des mesures thermométriques, on y trouve, en quelque sorte, trois phases successives. Dans les travaux anciens, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la question de température joue un rôle exlrémement elTacé. Quelquefois on donne les résultats de compa- raisons, sans même mentionner cet élément. Plus souvent, on in- scrit les lectures des thermomètres, avec une approximation plus ou moins grande, sans fournir aucune indication sur ces thermo- mètres eux-mêmes, sur la manière dont ils ont été construits et vérifiés. On paraît croire que la mesure de la température est la chose du monde la plus simple et la plus facile. Plus tard, on commence à v regarder de plus près; on calibre les ihcrmomèlres, on détermine leurs points fixes; on constate leurs variations et leurs irrégularités; et la conclusion est une con- damnation complète et absolue du thermomètre à mercure. Les Procès-verbaux de la Commission internationale du Mètre, au moment où elle se réunissait, il y a une trentaine d'années, té- moignent encore des opinions qui avaient cours à cette époque parmi les physiciens les plus autorisés : non seulement il n'existait pas deux thermomètres à mercure qui fussent concordants entre eux, mais le môme thermomètre donnait, à divers moments, des indications différentes pour une même température. A partir de ce moment, la question est reprise ab oko. L'accrois- sement de précision que l'on cherchait dans les mesures de lon- gueur imposait^ de toute nécessité, un progrès correspondant dans les mesures de température. On améliore donc la construction des thermomètres; on expérimente diverses sortes de verre; on perfectionne les procédés appliqués à leur étude individuelle; peu à peu on débrouille les lois de leurs variations et l'on apprend les moyens de s'en affranchir. Aujourd'hui enfin, nous sommes arrivés à la conviction que le thermomètre à mercure, qui est d'un usage si commode, peut être en même temps un instrument de précision de premier ordre, à la condition d'être convenablement construit, soigneusement étudié, et employé suivant certaines règles systé- matiques toujours respectées; il faut ajouter aussi à la condition de limiter son application à des températures qui ne dépassent pas — 76 - beaucoup ioo"(*). On trouvera, dans le Rapport de notre collègue M. Chappuis, des détails plus complets sur la comparaison des échelles thermométriques. Il est seulement une conséquence que je ferai remarquer : c'est qu'il y aurait maintenant beaucoup moins d'inconvénient à fixer la température normale d'un étalon à la tem- pérature ambiante moyenne, par exemple, qu'à l'époque où une décision semblable a été prise pour la définition du Yard. Comme nous possédons des échelles thermomélriques bien déterminées et dont la relation avec l'échelle normale de l'hydrogène est très exactement connue, une définition fondée sur une telle base n'en souflrirail plus aucune incertitude appréciable. Le coup d'oeil d'ensemble que je viens de jeter sur le passé et sur l'état actuel de la Science mélrologique, en ce qui concerne les déterminations des longueurs, montre, en somme, que, dans un intervalle de moins de deux siècles, la précision des mesures a augmenté à peu près dans le rapport de i à looo. Pouvons-nous croire que cette marche continuera et que la précision va pro- gresser encore de la même manière? Gardons-nous de défier l'avenir; rien n'est plus imprudent. Cependant, si nous nous en (') L'étude d'un tliermoinctro à mercure comprend essenlieUement le cali- brage de la tige, la détermination de son intervalle fondamental, et celle des constantes élastiques de son réservoir. Dans la première de ces opérations, faites par des méthodes très perfectionnées, sur un thermomètre d'une excellente construction, divisé en dixièmes de degré, les plus grosses erreurs ne dépassent pas, en général, le millième de degré. L'incertitude moyenne de la détermination de l'intervalle fondamental, faite par une série de bonnes expériences, ne dé- passe guère le double de cette limite; mais celte inceriitude est réduite propor- tionnellement à l'intervalle mesuré, généralement inférieur à loo degrés. Les erreurs dues à la connaissance insuffisante des variations élastiques des réservoirs sont le plus souvent négligeables, et ne prennent une certaine importance que dans les thermomètres dont le degré occupe une grande étendue de la lige, c'est-à-dire dont le tube est très fin, ou le réservoir très gros. Aux erreurs des corrections s'ajoutent telles des lectures, que l'on élimine autant que possible en multipliant ces lectures autour d'une température déter- minée. Les comparaisons des thermomètres donnent, par les discordances de divers instruments, la vraie valeur des erreurs qu'ils comportent. Dans des thermo- mètres de premier ordre, parfaitement étudiés et comparés avec soin, les écarts, entre o" et 4»°, dépassent rarement ^b^ ^'^ degré. La réduction à l'échelle normale est connue avec une approximation sensible- ment du même ordre. — 77 — lenons à noire manière de concevoir une longueur et les moyens de la définir par un étalon matériel, aussi bien que les procédés d'observation qui sont applicables à celui-ci, et qui, malgré de très nombreux et importants perfectionnements, sont restés en principe les mêmes depuis un siècle, il nous semble bien qu'on en a tiré maintenant, ou peu s'en faut, tout ce qu'ils étaient sus- ceptibles de donner. Nous avons vu, par exemple, qu'on ne peut guère faire des traits limitatifs plus fins que ceux que nous tra- çons aujourd'hui, sous peine de rendre l'étalon fragile et aisément destructible; que l'accroissement exagéré du pouvoir grossissant des microscopes a chance de conduire à des illusions plutôt qu'à un gain réel, etc. 5 nous avons vu, en général, que la valeur des déterminations métrologiques implique un ensemble de condi- tions, qui doivent marcher de fronl, dans une sorte d'harmonie, sans qu'une amélioration possible dans l'une d'elles oblige à un sacrifice pour les autres. C'est cette harmonie que nous nous effor- çons aujourd'hui de réaliser à la fois dans les étalons, dans les instruments et dans les méthodes d'observation. Mais il se peut que des progrés ultérieurs dans la Science générale amènent à concevoir de nouvelles manières de définir des longueurs, et à imaginer de nouveaux procédés pour les déterminer. L'applica- tion des phénomènes d'interférence, qui a déjà ouvert cette voie d'une façon si remarquable, nous réserve sans doute encore des surprises dans Tavenir. Ma conclusion sera donc celle-ci : je suis persuadé que nos descendants feront mieux que nous; mais, pour cela, selon toute probabilité, ils feront autrement. - 78 LES UNITÉS DE MESURE, Par Gh.-Éd. GUILLAUME, PHYSICIEN DU BUREAU INTERNATIONAL DK8 POIDS ET MESURES. Au moment où quelques questions relatives aux unités em- ployées en Physique sont sur le point d'être discutées dans une assemblée internationale, la Commission d'organisation du Congrès a pensé qu'il serait utile de réunir, dans un travail d'ensemble, les textes des décisions prises par d'autres assemblées, comités, conférences ou congrès. Parmi les définitions sur lescpielles reposent les unités em- ployées par les physiciens, quelques-unes sont universellemenl connues, et il serait superflu de les reproduire ici. En revanche, il conviendra d'entrer dans quelques détails souvent ignorés con- cernant la définition non seulement physique, mais métrolo- gique de certaines unités fondamentales et les dispositions prises pour en assurer la réalisation. La construction d'étalons représenta- tifs de quelques unités particulières a donné lieu, dans ces der- nières années, à des travaux importants d'où sont résultés de sen- sibles progrès, consignés dans des Rapports étendus publiés dans ces V^olumes ; il suffira donc d'indiquer ici les résultats généraux, en renvoyant à ces Rapports pour tous les détails ('). J'insisterai seu- (•) Voir notammenl les Rapports suivants : Bourgeois Bépartitîon de la pesanteur à la surface du globe. Chappuis L'échelle thermométrique normale, etc. GoL'Y Les étalons de force électromotrice. Leduc L'équi^^alent électrochimique de l'argent, etc. Ames Uét]uiK aient mécanique de la chaleur. Gripfiths L'unité de chaleur. Lummer Le rayonnement des solides. — 79 — lement, en terminant, sur quelques perfectionnements qu'il serait sans doute utile d'introduire dans la définition de plusieurs uni- tés, ou de certains coefficients particuliers au sujet desquels règne encore un peu d'indécision. PREMIÈRE PARTIE. HISTORIQUE. Le Système métrique. — Un désir souvent exprimé par les géo- désiens, dont l'Association pour la mesure du degré dans l'Eu- rope centrale avait entrepris de coordonner les travaux, ainsi que la perspective de l'adoption prochaine du Système métrique par plusieurs Etats importants amenèrent, en 1872, la convocation, à Paris, de la Commission internationale du Mètre, chargée d'éla- borer un programme d'aclion commune de la plupart des nations civilisées en vue d'assurer le développement et l'unification des mesures métriques dans le monde entier. Le travail préparatoire de celte Commission fut consigné dans quarante décisions, prises en exécution de la résolution fonda- mentale de conserver, comme unité des mesures et des poids, la longueur du mètre et le poids du kilogramme des Archives de France, mais de les représenter par d'autres étalons appartenant en commun à tous les Etats signataires de la Convention interna- tionale du Mètre, et dont la valeur fût aussi identique que pos- sible à celle de ces prototypes. Les étalons en platine pur des Archives devaient être remplacés par des étalons en alliage de pla- tine et d'iridium, le mètre devait avoir une section plus forte que celui des Archives, enfin sa longueur devait être définie par la distance de l'axe de deux traits tracés sur le plan des fibres neutres, et non plus par la dislance des centres des extrémités comme dans l'étalon des Archives. Les décisions de la Commission qu'il est utile de reproduire ici sont les suivantes : Pour le mètre : I. Pour Texécution du mètre international, on prend comme point de départ le mètre des Archives dans l'état où il se trouve. — so- in. L'équalion du mètre inlernalional sera déduite de la longueur ac- tuelle du mètre des Archives, déterminée d'après toutes les comparaisons qui auront été faites à l'aide des procédés que la Commission internatio- nale du Mètre sera en état d'employer. V. Le mètre international aura la longueur du mètre à o" C. Pour le kilogramme : XXII. Considérant que la relation simple, établie par les auteurs du Système métrique entre l'unité de poids et l'unité de volume, est repré- sentée par le kilogramme actuel d'une manière suffisamment exacte pour les usages ordinaires de l'industrie et du commerce et même pour la plu- part des besoins ordinaires de la Science; considérant que les sciences exactes n'ont pas le même besoin d'une relation numériquement simple^ mais seulement d'une détermination aussi parfaite que possible de cette relation : Considérant enfin les difficultés que ferait naître un changement de l'unité actuelle de poids métrique, Il est décidé que le kilogramme inlernalional sera déduit du kilogramme des Archives dans son état actuel. XXIII. Le kilogramme international doit être rapporté à la pesée dans le vide. Les autres décisions concernant Texéculion des précédentes se rapportent à la délégation des pouvoirs de la Commission Interna- tionale à un (Comité permanent et à la création du Bureau inter- national des Poids et Mesures. La Convention du Mètre, signée le uo mai i8-5, a consacré ces résolutions. On remarque, dans ce qui précède, une différence importante entre les résolutions relatives au mètre et celles qui concernent le kilogramme. Celte différence lient à ce que la Commission fut, des le début, unanime pour adopler la reproduclion pure et simple de la longueur du mèlre des Arclii\es, tandis que quelques- uns de ses membres pensaient qu'il pourrait être avantageux de recourir, pour le kilogramme, à la définition donnée dans les bases du Svstcme métrique, et d'attendre une nouvelle détermina- tion de la masse du décimètre cube d'eau pour construire un nouvel étalon du kilogramme. Dans les décisions de la Commission internationale, le kilo- gramme est désigné comme unité de poids. Déjà, dans les Rapports de la première Commission internationale chargée de contrôler les opérations exécutées par les fondateurs du Système métrique, — Bi- le kilogramme avait été désigné de la même manière. Mais il est évident qu'en réalité ce mot désignait ce que nous nommons aujourd'hui une masse, ainsi qu'il ressort, en particulier, des indications suivantes du Rapport de Trallès (*) : s( Comme tous les corps ne contiennent pas des quantités égales de matière sous des volumes égaux, il faut encore une seconde détermination pour l'unité de la quantité de matière, l'indication précise d'un corps physique. Ce corps, sous un volume déterminé, constitue alors l'unité adoptée pour la quantité de matière ou l'unité de poids, parce que nous mesurons le plus ordinairement la quantité de la matière par son poids. » Pour ne laisser subsister aucun doute à ce sujet, le Comité inter- national des Poids et Mesures prit, en 1 887, la résolution suivante : (( La masse du kilogramme international est prise comme unité pour le service international des Poids et Mesures (2). » Par l'ensemble de ces décisions, le Système métrique se trouvait parfaitement défini; leur exécution, par le Bureau international des Poids et Mesures, conduisit, en 1889, à la convocation d'une Conférence internationale qui sanctionna le mètre et le kilo- gramme, désignés parle Comité comme étalons fondamentaux du Système métrique. Les étalons distribués aux Etats furent reconnus, pour la plu- pari, par des lois intérieures, comme étant les étalons métriques nationaux, en tenant compte de l'équation donnée par le Bureau international. \jne autre décision du Comité international concerne la mise en équation, à toute température, des étalons du mètre, par l'éta- blissement d'une échelle normale des températures entraînant celle d'une pression normale. Ces décisions, prises en 1887, sont les suivantes : Le Comité international des Poids et Mesures adopte comme échelle thermomélrique normale, pour le service international des Poids et Mesures, l'éclielle centigrade du thermonièlre à hydrogène, ayant pour (') Base du système métrique décimal, t. 111, p.â.')^. (^) Procès-verbaux du Comité international des Poids et Mesures j>our 1887, j). 8». C. P., I. G — 82 — points fixes la température de la glace pure fondante (o**) et celle de la vapeur d'<'au distillée en ébullition (loo"), sous la pression atmosphérique normale, Thydrogcne étant pris sous la pression manométrique initiale de i™, c'est-à-dire à -\-g-Q®- = i,3i58 de la pression atmosphérique normale. La pression atmosphérique normale, pour le service international des Poids et Mesures, est représentée par le poids d'une colonne de mercure de 760™'" do hauteur, ayant la densité de 13,69593, et soumise à rintensité normale de la pesanteur adoptée pour le même service. La valeur de cette intensité normale de la pesanteur est égale à celle de rintensité de la pesanteur au Bureau international (cote de niveau du Pavillon de Breteuil) di>isée par i,ooo3322, coefficient qui provient de la réduction théorique à la latitude de 46" et au niveau de la mer. Le Rapport de M. Chappuis et celui de M. le commandant Bour- geois donneront la raison cl le sens exact de ces deux définitions. On verra, par le premier, que Tindicatlon précise de la pression initiale de Thydrogènc, bien que peut-être superflue, était imposée par les conditions dans lesquelles avait été établie Téchelle des températures adoptée dans les équations des étalons métriques. Le second nous conduira à la conclusion que la réduction des pressions aux conditions normales de la pesanteur n'est possible, en toute rigueur, qu'au prix d'une définition supplémentaire el contiendra toujours une part d'arbitraire. J'ajouterai que la réduction des températures à l'échelle nor- male, et des pressions à rintensité normale de la pesanteur a été recommandée par la Commission météorologique internationale à partir de l'année 1891, et rendue obligatoire dans les publications météorologiques dès le i**" janvier n)oi. l'iie autre définition importante, donnée par le Comité inter- national, est celle du litre. En principe, le litre devait se confondre avci: le =Ii2 Lumen Bougie décimale-stéradian Eclairement \i = — Lux Lumen })ar mètre carré Kclat ^— c Bougie par cm^ » Eclaira j;e () = «^T Lumen-heure » (•) Los noms étrangers de ces grandeurs sont les suivants : Lichtstarke Intensity of liglit Intcnsità luminosa Lichlstroni l'Iux of liglil Klusso luniinoso Reliclilung Illumination Illunnuumcnlo Erliellung Briglilness Splendorc Liclitleistung Quanlity of liglil llluniinazione. — 87 — DEUXIÈME PARTIE. PROPOSITIONS. Unité de pression. — L'unité de pression étant comj)lètement définie par son équation de dimensions, il peut paraître superflu d'en donner une représentation matérielle. Cependant, Thistoire du développement des unités nous montre que, dans bien des cas, une unité ne devient vraiment pratique que lorsqu'elle est définie par un étalon aisément réalisable. Tel est, par exemple, le cas de l'ohm, dont l'usage n'est devenu général qu'après que sa réalisation en résistance mercurielle eût été définie par les Conférences et les Congrès. Les unités usuelles de pression sont le kilogramme par centi- mètre carré, l'atmosphère, le millimètre d'eau ou de mercure; enfin, pour les tractions, on se sert fréquemment du kilogramme par millimètre carré. Les deux premières unités sont voisines Tune de l'autre et sont souvent confondues. Dans le système C. G. S., l'unité de pression est la dyne par centimètre carré; mais cette unité est beaucoup trop petite, tandis que l'unité lo® fois plus grande est, au contraire, voisine des unités usuelles et, par conséquent, d'un ordre de grandeur conve- nable. C'est donc, en pratique, à la mégadyne par centimètre carré qu'il convient de rapporter les pressions. Nous allons cal- culer la hauteur de la colonne de mercure qui la représente. Soient h la hauteur cherchée, d la densité du mercure, g l'accé- lération de la pesanteur dans les conditions normales. L'inconnue li sera donnée par la relation h = — . Il nous reste à évaluer g et d. Comme on le verra dans le Rapport de M. le commandant Bourgeois, il ne semble pas possible de donner aujourd'hui une valeur unique de l'accélération de la pesanteur à 45° et au niveau de la mer, et la valeur qui sera finalement adoptée pour cette con- stante contiendra une part d'arbitraire. On peut cependant en calculer dès maintenant une valeur approchée. - 88 - Les perfeclionnemenis apportés, dans ces dernières années, aux appareils servant à mesurer l'intensité de la pesanteur, et rélimi- nation plus complète des erreurs des anciens appareils, ont conduit à augmenter graduellement la valeur absolue de g^ et il vaut mieux partir de quelques valeurs déterminées récemment que d'a- dopter le nombre donné en i884 par M. Helmert pour ^45; en revanche, on peut conserver le coefficient de variation avec la lati- tude qu'il indique. La valeur de g dépendra finalement de la région du globe utilisée. Le littoral des continents en donne une valeur moyenne, tandis qu'elle est en léger excès sur les îles, en défaut peu important dans les plaines et notablement trop faible dans lesmontagnes.il faut remarquer d'ailleurs que, ces anomalies rendant illusoire la formule de Clairaut, l'adoption d'une valeur de g correspondant véritablement à 45° et au niveau de la mer perd beaucoup de son intérêt. Une pression ne peut être entière- ment réduite à la valeur de g considérée comme normale que si l'accélération de la pesanteur a été déterminée au lieu même de V observation. Partons, par exemple, de la valeur moyenne de g sur le littoral méditerranéen en excès de 0,020 — r sur la valeur à Greenwich. ' ^ sec* Les données contenues dans le Rapport de M. le commandanl Bourgeois conduisent à (') ^45=980,692^^^. D'autre part, la valeur actuellement la plus probable de la densité du mercure est (2) d = r3,5gjo. La pression exercée par une colonne de mercure de i"" à o®. soumise aux conditions normales de la pesanteur, est donc , ..00 . méîjadvnc \oo cl ff!,i= i,J332j — p — , cin- et la colonne de mercure exerçant sur sa base une pression d'une (') liapports, t. III. (') Voir Note, p. 100. - 89 — mégadyne par centimèire carré, dans les conditions normales, doit avoir une hauteur égale à ^o'^'^jOoS (*). Il convient de remarquer que Fincerlitude de ce nombre est encore de dz 0,00002 en valeur relative, en ce qui concerne la densité du mercure, et que, au sujet de la valeur de g qu'il con- vient fmalement d'adopter, Tincertitude, dans un sens comme dans Tautre, est beaucoup plus grande encore. La différence entre la hauteur de la colonne de mercure donnant une pression égale à Tunité adoptée et la valeur arrondie de 76^™ est inférieure à son incertitude. En partant du nombre actuel- lement le plus probable pour la densité de l'eau, on trouve, pour la valeur de g donnant 75*^'" de mercure, 980,76 — ^; ce nombre est compris entre ceux que donne l'expérience pour la latitude de 45" et le niveau de la mer. La Commission des constantes, instituée parla Société française de Physique, s'est déjà ralliée à une proposition tendant à adopter comme unité la pression exercée par une colonne de mercure de ^5cin ^ qo dans les conditions normales de la pesanteur, et a donné à cette unité le nom de barye. Le rapport entre cet étalon et l'unité théorique dépendra, en définitive, de la valeur qu'on adoptera pour l'intensité normale de la pesanteur. Mais cette définition devra toujours contenir une part importante d'arbitraire, et il est difficile de prévoir la solu- tion (jue les géodésiens donneront à cette question. La coïncidence fortuite des nombres qui viennent d'être établis pourrait conduire à fixer tout naturellement la valeur normale de l'accélération de la pesanteur, comme étant celle pour laquelle C unité de pression est représentée par la pression dhine colonne de mercure ayant une hauteur de 75*^" à 0°. Sa valeur actuelle- ment la plus probable a été indiquée plus haut; on pourra la fi^cer mieux lorsqu'on connaîtra plus parfaitement la densité du mercure. Il serait très utile d'employer à l'avenir la barye pour exprimer Ions les résultats relatifs à l'élasticité et à la densité des solides, des liquides et des gaz. ( ' ) La valeur de la densité du mercure adoptée par le Comité international des Poids et Mesures dans la définition de la pression normale (p. 82) donnerait d= 13,5953 et h = 75,oc3. — 90 - RADIOMÉTRIE. Unité radiomôtrique. — Les opérations radiométrîques sont plus difficiles et plus incertaines que les opérations calorimétriques; la transformation en unités mécaniques de la quantité d^énergie rajonnée par un corps ou reçue par une surface absorbante peut donc être faite en partant de la valeur connue de l'équivalent mé- canique sans que Tincertitude soit sensiblement augmenlée. Il n'y a donc aucun intérêt à rapporter la puissance d'une radiation à l'unité transitoire qui sert encore à exprimer l'énergie sous la forme calorifique, dans laquelle la radiation se transforme le plus ordinairement. D'autre part, il est avantageux d'exprimer Ténergie de la radiation en unités mécaniques, non seulement parce que ces unités s'étendront de plus en plus à toutes les mesures, mais encore parce que, dans les cas les plus fréquents, l'énergie rayon- nante est produite par la transformation d'une énergie directement mesurable en unités mécaniques, par exemple l'énergie électrique. L'énergie rayonnante sera donc exprimée en ergs et en joules et la puissance émise par une source rayonnante ou absorbée par une surface en ergs par seconde ou en watls. C'est en fonction de celte dernière unité, en particulier, qu'il conviendra d'exprimer la valeur de la constante solaire, en spécifiant que l'énergie mesurée est absorbée par une surface de i^"'\ Prenons, par exemple, comme valeur de la constante solaire /|^^*^ par minute ( • ). Dans les nouvelles unités, cette conslanle sera jnj-ljiSj = 0,2^9 watt. Le nombre qui l'exprime est d'un ordre de grandeur très convenable. Pouvoir émissif. — La vérification expérimentale inespérée à laquelle la loi de Stefan a été soumise nous autorise à croire qu'elle exprime ta véritable relation naturelle entre la température el la puissance de la radiation d'un corps noir. On devra donc écrire P=cjSOS P étant la puissance de la radiation, t une constante que l'on nom- (') Voir Choya, /,« constante solaire {lîapports, l. III). - 91 — mera le pouvoir émissif du corps noir, S la surface rayonnante, Q la température. L'équation de dimension de t est donc cr= MT-»Ô-*. Prenons pour S le centimètre carré, pour unité de 8 le degré centigrade, et exprimons, comme précédemment, la quantité Pen watts. D'après les récentes déterminations de M. Kurlbaum(*), ,H ù I ,<*! 1" infiii-rou;;**. K i I ,(i à J, > i* " U-î î . ». H <». î ■»•■ Il 3 On peut discuter sur le signe donné, dans la troisième colonne, aux périodaleur qui me paraît être la plus probable pour cette correction est de 20"'^ par litre, de telle sorte que les mesures de Lefèvre-Giueau et babbroni, correctement interprétées, conduiraient à attribuer à l'eau une densité égale à 0,999980. Les mesures de Schuckburgh et Kater, qui donnent une masse spéci- fique égale à 1 ,0004^7, "'ont aucune prétention à la précision. 11 en est de même de celles de Svanberg, Berzélius et Akerman, dont le résultat est 1 ,000296. Les mesures de Stanipfer furent exécutées avec un soin extrrme, mais (') TraK-aux et Mémoires du Bureau international des l*oids et Mesures, l. XIL — 97 — par des procédés susceptibles d'erreurs importantes. Le cylindre dont il se servit n'avait que 79"" en hauteur et en diamètre, et ses dimensions furent rapportées à celles de plusieurs réglettes préalablement mesurées par la visée de leurs arêtes, faite au moyen d'un microscope. Le nombre donné par Stampfer, et réduit à l'aide des coefficients mieux, connus aujourd'hui, est 0,999750. Kupffer se servit de méthodes apparemment excellentes et les appliqua à la mesure de deux cylindres ayant respectivement 80™" et 100"™ de hauteur et de diamètre. Les valeurs réduites obtenues par chacun des cylindres sont respectivement 1,000007 et 0,999868 dont la moyenne pondérée, en tenant compte de leurs dimensions, est 0,999931. L'écart considérable des nombres de Kupffer, qui consacra plusieurs années à ce travail, en montre bien toute la difficulté. M. H.-J. Ghaney s'est servi d'une sphère de laiton, d'un cylindre de bronze de grandes dimensions et d'un petit cylindre de quartz. Son tra- vail, fait avec soin, a conduit à des résultats sensiblement différents avec les trois gravimètres. M. Mendeleef en a revisé certaines parties et en a déduit la valeur 0,999860. Mais il subsiste un léger doute sur le mode de combinaison qu'il convient d'adopter pour tirer, de l'ensemble des résultats, la valeur la plus probable de la densité de l'eau, et le nombre définitif résultant des mesures de M. Ghaney ne pourra être donné que plus tard. Les mesures les plus récentes de la masse du décimètre cube d'eau sont celles de MM. Macé de Lépinay, Pérot et Fabry, celle de M. P. Ghappuis et les miennes. Les deux premières, dans lesquelles les mesures des dimen- sions d'un cube ont été faites, pour la première fois, par des procédés interférentiels, ont permis d'atteindre un degré de précision encore inconnu, et la concordance des résultats est incomparablement meilleure que dans les mesures précédentes; les trois résultats individuels sont (*) Macé de Lépinay (première méthode). 0}9999^4 (*) Macé de Lépinay, Pérot et Fabry (deuxième méthode). 0,999974 (*) Ghappuis 0,999976 (3) Mes mesures (*) ont été faites à l'aide de cinq cylindres échelonnés entre des diamètres de 65""" et de i44°"°, et des hauteurs de 65"" et i3o""°. Les mesures de dimensions étaient faites au moyen d'un comparateur dans lequel deux réglettes à bouts sphérîques étaient amenées au contact du corps à mesurer, tandis qu'on déterminait leur distance en la rapportant à celle de deux traits de repère placés aux centres de courbure des extré- mités. Dans d'autres séries de mesures, les règles étaient appliquées l'une ( •) Voir le Rapport de M. Macé de Lépinay, p. i3o. (^) Cube de quartz de 40°"" de côté. (^) Cube de verre de So""» de côté. (*) Procès- Verbaux du Comité international des Poids et Mesures, Session de 1899. C. P.,I. 7 — 98 — contre l'autre, et la distance des traits de repère était déterminée de nou- veau. Ce procédé de mesure est évidemment moins précis que celui qui résulte de l'emploi des méthodes înterférentielles, mais les dimensions beaucoup plus grandes des gravimètres rachetaient une partie de celle infériorité, tandis que l'application de la méthode à des corps de volumes très différents devait faire disparaître les erreurs constantes. Au cours des pesées hydrostatiques, on trouva que l'un des cylindres, dont le volume était de i28o<^'°', absorbait de l'eau pendant l'immersion et en perdait ensuite pendant les pesées dans l'air; le résultat donné par ce cylindre est 0,999918, nombre qui, d'après le sens de l'erreur due à ce défaut, est nécessairement trop bas. Les autres cylindres ont conduit aux résultats suivants : Masse Volumes du décimètre cube d'eau approximatifs. à 4*- cm> kg 2i3i 0,999930 9^9 0,999934 775 0,999942 2i4 0,999939 Le nombre donné par le cylindre défectueux confirme en quelque sorte les autres, mais ne saurait intervenir dans le calcul d'une moyenne. On voit que, si les résultats sont affectés d'une erreur constante, elle est certainement très faible. Il semble que les petits cylindres donnent un nombre un peu plus élevé que les gros. Mais la différence entre le premier et le dernier correspondrait à une erreur inférieure à ol*, 2 dans les mesures linéaires de celui-ci, quantité qu'il semble impossible de garantir dans des mesures aussi difficiles. Une discussion approfondie de la méthode montre que la mesure du volume des cylindres conduirait facilement à des erreurs constantes posi- tives, tandis que les erreurs négatives devraient être fortuites. Le nombre déduit de mes déterminations pourrait donc être un peu trop bas, mais la concordance trouvée entre des mesures faites sur des corps de dimensions très différentes montre que le résultat final n'est pas très éloigné de la vérité. La moyenne pondérée des résultats individuels est 0,999986. Ce nombre, que l'on doit considérer comme une limite inférieure du résultat cherché, ne diffère que de 18™* par litre de celui de M. Macé de Lépinay, le plus bas de ceux qu'ait donnés la méthode interfcrentielle. Il diffère de 40"* du plus élevé de ces nombres. On peut donc considérer les limites de la valeur de la masse spécifique de l'eau comme définitivement fixées à îô^oôô P»*^^- De nouvelles mesures vont être entreprises dans le but de rechercher s'il existe des erreurs systématiques dans chacune des deux méthodes. En attendant leur résultat, le nombre que l'on admettra dépendra du plus ou moins de confiance qu'on accordera à la méthode des palpeurs, d'une pré- - 99 - cision moyenne, mais dans laquelle on élimine aisément les erreurs con- stantes, ou à la ifiéthode interférentielle, beaucoup plus précise, mais dans l'application de laquelle on peut craindre encore de ne pas connaître abso- lument tous les détails du phénomène. Que Ton admette pour la densité de Teau à 4*^ ^t suus la pression atmosphérique (*), les nombres 0,99995 ou 0,99996 ou leur moyenne 0,999955, on sera à peu près certain de ne pas commettre d'erreur supérieure à deux unités du cinquième ordre. Mercure. — La densité d'un corps quelconque sera obtenue en multi- pliant la densité de l'eau par la masse spécifique du corps considéré. Celui qui présente la plus grande importance pour la Métrologie est le mercure, dont la masse spécifique a été déterminée, notamment par KupfTer, par H. Sainte-Claire Deville, par Regnault, M. Wild, M. Volkmann, enfin par M. Marek (*). Voici les résultats de leurs mesures : Masse spécifique Rapportée du mercure. à 13,6956. Kupffer 13,5988 1,000235 Sainte-Claire Deville 13,5976 1,00026'! Regnault 13,59593 1,000024 Wild 1 3 , 5956 1 ,000000 Volkmann i3,5953 ^>999978 échantillon! i3, 59563 1,000002 » 2 1 3, 59563 1,000002 l^^j.gl^ / » 3 13,59546 0,999990 " 4 13,59593 1,000024 w 5 ri , 59560 1 , 000000 » 6 13,59557 0,999998 Dans les mesures de M. Marek, les échantillons 1 et 3 avaient été lavés au\ acides et à l'eau ammoniacale, et distillés dans le vide; ce dernier laissait quelques traces et n'était probablement pas très pur. Chaufi'é sous du bisulfate et filtré dans le vide, il donna l'échantillon n* 4. L'échan- tillon 2 avait été seulement lavé aux acides, l'échantillon 5 obtenu par le mélange de 3 et de 4, enfin l'échantillon 6 simplement filtré en sortant de la potiche. Le résultat finalement adopté par M. Wild résulte d'une moyenne de nombres présentant entre eux des différences maxima relatives de 0,000 023. Si l'on rejette les deux premiers nombres trouvés, et qui semblent affectés d'erreurs assez importantes, il reste une série de résultats dont (*) Sous une pression ne dépassant pas 2 atmosphères, la masse spécifique de Peau est sensiblement égale à Tunité. (') Marek, Travaux et Mémoires du Bureau international, t. II, p. D.S;; i883. - 100 - l'écart maximum est de 46*^ par kilogramme, tandis que pour un seul observateur très soigneux et très bien outillé, Técart atteint déjà 34"*' par kilogramme. On voit, par conséquent, que l'opération relativement simple de la détermination de la masse spécifique du mercure a comporté jusqu'ici des incertitudes du même ordre que celle beaucoup plus complexe de la densité de l'eau. Les écarts entre les nombres trouvés semblent être réels et tenir à de véritables différences entre les densités des divers échantillons, plutôt qu'à des erreurs d'observation. On remarquera, toute- fois, qu'un certain nombre de résultats sont très voisins de i3, 5956, et qu'il y a une grande probabilité pour que ce nombre, rapporté au mercure pu- rifié par les procédés ordinaires, ne soit pas erroné de plus d'une unité sur le quatrième chiffre décimal. En adoptant, pour la densité du mer> cure à o", la valeur 13,5950, on ne commettra pas, selon toute vrai- semblance, d'erreur supérieure à 3 ou 4 unités sur le quatriéoie chiffre décimal. [Les recommandations du Congrès, relatives aux propositions contenues des mesures électriques 3 »» des mesures optiques 4 >» des mesures ihermométriques 5 » des travaux chimiques 6 L'atelier Voici, à titre d'exemple, un résumé des travaux effectués dans - 103 - l'espace d'une année par la première et la quatrième sous-seclîon : La première sous-section (trois observateurs) a fait environ 200 études relatives à la détermination des erreurs de divisions de diverses échelles, à la mesure des dimensions extérieures des pièces calibrées, à l'évaluation du coefficient de dilatation de tiges métalliques, à des vérifications de diapasons, etc. La quatrième sous-section (sept observateurs) a vérifié 16829 thermomètres, dont 14910 médicaux, 81 appareils pour déterminer l'inflammabilité des pétroles, 1 16 viscosimètres, 4 "ma- nomètres à ressort, 35 baromètres, 1 16 thermo-éléments LeCha- telier et 187 mètres de fil pour ces thermo-éléments, 5q plaques fusibles de sûreté pour chaudières. 11 a été fait, en outre, un certain nombre d'essais divers. La vérification des alcoomètres, des densimètres et des vases jaugés est restée confiée à une institution qui existait antérieure- ment sous le nom de Normal-Aic/iungs Kommission et qui s'oc- cupe aussi de la vérification des étalons secondaires servant à la vérification des poids et mesures. L' Angleterre possède déjà trois établissements d'étalonnage. Deux dépendent du Ministère du Commerce (Board of Irade), Le premier, Standards Department, a la garde des étalons (longueur, poids, monnaies, compteur pour le gaz, appareils pour vérifier le point d'inflammation des pétroles, etc.) et fait les comparaisons avec les étalons. Il est, en outre, à la disposition du Ministre du Commerce pour toutes les recherches scientifiques que celui-ci peut avoir à lui demander. Le second, Electrical standardising Laboratory, créé à la suite de la loi de 1889, s'occupe d'étalonner et de vérifier tous les instruments de mesures électriques et a la garde des étalons concernant ces mesures. A côté de ces deux laboratoires officiels, existe un laboratoire semi-officiel, l'observatoire de Kew. Outre le Service météorolo- gique, cet établissement possède, en effet, un laboratoire d'étalon- nage où sont vérifiés, chaque année, environ 3oooo instruments de diff'érentes natures (thermomètres de toute espèce^ baromètres, théodolites, sextants, horizons artificiels, compas, télescopes, montres] et chronomètres, lentilles photographiques, etc., etc.). ■^ 10^ — Non content de posséder ces trois établissements, le Gouverne- ment anglais crée en ce moment un laboratoire national de Phy- sique sur le plan de la Reichsanstalt de Charlottenbourg. Le Par- lement a voté les fonds nécessaires pour sa construction et son entretien. Les attributions et aussi les subventions du laboratoire de Tobservatoire de Rew passent au laboratoire national, qu^on peut considérer comme un développement du précédent. En Belgique, la création d'un Bureau de Métrologie, distinct du Bureau des étalons des Poids et Mesures, et ayant à peu près les attributions de la Reichsanstalt, a été décidé il y a huit ans déjà. Différentes circonstances ont relardé jusqu'à présent le vote des fonds nécessaires à son établissement; mais on espère que ce vote pourra avoir lieu avant la fin de celte année. En Russie, la Chambre centrale des Poids et Mesures possède dévastes laboratoires admirablement outillés, et ses attributions étendues lui permettent de rendre en partie les mêmes services qu'un laboratoire physico-technique. Cette Chambre centrale a, en effet, pour attributions : 1° La garde des prototypes des étalons de poids et mesures russes; 2** La confection et la vérification des copies de ces étalons faites, soit à Tusage des Bureaux d'étalonnage locaux, soit à celui d'installation du Gouvernement; 3° La vérification de tout instrument spécial servant à mesurer la température, l'intensité de la lumière, la dépense d'énergie électrique, la consommation du gaz, le débit d'eau, la force mo- trice, la hauteur du son, etc.; d'une façon générale, la Chambre centrale vérifie, sur demande, tout appareil de mesure adopté par le Commerce, l'Industrie, les Arts ou les Sciences; 4° La fixation des limites d'erreur admissibles pour les poids et mesures, tant à l'étalonnage que dans leur emploi pratique; 5" La critique et l'élaboration de toute question ayant trait aux poids et mesures; 6" Le contrôle des Bureaux d'étalonnage locaux, etc. La Chambre centrale occupe à Saint-Pétersbourg un solide bâtiment à trois étages, situé au milieu d'une vaste cour, auquel - 105 — sera bientôt joint un pavillon pour les mesures électriques. Elle est pourvue d'un assortiment complet des meilleurs appareils métrologiques qui existent. On aura une idée de son importance en sachant que son per- sonnel se compose de quatorze personnes, non compris les garçons de laboratoire et les gens de service, et que son budget annuel est de 82800 roubles (228000*^^). Elle relève du Département du Commerce et des Manufactures du Ministère des Finances. La Chan^bre centrale des Poids et Mesures n'est pas le seul établissement de vérification que possède la Russie : les instru- ments qui servent à lever les contributions indirectes sont vérifiés par le Comité technique de la Direction générale des Contri- butions indirectes. Cette Direction relève directement du Ministère des Finances. Le Comité technique a, par conséquent, à vérifier les alcoo- mètres, densimètres, thermomètres, saccharimètres, déflagro- mètres pour huiles minérales , registrateurs Siemens pour mesurer les quantités d'alcool absolu produites dans les distil- leries, etc. Une de ses sections, le Bureau alcoométrique, a pour attribu- tion de résoudre tous les problèmes de Physique dont la solution incombe au Comité technique. A cet effet, le Bureau alcoomé- trique est muni d'étalons de longueur et de poids vérifiés au Bureau international des Poids et Mesures, ainsi que des appareils de Métrologie les plus perfectionnés. Le Bureau alcoométrique occupe à Saint-Pétersbourg un bâti- ment à un étage construit pour cet usage et à l'abri des trépida- tions causées par les voitures. Son personnel comprend cinq personnes dont les traitements s'élèvent à 1 1 200 roubles (3oooo*'). Enfin, V Observatoire physique central de V Académie impé- riale des Sciences s'occupe de la vérification des instruments de Météorologie. L'Italie possède un Laboratoire Central métrique^ qui a été fondé par suite des dispositions contenues dans le Règlement sur le Service des Poids et Mesures de 1887 ^^ ^"^ fonctionne régu- lièrement depuis il - 106 - Ses attributions sont assez étendues : 1^ Exécution des travaux préparatoires pour la comparaison des prototypes de premier ordre avec les étalons de deuxième ordre ; 2** Vérification quinquennale des étalons de deuxième ordre avec ceux de troisième ordre servant aux vérificateurs des poids et mesures; 3® Vérification des manomètres pour les chaudières à vapeur; 4° Vérification des thermomètres pour les laboratoires et des thermomètres médicaux ; 50 Vérification des alcoomètres et des thermo-alcoomètres; 6** Vérifications et déterminations de haute précision deman- dées soit par l'Administration, soit par les établissements scienti- fiques ou les particuliers (photomètres, mesures électriques, etc.); ^° Instruction des vérificateurs auxiliaires. En outre, le Laboratoire Central métrique a la surveillance de la fabrication et de la déformation des poinçons servant au service des Poids et Mesures, ainsi que la conservation des poinçons ori- ginaux et des matrices. Un atelier de mécanique est annexé au Laboratoire Central, qui en a la direction et la surveillance. Le personnel comprend un Directeur, au moins trois fonction- naires techniques, un comptable chargé des écritures, des garçons et des gardiens. Il dépend du Ministère de TAgriculture et de la Commission supérieure technique. Le personnel de l'atelier de mécanique comprend trois méca- niciens et un apprenti. Le Laboratoire Central métrique occupe à Rome (via Salita del Grillo, n*» I ) le rez-de-chaussée du Palais aflecté à la Commission supérieure technique. Il est convenablement pourvu des instruments de haute préci- sion nécessaires à ses travaux, dont l'acquisition a coûté environ 180000 lires. On aura une idée de l'activité du Laboratoire Central métrique en sachant que de 1888 à 1898 le nombre total des vérifications s'est élevé à 4*556, sans compter les travaux d'ordre purement scientifique. Dans les autres pays européens, il n'existe pas de laboratoires — 107 — nalionaux physico-techniques et les attributions du Service des Poids et Mesures sont, en général, beaucoup trop restreintes pour suppléer à leur absence. En Autriche, pourtant, la Normal-Aichun gs Kommission a les mêmes attributions, à peu près, qu'en Allemagne. Elk s'oc- cupe de la vérification des mesures, poids, balances, aréomètres, thermomètres, compteurs pour le gaz, l'eau et l'électricité. Aux États-Unis d'Amérique, les principales villes possèdent, dans leurs Universités ou dans leurs Collèges, des laboratoires splendidement organisés où sont faits les essais et les étalonnages dont l'Industrie et les Sciences ont besoin. Les immenses avantages que les laboratoires physico-techniques procurent aux pays qui en sont pourvus, Tessor remarquable qu'ils ont donné à leur industrie, montrent combien il serait important de ne pas retarder davantage leur création dans les pays qui, comme la France, n'en possèdent pas encore. Ainsi que cela a lieu en Allemagne et en Angleterre, il convien- drait que le laboratoire physico-technique fût indépendant du Service des Poids et Mesures, chacun de ces services répondant à des besoins différents et devant avoir son autonomie. Il serait désirable que le laboratoire physico-technique occupât un bâtiment ou des bâtiments construits pour cet usage spécial, non au milieu d'une grande ville, à cause des trépidations causées par les voitures, qui gênent les mesures et peuvent altérer les instruments délicats, mais dans des conditions d'isolement et de tranquillité convenables; par exemple, ils pourraient être situés en dehors, quoique à proximité de la capitale. Quant à l'importance du personnel et du budget, l'Allemagne, TAngleterre et la Russie nous montrent ce qu'ils doivent être. Je serais heureux si ce Rapport pouvait décider le Congrès international de Physique de 1900 à émettre un vœu indiquant aux Pouvoirs publics le grand intérêt et même l'urgence qu'il y aurait à créer des laboratoires physico-techniques dans les pays qui en sont encore dépourvus. — 108 - DÉTERMINATIONS MÉTROLOGiaUES MÉTHODES INTERFÉRENTIELLES, Par J. MACÉ DE LÉPINAY, PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE L'UNIVERSITÉ DE MARSEILLE. « Un rayon de lumière, a dit Fizeau (* ), avec ses séries d'ondu- lations d'une ténuité extrême mais parfaitement régulières, peut être considéré comme un micromètre naturel de la plus grande perfection, particulièrement propre à déterminer des longueurs. » Les avantages de pareilles méthodes de mesure, fondées sur l'emploi d'étalons aussi petits que le sont les longueurs d'onde (20V0 ^^ millimètre environ), sont multiples : i" Ces étalons (longueurs d'onde de radiations bien définies se propageant dans un milieu donné, par exemple dans l'air, à la pression normale de «^6^°* de mercure, à la température de i5** du thermomètre en verre dur) sont absolument invariables^ 2** Ces étalons peuvent s'ajouter indéfiniment à eux-mêmes sans erreur possible. 3** Ils peuvent être reproduits, dans tous les laboratoires, indé- pendamment de l'existence d'un étalon matériel quelconque. L'emploi d'étalons aussi petits est d'ailleurs possible, grâce à l'existence de phénomènes d'interférence. Nous nous trouvons. (') Annales de Chimie et de Physique, 4* série, l. 11; i8(>4. — 109 — en effet, pouvoir substiluer à l'observation directe de longueurs extrêmement petites, qui seraient presque inabordables aux meil- leurs appareils grossissants, celle de longueurs qui peuvent être rendues facilement loo ou looo fois plus grandes que les précé- dentes, à savoir les distances de franges d'interférence. Mais, de la petitesse des étalons optiques, résulte une grave difficulté : La mesure d'une grandeur quelconque, c'est-à-dire la détermination du rapport de cette grandeur à une autre de même nature, prise pour étalon, résulte toujours de deux opérations dis- tinctes. L'une a pour but la détermination de la partie entière, l'autre de la partie fractionnaire de ce rapport ou excédent frac- tionnaire. De ces deux déterminations, c'est la première qui, seule, pré- sente de réelles difficultés à cause de la grandeur du nombre qui représente cette partie entière, et telles qu'elles n'ont été réelle- ment surmontées que dans le courant de ces dernières années. En même temps, les méthodes d'observation et de mesure faisaient d'admirables progrès. C'est l'exposé de ces méthodes nouvelles et de ces progrès qui fait l'objet de ce Rapport. Les recherches dont nous aurons ainsi à nous occuper appar- tiennent à deux catégories distinctes, elles correspondent à deux buts diff*érents. La première chose pour pouvoir effectuer des mesures absolues par l'intermédiaire de longueurs d'onde est de connaître exacte- ment les valeurs des étalons ainsi employés en fonction de l'étalon prototype du mètre. Tel a été le but des mémorables recherches de MM. Michelson et Benoît. Nous exposerons, en second lieu, les méthodes qui permettent de mesurer des longueurs en fonction des longueurs d'onde et, grâce aux données précédemment ob- tenues, de les exprimer en unités métriques. Nous devrons nécessairement faire précéder l'étude particulière de ces recherches de l'exposé des méthodes générales qu'elles uti- lisent. - 110 - CHAPITRE I. APPAREILS INTERFÉRENTIELS. I. Quels que soient Tappareil inlerférentiel et le mode d'ob- servation, si les franges sont nettes, la différence de marche A des deux mouvements vibratoires qui, provenant d'un même point de la source, se superposent en un même point du champ de l'appa- reil d'observation, est unique et déterminée. Il en est de même du rapport m = r-^ ^^ étant la longueur d'onde de la radiation éclai- rante. Le rapport ainsi défini, qu'il nous sera particulièrement utile de considérer, sera appelé ordre d'interférence. L'ordre d'interférence varie d'une manière continue d'un point à l'autre du champ, il prend, en particulier, les valeurs suivantes aux milieux des franges brillantes et sombres : m — p (franges brillantes), m = -^ (franges sombres), p étant un nombre entier quelconque qui varie d'une unité lors- qu'on passe d'une frange à une frange voisine de même espèce. II. Les appareils interférentiels dont on fait usage pour les me- sures absolues optiques satisfont tous à une même condition : la différence de marche A en un point donné du champ est liée à l'une seulement des dimensions linéaires e de Tappareil par l'une ou l'autre des relations simples A = lie (frange centrale brillante), ou \ = he -^ - (frange centrale sombre); k est ou une constante ou une fonction connue du ou des indices du milieu dont l'épaisseur est e, et, par suite, une fonction que nous supposerons connue de la longueur d'onde. On voit que de la détermination de l'ordre d'interférence en un point convenable - m — du champ on peut déduire la mesure ^ de celte dimension en fonction de la longueur d'onde de la radiation éclairante (*). III. Franges des lames à faces parallèles, — Nombreux sont les appareils interférentiels remplissant les conditions énoncées. Mais encore faul-il que l'épaisseur mesurée soit quelque chose de bien défini. Aussi les progrès des recherches dont nous nous occu- pons ont-ils été intimement liés aux progrès réalisés par M. Lau- rent (2) dans le travail et la vérification des surfaces. Ces progrès ont, entre autres, rendu possible l'emploi de mé- thodes particulièrement commodes de production de franges d'in- terférence d'ordre élevé, méthodes dont il est utile de faire con- naître dès à présent le principe. On sait que les franges des lames minces (dont la théorie est classique) perdent progressivement de leur netteté, elles cessent d'être utilisables lorsque l'épaisseur de la lame augmente. Cet inconvénient disparaît lorsque les surfaces réfléchissantes sont planes et parallèles. Les franges sont localisées à l'infini^ on les observe au moyen d'une lunette astronomique. La source peut être étendue; elle est, de préférence, placée au voisinage du foyer d'une lentille coUimatrice. Si, en particulier, l'axe optique de la lunette est normal aux surfaces, les franges sont, par raison de symétrie, des anneaux concentriques. La diff'érence de marche Aq et l'ordre d'interfé- rence rriQ au centre des anneaux sont donnés, en fonction de la distance e des lames et de l'indice n du milieu interposé, par Ao=2ne, niQ='inx- (lumière transmise), X e \ Ao=2/ieH — t mo=in<--{ — (lumière réfléchie). '2, A 2 Dans les deux cas, la diff'érence de marche correspondant à l'incidence très petite /, ou à une distance p du centre dans le plan (') X est ici la longueur d'onde dans les conditions de Texpérience. On connaît son expression en fonction de la longueur d'onde de la même radiation dans les conditions normales de température et de pression de l'air. (*) Journal de Physique, p. 411; i883. — 112 - focal de l'objectif de la lunette, de distance focale y, est donnée par A = ane cosr = Ao — Aq ■ D'où, m et mo étant les ordres dMnterférence correspondants, "' = "»«('-^)=«»o('-ï^); Tordre d'interférence décroît du centre à la périphérie. Ces franges ne sont réellement observables dans les conditions ordinaires (surfaces réfléchissanles vitreuses) que dans la lumière réfléchie; dans la lumière transmise les minima sont peu visibles, car ils correspondent à Tinterférence de mouvements vibratoires d'amplitudes trop différentes. IV. Cet inconvénient disparaît si, comme le font MM. Pérot et Fabry (*), on accroît le pouvoir réflecteur des surfaces réfléchis- santes en les recouvrant d'une couche d'argent assez mince pour être translucide. Un second résultat de la plus haute importance se trouve être simultanément obtenu; les franges brillantes, au lieu d'être larges, estompées sur les bords comme le sont ordinairement les franges d'interférence, sont étroites et présentent les aspecis des images d'une fente, données par un réseau. La raison de cette analogie est que le mécanisme du phénomène est le même dans les deux cas. Par suite, en effet, des réflexions multiples sur les deux surfaces réfléchissantes, on obtient, en réa- lité, une série d'ondes planes équidistantes qui viennent toutes après réfraction à travers l'objectif de la lunette se croiser en un même point du plan focal de ce dernier et, grâce à l'argenture des lames, les intensités de ces ondes successives vont en décrois- sant suivant une progression géométrique dont la raison ne diffère pas sensiblement de l'unité. Dans ces conditions, le nombre de ces ondes qui contribuent efficacement à réclairement de chacun (les points du champ peut devenir très considérable. En certains points du champ (maximum de lumière), la diffé- rence de marche A de deux ondes consécutives vaut un nombre (') Annales de Chimie et de Physique, ;• série, t. XII ; i8(j7. - 113 - entier de longueurs d'onde : tous les mouvements vibratoires qui se superposent sont simultanément concordants. Mais, pour peu que l'on s'écarte de l'un de ces points, y diffère d'un nombre entier; parmi toutes ces ondes, il s'en trouve qui présentent avec la première une différence de marche qui diffère beaucoup d'un nombre entier et qui, par suite, affaiblissent con- sidérablement l'intensité résultante. L'intensité décroît donc très vite de part et d'autre d'un maxi- mum. Signalons en passant les importantes applications de cet appa- reil à la Spectroscopie. On se trouve, en fait, dans les mêmes conditions que si l'on faisait usage d'un réseau de faible pouvoir séparateur, mais permettant l'observation de spectres d'ordre extrêmement élevé. La dispersion obtenue peut devenir 1res grande et permettre de séparer des radiations très voisines mieux que ne pourraient le faire les meilleurs réseaux (*). CHAPITRE II. DÉTERMINATION DE l'oRDRE d'iNTERFÉRENCE. Le problème de la mesure optique d'une longueur se ramène, on l'a vu, à celui de la détermination de l'ordre d'interférence en un point donné du champ. Ce dernier se scinde lui-même en deux. L La détermination de la partie fractionnaire (ou excédent fractionnaire) ne présente jamais de difficulté. On a recours, soit à des mesures micromélriques, soit à des méthodes de compen- sation (2). 1° Si les franges sont à peu près équidislantes dans le champ (*) Perot et Fabry, Annales de Chimie et de Physique, 7* série, t. XVI, 1899. (') Il est à remarquer que l'on connait toujours la nature du phénomène observé (à frange centrale brillante ou obscure); on sait toujours, d'autre part, dans quel sens, dans le champ, Tordre d'interférence des franges successives va en croissant. Cet ordre varie d'ailleurs d'une unité en passant d'une frange à la suivante. C. P., I. 8 - 114 - (ce peuvent élre les bandes d^un spectre cannelé), il suffira, on le voit aisément, de relever les dislances du point observé à trois de ces franges pour en déduire l'excédent fractionnaire cherché soit par une construction graphique, soit par l'emploi d'une formule empirique. Si les franges se présentent sous forme d'anneaux concentriques, le point observé est toujours le centre de ces anneaux. On peut toujours poser, p étant la distance d'un point du champ au centre, et m Tordre d'interférence correspondant, m = a -\- bp^. La mesure des diamètres de deux anneaux suffira pour déter- miner les constantes a et b, La constante a n'est, il est vrai, connue qu'à un nombre entier près, mais sa partie fractionnaire n'e»l autre que l'excédent fractionnaire cherché. Si® Imaginons que, par le déplacement lent et mesurable d^ine pièce appropriée (compensateur), on puisse faire varier progres- sivement la difTérence de luurche des ondes inlerférenles. On pourra amener le point considéré à prendre un aspect facilement reconnaissable, à correspondre à un maximum ou à un minimum d'intensité. L'excédent fractionnaire se déduit aisément du dépla- cement du compensateur nécessaire pour produire cet effet si Ton a soin, cha(|ue fois, de l'étalonner, c'est-à-dire de déterminer le déplacement du compensateur qui correspond à Tintroduction d'un retard égal à une longueur d'onde. IL Soit e l'excédent fractionnaire ainsi déternnné. Entre la longueur c^ la longueur d'onde A, le nombre entier />, et rexcé- dent fractionnaire s existe une relation de la forme e = (p -^ 1)1, en posiint, pour simplifier, ;,=' C'est une relation entre deux inconnues^ et />, insuffisante pour déterminer l'une d'elles, et comme raspev.i d'un phénomène îater- férentiel ne varie (|ue très peu lors(|ue Tordre d'interférence en un point donné varie de plusieurs unités, on se trouve absolument - 115 — dans les mêmes conditions que si, pour mesurer celle longueur, on faisail usage d'une rrgle soigneusement et finement divisée, mais qui ne porterait aucune trace d'une graduation quelconque permettant de distinguer certains traits particuliers de tous les autres. On n'est pas plus avancé, en apparence, si Ton effectue, de la même manière et dans les mêmes conditions, une série de mesures analogues en éclairant successivement l'appareil avec diverses radiations simples. On a, en effet, une série d'équations de la forme en nombre encore inférieur d'une unité à celui des inconnues. 11 est possible, cependant, ainsi que je l'ai montré le premier (*), de résoudre ce système d'équations en adjoignant aux données expérimentales que l'on possède, non une donnée complémentaire, mais un simple renseignement : il suffit de connaître une valeur approchée Cq de la longueur e inconnue. Ce renseignement d'ail- leurs se joint à ceux que l'on a déjà : toutes les inconnues />,, p2i . . . sont des nombres entiers. J'exposerai uniquement ici le mode de calcul employé par MM. Michelson et Benoît, plus simple et plus rapide que le mien. L'équation ^0= (p\ -^-£l)/l fournit une valeur approchée />', de Tinconnue /?i . Supposons la valeur Cq assez exacte pour que pt se trouve être ainsi déterminé à quelques unités près. Soit p] un nombre entier compris entre les limites admissibles. Si Tordre d'interférence pour la radiallon /, était /?'| -[-£,, les ordres d'interférence pour les autres radiations étudiées seraient (Z'Î-^h),-» (p]-^'^i)jy •••> et, par suibe, si p] e >érie, l. \; 18S7; cl ;• série, t. XI; 1S97. — 116 - aux excédents fractionnaires observés. Quelques essais suffisent pour montrer que c'est pour Tune seulement des valeurs admis- sibles de fx que se produit celle coïncidence simultanée de tous les excédents fractionnaires observés et calculés. Un exemple numérique montre la rapidité et la sûreté de ces. calculs : /, = oH-, 64389, li = oH-, 5o863, h = ol^, 48000, /^ = oH-, 46789, £1 = 0,35, £2=0,79, £3=0,17, £4=0,53. Ordres d'interférence calculés. /.. /,. /,. /,. 1210,35* 1532,29. 1623,61 i665,63* 1211,35* i533,i8 1624,95 1667,01 1212,35* 1534,75* 1626,29* 1668, 38* I2i3,35* i536,o2 1627,63 1669,76 Il est certain, surtout en prolongeant ce Tableau, dont je ne donne qu'un extrait, que la seule valeur admissible de px est /?, = 1212. III. L'application de celte méthode est toujours délicate; c'est qu'en effet l'étalon de longueur (le pas de la vis d'un sphéromètre par exemple), auquel on doit comparer au préalable la longueur cherchée pour en connaître la valeur approchée, est en général beaucoup trop grand par rapport aux étalons optiques (longueurs d'onde) que l'on doit employer ensuite. Celle difficulté disparaît dans le cas particulier des franges des lames faiblement argentées, parce qu'il devient possible d'employer simultanément d'autres étalons opli<|ues beaucoup plus grands que les longueurs d'onde, et tout aussi bien définis qu'elles- mêmes ('). Imaginons, appliquées Tune conlre Tautre, deux règles divisées, chacune en parties d'égale longueur, la distance de deux traits consécutifs étant /, pour l'une des règles, /o pour l'autre (/| >>/2). Si nous amenons les zéros des deux règles à coïncider, leurs deux systèmes de divisions forment vernier l'un par rapport à l'autre (') Peuot et Fabry, Annales de Chimie et de Physique, 7* série, t. \VI; 1899- - 117 — til Ton constate l'existence d'une série de coïncidences et de dis- cordances de leurs traits. Coïncidences et discordances caracté- risent, permettent de reconnaître certains traits particuliers de Tune ou l'autre règle, aussi bien que si on les avait marqués d'un signe distinctif quelconque. A un autre point de vue, la distance de deux coïncidences ou discordances consécutives (longueur de coïncidence) constitue un nouvel étalon de longueur, plus grand que les étalons primitifs, dont la longueur L est donnée par L =(/io— i) /i= /io^= T-^-V* Il — /j Elle comprend un nombre riQ de divisions de la seconde règle exprimé par no= T Y' i\ — il La y'^^ne coïncidence correspond à la division n^= noq=^ i i ^^ la seconde règle. 11 est bien certain que s'il n'existe pas de commune mesure entre U et /a, les valeurs de n ainsi calculées ne seront jamais en- tières; cela indique simplement que les coïncidences ne sont qu'approchées. Dans ce cas, comme en C|, Ca, C3 dans la y?^. i. Fig. Rouge > 0, 2.30 c, «►,76 C2 9.&2 T C3 tv28 deux traits de l'une des règles se trouvent, en cette région, com- pris entre deux traits consécutifs de l'autre. Cette complication apparente est au contraire avantageuse : les diverses coïncidences ne se présentent pas sous le même aspect; on peut arriver à les distinguer les unes des autres et à juger, d'après leur apparence, de la valeur de la partie fractionnaire du nombre /i (*). (')La Jig. I correspond à /, = oi^,643847 22, /j = oi^,5o8582 4o (longueurs d'ondes des radiations rouge et verle du cadmium). On a inscrit les valeurs de n correspondant aux coïncidences et discordances successives. — 118 — Il est facile de voir que 1 on réalise des phénomènes absolument de même nature, obéissant aux mômes lois, si la source produc- trice de franges d'interférence émet une radiation complexe formée de deux radiations simples, les deux systèmes correspondants de franges jouant le même rôle que les deux systèmes de division des deux règles. Mais coïncidences ou discordances ne sont discer- nables que si les franges sont étroites. La méthode n'est donc applicable qu'aux franges des lames faiblement argentées. On peut évidemment définir Tordre de coïncidence en un point de l'espace, comme nous avons défini l'ordre d'interférence : ses valeurs entières p^ correspondent aux vraies coïncidences, ses valeurs, de la forme — y aux discordances. Parmi les étalons de cette nature, ceux qu'il est particulièrement commode d'employer sont les suivants : I® Les coïncidences des deux radiations jaunes du mercure (émises dans le vide). La longueur de coïncidence, en désignant par V la longueur d'onde de la raie verte du cadmium, est L, = 3i 1,9V rro"", 1580; a" Les coïncidences des radiations vertes du cadmium et verte du mercure Lj = y\ jJÔ>i5 V; 3"* Les coïncidences des radiations rouge et verte du cadmium 1-8= 4,759901V: 4° La longueur d'onde de la raie verle du cadmium V = o!A, Jo85H a4o. Je crois inutile d'exposer ici en détail le mode opératoire et le procédé de calcul employé par les auteurs, mon but étant seulement d'exposer le principe de la méthode. Je signalerai seulement ce fait important (|ue, grâce à la grandeur du premier de ces étalons, il suffit de connaître, à jjj de millimètre près, la longueur étudiée pour en déduire sans ambiguïté la partie entière de l'ordre de coïncidence correspondant, ce (pii permet d'achever le calcul. Signalons toutefois une difficulté. Si les franges ont la forme (fanneaux concentricpies, on ne saurait distinguer simultanément dans le champ les diverses coïncidences ou discordances que Ton — 119 — doit observer. Il est donc nécessaire de les faire apparaître succes- sivement par le déplacement lent et mesurable de Tune des lames argentées. Celte méthode semble donc inapplicable à la mesure d'une longueur fixe, mais nous verrons plus loin comment on peut tourner cette difficulté. IV. Les opérations que je viens de décrire sont toujours déli- cates; elles peuvent devenir impraticables si l'ordre d'interférence est très élevé par suite, tout à la fois, du resserrement des franges et du défaut d'homogénéité de la lumière éclairante. De là l'importance de méthodes permeltant de constater, soit que deux longueurs sont égales, soit qu'elles sont entre elles dans un rapport simple connu. Elles devront permettre de vérifier que ce rapport est rigoureux ou simplement approché et, dans ce der- nier cas, de combien il s'en écarte. Les services que nous pouvons en attendre sont multiples. Elles nous permettront de mesurer des longueurs dont l'élude directe serait impossible. Elles nous permettront, dans le cas où cette étude directe est possible, de la simplifier, car de la mesure rela- tivement facile d'une petite longueur nous pourrons déduire, même par une détermination grossière, une valeur assez appro- chée d'une longueur beaucoup plus grande, pour pouvoir appli- quer à celte dernière les méthodes générales qui ont été exposées. Elles nous permettront enfin de prendre la copie d'une longueur fixe au moyen d'un appareil à épaisseur variable, c'est-à-dire de faire disparaître la difficulté signalée en dernier lieu. La description des diverses mélhodes imaginées a cet effet, variables avec la disposition des appareils, trouvera mieux sa place lorsqu'on décrira ces appareils eux-mêmes. Il est utile cependant d'indiquer dès à présent, parce que nous n'aurons pas l'occasion d'y revenir, la méthode employée dans le cas des lames à faible argenture. On utilise, à cet effet, les franges de superposition ('). Imaginons, placés l'un à la suite de l'autre, deux systèmes pro- ducteurs de franges des lames argentées, disposes de telle sorte qu'ils donnent Tun et l'autre des franges nettes. Parmi les ondes (') Brewster, Edinb. Trans.^ t. VII; 1817, cl Meslin, Journal de Physique, p. 490; 1894. — 120 — susceptibles d'interférer, considérons, d'une part, celle qui, après avoir subi q^ réflexions à l'intérieur du premier, d'épaisseur ei, est directement transmise par le second et, d'autre part, celle qui, directement transmise parle premier, a subira réflexions à l'inté- rieur du second, d'épaisseur ^a- Ces deux ondes présenteront une difi^érence de marche 2(^1^1 — 72^2) qui sera nulle si l'on a [q^ et q.i étant des nombres entiers) €i q\' Si les deux systèmes de lames sont tous deux à surfaces planes et parallèles, disposés parallèlement entre eux, on obtiendra en lumière blanche, dans ces conditions, une teinte blanche uniforme d'un emploi peu commode. Il est alors préférable d'incliner très légèrement d'un angle égal et en sens contraire les deux systèmes inlerférentlels, afin de faire apparaître des franges qui sont recti- liffnes. La condition — = 5LL est satisfaite si la franere centrale blanche, reconnaissable à son absence de coloration, passe par le point du champ qui correspond à la bissectrice des normales aux deux systèmes de lames. Ces franges sont d'autant moins nettes que le rapport — est plus compliqué. Elles sont utilisables si ce rapport est égal à 1, 2, 3 ou 4- On peut appliquer cette méthode à la mesure de petites épais- seurs uniformes ou non : on projette l'image de la lame mince à étudier sur une lame mince étalon prismatique (comprise entre deux lames de verre mastiquées sur les bords). Cet étalon est muni d'une division tracée sur l'argenture. A[)rès avoir constaté la production, en un point donné de cet étalon, d'une frange blanche, on procède, aussitôt après, par les méthodes décrites, à la détermination de l'épaisseur de l'étalon en ce point. V. 11 est indispensable, pour pouvoir, par ces méthodes, cal- culer la partie enlière d'un ordre d'interférence, de connaître les données numériques dont on fait usage, à savoir les rap- ports y^, j-y •••) avec une exactitude d'autant plus grande que cet ordre d'interférence est plus élevé. Or, presque toujours les données que l'on possède tout d'abord à ce sujet sont insuffisantes. — 121 — 11 est heureusement possible (*) de corriger progressivement les données primitives. Quelque insuffisantes, en effet, que soient ces données, il sera possible, en opérant sur une épaisseur assez faible, de déterminer sans ambiguïté les parties entières^,, ^2? /?3, ..., des ordres d'interférence correspondant aux radiations simples employées. La relation nous fournira alors une nouvelle valeur du rapport j- plus exacte que celle d'où nous sommes partis, suffisante pour aborder Tétude d'une épaisseur double. Cette dernière nous permettra de corriger à nouveau cette même donnée, et ainsi de suite. C'est là, assurément, la méthode la plus prrcise que l'on con- naisse pour déterminer les rapports des longueurs d'onde. CHAPITRE 111. MESURES. L'exposé préliminaire qui a été fait des méthodes générales nous facilitera celui de leurs applications : i®à la comparaison des éta- lons optiques (longueurs d'onde) à l'étalon prototype du mclre; 2° à la mesure de longueurs et en particulier d'épaisseurs. L De ces deux problèmes, le premier a été résolu par le travail fait, au Bureau international des Poids et Mesures, par M. Michel- son, avec la collaboration de M. R. Benoît (2). Ils ont mesuré une longueur étalon de 1 o*^"* environ, d'abord en fonction des longueurs d'onde des trois radiations rouge, verte et bleue du cadmium, puis en fonction de l'étalon du mètre. Cette longueur est la distance des surfaces réfléchissantes de deux miroirs A, A' de verre argenté, plans, placés en retrait l'un au-dessus de Tautre; on peut les amener au parallélisme parfait par la déformation de ressorts /• qui déplacent deux des points d'appui de l'un des miroirs. (') Mage de Lkpinay, loco citato, p. 11; 1887. (^) Travaux et Mémoires du Bureau international des Poids et Mesures, i. XI; i89>i. — 122 — Les franges que l'on observe sonl celles qui prennent naissance dans les deux lames d'air comprises entre l'un ou l'autre de ces Fig. 2. miroirs et une surface plane réfléchissante appelée plan de réfé- rence. Cette surface est en réalité virtuelle. Lajig. 3 donne une coupe Fig. 3. schématique de l'appareil : C est Tun ou l'autre des miroirs de l'étalon à mesurer; D est la surface plane argentée, dont l'image constitue le plan de référence; A et B sonl deux lames planes, identiques, dont Tune est faiblement argentée sur la face A, de manière à égaliser les intensités sur les ondes réfléchies et transmises. Si Ton suit la marche d'une onde plane issue de la source S, on constate qu'elle se dédouble en A en deux ondes qui, après avoir parcouru, l'une le trajet ABCBA, Tautre le — 123 - Irajel ADA, se superposent après avoir subi le même nombre de réflexions el de réfractions. Ces deux trajets sont optiquement équivalents si les distances AD et AC sont géométriquement égales. Dans tous les cas, on observe des franges identiques à celles qui seraient produites dans la lame d'air comprise entre le miroir C et la surface, constituant le plan de référence R, symétrique de D par rapport au plan A. Ce sont des anneaux à Tinfini si les surfaces C et R sont parallèles, les franges localisées des lames minces si ces surfaces sont voisines et légèrement inclinées l'une sur l'autre. Pour repérer ces franges localisées qui peuvent être rendues visibles en lumière blanche, puisque les deux surfaces réfléchissantes peuvent se couper, le miroir D porte, tracé sur l'ar- genture, un quadrillage visible dans les figures suivantes. Ajou- tons que le miroir D ainsi que Télalon à mesurer sont portés par des chariots mobiles au moyen de vis micrométriques de grande longueur. La détermination de la longueur de l'étalon se ramène à celle de l'ordre d'interférence au centre des anneaux que l'on obtien- drait entre deux surfaces planes, parallèles, réfléchissantes, qui auraient pour distance celle des miroirs de Télalon. Or, cet ordre d'interférence est égal à la difl'érence algébrique des ordres d'in- terférence aux centres des anneaux que l'on obtient simultanément entre le plan de référence et les deux miroirs de l'étalon. Sa partie fractionnaire, en particulier, se déduit immédiatement des excé- dents fractionnaires aux centres des deux systèmes d'anneaux. On mesure ces derniers par une méthode de compensation. La lame B est, à cet eflet, susceptible de petits déplacements mesurables autour d'un axe vertical. On a ainsi le moyen de modifier progres- sivement le chemin optique de Tune des ondes interférentes. Si l'on a, de la sorte, déterminé les excédents fractionnaires correspondant à la longueur de l'étalon pour les trois radiations rouge, verte et bleue du cadmium, on a les éléments nécessaires pour achever le calcul par la méthode connue (Chap. II, § 2), mais à la condition : i^ de connaître une valeur approchée de la longueur de cet étalon; 2** de connaître avec une exactitude suffi- sante les rapports des longueurs d'onde des radiations employées. De là résulte la nécessité d'avoir efl'ectué des mesures prélimi- naires sur une série convenable d'étalons plus courts. Ces étalons, — 124 — au nombre de neuf, présentaient des épaisseurs décroissant en progression géométrique de raison -y variant de lo*^"* (étalon IX) à ^ (étalon I). La mesure définitive de chacun d'eux s'effectuait par la méthode dont je viens d'indiquer le principe. Les méthodes employées pour la mesure préliminaire, approchée, de chacun d'eux, ont été les suivantes : Étalon I. — A côté de cet étalon, on en dispose un second, donnant des anneaux entre le plan de référence et l'un de ses miroirs B (Jig- 4)- L'étalon I est, au contraire, légèrement incliné i ÎJ Fig. y ^ 1 1 1^ ^^ -+ \ ç +A \ ,.-.-i! 7 sur le plan de référence. Nous pourrons, en déplaçant ce dernier, l'amener à intersecter successivement les surfaces A, puis A', ce que nous reconnaîtrons à l'apparition, sur la surface inlersectée, des franges localisées visibles en lumière blanche. Si nous obser- vons d'autre pari, en lumière rouge du cadmium, les anneaux à l'infini, produits par le miroir B, et si nous comptons le nombre relativement faible (121 a) des anneaux qui disparaissent au centre lorsque l'on passe de l'une de ces positions du plan de référence à l'autre, ce nombre est, à quelques unités près, ce qui suffit, la partie entière de l'ordre d'interférence correspondant à l'épais- seur de cet étalon. Pour procéder aux mesures définitives, il suffit de rectifier rorienlalion de l'étalon par rapport au plan de référence (*). (') L'exemple donne p. 116 correspond précisément à cette mesure de rétalon I. — 125 - Autres étalons* — La mesure préliminaire des autres étalons se trouve singulièrement simplifiée par l'application d'une ingénieuse mélhode de duplication (Chap. II, § 4). Soit à comparer les longueurs des étalons I et II, sensiblement doubles Tun de l'autre {Jig- 5). Nous les disposerons côte à côte, Fig. 5. t^ M ■^ é ^ - 1 J J> s. / J— 1 ^-H- ^ ^ \ A A 1 , - - -- n 1 -1 "J 1 - IB. - ^ Ht :l :_ / X z+ -l- %^ y ^^fc ^^ N 1 ■" ~N l V / " - ^ I ir i m -H \T -^ — t- ^T V V 1 1 D/ \ 1- __ L a.^ / ^ ^ i ^ L^ l'un étant fixe, l'autre, le plus court, mobile au mojen de la vis micrométrique, et nous les inclinerons d'angles petits et égaux dans le même sens par rapport au plan de référence. Nous effectuerons alors les opérations suivantes : 1° Par le déplacement à la fois du plan de référence et de l'étalon mobile, apparition simultanée des franges en lumière blanche sur les miroirs inférieurs A et B des deux étalons (aspect M). 2" Par le déplacement du plan de référence, apparition des franges en lumière blanche sur le miroir supérieur A' de l'étalon le plus court. Le plan de référence a été transporté d'une quantité sensiblement égale à la longueur de cet étalon (aspect N). 3° Par le déplacement de Tétalor court, nouvelle apparition — 126 — (les franges en A (aspect P). Cet étalon a été de la sorte transporté d'une quantité sensiblement égale à sa propre longueur. 4'' Par le déplacement du plan de référence, apparition des franges sur le miroir supérieur A' de l'élalon I. On s'est trouvé de la sorte avoir transporté le plan de référence, de la première de ses positions à la dernière, d'une cjuanlité sensiblement égale au double de la longueur de l'étalon le plus court et, par suite, sensi- blement égale à celle de l'étalon le plus long. Si donc ce dernier a été convenablement établi, on devra se trouver réaliser l'aspect Q ; les franges apparaissent simultanément sur les deux miroirs supérieurs A' et B^ Eu réalité, lorsque les franges appa- raissaient sur l'un, on pouvait toujours les faire apparaître sur l'aulre par le jeu du compensateur. On voit que l'on pouvait déduire ainsi une valeur approchée de chacun des étalons de la valeur connue de l'étalon précédent. Il est important de remarquer (|ue ces expériences de compa- raison des étalons entre eux ont pour but uniquement de fournir des renseignements. La mesure définitive de l'ét^ilon IX est donc indépendante de toute la série des mesures antérieures. Comparaison de l'étalon IX à l'étalon du mètre. — On voit qu'il est possible de faire subir à un étalon un déplacement égal à sa longueur ou qui en difTrre d'une quantité facilement mesurable. S'il est nécessaire de la mesurer, après avoir reconnu la frange sombre centrale en lumière blanche, on substitue à cette dernière la lumière jaune du sodium, puis on anu>ne, |)ar le jeu du compen- sateur, cette frange centrale à coïncider avec l'un des traits verti- caux, toujours le même, du plan de référence. On mesure de la sorte la quantité très petite dont il resterait à déplacer, soll le plan de référence, soit l'étalon, pour amener les deux surfaces réfléchissantes à se couper suivant la ligr^e qui se projette sur ce trait. il est facile enfin de tenir compte de Tinclinaison de l'étalon sur le plan de référence, que l'on peut déduire de la largeur des franges. En répétant dix fois consécutives cette opération sur l'étalon IX, on se trouve lui avoir fait subir un déplacement total, voisin de i™, exactement connu en fonction des trois longueurs d'onde des - 127 — radiations rouge, verte et bleue du cadmium. Il s'agit de com- parer d'autre part ce déplacement à la dislance des deux traits d'une copie connue de l'étalon prototype du mètre. L'étalon IX est muni, à cet eOet, d'un index latéral faisant corps avec lui, auquel est fixé un bouton dé nickel poli, sur la surface duquel est tracé un trait parallèle aux miroirs. Ce trait, dans ses deux positions extrêmes, vient se placer à proximité des traits extrêmes de l'étalon du mètre. Deux microscopes fixes, à oculaires micrométriques, permettent d'observer la dislance des deux traits visibles simultanément dans le champ. Une même longueur, voisine de i™, se trouve donc finalement avoir été mesurée, d'une part, en longueurs d'onde, d'autre part, en fonc- tion du mètre. Le résultat de plusieurs séries concordantes de mesures est le suivant : Air à la pression normale et à i j" du thernionièlre en verre dur. !'"= i553i(>3,5H, H = o!A,6i3 8472A, = I (jGGi^Oî/Vj V = oH-, 5o8 58j>4o, = 2o8337'2,iB, B = 0M7999107. Chacun de ces nombres paraît exact au moins à ^^^^^^^^^^^^ près. II. Les expériences qui viennent d'être décrites peuvent être considérées comme ayant eu pour but la mesure en longueurs d'onde d'une longueur à traits, définie par la distance de deux traits parallèles. M. R. Benoît, d'autre part, a appliqué les mêmes méthodes à la détermination optique de longueurs à traits plus courtes [i»"™ et 1^"*] ('). Il reste à exposer les méthodes qui per- mettent de mesurer optiquement une longueur à bout, c'est-à-dire l'épaisseur d'un corps solide. Trois méthodes ont été employées. Méthode des franges de Talbot (2). — La moitié du faisceau issu d'une fente éclairée par la lumière solaire traverse, au voisi- nage du bord, la lame à mesurer, d'indice /?, l'autre l'air. La lumière tombe ensuite sur un réseau concave de Rowland de 3'", 1 5 (') Journal de Physique, t. VII, p. 57; 1808. (^) Macé de Lepixay, Annales de Chimie et de Physique^ 6* série, l. \, 1887; 7« série, t. V, i8(j5; et 7' série, l. XI, 1897. - 128 — de rajon. On observe les franges de Talbol obtenues, au moyen d'un oculaire micrométrique. On a, dans ce cas, X ^ A n — \ Les radiations utilisées correspondent à six raies très fines du spectre solaire, convenablement réparties entre les raies B et F. Parmi ces raies ont été choisies deux raies du fer, très nettes, très voisines de la raie verte du cadmium qu'elles encadrent. Des ordres d'interférence correspondant à ces deux raies du fer, on déduit celui qui correspond à la raie du cadmium. Les épaisseurs étudiées se trouvent donc mesurées en fonction de la longueur d'onde de cette dernière radiation. Il est inutile de revenir sur les méthodes employées pour la mesure des excédents fractionnaires des ordres d'interférence et sur le calcul de leurs parties entières. Disons seulement que la valeur approchée des épaisseurs était déduite par une véritable méthode spéciale de duplication des épaisseurs connues de lames plus minces. Cette méthode a été appliquée, en dernier lieu, à la mesure des dimensions d'un cube de quarlz de 4^™ environ de coté, destiné à la détermination de la masse du décimètre cube d'eau. Grâce aux perfectionnements apportés par l'auleur dans la mesure des indices et à l'emploi d'un grand goniomètre construit par Brunner, l'ap- proximation obtenue a pu atteindre oî^, 08. De pareilles mesures absolues, qui ne donnent l'épaisseur de la lame qu'en un nombre restreint de régions, doivent être com- plétées par l'étude de ses irrégularités et le tracé des courbes d'égale épaisseur. On obtient ce résultat au moyen de la même méthode interférentielle, mais en séparant, sur une partie de leur trajet, les deux faisceaux inlerférentiels ('). La lame étant mobile dans deux directions rectangulaires, normales l'une et l'autre au faisceau qui la traverse, on peut aisément mesurer le déplacement d'une frange dans le spectre, lorsqu'on substitue à une région (') La inétliode adoptée fui celle de M. iMascarl {Journal de Physique, 1874» p. 3io). - 129 - étalonnée une série d'autres régions convenablement choisies, et en déduire les différences correspondantes d'épaisseur. La méthode des franges de Talbot est la première en date ; elle est d'une application commode, mais elle présente l'inconvénient de reposer sur la détermination préalable d'une donnée auxiliaire, un indice de réfraction. Méthode des lames argentées. — C'est la raison pour laquelle MM. Fabry, Macé de Lépinay et Pérot (*) ont repris l'étude du même cube en utilisant les propriétés des lames faiblement argentées. Je ne donnerai ici que le principe de leur méthode, avec les quelques simplifications qu'ils seraient amenés à y apporter aujourd'hui. Deux disques de verre argentés, plans, comprennent entre eux le cube. Leur distance est à peine supérieure à la dimension qu'il s'agit de mesurer, et leur diamètre est suffisant pour que le cube laisse libres, vis-à-vis de chacune de ses faces latérales, quatre segments dans lesquels peuvent se produire les anneaux à l'infini. De la parfaite régularité de chacun de ces systèmes d'anneaux et de leur complète identité de coloration lorsqu'on emploie pour les produire la radiation complexe du cadmium, il est permis de conclure au parallélisme parfait des deux disques. Il suffit, dans ces mêmes conditions, de changer le mode d'observation pour distinguer les franges localisées dans les deux lames minces com- prises entre les faces du cube et chacun des deux disques. Il est possible dès lors, en utilisant les franges de superposition (t;o/r Ghap. II, § 4) : i® de copier l'épaisseur d'air comprise entre les deux disques au moyen d'un appareil de même nature à épais- seur variable; 2° de copier les épaisseurs des deux lames minces en des points bien repérés au moyen de lames minces prismatiques graduées. Ces trois copies peuvent être, après coup, étalonnées par les méthodes connues. Toutes ces opérations, fait à signaler, ne demandent que quelques minutes. Pour ces mesures absolues, les faces du cube ne sont pas argentées, afin d'éviter les changements de phase par réflexion. La même installation permet (en argentan t au contraire les (*) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, t. CXXVIII, p. i3i7; 1899. C. P., I. 9 - 130 — faces du cube pour obtenir des franges plus nettes) de photo- graphier les franges des deux mêmes lames minces en utilisant à cet effet la radiation violette du mercure. De la forme des franges ainsi obtenues, on déduit facilement celle des courbes d'égale épaisseur pour les faces étudiées du cube. Emploi de l'appareil de Michelson. — M. P. Chappuis (*), pour mesurer les dimensions d'un cube de verre de 5*^" de côté, des- tiné également à la détermination de la masse du décimètre cube d'eau, emploie la méthode de M. Michelson. Il est facile, en effet, de constituer un dispositif analogue à celui des étalons qui ont été décrits (y?^. 2), en plaçant le cube devant un plan de verre qu'il ne recouvre que partiellement. La partie libre de ce plan ainsi que la face antérieure du cube sont argentées et sont amenées au parallélisme. Nous savons en mesurer la distance par la méthode de M. Michelson. D'autre part, entre la partie recouverte du plan et la face postérieure du cube (dénuées Tune et l'autre d'argen- ture), prennent naissance des franges localisées des lames minces, dont nous savons déterminer l'ordre en chaque point. Il s'ensuit aisément le calcul de l'épaisseur correspondante du cube. Pour permetlre de juger des services que peuvent rendre de pareilles méthodes de mesure d'épaisseurs, j'indiquerai les résul- tats relatifs à la masse du décimètre cube d'eau distillée à 4**» de ces trois séries d'expériences : kg Macé de Lépmay <>» 9999^4 Fabry, Macé de Lépinay, Pérot 0,999974 Chappuis 0,999976 Avant les recherches de ces dernières années, l'incertitude sur ce nombre montait à plus de 0^,1 (2). Je n'ai pu, dans cette étude, que signaler quelques-unes des ap- plications des phénomènes d'interférence aux mesures de précision. Mon but était principalement d'exposer les méthodes générales. (*) Comité international des Poids et Mesures {Procès-verbaux y 1897, p. 66). (') Voir p. 96 ci-dessus. - 131 — L'ÉCHELLE THERMOMÉTRIQUE NORMALE ET LES ÉCHELLES PRATIQUES POUR LA MESURE DES TEMPÉRATURES, Par p. CHAPPUIS, rnYSICIEN DU BUREAU INTERNATIONAL DZS POIDS ET MESURES» La grande importance de la température dans la plupart des phénomènes physiques et chimiques a provoqué, depuis long- temps, des recherches faites en vue de perfectionner les procédés employés à sa mesure. Ces procédés sont généralement imposés par les conditions des expériences : intervalle de température à mesurer, précision exigée dans le résultat, dimension des bains ou des espaces à explorer. Or, dans chaque cas particulier, les résultats sont exprimés dans une échelle arbitraire, qui dépend du phénomène auquel les températures sont rapportées : dilatation d'un gaz, d'un liquide ou d'un solide, variation de résistivité d'un métal, pouvoir thermo-électrique, rayonnement, etc., de telle sorte que les données des expériences ne peuvent avoir une portée générale que lorsque les mesures immédiates ont été préa- lablement ramenées à une échelle bien définie. Pour rendre possible cette réduction dans les cas les plus impor- tants de la pratique, on a entrepris, dans divers établissements scientifiques, des recherches systématiques qui ont puissamment contribué à l'unification des mesures de la température; il a semblé intéressant de résumer brièvement ici l'ensemble des — 132 - résultats ainsi obtenus; je ne mentionnerai que les travaux relatifs aux mesures des températures basses ou moyennes, la Pyrométrie faisant l'objet d'un Rapport spécial. Échelle normale des températures. Les comparaisons effectuées au Bureau international (*) des Poids et Mesures entre différents thermomètres à gaz ont montré que les échelles thermométriques de Tazote, de l'acide carbo- nique et deThydrogène présentent entre elles des différences sys- tématiques, assez faibles il est vrai, mais susceptibles d'être mesu- rées avec précision, grâce aux perfectionnements introduits dans la mesure des pressions. Comnve, de tous les gaz étudiés, l'hydrogène est celui qui se rapproche le plus de l'état gazeux parfait, son échelle thermomé- trique doit vraisemblablement se rapprocher beaucoup de l'échelle absolue des températures. Toute considération pratique mise à part, le choix de l'hydrogène comme substance thermométrique paraît donc tout indiqué. Ainsi se justifie la décision prise par le Comité international des Poids et Mesures, en octobre 1887, d'adopter comme échelle thermométrique normale l'échelle centigrade du thermomètre à hydrogène, ayant pour points fixes la température de la glace pure fondante (o") et celle de la vapeur d'eau distillée en ébuU lition sous la pression atmosphérique normale (100°), l'hydrogène étant pris sous la pression manométrique initiale de 1 mètre de mercure, c'est-à-dire i^ = .,35.8 760 de la pression atmosphérique normale (2). (^ette définition pourrait être étendue sans inconvénient aux pressions initiales inférieures à i mètre; car, en se raréfiant, l'hydrogène tend à se rapprocher de l'état parfait. Elle peut s'ap- pliquer, non seulement au thermomètre à hydrogène sous volume constant, mais aussi au thermomètre sous pression constante. (') P. CuAPPUis, Trav. et Mém. du Bureau international, t. VI. (') Voir Guillaume, Les unités de mesure : Rapports, t. I, p. 82. — 133 — Il résulte en effet de mes expériences sur un thermomètre à hydrogène, qui pouvait être employé à volonté sous volume con- stant ou sous pression constante (*), que les indications de ces deux thermomètres sont identiques. Les déterminations relatives à la dilatation de l'hydrogène ont donné pour le coefficient sous pression variable P = o,oo36624(*), et pour le coefficient sous volume variable a = o,oo366oo. Ces coefficients ont été trouvés au moyen d'un thermomètre dont la pression initiale était sensiblement égale à i" de mercure. En appliquant aux résultats ci-dessus les coefficients de variation suivant la pression déterminés par M. Amagat (') et MM. Leduc et Sacerdote (*), on peut en déduire les coefficients limites a,jn, €t ?iim sous pression nulle (5). On trouve ainsi, comme l'a montré M. D. Berthelot («): aiin,= o,oo3662 5, Piiin= 0,0086624. Ces deux valeurs donnent, pour le zéro absolu dans l'échelle centigrade, la valeur — 273", 04 G. Quels que soient les avantages de l'échelle normale des tempé- ratures, il faut reconnaître que l'emploi de l'hydrogène comme (*) Procès- Verbaux des Séances du Comité International, p. 64; iy^7, et 1888, p. 26. (') Cette valeur est la moyenne de deux séries de mesures indépendantes dont Ja première (P = 0,00866254) a été faite avec un réservoir de platine iridié, et l'autre (p = 0,00866217) avec un réservoir de verre dur, dont la dilatation avait été déterminée par une étude préalable. (3) Amaqat, Annales de Chimie et de Phys., 6* série, t. XXIX, p. 129. (*) Leduc et P. Sacerdote, Comptes rendus, 2 août 1897, ^^ Annales de Chi' mie et de Physique, 7» série, t. XV, p. 60; 1898. (^) Pour le coefficient ^ la variation est insignifiante; pour a on a ^* oa -7- =0,00000186, Op par atmosphère, suivant M. Amagat. (•) D. Berthelot, Comptes rendus, février 1899, t. CXXVIII, p. 498. - 134 — substance ihermoméirique présente, dans la pratique, des inconvé- nients sérieux. La perméabilité des métaux pour l'hydrogène aux températures élevées, l'action réductrice de ce gaz sur les oxydes ou sur d'autres substances qui entrent dans la composition du verre, empêchent de l'utiliser pour la mesure des températures su- périeures à 180° ou 200°. Par contre, l'hydrogène se prête fort bien aux mesures des températures basses dans un intervalle très étendu. Thermomètres à azote et à air. Comme les thermomètres à azote et à air ont été employés fré- quemment sous différentes formes à des mesures importantes, la détermination de leurs échelles présentait un intérêt particulier. L'échelle du thermomètre à air pouvant être identifiée à celle de l'azote, je me dispenserai de la mentionner spécialement ( * ). J'exa- minerai successivement les deux formes du thermomètre à azote. Thermomètre à azote sous volume constant, — La différence de marche entre l'échelle du thermomètre à azote sous volume constant et l'échelle normale des températures a été étudiée au Bureau international des Poids et Mesures (2) entre — 2 5'* et 100** pour une pression initiale de 1 mètre de mercure environ. Le Fig. I. diagramme {fig- i, courbe V.c.) représente cette différence de marche entre les limites indiquées. (•) Voir, à ce sujet, Comité international des Poids et Mesures. Procès- Verbaux des Séances de 1888, p. 29. (^) CuAPPUis, Travaux et Mémoires, t. VI. - 135 - L'écart entre les deux échelles est peu important, sa valeur maxima entre o** et loo'' est de j^ de degré vers 4o°; au-dessous de o'*, il prend des valeurs sensiblement plus fortes. Les déterminations du coefficient sous volume constant ont donné en moyenne, pour une pression initiale de i mètre de mer- cure, P = 0,0086745. Si Ton rapproche cette valeur de celles qui ont été obtenues pour des pressions initiales inférieures (* ) Pression initiale 793,5 p = 0,008671 8 » » .. 53o,8 p = o,oo36683 on voit que ^ varie proportionnellement à la pression, et que Ton a j^ = 1 ,32.io~* pour i""* d'accroissement. Pour une pres- sion initiale très faible, on aurait la valeur limite P = o,oo366i3, peu différente de celle que Ton a trouvée pour l'hydrogène. On peut donc admettre qu'à des pressions faibles l'azote se comporte comme l'hydrogène et que, dans ces conditions, son échelle thermomélrique se confond avec l'échelle normale des tem- pératures. On arrive ainsi à la conclusion suivante : La différence de marche entre le thermomètre à azote sous volume constant et l'échelle normale des températures varie avec la pression initiale. Nous arriverons à un résultat analogue pour l'acide carbonique. La forme de la courbe représentant la différence de marche montre que le coefficient ^ présente, aux températures basses, une varia- tion sensible, qui diminue graduellement et doit tendre vers zéro à une température suffisamment élevée. Voici les coefficients vrais de dilatation déduits de mes expériences : (') Harker et Chappuis, Phil. Trans., t. C\CIV, p. 84, 89, gS. — 136 — • 6. Coefficients vrais. 6. Coefficients vrais. o o • o 0,00367698 60 0,00367400 10 0,00367626 70 0,00367384 20 o,oo367'56i 80 0,00367378 3o o , oo3 675 06 90 o , oo3 673 8 1 4o 0,00367461 100 0,00367393 5o 0,00367426 Suivant ces résultats, le coefficient vrai de dilatation de Tazote sous volume constant diminuerait jusqu'à la température de 80® puis augmenterait légèrement. Cette augmentation est de l'ordre des erreurs d'observation ; elle n'est pas d'accord avec les lois générales des gaz, et l'on doit admettre, comme nous l'avons in- diqué, que le coefficient ^ se rapproche insensiblement d'une va- leur limite, distincte de celle qui caractérise la pression nulle et qui semble atteinte un peu au-dessous de 100°. Cette valeur limite peut être évaluée à 0,0036738 pour une pression initiale de 1 mètre. Cela posé, on reconnaît aisément que Téchelle du thermomètre à azote sous volume constant ayant i mètre de pression initiale doit se confondre avec celle du thermomètre à hydrogène pour toutes les températures supérieures à 100°, pourvu que l'on admette, pour le calcul des températures, ^ = 0,0036738 et que l'on attribue à la pression initiale, non point la valeur directe- ment observée, mais celle qu'on aurait dû observer si l'azote avait conservé jusqu'à 0° les propriétés d'un gaz parfait. Les valeurs observées étant Pq = 1™, 000000, Pioo = 1 , 367466, on aurait, pour ce thermomètre parfait, Po= 1™, 000063, Pioo= 1,367466, p = 0,0036738. Le changement de la valeur de 1% correspond à une variation de température de +0,017 degré. Partant de ces données, on peut calculer la différence de marche entre le thermomètre à azote non corrigé et l'échelle normale pour les températures supérieures à ioo°(*). ( *) A la température de 100" et entre 1 cl 2 atmosphères la compressibilité de - 137 On trouve ainsi : Tempéraïuie. ÉclicIIe azole -- Éckelli ; normale, 0 degré lOO 0,000 i5o —0,008 200 —0,017 25o — 0,026 3oo — o,o34 35o -0,043 400 — o,o5i 450 — 0 , 060 5oo —0,068 Ces différences sont peu importantes, elles ne dépassent guère les autres erreurs qui affectent inévitablement des observations même très soignées ( * ) ; elles sont représentées, dans le diagramme {fig- 1) parla partie rectiligne de la courbe V.c. Dans la plupart des mesures aux températures élevées, pour lesquelles la pression initiale est généralement inférieure à 1 mètre, ces écarts sont encore sensiblement réduits, de sorte qu'on peut les négliger entièrement. On pourrait aussi, inversant le problème, se proposer de déter- miner la différence de marche d'un thermomètre à azote dont la valeur du degré aurait été fixée par l'observation des tempéra- tures normales 100® et 200°. Les indications de ce thermomètre concorderaient avec l'échelle normale pour toutes les tempéra- tures supérieures à 80®, elles s'en écarteraient au-dessous pour atteindre à o** une différence de 0,017 degré suivant les données précédentes qui se rapportent à une pression initiale de i mètre. Ces différences de marche sont représentées dans le diagramme suivant, où les températures normales sont portées en abscisses et Tazole est moindre que ne l'exige la loi de Mariette, de sorte que ce gaz se trouve dans des conditions analogues à celles de Thydrogène pris à la température or- dinaire. ( ' ) Une source d'erreurs qui affecte principalement les mesures aux tem- pératures élevées est Tinsuffisance des données sur la dilatation des réservoirs thermométriques dans l'intervalle de température correspondant aux mesures. Il est indispensable, pour perfectionner les mesures, d'étendre les déterminations par les méthodes précises au delà de loo*. Le dilatomètre Fizeau se prêterait à cette étude mieux que le comparateur à dilatation dont MM. Callendar et Griffiths et M. Bedford se sont servis {Phil. Trans., A., p. 167; 1887 > ^'"^- -^^«o ^ ^- ^LIX, p. 90; 1900). - 138 — les différeQces ea ordonnées. La droite qui joint les points de la courbe entre les ordonnées o et loo représente l'intervalle fonda- mental réel (o-ioo) du thermomètre à azote. Thermomètre à azote sous pression constante. — Sous cette forme, le thermomètre à azote se prête mieux que sous volume constant à la mesure des températures élevées. Le diagramme {fig- i , courbe P. c.) montre la différence de marche de ce thermomètre par rapport à l'échelle normale sous la pression initiale de i mètre. La divergence est environ deux fois plus forte que pour le thermomètre à azote sous volume constant. Les coefficients de dilatation trouvés dans ce cas (^) sont : Îa(o.ioo) = 0,008673 1 ajo.îo) = 0,0036770 «(o.vo) = 0,0086750 » » i™,3868 «(0.100) = 0,0036777 La variation du coefficient a que l'on déduit de ces résultats étant -r^ = 1 , 19.10"^ par millimètre, on aurait, pour le coeffi- cient limite, «lin, = o,oo366ri, valeur qui concorde avec celle déduite pour le coefficient limite |i et avec le coefficient de l'hydrogène. Les développements donnés plus haut sur l'échelle du thermomètre à azote sous volume con- stant s'appliquent également au thermomètre sous pression con- stante, avec cette différence que les écarts sont à peu près doubles pour une môme pression initiale. ( • ) Comité international. Procès-verbaux des Séances de 1888, p. a-;. Les valeurs publiées dans cette Note ont été recalculées ultérieurement et ont subi quelques modifications. 139 Thermomètres à acide carbonique. Au point (le vue de la mesure des températures, le thermo- mètre à acide carbonique ne présente pas le même intérêt que le thermomètre à azote. Ici encore la différence de marche devient insensible pour les pressions initiales faibles; mais elle atteint des valeurs six fois plus fortes que pour Tazote pris dans les mêmes conditions de pression. Je me bornerai à indiquer par le diagramme suivant la différence de marche dans les différents cas soumis aux expériences. Les températures normales sont portées en abscisses, les différences de marche en ordonnées. Fig. 3. Thermomètre à acide carbonique : V.c, sous volume constant : pression à 0*»= 998°*"; I, II et III P.C., sous pression coivstanle de SiS™"*, 998'" et 1387" Des comparaisons faites avec un thermomètre sous volume con- stant, ayant une pression initiale de 5 18™™, ont donné à ao"* et 4o® des écarts, par rapport à réchelle normale, inférieurs aux erreurs d^observation ; on peut donc admettre que, pour cette pression initiale, l'échelle thermométrique de Tacide carbonique se rapproche beaucoup de Téchelle normale des températures. — 140 Thermomètres à mercure. Si l'on pouvait croire, il y a une vingtaine d'années, que le ther- momètre à mercure resterait un instrument capricieux et d'une précision absolue médiocre, il n'en est plus de même aujourd'hui. Le cadre de ce Rapport ne me permet de mentionner que quelques- uns des nombreux travaux relatifs au thermomètre à mercure qui ont paru depuis cette époque : je citerai seulement, parmi les auteurs principaux, les noms de MM. Pernet, Thiesen, Crafls, Marek, Benoît et Guillaume. Par une étude systématique fort minutieuse de toutes les causes d'erreurs, on est parvenu à les éliminer successivement et à fixer les règles pratiques qui per- mettent d'obtenir avec le thermomètre à mercure une précision tout à fait remarquable. On en a fait ainsi un auxiliaire précieux dans une foule de recherches dans lesquelles le thermomètre à gaz ne pourrait être employé sans inconvénient. Je ne saurais ré- sumer les éléments 'essentiels de l'élude des thermomètres à mer- cure avec plus de clarté que ne l'a fait M. le D' Benoît dans son Compte rendu présenté à la première Conférence générale sur les travaux accomplis par le Comité et le Bureau international des Poids et Mesures (* ) : Toute mesure de température par un thermomètre à mercure est, à proprement parler, le résultat de deux lectures sur l'échelle de ce ther- momètre, l'une correspondant à la température que l'on veut mesurer, l'autre correspondant à une température déterminée, connue, et qui puisse être obtenue à volonté toujours identique à elle-même par la reproduction d'un phénomène invariable, tel par exemple que la fusion de la glace pure; cette dernière lecture constitue, par définition, le zéro de réchclle. Ce zéro varie dans un même instrument, avec le temps, et avec les con- ditions dans lesquelles il a été antérieurement placé suivant des lois qui ont longtemps été considérées comme tout à fait confuses et inextri- cables, mais que l'on est pourtant parvenu à élucider d'une manière à peu près complète. Lorsque le thermomètre est resté pendant un temps suffi- samment prolongé à une même température, son zéro prend une position limite, très sensiblement fixe, qui est précisément celle qui doit conslituer le point de départ de l'échelle pour l'observation correspondante. Les températures sont donc comptées à partir d'un zéro variable, qui doit (') Travaux et Mémoires, t. VII, p. iiG. - 141 - être déterminé, dans chaque cas, immédiatement après l'observation dans la réduction de laquelle il doit entrer. L'expérience a prouvé que cette simple règle pratique, qui a été établie en règle générale d'abord par M. Pernet, élimine complètement l'influence des déplacements de l'échelle. Les deu\ lectures, celle de la température et celle du zéro, doivent subir l'une et l'autre les trois corrections de calibrage, de pression extérieure et de pression intérieure, qui les ramènent à ce qu'elles auraient été : 1° si les divisions de l'échelle correspondaient à des capacités égales à l'intérieur du tube; 2" si la pression extérieure exercée sur le thermo- mètre par les milieux ambiants était ramenée à une valeur fixe, toujours la même; enfin 3° si le thermomètre avait été placé horizontalement, c'est- à-dire dans la position où la pression de la colonne mercurielle sur l'in- térieur du réservoir est toujours nulle et par conséquent constante pour toute hauteur de cette colonne. La difl'érence des deux lectures, ainsi dûment corrigées, donne le nombre de divisions de l'échelle correspondant à la température à mesurer; il reste à transformer ces divisions en degrés centigrades exacts, ce qui se fait en ajoutant à cette différence une nou- velle correction dite d* intervalle fondamental. Ces diverses corrections sont fournies par des Tables préparées d'avance, et résultant d'un travail préliminaire dont l'ensemble constitue l'étude du thermomètre. Si une partie de la colonne mercurielle du thermomètre émerge des bains ou étuves dont il sert à mesurer la température, il faut, en outre, appliquer à la lecture une correction nouvelle pour la ramener à ce qu'elle aurait été si le thermomètre tout entier avait été exposé à la température en question ('). Des thermomètres à mercure ainsi étudiés, construits en un verre de même espèce, donnent des fudicalions identiques à quelques millièmes de degré près, ainsi que l'ont suffisamment prouvé les comparaisons directes faites entre un grand nombre d'instruments; mais les thermomètres dont le verre est d'espèce différente présentent entre eux des différences de marche bien caractérisées. Il est donc nécessaire, pour donner aux mesures ainsi faites une valeur scientifique générale, de les rapporter à Téchelle normale des températures par l'application de corrections dites de réduction à r hydrogène dont on trouvera ici un résumé relatif à quelques espèces de verres de compositions connues : (') Je rappellerai que M. Guillaume a indiqué un moyen pratique de correc- tion pour ainsi dire automatique de Terreur due à la colonne émergente par l'emploi d'une tige correctrice. - 142 — Corrections de différence de marche des thermomètres à mercure par rapport à V échelle normale des températures. ^hydrogène = ^mercure H- COrrection. Verre d'Iéoa {^) Température Verre Cristal dur Cristal normale. durC). 16 III. 59 III. français ('). anglais (*). 0 35 +0,359 deg -HO, 40 deg -HO, 23 deg rr deg rr — 3o -T-0,290 -T-0,32 -HO, 18 ff rr — 23 -+-0,226 -+-0,25 -HO,l4 ir rr — 9.0 -1-0,168 +0,19 -HO, 10 If rr — l5 -+-0,117 -+-o,i3 -HO, 07 // rr — lO -t-0,072 -+-0,08 -HO, 04 // rr — 5 -r-o,o33 -+-0,04 -HO, 02 rr rr o 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 -+- J —0,028 — o,o3o —0,014 -o,o35 — o,oo5 -+- lO — 0,052 --o,o55 —0,024 -0,064 —0,009 -+- i5 —0,070 -0,075 — o,o3i -0,087 —0,009 -+- 20 —0,08 5 —0,090 — o,o35 -0,107 —0,009 -+- 25 -0,095 —0,102 -o,o37 — 0,120 — 0,006 -H 3o —0, 102 —0,109 — o,o38 — o,i3o —0,002 -+- 35 —0,106 — o,ii3 — o,o36 — o,i36 -HO, 002 -4- 4o -0,107 —0,1 15 -o,o34 — o,i38 -HO, 007 -4- 45 —0,106 — o,ii3 o,o3o -0,137 -HO, 012 -f- 5o — o,io3 -0,109 —0,026 -0,234 -HO, 016 (•) Les nombres de celte colonne sont tirés des Études sur le thermomètre à gaz. (Chappuis, Trai>aua; et Mémoires du Bureau international, t. VI, p. 116.) Pour les températures supérieures à 100*», voir Comité international, Procès- verbaux des Séances de iSgS, p. 44- (') Pour le verre 16 III les valeurs indiquées sont les moyennes résultant des comparaisons effectuées à la Pbysikalisch-Technische Heichsanstalt par MM. Thiesen, Scheel, Sell d'une part, et d'autre part au Bureau international par M. Guillaume. Les corrections du verre 16 III et du 69 III sont données par M. Scheel (Wied. Ann., t. LVIII, p. 168; 1896). Pour les températures supérieures à loo", on a appliqué aux valeurs indiquées par M. Wiebe {Zeitschrift fur Instrumentenkunde, t. X, p. a4'>)> et qui se rapportent au thermomètre à air, une correction pour la réduction à l'échelle normale. (*) Les valeurs pour le cristal dur français sont tirées du Traité de Thermo- métrie de précision de M. Guillaume, p. 829; 1889. (') Ces nombres m'ont été communiqués par M. Guillaume, d'apris des docu- ments non encore publiés. - 143 - Température normale. Verre dur. Verre 16 III. d'Iéna 59 m. Cristal dur français. Cristal anglais. 0 -h 55 deg -0,097 deg ~o,io4 deiç — 0,021 deg -0,128 deg -HO, ou -f- 6o —0,090 —0,096 —0,016 —0,019 4-0,014 H- 65 —0,082 —0,087 — 0,012 -0,109 4-0,026 -f- 70 -0,072 —0,076 —0,008 -0,097 4-0,028 -^ 75 — 0,062 — o,o65 —0,004 —0,084 4-0,027 -^ 80 — o,o5o — o,o53 — 0,001 -0,069 4-0,026 -T- 85 — o,o38 —0,040 -i-o,ooi — o,o53 4-0,022 -+- 90 —0,026 —0,027 -T-0,002 — o,o36 4-0,017 + 95 — o,oi3 —0,014 -+-0,002 —0,018 4-0,009 H- 100 0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 -hiio -t-o,o37 -1-0, o3 0,00 // // -T-I20 -1-0, o63 -4-0, o5 0,00 // // -r-l30 -+-0,075 -+-0,07 — 0,02 // // -i-i4o + 0,074 -ho, 10 — o,o5 // // -hi5o -4-0,060 -+-0,II —0, 10 // // -+-160 -+-o,o34 -4-0,11 -0,17 u ff -H 170 —0,001 -4-0,09 — 0,26 // // -+-180 -0,043 -t-0,07 -o,38 // // 4-190 — o,o83 4-0,03 —0,52 ff // H-200 —0,125 -ho, 01 —0,70 // // Aux températures supérieures à 200*^ les ihermomètres à mer- cure présentent des écarts trop irréguliers pour qu'il soit utile de donner la valeur de leur différence de marche par rapport à l'échelle normale. Pour les thermomètres renfermant du gaz, des- tiné à empêcher l'évaporation rapide du mercure, les variations de la pression intérieure deviennent une source d'erreur impor- tante. Les résidus de dilatation qui dépendent du mode de refroi- dissement du thermomètre avant l'observation de son zéro dimi- nuent également la précision des mesures aux températures élevées. Les essais intéressants de M. Mahlke (*), sur des thermomètres à mercure renfermant de l'acide carbonique sous haute pression et permettant d'atteindre 55o", concernent plutôt la Pyrométrie que la Thermométrîe ordinaire. (*) Mahlke, Wied. Ann., t. LUI, p. 965; 1895. — 144 - Thermomètres à liquides mouillant le verre pour la mesure des températures basses. Ces instruments ne sont pas susceptibles d'une grande précision. Le thermomètre à alcool est de plus en plus abandonné à cause de ses irrégularités. On remplace généralement l'alcool par le to- luène, dont la viscosité est moindre et la température d^ébullition plus élevée. La marche du thermomètre à toluène, étudiée au Bureau international des Poids et Mesures ( * ) sur plusieurs instru- ments, s'écarte notablement de l'échelle normale des tempéra- tures, ce qui rend l'emploi des thermomètres à divisions équi- distantes peu commode. Les instruments généralement employés ont une échelle rectiflée suivant les indications des Tableaux publiés par le Bureau international (-); ce sont des étalons secondaires dont la précision est sensiblement moindre que celle des thermomètres à mercure. Cependant, un certain nombre de thermomètres à toluène, étudiés individuellement comme des thermomètres à mercure, n'ont pas présenté, à — 75®, de diver- gences supérieures à quelques centièmes de degré. Le toluène se solidifiant à — 102® (') on a cherché une substance thermométrique restant liquide à des températures notablement plus basses. M. F. Kohlrausch (*) a étudié dans ce but un mélange des éthers obtenus par distillation fractionnée du pétrole (point d'ébuUition H- 17°, densité o,65i5 à 17")» q"i ^^ se solidifie pas à la température de l'air liquide ( — 188'', 8). Thermomètre à résistance électrique. Dans son Rapport sur la Pyrométrie, M. Barus (^) donne un résumé général des travaux relatifs aux méthodes électriques de mesure des températures ; je me bornerai donc à ajouter ici quelques indications particulières concernant l'échelle du thermomètre de platine. (') Procès-verbaux des Séances de iSya, p. 4'* (') Ibid., p. 44 et 4.). (3) HoLDOiiN et WiEN, Wied. Ann., t. LIX, p. 226; 1896. (*) F. Kohlrausch, Wied. Ann., t. L\, p. 463; 1897. (*) Bauus, Les progrès de la Pyromëtrie. Rapports, t. I, p. 170. — 145 — Les dernières comparaisons effectuées sur trois thermomètres de platine par MM. Harker et Chappuis (*) confirment d'une manière générale l'expression de la différence de marche entre l'échelle du thermomètre de platine et celle du thermomètre à air qui résulte des travaux de MM. Callendar et Griffiths. Cette expression est \ioo* 100/ pt. où 0 désigne la température dans l'échelle de l'azote,/?^ la tempé- rature dans l'échelle du thermomètre de platine, enfin 5 une constante dont la valeur est 1 ,54 environ. Les écarts entre cette expression et les résultats de l'expérience ne dépassent pas f^ ou ~ de degré dans l'intervalle — 28® à 4- 45o°, et diffèrent un peu suivant les instruments. La valeur de S, caractéristique de chaque thermomètre de platine, a été déter- minée par l'observation des trois températures fondamentales o"*, 100° et du point d'ébullition du soufre, pour lequel MM. Harker et Chappuis ont trouvé 44^^? 2, tandis que les expériences de MM. Callendar et Griffiths avaient donné antérieurement 444">5. Suivant que Ton adopte la première ou la deuxième valeur, on obtient des valeurs de S un peu différentes (i ,54 et i ,5o) et par conséquent des différences de marche diverses. L'application du thermomètre de platine à la mesure des tem- pératures très basses présente des difficultés particulières, à cause de la diminution considérable de la résistance du fil thermomé- trique. Si l'expression de M. Callendar indiquée ci-dessus était applicable aux températures basses, on trouverait, en désignant par Ro et Ro les résistances du fil de platine à 6° et à o", Rq = Rq(i -r 0,003923 50 — 0,00000009440') (*)• Ro s'annule pour 0 = — 205,56, ce qui revient à dire que la conductibilité du platine deviendrait parfaite à cette température et resterait telle jusqu'au zéro absolu. Il semble plus probable que (») Harker et Chappuis, Phil. Irans., t. CXCIV, p. 87; 1900. (') Les données numériques sont celles du thermomètre Kg, comparé au thermomètre à gaz par MM. Harker et Chappuis, loc. cit. C. P., I. 10 — 146 — la transformation s'opère graduellement et que la conduclibililé ne devienne parfaite qu'au zéro absolu. C'est en effet ce qui paraît résulter des observations de M. James Dewar aux températures très basses. Dans ses belles recherches sur le point d'ébuUition de l'hydro- gène (*), M. Dewar a montré qu'aux températures voisines du zéro absolu les valeurs obtenues par l'application des formules de M. Callendar ou de M. Dickson s'écartent des indications fournies par le thermomètre à hydrogène sous pression réduite. Les valeurs obtenues suivant ces procédés pour la température d'ébuUition de l'hydrogène sous la pression normale sont : 1° par le thermomètre à hydrogène — 25?. ou -+- 21 absolus 2** par le thermomètre de platine — 238 ou -+- 35 » 5° par un thermomètre de platine rhodié. . . — 246 ou H- 27 » On voit que les écarts entre ces valeurs sont considérables. Points fixes. L'observation des points fondamentaux 0° et 100° ne pouvant pas toujours avoir lieu sous la pression de 760"" de mercure, il est utile de connaître avec précision les corrections nécessaires pour ramener les observations aux conditions normales. Pour le point zéro, défini comme la température d'un mélange de glace et d'eau pure sous la pression normale, les variations de la pression ont un effet le plus souvent négligeable. L'abaissement du point de fusion dû à l'augmentation de la pression de i centi- mètre de mercure est de 0,00009 degré (*) seulement. Pour la réduction des observations du point 100% on utilise généralement les Tables calculées par Broch (3), d'après les obser- vations de Regnault sur les pressions de la vapeur d'eau. Une nou- velle étude de M. Wiebe a conduit à établir des Tables (*) com- (•) James Dewar, Proceedings ofthe Royal Institution, p. i, janvier 1899. (') Voir à ce sujet Tammann, Annalender Physik, t. II, p. i; 1900. (*) Broch, Travaux et Mémoires du Bureau internationai, 1. 1, p. A. 4^>. (*) H.-F. Wiebe, Tafeln liber die Spannkraft des Wasserdampfes ; Uraun- schweig, 1894. - 147 - prenant les températures entre 76"* et 101°, 5, dont les valeurs diffèrent légèrement de celles de Broch. A la pression de 680°*™ la différence des valeurs Wiebe-Regnault est de — 0,009 degré. Par des expériences indépendantes, j'ai trouvé pour cette même pression un écart de — 0,026 degré. De nouvelles expériences semblent nécessaires pour faire disparaître ces divergences. A la liste des points fixes du Rapport de M. Barus on peut ajouter les suivants, exprimés dans l'échelle de l'hydrogène et qui concernent plus particulièrement la Thermométrie : Ébullition de l'hydrogène sous la pression normale — 252* » l'oxygène » » — 182,5 Mélange d'acide carbonique solide et d'éther en vase clos sous la pression normale — 78,2 Solidification du mercure (*) — 38, 80 Je mentionnerai enfin un travail de MM. Richards et Chur- chill (2), sur une série de neuf points fixes compris entre o** et loo"* et obtenus par ta cristallisation de sels hydratés bien définis. Ce sont, dans l'échelle thermométrique normale : Chromate de sodium Na*GrO*-MoH*0 . . Sulfate de sodium Na*SO^ -+-ioH«0.. Carbonate de sodium Na^CO^ -+-ioH*0.. Hyposulfite sodique Na* S« 0^ -f- 5 H* O . . Bromure de sodium NaBr -h 2H«0.. Chlorure de manganèse. . . MnCl* -h 4H*0.. Chlorure de strontium SrCl» -f- 6H*0 . . Phosphate sodique Na'PO* -hi2H«0 .. Hydrate de baryum Ba 0» H» 4- 8 H* 0 . . .19,85 ■32,379 •35,1 48,0 5o,7 •57,8 - 61,0 •73,4 ■77,9 La température de fusion du sulfate de sodium a été déterminée avec un soin tout particulier et semble pouvoir servir de véritable point de repère en Thermométrie. (') — 39», 22 dans Féchelle du thermomètre à mercure en Terre dur. (*) T.-W. Richards et J.-B. GnuRCHaL, Proc, of the Amer, Acad, of Arts and Sciences, t. XXXIV, p. 277 ; 1899, et T.-W. Richards, Zeitschrift fur physika- lische ChemUy t. XXVI, p. 690; 1890. - 148 - LES PROGRÈS DE U PYROMÉTRIE, Par C. BARUS (»), PROFESSEUR DE PHYSIQUE A BROWN UNIVERSITY, PROVIDENCE, ÉTATS-UNIS. Traduit de l'anglais par D. Berthelot, professeur agrégé à l'École supérieure de Pharmacie de Paris. SOLIDES ET LIQUIDES. Dilatation thermique des solides et des liquides. — Le procédé de Wedgwood, si intimement lié aux débuts de l'histoire de la Pjro- métrie, n'a guère aujourd'hui qu'un seul représentant : c'est le mel- domètre, ingénieux instrument dû à J. Joly (2) dans lequel la dilatation thermique des solides se mesure au niicromèlrc. L'in- venteur même, W. Ramsay (3), et d'autres en ont fait un usage étendu pour étudier les points de fusion et d'ébullition de sub- stances minérales et organiques. Parmi les appareils nouveaux fondés sur la dilatation des liquides je citerai encore le thermomètre de Baly et Chorley (*) dans ( ' ) On trouvera un historique complet et détaillé de la question dans mon éiuilr On the thermo-electric measurement 0/ high températures, qui forme le n" :a du Bulletin of the United States Geological Sun^ey, Washington, iS8(). Les renseignements donnés sans indication de source sont empruntés à cet Ouvrage. Les progrès réalisés depuis 1889 ont été ajoutés ici. Je laisserai de cùté lu mclhodr 1res intéressante de la Pyrométrie par radiation, ce sujet devant tHre trailé (laii>» un autre Rapport. (Voir Lummer, Le rayonnement des corps solides. liapports, t. IL) {•) JoLY, Prcc, Boyal Irish Academy, 3» série, t. II, p. 38-f)'| ; iS()i. (^) Ramsay et EuMORFOPouLos, Phil. Mag., t. XLI, p. 36o; iS(jf). (*) Baly et CuoRLEY, Berl, Ber., t. XXVII, p. 470; 189^. - 149 - equel le mercure est remplacé par un alliage fusible de sodium- potassium. Il convient pour des températures moyennement élevées (*) (700°). En substituant à l'enveloppe de verre une enveloppe de quartz fondu, M. Dufour a reculé de beaucoup la limite d'emploi du thermomètre de forme classique. L'instrument qu'il a construit, et dans lequel il mesure la température parla dilatation de l'étain, permet de dépasser sensiblement 1000° (2). Points de fusion. — La Pyrométrie fondée sur la connais- sance des points de fusion a toujours eu une grande importance, en raison à la fois de sa commodité pour les applications pratiques et de la fixité des constantes thermiques sur lesquelles elle s'appuie. Déjà en 1828 Prinsep (3), en se servant d'un thermomètre à air en or, à pression constante, a donné une série de mesures des points de fusion d'alliages d'or, d'argent et de platine d'une exacti- tude remarquable pour l'époque. Des mélanges en proportions variables (*) de quartz, de carbonate de chaux, de kaolin et de feldspath ont été employés depuis pour constituer une échelle analogue. On les désigne aujourd'hui sous le nom de montres ou cônes de Seger. Becquerel (5) s'efforça d'obtenir des résultats à la fois plus précis et plus étendus. Violle (*) s'attaqua au même pro- blème, et nous lui devons une série de points de fusion qui pen- dant longtemps a constitué l'échelle adoptée par presque tous les physiciens. Au-dessus de 1000", ces mesures n'ont été jusqu'ici ni surpas- sées en précision, ni même contrôlées efficacement, car dans les (') Le Ciiatelier a donné certaines mesures de dilatation du fer, de l'acier, des alliages de cuivre, etc., à haute température {Comptes rendus, t. CXXVIII, p. 1444 î t- CXXIX, p. 33i; 1899. Cf. aussi Comptes rendus, t. CVII, p. 862; 1888; t. GVIII, p; 1046, 1096; 1889; t. CXI, p. 123; 1890). (') Dufour, Comptes rendus, t. CXXX, p. 776; 1900. (3) Prinsep, Ann. Chim. et Phys., 2» série, t. XLI, p. 247; 1829. (♦) LAVTHyBuli. Soc. Chim. Paris, t. XLVI, p. 786; 1886. On y trouvera la description des montres de Seger. (*) E. Becquerel, Ann. Chim. et Phys., 3* série, t. LXVIII, p. 49; i863. («) Violle, Comptes rendus, t. LXXXV, p. 543; 1877; t. LXXXVII, p. 981; 1878; t. LXXXIX, p. 702; 1879. - 150 - plus récentes des grandes recherches sur ce sujet, telles que celles de Holborn et Wien (*), les points de fusion supérieurs à celui du cuivre sont obtenus par une extrapolation très étendue. Citons enfin des séries de mesures de points de fusion, qui ont surtout un ca- ractère de contrôle, dues àEhrhardt et Schertel(2), Ledeboer(3), Van der Weyde (*), Callendar (»), Curie (•), Hejcock et Ne- ville (1895), Barus (') et D. Berthelot («). Voici un Tableau des points de fusion obtenus par divers observateurs : Table des points de fusion. Edmond Ehrhardt Holborn et et Daniel Prinsep. Pouillet. Becquerel. Violle. Schertel. Wien. Callendar. 1 I3erthcl 1828. 1836. 1863. 1879. 1879. 1892. 1892. 1898. 0 0 0 0 0 ^ 0 Argent 999 1000 960 954 954 971 961 962 Or // 1200 1092 1045 (») 1075 1072 loGi 1064 Cuivre.... // // // 1054 ff 1082 // ff Nickel .... /. // ff ff ff 1484 ff ff Palladium.' // // rr i5oo ff 1587 ff ff Platine.... // // // 1775 ff 1780 // ff Iridium ... // If // 1950 ff // If Ces nombres sont rapportés directement ou indirectement au thermomètre à air avec réservoir d'or, de platine ou de porce- (•) Holborn et Wien, Wied. Ann., t. XLVII, p. 107; 1892; t. LVI, p. SCo: 1896; aussi Zeits. fur Instrumentenk.y p. 257-807; 1892. ( ' ) Ehrhardt et Schertel, Jahrb.fûr dos Berg und Huttenw. im K. Sachsen. p. i54; 1879. (') Ledeboer, Wied. Beib.y t. V, p. 65o; 1881. (*) Van der Weydk, 1879. Cf les Tables de Carnelley. (*) Callendar, Phil. Mag.y 5* série, t. XLVII, p. 191; t. XLVIII, p. 519 ; 1899. On trouve dans ce dernier travail l'indication des travaux antérieurs de Callendar, Heycock et Neville. («) Curie, Ann. de Chim. et de Phys.^ b* série, t. V, 189a. (^) Barus, loc. cit. Cf également Behandlung^ u. Messung hoher Temp.: Leipzig; 1892; Amer. Journ.y 3* série,, t. XLVIII, p. 332; 1894. (•) D. Berthelot, C. -/?., t. CXXVI; févr. 1898. (») M. Violle a fait connaître {Comptes rendus, t. XCII, p. 8GG; i8vSi) que c'est par suite d'une erreur de transcription que ce nombre avait été marqué comme égal à io35*» dans ses premières Notes. {Note du traducteur.) — 151 - laîne. Il est inutile de donner une Table plus complète (*). On trouvera les renseignements à cet égard soit dans l'Ouvrage de Landolt et Bôrnst'ein (2), soit dans les Tables de Garnelley {^), D'ailleurs j'estime que le moment est venu maintenant d'établir une série entièrement nouvelle de constantes pyrométriques, et je considère que des expériences comparatives nouvelles n'au- raient qu'un médiocre intérêt. Ce travail a été fait d'une manière suffisante par Holman, Lawrence et Barr, Callendar, Le Chatelier et les autres auteurs déjà mentionnés. La même remarque peut s'appliquer aux points d'ébullition. Ébullition. — Aux hautes températures, il est plus difficile d'obtenir exactement un point d'ébullition qu'un point de fusion. Pourtant les points d'ébullition du zinc, du cadmium, du sélénium, du soufre et du mercure ont été souvent employés. Il en sera question au cours de cette étude. Le zinc a été étudié par de nombreux physiciens (Becquerel, Deville et Troost, Violle, Weinhold, Le Chatelier, Holborn et Wien et d'autres) et les résultats sont bien concordants (^). Pour le soufre, la valeur classique de Regnault (448°, 38) a (*) Parmi les conlribulions récentes je mentionnerai Le Chatelier, C. B., t. CXIV, p. 470; 1892 (température des fours industriels de verrerie, de porce- laine ou des fours métallurgiques); V. Meyer, Riddle et Lamb, Chem. Ber., t. XXVII, p. 3129; 1894 (sels); Moldenke, Zeits. fur Instrumentk.j t. XIX, p. i53; 1899 (fer et acier); Cusack, Proc. Boy. Irish.Acad., 3* série, t. IV, p. 399; 1899. (*) Landolt und BOrnstein, Phys.-Chem. Tabellen^ Berlin; 1894. (*) Garnelley, Melting and boiling point Tables y London ; i885. C/Conecby, Chem. News y t. XLI, p. 189; 1880. (^) J'ai longtemps été d'avis que, ou bien le point d'ébullition du zinc était évalué trop haut, ou bien les points de fusion de l'argent et de l'or trop bas. Des expériences d'interpolation de Le Chatelier ne semblent pas confirmer cette opi- nion (C. B., t. CXXI, p. 323; 1895). [M. Barus {Amer, Journ., (5), t. XLVIII, p. 332, 1894) admettait qu'en prenant pour point de fusion de l'argent le nombre 986", le point d'ébullition du zinc était égal à 929**; mais que si l'on prenait pour point de fusion de l'argent 956'* le point d'ébullition du zinc devait être 9o5». J'estime que l'écart entre le point de fusion de l'argent et le point d'ébullition du zinc, sans atteindre 67 degrés ni même 5i degrés, dépasse certainement 4o degrés, Les expériences que j'ai faites pour obtenir ce point d'ébullition en valeur absolue par la méthode interférentielle, en employant un four électrique spécial construit de manière à éviter une surchauffe ou un refroidissement par rayon- nement des parois, m'ont donné le nombre 920** pour l'ébuUition du zinc. Le — 152 — onglemps été admise sans conteste (*), mais récemment Callen- dar et Griffiths (^), puis Chappuis et Harker (^), ont donné les valeurs 444>53 + 0,082 (H — 760) et44^,îio h- 0,088 (H — 760). Ce point a une grande importance, car il sert à étalonner les ther- momètres de Callendar (*). Je reviendrai sur les points d'ébulli- tion du cadmium et du sélénium. Chaleurs spécifiques. — Les thermoscopes fondés sur la chaleur spécifique offrent, sur ceux fondés sur les points de fusion, l'avan- tage de la continuité. Mais ils sont presque aussi dépendants des propriétés du corps choisi pour instrument de mesure (presque aussi « intrinsèques » selon l'expression de Lord Kelvin), et ils sont d'un usage moins commode. Le premier physicien qui poussa à leur emploi (comme à celui des autres procédés) fut Guylon-Morveau (s); mais les premières recherches sérieuses sont celles de Pouillet (^) (i83()). point de fusion de l'argent a été trouvé de 962*» dans des expériences faites par la même méthode {Séances de la Société de Physique de Paris, p. i3, fé- vrier 1898, et Bulletin du Muséum, n* 6, p. 3oi; 1898). Le nombre ainsi trouvé pour le zinc s'accorde bien avec les recherches plus récentes de MM. Holborn et Day, qui ont trouvé 910» à gSo» avec leur thermomètre à air à réservoir de pla- tine ( Wied. Ann., août 1899), et avec celles de M. Callendar, qui a trouvé 916* avec son thermomètre à résistance de platine {Phil. Mag.^ dér. 1899). (Note du trad.)]. ( ' ) P. Chappuis, recalculant ce point en tenant compte seulement des obser- vations de Rcg^nault faites aux pressions comprises entre 467"°' et iSog"", trouve 447-5'. (') Callendar et Griffiths, Proc. Boy. Soc. London, t.XLIX, p.56-6o; 1891 . (3) Chappuis et Harker, Travaux et Mémoires du Bureau international des Poids et Mesures, t. XII; 1900. Cette valeur est la moyenne de mesures indépendantes faites avec deux ther- momètres à résistance étalonnés au moyen de deux thermomètres à gaz; les plus grands écarts individuels de cette moyenne atteignent o,i5 degré. (*) Parmi les recherches récentes, il faut mentionner celles de Preyer cl V. Meyer sur les points d'ébullition des chlorures et bromures au rouge naissant {Zeits. fdr anorg. Chem., t. II, p. 1-6; 1892; Berl. Ber.. t. XXV, p. (iia ; 1892) et les Tables de S. Young pour la pression de vapeur du mercure ( Trans. chem. Soc, p. 629; 1891); Mac Crac a donné une liste de points d'ébullition variés (Wied. Ann., t. LV, p. 96; 1895). Une liste provisoire de points de fusion et d'ébullition est donnée par Callen- dar, Phil. Mag.y (5), t. XLVIII, p. 619, 1899. (») GuYTON-MoRVEAU, Ann. Ch. et Phys., t. XLVI, p. 276; i8o3; l. LXXIII, p. 254, 1810; t. LXXIV, p. 18, 29; 1810; t. XC, p. ii3, 225; 1814. (•) Pouillet, loc. cit. — 153 — Se servant d'un thermomètre à réservoir de platine qui d.^v!iu doublement fameux entre ses mains et entre celles de Becrpicrel, Pouillet trouva la chaleur spécifique du platine entre o® et 1200° assez près d'être constante pour fournir une base rationnelle à celte méthode. Ce fut par la méthode calorimétrique que Violle («877-1879) obtint les plus élevés de ses points de fusion au moyen d'une extrapolation peu étendue, c'est-à-dire en étudiant la variation de la chaleur spécifique avec la température jusqu'au voisinage de ces points de fusion et en extrapolant jusqu'à ceux-ci. La seule mesure approchée que nous ayons aujourd'hui des énormes tem- pératures produites dans les belles recherches de Moissan (* ) avec son four électrique (200o°-4ooo'') est celle que Violle adonnée d'après la chaleur spécifique du carbone. Mais elle est plus incer- taine que les précédentes, en raison de l'amplitude de l'extrapola- tion; d'après Le Chatelier (^) la chaleur spécifique du carbone continue à varier même aux plus, hautes températures que nous sachions produire. Enfin il faut mentionner les études sur la variation de la cha- leur spécifique des gaz aux hautes températures, reprises récem- ment par Fliegner (3), dans une direction inaugurée par Berthelot et Vieille, Mallard et Le Chatelier. GAZ. Dilatation des gaz. — Laissant de côté les autres thermomètres intrinsèques, il convient de considérer maintenant la méthode qui seule peut donner des indications absolues, exception faite peut- êlre pour les recherches récentes de D. Berlhelol : je veux dire la méthode manométrique de la dilatation des gaz, et en particulier le thermomètre à air. La première série d'expériences bien faites est celle de Prin- sep (*) ( 1 829). Dans ces recherches, remarquablement exactes pour (') MoissAN, Le four électrique, Paris, 1898. C-) Le Chatelier, C. R., t. CXVI, p. io5i; 1893. (>) Flieoner, Wied. BeibL, t. XXIII, p. 964; 1899. (*) Prinsep, loc, cit.f et Trans. Boy. Soc. London; 1827. — 154 - l'époque, T auteur employait un thermomètre à pression constante, le fluide manométrique était l'huile d'olive et la variation de volume de l'air qui sortait du réservoir d'or était évaluée par la pesée du volume d'huile déplacé. Les recherches de Prinsep ne furent dépassées que par Pouil- let (*) (i836) qui construisit un thermomètre à air à réservoir de platine et put ainsi atteindre des températures plus élevées que ses contemporains et même que ses successeurs pendant bien des années. Son thermomètre à air à pression constante, beaucoup perfec- tionné ensuite par Regnault (2), me semble à tous égards très propre à des recherches de ce genre. Pouillet ne soupçonna pas la perméabilité du platine aux gaz du four et à l'oxygène : c'est pourquoi ses nombres sont indubita- blement trop élevés. Il ne reconnut pas les anomalies du couple platine-fer, qu'il calibra d'ailleurs soigneusement. Les résultats de ses recherches conduisirent en outre à établir les bases de la Pyrométrie de radiation et de la Pyrométrie calorimétrique. 11 est permis aujourd'hui de se demander si Deville et Troost(^) firent un pas dans la bonne direction quand ils remplacèrent, longtemps après, le platine par la porcelaine vernissée. Tout d'abord (i 857-1860) ils se servirent de la méthode des densités de vapeur de Dumas pour l'évaluation des températures. Malheu- reusement, la vapeur d*iode, à laquelle ils eurent recours, se dis- socie aux hautes températures, comme on Ta reconnu depuis; c'est pourquoi les valeurs originales de Deville et Troost (point d'ébullition du zinc à io4o°, du cadmium (*) à 860°) étaient beau- coup trop hautes. Ces résultats furent bientôt contestés par Becquerel (^) (i863), qui se servit du gros réservoir de platine de Pouillet pour calibrer un couple palladium-platine et trouva, pour le point d'ébullilion (» ) Pouillet, toc. cit. (') Regnault, Belation des expériences^ t. I, p. 168; Paris, 1847. (^ ) Deville et Troost, Comptes rendus, t. XLV, p. 821; 1867 ; t. XLIX, p. 239; 1869; Ann. Ch. et Phys., 3« série, t. LVIII, p. 267; 1860. (*) [Les expériences que j'ai faites par la méthode inlerfércnticllc, avec le dispositif signalé dans la Note précédente {Ballet. Mus., 1. c.) m'ont donné pour ce point d'ébullition le nombre 779'). (Note du trad.)-] (*) Becquerel, loc. cit. - 155 - du zinc 932**, et pour celui du cadmium 746®, nombres infé- rieurs de iio degrés à ceux de Deville et Troosl. Une discus- sion (*) s'ensuivit entre ces éminents physiciens, au cours de la- quelle, des deux côtés, ils répétèrent leurs expériences (Becquerel remplaça même le réservoir de platine de Pouillet par un réservoir de porcelaine) sans pouvoir se mettre d'accord. Les recherches ultérieures ont décidé en faveur de Becquerel, et son Mémoire original avec les applications qu'il contient à la fusion, à la radia- tion, à la thermoélectricité, etc., représente un des plus notables progrès de l'histoire de la Pyrométrie moderne. D'aulre part, il est curieux de noter que c'est précisément à Deville et Troost que nous devons la découverte de la dissociation, ainsi que celle de la perméabilité (2) du platine et des autres métaux par les gaz aux hautes températures : faits qui, dans la discussion présente, se sont tournés contre leurs auteurs. Victor Mejer {^) fut le premier qui découvrit la dissociation de la molécule d'iode, inaugurant ainsi une théorie qui a été étendue depuis à d'autres molécules. En i863, Deville et Troost (*) commencèrent la publication d'une nouvelle série de recherches pjrom étriqués, dont le trait caractéristique était la forme perfectionnée du réservoir de por- celaine. C'était une sphère creuse de porcelaine avec une tige capillaire, le tout ajusté selon le dispositif du thermomètre à air de Regnault. La grande difficulté (je dirai la difficulté capi- tale, sinon insurmontable pour tous les thermomètres en porce- laine) fut de vernir ce réservoir à l'intérieur. On y réussit enfin en fabriquant le thermomètre et la tige séparément, puis en les soudant au chalumeau oxhydrique. La tige n'est pas vernie à l'in- térieur, et, comme les liges présentent toujours des fissures, les (*) Becquerel, Comptes rendus, t. LVII, p. 855, 902, 925; i863; Jnst., p. 369, 385; i863. — Deville et Troost, Comptes rendus, t. LVI, p. 977; i. LVII, p. 894, 935; i863; Inst., p. 161, 377, 897; i863. Des valeurs aussi basses que89io (zinc) et 720*» (cadmium) furent même trou- vées par Becquerel. (*) Deville et Troost, Bépert. Chim. appL, p. 326; i863; Comptes rendus, t. LVII, p. 965; i863. — Troost, Comptes rendus, t. XCVIII, p. 1427; 1884. (*) V. et C. Meyer, iSer/. Ber,, t. XII, p. 1426; 1879; t. XIII, p. 391, loio; 1880. Des recherches semblables dues à Crafls, à Crafts et Meyer, à Berthelot et d'autres parurent vers le même temps. — Cf. Langer et Meyer, Pyrochemische Unter- suchungen. Braunschweig; i885 (*) Deville et Troost, Comptes rendus, t. LXIX, p. 162; 1864. — 156 — ihermomèires en porcelaine sont invariablement soumis à une erreur grave de ce chef. Par suite, on ne saurait dire que, même au-dessous de i5oo", où la bonne porcelaine est encore rigide, le thermomètre à air en porcelaine fournisse une solution satis- faisante du problème pjrométrique. Deville et Troost le savaient bien quand ils inventèrent leur compensateur : c'est une tige sans réservoir, de même volume que la tige du thermomètre et placée dans les mêmes conditions de température. Le compensateur doit donc fournir la mesure de Terreur due à la tige. Des recherches détaillées sur la dilatation de la porcelaine réfractaire accompagnaient le travail de Deville et Troost (*). Ici encore le désavantage dû à la complexité de structure de la porce- laine est un danger pour l'exactitude. Le coefficient de dilatation dépend de la série des états antérieurs du corps, car il se produit une dilatation permanente qui s'ajoute à la dilatation thermique normale, alors même que Ton diminue le premier phénomène par une cuisson préalable du réservoir. La relation complète des grands travaux, de Deville et Troost (^) parut en 1880 : ils com- muniquèrent alors, en même temps qu'une méthode de Thermo- métrie à air fondée sur l'emploi de la pompe à vide, 27 mesures du point d'ébullition du zinc se rapportant à leur controverse antérieure avec Becquerel. Le nouveau nombre, 942° ('), s'accorde bien avec les meilleurs résultats de Becquerel déjà cités et avec les recherches plus récentes de Violle et d'autres physiciens. Les mesures ont ainsi atteint une exactitude d'environ i5 degrés à 1000". Le cadmium ne fut pas examiné de nouveau. Quant au sélénium il bout, d'après Troost (*), de 664" à 683°. A la même époque (1882-1887) une série d'expériences dirigées plus avant dans la voie de Deville et Troost (ut faite au labo- ratoire du Service Géologique des Ltats-Unis (^), dans un but (•) Deville et Troost, Comptes rendus, t. LVII, p. 897; i863. {') Deville et Troost, Comptes rendus, t. \C, p. 737, 778; iSSo. (■') Troost, Comptes rendus, t. XCIV, p. 788; 1882. I.es noiiil)ros varient de 9^5* à 955** suivant les gaz dont on remplit le thermomètre. (♦) Troost, Comptes rendus, t. XCIV, p. i5o8; i8Sj; t. XCV, p. 3o; iS8q. (*) Barus, Bulletin, n" 54, U. S. Geological Survey, p. i-3i3, Washington; 1889. Résumé dans Phil. Mag,, 5« série, t. XXXIV, p. i; 1892. — 157 — géologique. On se proposait d'examiner les méthodes existantes de Pyrométrie en prenant le thermomètre à air comme terme de comparaison. La graduation de pyromètres électriques au moyen de constantes thermiques définies, principalement au moyen de points d'ébullition, y est décrite; les propriétés pyrométriques de 52 alliages de platine y sont examinées; le thermomètre à air en porcelaine, soit à pression constante, soit à volume constant, est étudié en détail; TOuvrage se termine par un essai de méthode thermique fondée sur la viscosité des gaz. Le thermomètre à air en porcelaine fut Tobjet d'une recherche importante à la Physikalisch-Technische Reichsanstatt, Les résultats obtenus par Holborn et Wien (*) jouissent d'un grand crédit, les auteurs ayant eu l'heureuse Idée d'en permettre l'application Industrielle en faisant préparer par Heraus, de Hanau (Allemagne), un alliage de platine et de rhodium, gradué thermo- électriquement pour un Intervalle de température de i4oo degrés. En dehors de ce point, leurs recherches n'offrent rien de bien nou- veau, si ce n'est une tentative un peu plus détaillée pour évaluer la correction due à la lige quand le réservoir du thermomètre n'est pas vernissé Intérieurement. D'ailleurs il est douteux que le calibrage au mercure de la lige soit préférable au compensateur. Ayant étudié mol-même aupa- ravant la question, je ne vois pas que les recherches de Holborn et Wien soient suffisamment affranchies de toute cause d'erreur sys- tématique pour justifier leur prétention à une exactitude absolue de 5 degrés à iooo°. Au-dessus de iooo°, et surtout au-dessus de 1 5oo**, tous les résultats restent assez douteux, et l'incertllude croît avec la température. 11 est probable que l'on est arrivé à la Reichsanstalt à cette même conviction, car dans le travail récent de Holborn et Day ('•*), le thermomètre en porcelaine est abandonné pour le thermomètre en platine Iridié rempli avec de l'azote, gaz auquel cet alliage de platine est Imperméable. Il n'est guère douteux que les belles recherches en cours d'exécution à la Reichsanstalt bouleverseront (•) Holborn et Wien, Wied.Ann., t. XLVII, p. 107; 1892; t. LVl, p. 36o; 1895. - Zeits. fur Instrum., p. 267; 1892. (') Holborn et Day, Wied. Ann., t. LXVIII, y. 817-852; 1899. — 158 - virtuellement la Pyrométrie ea nous donnant une échelle de résul- tats ab inilio, indépendants des erreurs introduites par les im- perfections inévitables des instruments. Erreurs inhérentes au thermomètre à air à volume constant, — Je me propose maintenant de discuter les deux grandes mé- thodes de thermomètre à air et de les comparer l'une à l'autre en vue d'obtenir une notion concrète des difficultés qu'elles présentent à haute température. Je suis obligé dans cette étude de m'en rap- porter aux réservoirs dont je me suis servi, car ce sont les seuls pour lesquels j'aie toutes les données nécessaires. Ils sont d'ailleurs de dimensions moyennes. Je m'occuperai d'abord de la méthode à volume constant qui, grâce à un ingénieux instrument inventé par Jolly (*), a rencontré en Allemagne une faveur marquée et persistante. Considérant tout le système (réservoir, tige, tubes capillaires de jonction, volume du manomètre) nous pouvons y distinguer trois parties : i** le réservoir et le goulot de la tige dont le volume est v et la température T; 2° la partie variable de la tige contenant un volume v' dont la température baisse de T à la température du laboratoire; 3° le reste du système dont le volume est v" à la tem- pérature du laboratoire. Dans mes appareils, ces volumes étaient environ d'où (;' : p = o,ooo39 et i'" : t^ = 0,00423. Pour évaluer l'influence des erreurs de mesure sur le résultat final, il faut considérer les quantités suivantes (0 Ao est la pression du gaz à la température inférieure 0 du réser- (') Jolly, Pogg, Ann., Jubelband, p. 97; 1874. /'o H [ ^ OL 0 e ^ 0' e' u' 0' e" v' — 159 - voir et aux températures 0' et 8" des parties variable et froide de la tige ; H est la pression du gaz à la température supérieure 8 du réservoir et aux températures 8' et 8" des parties variable et froide delà lige; v, i>', i/', définis antérieurement, se rapportent au réci- pient de porcelaine à o**C.; a est le coefficient de dilatation du gaz et ^ celui de la porcelaine. Le degré de précision avec lequel il faut déterminer les quan- if' v" tités //o, H, a, p, -> — pour que l'erreur finale sur 8 ne dépasse pas 0,001 résulte de l'équation des erreurs ae looo De là résultent les équations approchées suivantes, auxquelles on a donné la forme la plus commode pour le calcul, (3) [«-3(i + ae)p e ^ /*0 ô ' a — p 1000 (5) sp =[« + ?(' + -«)]'. (6) ioooa(i-t- a©) e i-ha- 'JL Q e iooo(i -+-ae) ^2 ' \v/ 1000(1-4- a ae) Introduisons dans ces équations la valeur Ao=i6*"; posons a = 0,00367, ^ = 0,000017, ô'^=20®, les formules (3) à (7) con- duisent aux résultats suivants. Dans le Tableau I les valeurs abso- lues des erreurs SAoj 8H, 8p, ^\~)' ^\'~) ^"^ donnent lieu à une divergence de dans le résultat, aussi bien que les erreurs relatives —> -h -9 -^ -> sont calculées pour une série de valeurs de 8. 160 - Tableau I. Comparaison des diverses erreurs qui affectent le résultat final de 0,001. e. S/to- 6H. Sp.io«. 5(^).ïo*. 6(-).io«. ^- ■'(?) '(7) V V „ cm cm 100. — 0,004 0,006 2,61 860 780 o,l5o 1,1 0,184 'ioo. — 0,010 o,ov«8 1,27 680 38o 0,074 1,7 0,089 1000. —0,012 o,o56 0,75 610 aSo 0,044 ï>6 o,o54 i5oo. — o,oi3 o,o83 o,53 58o 170 o,o3i i,5 0,039 Comme h^ doit être mesuré avec une précision de o*"",©! il est évident que des lectures de contrôle avant et après réchauffement sont indispensables et que pendant les mesures le thermomètre à air doit être absolument stable et rigide. L'erreur décroît propor- tionnellement à l'augmentation de Aj, et Taccroissement de préci- sion que Ton obtiendrait en augmentant la pression de départ ne compenserait pas le danger résultant de pressions internes trop fortes aux hautes températures. En ce qui concerne H, on voit que l'élévation ou la chute de température doitêtreassezlenlepourqu'il ne se produise pas de différences de pression supérieures à o''™,o3 à o''",o8 par suite du relard du courant gazeux (dont la viscosité augmente avec la température), dans les tubes capillaires. Dans les circonstances les plus favorables, l'erreur sur T est aussi grande que Terreur sur a. La valeur ordinairement adoptée est la valeur à volume constant de Regnault ('), trouvée expéri- mentalement entre 0° et 100°. L'emploi de ce même coefficient jusqu'aux températures les plus élevées est quelque peu arbi- traire et l'erreur (^) résultante peut être évaluée à o,5 pour 100. La valeur exceptionnellement faible du coefficient de dilatation cubique p = 0,000016 à 0,000017, obtenu par Deville et Troost pour la porcelaine (') de Bayeux, fait que la précision nécessaire (') Ueqnault, Mém. de l'Inst., t. XXI, p. 91; 1847; p. 110; 1847. (-) VioLLK, toc. cit. (^) Le Chatelier, ainsi que Holborn cl Wien, onl mesuré récemment la dila- tation de la porcelaine. — 161 - dans la mesure de ^ n'est pas difficile à atteindre. Même quand H = iSoG"*, une erreur de 3 pour loo dans ^ n'est pas importante tant que les coerficients de dilatation des parties en métal ou en verre du thermomètre n'ont pas besoin d'être distingués (*). Cette valeur exceptionnellement faible de p, d'ailleurs, ne se rencontre que dans le cas de réservoirs qui ont déjà été fréquem- ment chauffés. Dans les thermomètres à air neufs, cette qualité précieuse est viciée par le fait que, à la suite de chaque cuisson, il se produit une dilatation permanente. Contrairement à ce qu'on observe pour ,3, raugmcnlation permanente de volume est très considérable : en six échauffements successifs, par exemple, elle s'élève jusqu'à i,5 pour lOo. On ne peut donc jamais être sûr de bien évaluer l'erreur due à la dilatation. Enfin, le Tableau I montre que — peut comporter une erreur en- viron double de sa propre grandeur, sans affecter sérieusement 8, même dans les cas les plus défavorables. L'importance de — croît rapidement avec 8, et ce terme doit être connu, dans les cas dé- favorables, avec une approximation de 4 pour loo. Cette rapide indication des sources d'erreur les plus faciles à évaluer montre déjà quelles difficultés l'on trouve à mesurer les hautes températures avec une précision de i pour looo. En dehors de ces causes d'erreur et du choix un peu arbitraire de a et de P, il faut citer Terreur de relard due à la mauvaise con- ductibilité de la porcelaine; Terreur de milieu due à l'insuffisance dans la constance ou dans l'uniformité de la température de Ten- ceinle; l'erreur d'humidité et l'erreur due aux gaz condensés sur la surface intérieure, particulièrement si elle n'est pas vernissée; Terreur due à la perméabilité de la porcelaine à certains gaz; Terreur due aux fissures inconnues produites dans la masse opaque (') [Il convient de remarquer que, si l'on détermine les pressions du gaz cor- respondant à deux températures fixes, o" et loo" par exemple, le coefficient du terme proportionnel à la température dans la formule de dilatation du réservoir n'intervient pas dans le calcul de la température donnée par le thermomètre à gaz. L'erreur qu'il comporte ne peut fausser que la valeur de la dilatation du gaz. Les termes supérieurs delà formule de dilatation du réservoir restent, en revanche, en entier dans le calcul de la température, et il est essentiel d'en connaître les coefficients. (C.-É. G.)-] C. P., L II - 162 - du réservoir et dans la lige non vernissée ; Terreur due à la déforma- lion visqueuse de la porcelaine chauffée au rouge sous rinflueoce des différences de pression, etc. Toutes ces causes d*erreur auraient encore à être examinées. En tenant compte de toutes ces difficultés et cherchant à éva- luer les erreurs résultantes au moyen du Tableau I, il n'y pas lieu de s'étonner des divergences entre les divers résultats obtenus dans la région des hautes températures, mais on doit estimer plutôt que leur accord est plus grand qu'on n'eût pu l'attendre a priori Aucun thermomètre en porcelaine n'a eu jusqu'ici de tige vernissée à l'intérieur; beaucoup d'appareils, tels que ceux de Holborn cl Wien et les miens, n'avaient pas leur réservoir verni à l'intérieur. En aucun cas, on ne saurait garantir que la jonction de la tige avec le réservoir est exempte de fissures. Erreurs propres à la méthode du thermomètre à pression constante. — J'en arrive maintenant à un examen critique ana- logue de la méthode à pression constante. Dans ce cas, parmi les variables énumérées plus haut (voir Tableau I), H = A environ; mais nous avons à ajouter V( cl 6|, Texcès de volume à la tcmpé- ralure.6 et à la pression donnée du gaz à la haute température de la mesure 6, sur le volume à la basse température 6 : en d'autres termes, Taugmentation de volume à pression constante et à tempé- rature connue. Posons, pour abréger. Les quantités esscnlielles qui entrent dans l'équation du ther- momètre ù air à pression constante sont V, i' Il 0, H, --, -, -, a. 3. V V n Le degré de précision avec lequel il faut les mesurer pour que l'erreur finale sur 8 ne dépasse pas o,ooi résulte de Téqualion des erreurs (a), comme précédemnionl. C'est de la sorte que Ton a calculé les équations suivantes, (|ui ne sont qu'approchées et aux- quelles on a donné une forme propre n faciliter les calculs par — 163 — l'inlroduclioD de la variable auxiliaire M a e » oM =- looo (i -h aB)* 80 =li±i^— l_=_li:tii^8M, (i-+-ae,)» e vd -+-ae,)« oM ^\v) iooo/(e,) (i-+-ae)« /(Oi)^ ' Kt) = t ^ - ï - Vf 0? = ooo[/(e')-/(e')i (i-+-ae;^ [Ae')-/(ô')] _ av^ e _ p» a M iooo/(e,) v,(i-haej« ""^/(e,) \ , ' a I looo i-hae' 'U/ iooo/(0) y(0) looo L t* /(Ô) J Ces formules ont une grande importance, car elles montrent également quelle correction il faut faire subir à 6 pour tenir compte des erreurs inévitables dans la mesure de chacune des quantités énumérées. Citons parmi les erreurs les changements permanents de volume du réservoir de porcelaine lors des échauffe- ments successifs, changements dus à la vitrification de la porce- laine. La correction à appliquer est ai'* y Il convient de remarquer que — ^ dans les équations précé- dentes, a environ la valeur car, pour la discussion présente, on peut regarder Q et 8 comme égaux, ^(j-) doit être dérivé de l'équation générale dans laquelle, après différentiation, on peut poser H = /i. — 164 — Si Ton substitue aux lettres les valeurs moyennes telles que H q^ 20°, 6 = 20", a = 0,00867, P = 0,000017, si Ton introduit V dans — les valeurs tirées de mes expériences, on trouve le Tableau suivant, dans lequel, outre les valeurs absolues des diverses erreurs qui influencent individuellement ce résultat de o , 00 1 , on a donné les valeurs relatives. Le Tableau contient des valeurs typiques de V, et e. Tableau II. Comparaison des diverses erreurs qui affectent le résultat de I pour 1000. e. se. 6e, sv,. lv\ 6?.io«. 6H. SM.io^ oC 100 deg 0,06 deg —0,29 cm« 0,059 cm» — o,632 2,7 cm» 0,016 —197 5oo 0,07 — 0,12 0,069 -o,i55 1,3 0,019 — i'28 1000 o,o5 —0,07 o,o5i — 0,081 0,8 0,014 —168 i5oo 0,04 — o,o5 0,039 -o,o55 0,6 0,011 — i3o 8^;. •(^)- Kt)- 6M , •©• 10». V, e. cm' -0,276 0,17 9,11 —2 , 26 — 268 211 cm» oC 59,9 100 — o,ni 0,08 245 -0,56 -647 245 173,9 5oo —0,066 o,o5 180 —0,29 -786 i83 21 5, 3 1000 -0,047 0,04 140 — 0,20 — 846 i4i 233,6 i5oo Ce Tableau fait ressortir l'importance fondamentale de r, le volume efiectif du réservoir, et de 6, la température fixe. Une pré- cision de o^™',i et de o, i degré ne suffit pas. Une exactitude non moins grande est nécessaire pour les données essentielles des mesures V|, 8|, h ou H. V| devant être connu à o*^"**,5 près, des périodes de tempé- rature constante ou des échauflements et refroidissements extrê- mement lents du fourneau sont nécessaires. Ce qui augmente la difficulté c'est que B, la température du manomètre à gaz, doit être connue à 0,1 degré près. Par suite le manomètre doit être plongé dans un bain d'eau comprenant les tubes capillaires en métal qui le relient au réservoir. La lecture du baromètre doil être faite à o^",oi près. Le Tableau montre enfin qu'une erreur de 3o pour 100 dans r' est sans influence sérieuse, tandis que la méthode à volume con- - 163 — stant exige une mesure simplement approchée du volume du réservoir, mais par contre une évaluation très exacte de l'espace nuisible de la tige, des tubes capillaires, du manomètre, etc.; la méthode à pression constante exige une mesure exacte du volume du réservoir, mais dépend beaucoup moins de l'espace nuisible. Cette conclusion d'ailleurs demande à être bien comprise : car le sens réel à attribuer dans ce cas, aux mots correction de tige, dépend de la définition du volume du réservoir, ce qui est le point délicat. Par suite, l'emploi du compensateur est, ici encore, à recommander. J'ai indiqué ailleurs avec quelle facilité il permet d'évaluer l'erreur due à la tige. Quant aux erreurs accidentelles, elles jouent ici un rôle aussi grand que précédemment et peuvent être discutées au moyen du Tableau donné plus haut. Ici encore, on a lieu d'être surpris que les résultats obtenus à haute température, par divers physiciens, avec des appareils aussi imparfaits, ne soient pas plus discor- dants. Un tel état de choses pourtant n'est pas propre à donner grande confiance en dépit des efforts et de l'ingéniosité déplovés pour harmoniser (*) des données obtenues avec des instruments imparfaits et impossibles à contrôler suffisamment. Heureusement les résultats, obtenus avec le thermomètre à air, ont été contrôlés et étayés (-) au moyen de données habilement déduites de mé- thodes empiriques, telles que les méthodes calorimétriques, des résistances électriques, des interférences, etc.; mais des résultais empiriques, même concordants, ne sauraient remplir le but qu'on doit se proposer : à savoir d'obtenir des données aussi vraies en valeur absolue que correctes dans leurs rapports réciproques. Si, comme cela est maintenant hors de doute, le platine est imperméable (^)à l'azote au rouge sombre et au rouge blanc, nous tenons enfin la solution si longtemps différée du problème pyromé- trique, tout au moins pour la région la plus basse des hautes tem- pératures. Nous devons être reconnaissants à nos prédécesseurs des données qu'ils nous ont léguées, mais il convient de faire (•) HoLMAN, Lawrence et Bakh, Phil. Mag. (5), t. XLII, p. 87; 1896. (') Callendar, Pkil. Mag., t. XLVIII, p. ôig; 1899. Dans cet article, l'auteur, après une discussion conduite avec soin et circonspection, donne une échelle provisoire de points de fusion et d'ébuUition. (3) HoLBORN et Day, Wied. Ann., t. LXVIII, p. 817; 1899. — 166 — table rase de tous leurs travaux et de s'attacher à obtenir des résultats entièrement nouveaux au moyen des appareils nouveaux et vraisemblablement dépourvus d'erreurs systématiques. On doit féliciter la Reichsanstalt d'avoir fait le premier pas dans cette voie. Pour ce qui concerne le choix à faire entre la méthode à pression constante et la méthode à volume constant, j'estime que la première doit être préférée pour la raison essentielle que la pression à l'intérieur et à l'extérieur du réservoir chauffé au rouge blanc est sensiblement la même. Il n*est pas prudent de s'exposer à une déformation de volume, même quand elle ne paraît pas être à redouter comme c'est le cas pour le platine. De plus, le thermo- mètre à pression constante offre l'énorme avantage de représenter un excellent voluménomètre : il se prête donc à des modifications faciles permettant d'évaluer le volume du réservoir, son coeffi- cient de dilatation, aussi bien que tous les changements perma- nents de volume, sans avoir recours à d'autres instruments et sans démonter l'appareil. Thermomètre à gaz à déplacement. — Un chapitre un peu spécial dans la Thermométrie à air (que je mentionnerai briève- ment, car ses résultats, bien que fort intéressants au point de vue chimique, n'ont qu'une importance secondaire en Pyrométrie) fut inauguré par la méthode de déplacement de Regnault (*). Le gaz non absorbable du thermomètre est chassé du réservoir par un gaz absorbable dans un appareil de jaugeage. Cette méthode fut re- trouvée par Craifts (^). Son exactitude n'est pas très grande au- dessous de i5oo®, mais au-dessus de cette température, où la plu- part des solides deviennent visqueux, son importance croît en raison de la rapidité avec laquelle les opérations de mesure peuvent être faites. Une ou deux minutes suffisent et l'on peut examiner différents gaz consécutivement. C'est de cette manière que V. Meyer (') et ses successeurs reconnurent la dissociation de la vapeur d'iode. Ils atteignirent des températures jusque-là inacccs- (•) Reqnault, Ann. de Chim. et Phys., 3« série, t. LXIH, p. Scj; 1861. (') Grapts et Meier, Comptes rendus^ t. \C, p. 606; 1880. (3) V. Meyer el autres, toc, cit. Cf. Pyrochenu Untersuchungen: i885. — 167 — sibles et reconnurent que les dilatations des gaz employés pour les mesures usuelles (oxygène, hydrogène, azote, etc.) aussi bien que celles de Tanhydride carbonique, du gaz sulfureux, de l'acide chlorhydrique, du mercure, étaient des fonctions linéaires les unes des autres : remarque importante qui prouve que ces gaz ne sont pas dissociables au moins jusqu'à 1700°. Le thermomètre à air dont ils se servaient dans leurs expériences était de forme tubu- laire : il était en terre réfractaire, avec une paroi intérieure et exté- rieure en platine et deux tubulures terminales pour l'entrée et la sortie des gaz employés dans la méthode de déplacement. Viscosité des gaz, — Des efforts ont été faits aussi (') pour utiliser dans ce but l'accroissement de la viscosité des gaz. La viscosité étant indépendante de la pression, tandis que la viscosité et le volume augmentent tous deux avec la température, la vitesse de passage des gaz à travers des tubes de platine capillaires est un critérium doublement sensible de la variation de température. Pour les gaz diatomiques, on peut admettre que ces vitesses, toutes choses égales d'ailleurs, décroissent environ comme la puis- sance I de la température absolue. Le terme correctif principal (dilatation du platine) peut être déterminé dans un thermostat par l'appareil lui-même avec toute la précision nécessaire. Le petit volume de ce thermomètre est un avantage qu'il offre sur le thermomètre à air avec son réservoir de porcelaine incom- mode et fragile : Callendar (2) a récemment proposé une méthode différentielle qui assure une précision plus grande. Malheureuse- ment, la relation exacte qui existe entre la variation de viscosité et la température n'est pas encore bien établie, et l'application de la méthode en valeur absolue est liée aux progrès de la théorie cinétique des gaz. En attendant, un appareil comme le thermo- mètre à viscosité, qui dépend à un tel degré des dimensions des tubes capillaires, peut difficilement être placé sur le même rang que les thermomètres à radiation, à interférences, thermo-élec- triques, etc., qui sont indépendants des dimensions des appareils. (•) Barus, Wied. Ann., t. XX.WI, p. SjS-SgS; 1899; Bull. U. S. G. S., n» 54, Chap. V. (') Callkndab, Nature, t. XLIX, p. 49^-519; 1899. - 168 - Méthode du niveau à pression. — Une belle méthode de mesures en valeur absolue, développée jusqu'ici d'une manière partielle seulement, est due à Max Topler (*). Les densités de colonnes de gaz communiquants sont comparées comme dans la méthode classique de Dulong et Arago pour les liquides par l'ob- servation des pressions ou des hauteurs correspondant à des colonnes inégalement échauffées. Pour mesurer des différences de pressions aussi faibles, Topler a inventé le nweau à pression, appareil qui est en quelque sorte réciproque du niveau ordinaire. En d'autres termes, le mouvement d'une bulle (ou d'un index liquide) indique la variation de pression déterminée par l'horizon- talité de l'instrument. MÉTHODES OPTIQUES. Méthode interférentielle. — D'une application à la fois beau- coup plus large et plus détaillée est une méthode, différentielle comme la précédente, récemment proposée et mise en œuvre avec beaucoup d'ingéniosité par D. Berthelot (2). L'auteur s'appuie sur la proposition suivante : Si la densité d'un gaz est diminuée d'une même fraction de sa valeur, d'une part par élévation de température, d'autre part par diminution de pression, les indices de réfraction ont la même valeur dans les deux cas. Des expériences faites jusque vers 200° vérifient cette proposition. La généralité de cette hypothèse est cependant quelque peu hasardeuse, car on ne saurait affirmer que la diminution de densité aux basses et aux hautes températures soit due à des causes moléculaires identiques. Quand on examine la viscosité des gaz et les sujets analogues, par exemple, on est amené à admettre l'existence d'agrégats molécu- laires (^) particulièrement aux basses températures. Mais une fois admis le principe de la méthode, tout au moins pour les faibles (») TiiPLER, Wied. Ann., t. LVI, p. 609, iSgj; t. LVII, p. 3ii, 1H9G. (') D. Bkrthelot, Comptes rendus, août i8yj; Journal de Physique (3), t. IV, p. 357, 1895; Comptes rendus, janvier 1898; applirations dans les Comptes renduSy février 1898. (^) Natanson, Wied. Ann.y t. XXXHI, p. 683; 1888. }oir aussi le Ilapport de M. Van der Waais. - 169 — pressions et les hautes températures ( * ), où il est remarquablement vérifié par les points de fusion de Berthelot donnés plus haut, 11 est certain que les méthodes interférenlielles ont été pour la première fois appliquées avec précision au problème pyromé- trique. Si les deux demi-faisceaux qui sortent d'un réfractomètre passent à travers deux tubes parallèles, dans l'un desquels le gaz peut être convenablement échaulTé, et dans le second desquels il peut être raréfié jusqu'au moment où les franges sont ramenées au zéro, les conditions exigées par la méthode de Berthelot sont remplies. Il suffit alors de calculer la température qui correspond à la diminution de pression observée dans le tube froid. Le ther- mostat de D. Berthelot est chauffé électriquement. Il faitremarquer que sa méthode permet de déterminer directement des tempéra- tures fixes (point de fusion par exemple), tandis que le ihermo- mètre à air est habituellement employé d'une manière indirecte pour graduer un autre instrument d'usage plus commode; il note qu'elle est indépendante de la forme et des dimensions de l'enve- loppe thermométrique, qu'elle ne présente pas les causes d'erreur dues aux gaz condensés sur les parois, etc. Polarisation rotatoire et double réfraction. — D'intéressantes recherches sur la variation de la polarisation rotatoire dans Je quartz avec la température ont été publiées par Joubert (2) et Le Chatelier (^). Une étude analogue sur la double réfraction du (*) [Tout en m'associant à des réserves que prescrit la prudence scientifique, je crois utile de remarquer que les relations indiquées par la théorie entre la vitesse de la lumière dans un milieu et la densité de ce milieu, se vérifient dans des limites de température et de pression très étendues — beaucoup plus éten- dues, par exemple, que les lois de Mariotte et de Gay-Lussac sur la validité desquelles est fondé le thermomètre à gaz à pression constante. — C'est ainsi que n}— I l'expression de Lorentz et Lorenz — ^ d conserve presque la même valeur pour les gaz à l'état quasi parfait (tels que l'oxygène à o" sous la pression atmosphé- rique) et pour ces mêmes gaz liquéfiés au voisinage de — 200», bien que la den- sité soit devenue près de 1000 fois plus grande et que nombre d'autres propriétés physiques (élasticité, viscosité, etc.) aient également beaucoup varié]. {Note du traducteur.) (') Joubert, Comptes rendus, t. LXXXVII, p. 499; 1878. (3) Le Chatelier, Comptes rendus, t. CVIII, p. 1046; t. CIX, p. 26^1, 1889 Ann. de Chim. et de Phys.j t. VI, p. 90; 1895. — 170 - quartz, de la baryte, etc., est due à Mallard et Le Chatelier (*). Leurs résultats toutefois étant restés sans applications thermomé- triques directes n'ont besoin que d'être signalés. MÉTHODES ÉLECTRIQUES. Résistance électrique. — Le développement d'instruments ther- mométriques pratiques de nature « intrinsèque » (méthode de radiation, des résistances électriques, thermo-électrique) a plus ou moins marché de pair avec le développement du thermomètre à air. A côté des anciens résultats obtenus par Millier (2), Benoît (') et d'autres (*), le pyromètre à résistance bien connu de Siemens (*) fut le premier instrument employé industrielle- ment. Il était fondé sur les données obtenues pour le platine, le cuivre et le fer par un calibrage calorimétrique. Cet instrument a été remarquablement perfectionné parCallendar (•) [postérieu- rement par Callendar et Griffiths (^)] qui se servirent de platine pur et poussèrent la comparaison avec le thermomètre à air jusqu'à 600®. Dans un certain intervalle de température aucun autre pyromètre ne peut lutter en sensibilité avec cet instrument tel qu'il est construit aujourd'hui. Pourtant pour la généralité des applications le pyromètre à résistance est inférieur au pyromètre thermo-éleclrique à cause du plus grand volume du réservoir, de la fragilité des parties chauffées, avec quelque habileté qu'elles soient ajustées, à cause enfin de la tendance du platine à s'altérer graduellement aux hautes températures. La limite supérieure de son emploi se trouve abaissée par là, car même en laissant de côté la difficulté de choisir des extrémités convenables, le défaut (•) Mallard et Le Chatelier, Ann. de Chim. et de Phys., t. VI, p. 90; i8(/>. (M MuLLER, Pogg. Ann., t. CIII, p. i7(): i858. (=*) BknoIt, Comptes rendus, t. LXXVI, p. 3'|3; 1873. (*) ScHLEiERMAciiEU, Wied. Ann., t. XVI, p. 287; i883. (*) SiBMENS, Proc. lioy. Soc. London^ t. XIX, p. 443; 1871. (*) Callendar, Phil. Trans. London^ 1887; Proc. lioy. Soc. London, t. XLI, p. 23i; 1887. (^) Callendar et Grippitus, Phil. Trans. London, t. CLXXXII, pari A, p. 43-72, 119-157; 1891. - 171 - d*une substance isolant bien aux hautes températures subsisterait toujours. Selon Holborn etWien(*) la résistance est notablement altérée par les gaz du four, étant en général très modifiée par de faibles quantités de matières étrangères (^), et la constance de la résistance à basse température n'implique nullement une con- stance analogue à haute température. La discussion qui s'est élevée autour du pyromèlre à résistance est donc assez vaste et confuse, comme on s'en rend compte en consultant les Mémoires deHeycock et Neville (^), Appleyard (*), Dickson (^), Wade (•) et les résumés de Callendar (') lui-même. Le tout tend à montrer que, si les mesures sont faites par la méthode du pont avec les précautions indiquées par Callendar, les indications de ce pyromètre dans un intervalle d'environ looo de- grés sont plus précises et plus dignes de confiance que celles d'aucun autre instrument d'usage courant. La découverte d'une erreur appréciable dans le point d'ébullition du soufre donné par Regnault, due à Callendar et Griffiths (/. c), la nouvelle détermi- nation de ce point et la confirmation de cette valeur nouvelle par Chappuis et Harker (voir p. 102) sont de sérieuses garanties. Je dois me borner ici à donner la formule originale de Callen- dar pour évaluer les températures pt du thermomètre de platine : ^, = ,00^,-—^-, R, R', R" sont les résistances observées à o**, 100°, 6°. Voici maintenant la petite correction D à appliquer pour rame- ner à l'échelle centigrade : \ 100 / 100 (') Holborn et Wien, IVied. Ann., t. LVI, p. 383; 1895 et 1896. (^) Barus, Americ. Journal (3), t. XXXVI, p. 4^7; 1888. Sur certaines rela- tions électriques génériques des alliages de platine. O Heycock et Neville, Trans. Chem. Soc^ p. 162; 1895. (♦) Applbyard, Phil. Mag. (5), t. XLI, p. 62; 1896. (*) Dickson, PhiL Mag. (5), l. XLIV, p. 445-4^9; 1897, et XLV, p. 525; 1898. («) Wade, WUd. Beibl., t. XXIII, p. 963; 1899. C) Callendar, Phil. Mag. (5), t. XXXII, p. io4; 1891 ; t. XLVII, p. 191-222; 1899. Ce dernier Mémoire est un résumé de Tétat actuel de la Pyrométrie. — 172 — la nouvelle constanle d étant déterminée au moyen du point d'ébul- lilion du soufre ( ' ). Celte équation fut modifiée plus lard par Heycock et Neville et par Callendar lui-même. Une formule indépendante à trois constantes fut proposée et employée par Dickson (/. c.) : (U4-a)«=jD/(e-+-^>) Elle paraît surtout applicable aux basses températures. Pour une étude détaillée du sujet je renverrai au dernier Mé- moire de Callendar sur la Pyrométrie (1899), et à celui de Cliappuis et Harker (1900) où Ton trouvera des indications complètes. Thermo-électricité. — Arrivons-en enfin à la dernière des mé- thodes pratiques de Pyrométrie : son histoire nous offre les va- riations les plus curieuses. Pouiilet (^) le premier ( i836) donna un modèle de graduation complète : il se servait d'un couple plaline-fer. On ne connaissait pas encore les anomalies ihermo-éleclriques que Tait ('*) devait découvrir pour le fer au rouge sombre : sinon la méthode eût été mise en doute dès ses débuts. Regnault (*) (i845), qui examina le couple fer-plaline, ne reconnut pas non plus la cause des incer- titudes offertes par l'expérience, bien que sa condamnation du couple thermo-électrique ait été radicale. Il est inutile d'ailleurs de la discuter, car il suffit pour l'infirmer d'une application correcte de la loi de Ohm. Heureusement, mais pourtant longtemps après (i863), Bec- querel (^) reprit la question avec son couple platine-palladium et avec divers autres couples de platine soigneusement gradués, et judicieusement mis en œuvre. On ne sait pas exactement ce qu'étaient ces couples de platine : ils ne devaient pas être bien sensibles, sans quoi ils eussent été préférés au couple plus fusible platine-palladium. Au reste, la métallurgie du platine resta fort (') Voir, pour la valeur de celte constante, p. 1^3 ci-dossus. (^) l*ouiLLKr, /. r. (3) Tait, Trans. Poy. Soc. Edinb., t. \XV11, p. 1 »3; 1872-73. (*) Keunailt, /. c. (^) Becquerel, /. c. - 173 — imparfaite jusqu'au jour où Deville et Debray (*) réussirent à séparer chimiquement les métaux de la mine de platine et par- ticulièrement l'iridium et le rhodium (2); mais en raison des idées régnantes sur la Pyromélrie thermo-électrique à l'époque de Bec- querel, ses travaux ne réussirent pas à dissiper le discrédit que Regnault avait jeté sur cette méthode. Aussi, quand elle reparut de nos jours, fut-ce une sorte de résurrection. Des deux couples qui furent mis en usage, le couple platine-platine iridié fut le premier employé dans les expériences de Tait (*) et dans celles de Knott et Mac-Gregor (^) dans up intervalle de 400 degrés et avec des alliages contenant jusque 20 pour 100 d'iridium. Le couple platine-platine rhodié fut proposé par Le Chalelier (5) en 1887 et étalonné par Holborn et Wien par comparaison avec le thermomètre à air en 1892. Cependant une série très étendue de recherches pyromé- triques (*) allant de pair avec les éludes géologiques de Clarence King se poursuivait à Washington depuis 1882 et était complétée en 1887. Elle renfermait un examen approfondi du thermomètre à air, avec une étude particulière de son application à la gradua- lion des couples thermo-électriques. Au cours de cette étude, les admirables qualités pyromélriques des alliages de platine et d'iridium (20 pour 100) furent mises en lumière par une compa- raison directe et détaillée avec le thermomètre à air jusqu'à 1 100**. On montra que la graduation pouvait être rendue permanente en comparant les forces thermo-électriques à une pile étalon Clark; que les variations avec la température offrent une grande régula- rité, et que la sensibilité du couple augmente quand les degrés les plus hauts du rouge et du rouge blanc sont atteints. Enfin, on montra que les couples détruits par l'action corrosive (') Deville et Debray, Comptes rendus^ t. LXXXI, p. 889; 1875. Ann. Ch. et Phys., 3« série, t. LVI, p. 43i (iridium), p. l\ib (rhodium); iSjg. (') Un travail récent sur ce sujet est dû à Mylius et Forster (5e/7. Ber., p. 665; 1893). (3) Tait, /. c. (♦) Knott et Mac-Gregor, Trans. ftoy. Soc. Eclinb., t. XXVIII, p. 3.h ; 1876- 1877. (*) Le Chatelier, Bull. Soc. chim., Paris, t. XLVII, p. 42; 18H7. Journ. de Phys., t. VI, p. 23; 1887. (*) Barus, /. c. — 174 - des silicates ou par des alléralions analogues peuvent être régé- nérés par fusion sur une terre calcaire, les constantes restant presque les mêmes. Uassociation heureuse proposée par Le Chatelier du couple platine-platine rhodié avec le galvanomètre d'Arsonval, qui était alors un instrument encore nouveau dans les laboratoires, lui assura une faveur immédiate et donna une impulsion marquée à la Pyro- métrie pratique ('). Au début Le Chatelier et les autres physiciens l'étalonnaient au moyen des points de fusion et d'ébullitîon sui- vants : eau, loo®; plomb, 323"; mercure, 358"; zinc, 4^5**; soufre, 448°; sélénium, 665**; argent, 945°; or, io45°; cuivre, io54°; pal- ladium, i5oo°; platine, 1775°, les points supérieurs à 1000° étant dus à Violle. Roberts-Austen (2) introduisit ce couple en Angle- terre avec des modifications ingénieuses de son invention pour enregistrer les points de fusion et autres points de température stationnaire. Peu après ce couple fut introduit en Allemagne pour y être pour la première fois calibré par Holborn et Wien (1892). Parmi les trois couples thermo-électriques (3) palladium, pla- tine rhodié, platine iridié, le premier ne saurait entrer en com- pétition avec les deux aulres à cause de son point de fusion plus bas. Quant aux couples platine rhodié et platine iridié, le premier a été recommandé d'une manière plus générale, mais j'en suis encore à me demander sous quel rapport il est supérieur au couple plus ancien platine iridié. En d'autres termes, le couple platine iridié, quand l'alliage est bon, peut être rendu plus sensible que le couple platine rhodié dans le rapport de 1 00 à 76 ( * ). A tous autres égards, les deux couples sont semblables. L'un et l'autre sont tenaces, flexibles, réfraclaires, et le rapport de leurs forces thermo-éleclriques est conslant (^) même au rouge blanc. Les ( * ) Voir pour plus de détails l'Ouvrage de Le Chatelier et Boudouard, Mesure des températures élevées. Paris, 1900. (') RoBBRTS-AcsTEN, P/oc. Inst. civU Engineers, t. CX, 1891-1892, Partie IV; Brit. Assoc. lïeports, 1891; Nature, t. XLV, p. 534; 1892. (^) Parmi les études récentes sur ce sujet, mentionnons la description faite par Stansfield des méthodes de Roberts-Austen et d'autres {Phil. J/a^., 5* série, t. XLVI, p. 59; 1898) et l'élude de Holborn et l)ay sur la lliermo-électricilé des métaux (Afitth. Phys.-techn. fteichsanst.y t. XXXVI ; 1899). M Barus, Phil. Mag., S» série, t. XXXI V, p. 876; 1892. (*) Barus, A mer ic. Journal, t. XXXVI, p. 427; 1888. — n5 — propriétés ihermo-électriques de ces deux alliages sont exception- nelles et remarquables. Parmi 5o alliages différents de platine examinés, je n'en ai pas trouvé d^aussi sensibles. Il y a plus : des alliages de platine d'une grande résistivilé électrique sont fré- quents. La partie réceptrice d'un couple thermo-électrique offre une dimension très restreinte; les indications du couple ne dépendent pas des températures intermédiaires entre les soudures (sauf pour ce qui concerne la petite correction due à l'effet Thomson); Tinstrument échappe donc à la difficulté que présente pour les autres la question des extrémités; il peut mesurer des tempé- ratures extrêmement élevées; ses constantes comparées à une pile étalon de Clark ne varient pas avec le temps ; ses indica- tions sont indépendantes des dimensions des fils; elles sont ins- tantanées; les couples abîmés peuvent être régénérés facilement; ils sont relativement peu sensibles aux gaz du foyer; la fonction de la température est régulière et d'un caractère simple; la sensibilité reste constante à travers tout l'intervalle de tempéra- ture mesurable jusqu'au point de fusion du platine : ce sont là autant de qualités précieuses de la méthode. Enfin, si l'on emploie une méthode de zéro, les forces thermo-électriques accidentelles des fils de jonction peuvent être éliminées en intervertissant la pile étalon et le couple thermo-électrique. Conclusion. Pour résumer en quelques mots l'ensemble de cette étude, je dirai que l'état actuel de la Pyrométrie est des plus encourageants. Il est clair que d'ici peu d'années la Pyrométrie se trouvera en pos- session d'une série de constantes aussi exactes que celles des branches les mieux développées de la Physique. En Allemagne, un thermomètre à air imperméable au gaz thermométrique et rigide jusqu'au rouge blanc a été trouvé grâce aux efforts de Holborn, Wien et Day, à la Reichsanstalt. En Angleterre, les efforts de Cal- lendar, Griffiths et d'autres pour construire un instrument d'une sensibilité remarquable, du zéro absolu à looo**, ont été couronnés d'un succès mérité. — 176 — En France, le pyromètre pratique par excelJence a été trouvé par Le Chatelier, et D. Berthelot a imaginé une méthode optique pour la mesure des températures en valeur absolue, indépendante de la forme et de la dimension des enveloppes thermométriques, et dont la limite supérieure est indéfinie : car depuis que nous avons appris, grâce à la belle découverte deNernsl, que les terres réfractaires deviennent conductrices aux hautes températures, il est devenu possible de chauffer électriquement les matières les plus infusibles jusqu'aux degrés les plus élevés de Téchelle. Avec un thermostat de ce genre, la méthode de Pjromélrie en valeur absolue de Berthelot marche de pair avec les progrès pra- tiques les plus avancés réalisés par Moissan : en d'autres termes, la Pyrométrie en valeur absolue est limitée seulement aujourd'hui par la difficulté de la fabrication des appareils en matériaux réfrac- taires. NOTE ADDITIONNELLE DU TRADUCTEUR. Il me paraîl utile d'ajouter à la liste des points de fusion et d'cbullition aux hautes températures passes en revue dans Tétude de M. Barus une liste de points fixes aux températures moyennes, qui peut être utile pour la graduation des pyromèlres. Je donnerai seulement les nombres des meilleurs observateurs. Tableau des points de fusion (rapportés au thermomètre à air). Person. 1848. Élain '>'^'^\' Bismuth 266,8 Cadmium 3-21 Plomb 3i6,9. Zinc Il 5, 3 Antimoine >» Aluminium » Silbermann Callendar lleycock et cl et Rudberg. Jacquelain. Griffiths. Ncvillc. 1848. • 1853. 1891. 1895. 228; 5 9.36 •^î'',7 23l*c) » 266 •^C'),-» » 320 » ;Jio,7 » 326 321 327. 7 u » u 417,0 419,0 » 63o )> (V29 . 5 )> u » 634,') — 177 - Points d'vbuUition (rapfMirK^s au tlicrmi)m('lrc à air). Alcool. — l'O poini (rôbiillition «l'aprôî» Kecnaiill csl 78", 3 h ^— • J'ai trouve pour li* point dV'biillition normal 78", ->.r). Eau. — On a d apros l Aniline. — Selon Kamsa> el Younjr, on a i8i",iH ^ • Callendar el Griffiths donnent pour le point normal iHj", i3; j'ai trouvé i8i",>J. Naphtaline. -— Selon /)H ^ ; selon Craft^ 357". o; selon Callendar et Griffiths 3'>r»",7. ' D. H. G. P.. 1. 178 - L'ÉQUIVALENT MÉCANIQUE DE LA CHALEUR, Par J.-S. AMES, PROTESSEUR DE PHYSIQUE A L'DNIVERSITÉ JOHNS HOPKINS, BALTIMORE (U. S. À.)- Traduit de l'anglais par H. Abraham^ Professeur au Lycée Louis-le-Grand, $ Chargé de Conférences à TÉcole Normale supérieure. INTRODUCTION. Les Physiciens considèrent aujourdMiui comme un axiome le fait que Ténergie totale d'un système reste constante, quelles que puissent être ses transformations. En d'autres termes, si l'énergie passe d'une forme déterminée, telle que Ténergie de la matière en mouvement, à une autre forme, lelle que l'énergie molécu- laire ou l'énergie électrique, la valeur numérique de l'effet ob- tenu dépend uniquement de la quantité d'énergie ainsi trans- formée, mais ne dépend ni de la méthode employée pour la transformation, ni du temps, ni d'aucune autre circonstance extérieure. Parmi les formes de l'énergie les plus importantes, nous citerons : l'énergie mécanique, celle d'un volant qui tourne, par exemple, ou celle d'un poids soulevé au-dessus du sol; l'é- nergie moléculaire, qui produit dans les corps des phénomènes calorifiques tels que les variations de volume ou de pression, les changements de température ou les changements d'état, comme la fusion et la vaporisation, et qui produit aussi des changements de propriétés électriques et magnétiques^ enfin l'énergie électrique ou énergie des corps chargés et des courants électriques. - 179 - La valeur niiinérique d'une quantité d'énergie mécanique est eTpriniée en fonction de Tunité appelée erg; c'esl le travail effectué par une force de une dyne déplaçant son point d'ap- plication de un centimètre dans sa propre direction. Ce que Ton entend ^div équivalent mécanique (ou dynamique) (ie la chaleur^ c'est le nombre d'ergs nécessaires pour produire un phénomène caloriGque connu et bien défini. Il faut, par exemple, fondre i^ d'un certain solide à ^°, ou bien vaporiser i^ d'un certain li- quide à 6", ou bien porter la température de i^ d'une certaine substance de 6° à (0 -{- 0"*? ^^- ^^ grand avantage qu'il y a à choisir comme phénomène calorifique particulier un changement d'état à une température donnée, c'est que la pression extérieure étant supposée définie, la question de l'échelle de température n'intervient pas. Par contre, si l'eOTet calorifique choisi est Taccroissement de température d'une certaine substance, l'échelle de température devra être choisie et précisée, à moins que l'intervalle de tempé- rature considéré ne soit limité par deux températures de chan- gement d'état (pour l'eau ce serait l'intervalle de température de o" à ioo°). Il résulte de tout cela que les mots équivalent mécanique de la cfialeur n'ont aucun sens, tant que le phénomène calorifique choisi n'est pas très explicitement défini. La substance le plus souvent adoptée pour mesurer l'équivalent mécanique d'un phénomène calorifique est l'eau, parce qu'on peut l'obtenir pure en quantité indéfinie et parce que, par l'en- semble de ses propriétés, elle se prôte bien aux mesures. Au point de vue théorique, comme nous l'avons dit tout à l'heure, l'effet thermique que l'on devrait préférer serait soit la fusion de I* de glace à o"*, soit la vaporisation de i* d'eau à 6°; mais il y a, dans le premier cas, de grandes difficultés expérimentales et ni l'un ni l'autre de ces phénomènes calorifiques ne conviendrait, pour servir dans les expériences de laboratoire, d'unité de quan- tité de chaleur ^ c'est-à-dire d'étalon secondaire d'énergie. Pour comparer et mesurer différentes quantités d'énergie de formes diverses, électrique, chimique, etc., la méthode habituelle consiste à transformer l'énergie de telle sorte que, finalement, elle soit employée à échauffer de l'eau ; par conséquent, le phé- - 180 - noiiiène calorifique choisi comme iinilé de quanlilé de chaleur et dont Téquivalent a été mesuré le plus souvent, c'est Ténergie nécessaire pour échauffer i s d'eau de un degré dans une échelle déterminée et à partir d'une température déterminée; ou, plus généralement, pour produire une variation définie de la tempéra- ture de ce gramme d'eau. Différents noms ont élc donnés aux équivalents mécaniques de ces différents phénomènes calorifiques. Ainsi, le nombre d'ergs nécessaires pour fondre i^ de glace à o"C. est appelé chaleur de fusion de la glace à o"C. Le nombre d'ergs nécessaires pour va- poriser |6 d'eau sous la pression de p"^^ de mercure normal est la chaleur de vaporisation de Veau sous la pression /?. jNous disons sous la pression p\ mais nous pourrions dire aussi à la température de 9°C., dans l'échelle du thermomèlre à platine, du tlierinomèlre à azote ou du thermomètre à hydrogène, ^i Ô"C. est précisément le degré de cetle échelle pour lequel la vapeur saturante est à la pression /?. Le nombre d'ergs nécessaire pour élever de 8° à (O-f-i)** la température de is d'eau (dans une échelle de température déterminée), est appelé chaleur spéci- fique de Ceau à la température de 9' dans réchclle de Tazole, de l'h^'drogène ou du platine selon le cas. On ra)>pelle aussi ca- lorie à 9" dans l'échelle de l'azote, de l'hydrogène ou du platine. Le nombre d'ergs nécessaire pour porter la température de i^ d'eau de o** C. à loo" C. est appelé cent calories moyennes. Il y a lieu de remarquer que ces définitions sont relatives à des transformations à pression constante. S'il était possible de déter- miner les quantités de chaleur dégagées à volume constant, leuis équivalents mécaniques auraient une importance théorique tout aussi grande. Les différentes quantités de chaleur que nous avons énumén-fs sont connues en fonction l'une de Taulre avec une certaine pré- cision, et l'on conçoit c|u'avec des méthodes plus perfection nées ou une habileté plus grande il serait possible d'en déterminer les rapports plus exactement encore. Il est, par consé(|uent, permis de choisir l'un quelconque de ces phénomènes calorificpies pour définir une unité de quantité de chaleur pour l'usage journalier du laboratoire, et d'en choisir un autre pour (h'*linir une unité théo- rique. Il est alors nécessaire de déterminer en ergs lu valeur Ce — 181 — V unité étalon, et de déterminer ensuite la relation numérique entre celle-ci et Vanité pratique qu'on adopte. La question du choix de Tunité étalon et de l'unité pratique est discutée, dans un autre Rapport, par le professeur E.-H. Griffiths. L'équivalent mécanique de l'unité de quantité de chaleur peut élre déterminé par expérience, soit directement, soit indirecte- ment. L'expérience directe consiste à déterminer l'effet calorifique produit par un travail mécanique tel qu'un frottement ou la chute d'un poids. L'expérience indirecte consiste à déterminer l'effet calorifique produit par une dépense d'énergie, autre que l'énergie méciini(|ue, mais dont la valeur numérique soit connue en unités mécaniques. Ce serait, par exemple, l'effet calorifique produit par la dépense d'un autre phénomène calorifique dont l'équivalent mécanique aurait déjà été mesuré, ou bien Teffet calorifique pro- duit par un courant électrique dépensant une puissance électrique connue. Une autre méthode indirecte résulte de ce que le rapport entre l'unité de quantité de chaleur et l'unité mécanique de travail se rencontre dans toutes les formules de thermodynamique où ligurenl à la fois un travail mécanique et une énergie calorifique, comme l'équation de Clapejron ou de R. Majer. Une pareille équation permettrait de calculer Véquiiaient mécanique si tous les autres lermes étaient exactenient connus. Mais il n'en est jamais ainsi; et ces équations doivent être employées, non pas pour le calcul de l'équivalent mécanique, mais seulement pour la déter- mination de quelque autre quantité en considérant au contraire la valeur de l'équivalent mécanique comme fournie par des expé- riences directes. LA CHALEUR SPÉCIFIQUE DE L'EAU. L'historique détaillé et la discussion de toutes les expériences jusqu'en 18-8 ont été donnés par H. -A. Rowland dans son grand Mémoire (') : L'équii^alent mécanique de la chaleur. Dans ce (') HowLAND, Hroc. American Academy, t. W, p. ';5-2oo; 1879-1880. - 182 - Rapport, nous ne renverrons donc à aucun des travaux antériesrs à 1878. Ce sont du reste les travanx de Rowland qui ont fait com- prendre les véritables didicultés de la question. METHODES. Comme nous Tavons dit dans l'Introduction, deun tjpes de mé^ thodes permettent de déterminer la chaleur spécifique de l'e»a, des méthodes directes, ou bien des méthodes indirectes faisant intervenir des phénomènes étrangers, ou même de pures formules de Thermodynamique. La méthode directe, qui consiste à produire on accroisseiBcal de température par i^agitation mécanique de Teau, » été em- plojée par divers expérimentateurs : Joule (*) en 1878, RowUod en 1878 et 1879, Tatham (*) en i883, Cooper et Ânderson (•) en 1887, Miculescu (*) en 1892 et Reynolds et Moo«rbj (*) en 1897. En 188a, CanConi et Gerosa (^) ont mesuré rëquiv»leBt mécanique de la chaleur produite par la chute du mercure. Sahulka ('), en 1890, a développé une méthode dans laquelle k chaleur produite par le flottement était déterminée par des lee- sures de rayonnement. Les méthodes indirectes comportant une élévation de tenapéra* ture de Teiiu au moyen de courants électriques ont aussi été employées par plusieurs expénmcnlateurs; Flelcher (•) eo i8fti« GrilBihs (») en 1898, Schusler et Gannon ('•) en 1894, Ayrloo (') Joule. Phil. J'rans., t. CL\I\, Part II, p. 365-385; 1878. — Sciemiîfie Paper s. Vol. I, p. 6.J 2-657. (') Tatiiam, Jour. Franklin Institute, t. CXX, p. 449-^53; i885. (•*) CooPKU aiul Andehson, Ù. A. Heport. 56.i-5<)4; 1887. (*) Miculescu, Ann. de Chimie et de Physique, t. XXVII, p. 2oa-a38; 189». (') Keynolds and Moorby, Phil. Tran$., l. CXC, A, p. 3oi-4aa; 18^. — Prce. Roy, Soc.t t. L\I, p. a<)3-»(y>: iH) Criffiths, Phii. Trans., l. CIAXXIV. A. p. 36i-5o4 ; iS^S. — Proe. my. Soc, t. LUI, p. ti-i8; 1893 (résumé). ('•^ ScHUsTKii aiid Gannon, Phii. Trans., l. CLXXWI, A. p. 41S-467: 189S. — Proc. Boy. Soc.f l. LMI. p. i5 3i : 1894 (résun>é). — 183 - et Hajcraft (') en iSgS et Callendar et Barnes (^) en 1899. Enfin Jahn (') en i885 et Dieterici (*)en 1888 ont emplojé le courant électrique pour produire la fusion de la glace dans un calorimètre Bunsen à poids. Comme d'autres expérimentateurs avaient anté- rieurement déterminé la quantité de mercure rentrant dans le ca- lorimètre quand on introduit, dans réprouvctte centrale, une quan- tité connue d'eau à ioo"C., la masse de mercure correspondant à une calorie moyenne pouvait être considérée comme connue. Dès lors, Jahn^ comme Dieterici, se trouvait en mesure de com- parer l'équivalent dynamique du courant avec Fenergie calorifique que nous avons appelée calorie moyenne, D'Arsonval (*) en 1891, puis Baille et Féry (•) en i8g8 ont utilisé l'élévation de température produite par des courants de Foucault dans un tube de cuivre placé dans un champ tournant. Webster (^) en i885 mesurait l'élévation de température pro- duite dans un fil métallique par un courant électrique; ayant dé- terminé la chaleur spécifique relative du fil et de Teau il obtenait ainsi une valeur de la chaleur spécifique de l'eau. Des méthodes dépendant de l'application de formules de Ther- modynamique ont été employées par Dieterici (*) en 1888, Perot (8) en 1888, et Leduc (*) en i8<;8. Parmi ces déterminations de la chaleur spécifique de l'eau, les seules qui nécessitent une étude détaillée sont celles de Joule, de Rowland, de Reynolds et Moorby, de Griffilhs, deSchusterekGan- non, et de Callendar et Barnes. Les raisons de ce que nous avan- çons ici deviendront évidentes par la suite. ( ') Ayrton and Haycrapt, Phil. Mag., l. XXXJX, p. 160-172; 1895. (2) Callendar and Barnes, Electrician, l. XLIII, p. 775-778; 1899. ^B. A. Beportf 1899. (3) Jahn, Witd. Ann., t. XXV, p. 49-71; i885. (•) Dieterici, Wied. Ann, t. XXXIII, p. 417-444; 1888. (*) D'Arsontal, Lumière électrique, t. XXXIX, p. 534; 1891. («) Baille et Fêry, Comptes rendus, t. CXXVI, p. 1494-1496; 1898. (■) Webster, Proc. American Academy, t. XX, p. 490-493; 1884-188S. (•) Perot, Journ. de Physique, t. VII, p. 129-148^ 1888. (•) Leduc, Comptes rendus, t. CXXVI, p. 1860-1861; 1898. — 184 - RÉSULTATS. JOULE. Avant ses expériences de 1878, Joule avail déjà déterminé la chaleur spccifîque de Teau par diverses méthodes dont on trou- vera la discussioQ dans le Mémoire de Howland ('). Cepeiidanl la mesure de 1878 est plus précise que les précédentes (*). La méthode consistait à échaufTer de Teau contenue dans un vase librement suspendu, en y faisant tourner rapidement un agitateur à ])alettes. La masse de l^eau et l'équivalent en eau du calorimètre étaient soigneusement déterminés; Taccroissement de tem|>éra- ture était observé à I aide d'un thermomètre à mercure ; et I 00 évaluait le travail dépensé dans réchaufTement de Teau. A cet effet, le couple exercé sur le calorimètre par la rotation des pa- lettes était équilibré au moyen du couple créé par deux (lis tendus taogentiellcment au calorimètre, (ils qui passaient sur des poulies et supportaient des poids. Si Ton représente par M le couple, supposé constant, et si le nombre de tours des palettes par seconde est N, le travail produit par seconde est 2 7:ALN'. Le métal du calorimètre de Joule était équivalent à 484'^ grains (SiS^',") d'eau à 60" F. (i5",5(].); la masse d*eau employée dans une expérience était d'environ 79 100 grains (5ia4')i chaque cxpé* rience durait quarante et ur^e minutes et l'élévation de tempéra- ture observée était d'environ 5 degrés F. (•«,8 degrés C). La moyenne des résultats de Joule fut celle-ci. Il faut 771, 55 livres- pieds de Manchesler (Angleterre) pour élever de i degré Fah- renheit la température de i livre d'eau prise à 6i**,69F. (échelle du mercure dans le verre). Passant à l'échelle centigrade et au système C.G,vS., nous pouvons énoncer ainsi le résultat de Joule : La quantité de travail nécessaire pour élever de un degré cenli- (') ItowLAND, Proceed. American Acadcmy, t. \V, p. 76; 1879-^. {•) Joule. Phil. Trans., t. CL\I\, p. 3Gj; 1S7H. - 185 — grade la lempéraliire de i* d'eau à la température de i6\5 dans réchelle du thermomètre à mercure dans le verre, est de 4,177.107 ergs. En 1895, le Professeur Schuster (' ) a comparé le thermomètre de Joule avec un thermomètre Tonnelot, comparé lui-même aux thermomètres du Bureau International à Sèvres. Il a pu alors re- calculer la valeur donnée par Joule pour Téquivalent mécanique. Déjà en étudiant ces expériences de Joule, Rowland (2) avait attiré Tattention sur certaines erreurs relatives à la valeur de Fcquivalent en eau du calorimètre; en les corrigeant, on élevait d'environ 1 pour 1000 la valeur de la chaleur spécifique de Teau. Le résultat définitif donné par Schuster est que « la chaleur spéci- fique de Teau à i6'*,5 C. dans réchelle du thermomètre à azote de Sèvres est de 4 ,173.10'' ergs ». Cette valeur moyenne ne diffère que de j^ des meilleures déter- minations faites par d'autres physiciens; mais en fait, les trente- cinq déterminations dont Joule déduit le résultat final diffèrent entre elles de plus de 1 pour 100, et son thermomètre ne lui per- mettait pas une lecture extrêmement précise des températures. Les causes principales de ces écarts étaient l'irrégularité du mou- vement de rotation, qui était donné à la main, et une correction incomplète des pertes de chaleur par rayonnement. ROWLAND. Ln 1878 et 1879, le Professeur Rowland, de l'Université Johns llopkins, a effectué des expériences pour déterminer la chaleur spécifique de Teau à différentes températures (2). Sa méthode était la même que celle de Joule. Au moyen d'un moteur à pétrole, un agitateur convenahlement disposé était mis en rotation rapide (200 à 2DO tours par minute) dans un calorimètre porté par un fri de torsion. On empêchait le calorimètre de tourner avec Tagi- (') SciiusTEB, Phil. Afag., t. XWIX, p. 477-^01 ; iHgS. (') BowLAND, Froc. American Acadeniy y t. XVI, p. 38-45; 1880-1881. - I» - taleur en exerçant sur lui, avec des poids, un couple que Toii pouvait mesurer. L'équivalent en eau du calorimètre était de 347* et la masse d'eau employée d'environ 84oo'. L'élévation de tempé- rature atteignait 0,6 degré par minute ; on Tobservait au moyen de divers thermomètres à mercure dans le verre. Ces thermomètres avaient tous été comparés à un thermomètre à air à volume con- stant. Les lectures étaient, enfin, réduites à Véchelle absolue; otk corrigeait, pour cela, les indications du thermomètre à air, aa moyen dos résultats de Thomson et Joule sur la détente de l'air à travers un diaphragme poreux. Dans une expérience la température s'élevait, par exemple, de 8° à 3o"G; on faisait alors des lectures fréquentes; de degré en dcgrt*, ou môme tous les demi-degrés, on notait le travail dé- pensé. De celte manière, une seule expérience pouvait donner un grand nombre de déterminations de la chaleur spécifique de feau. Le travail c un theniiomètre a platine de Griffiths et Callendar. On a utilisé ces mesures (K)ur calculer à nouveau les nombres de Row- land. La Table suivante donuc les voleurs de la chaleur spéci(M|iie de l'eau telles que Rowland les a d*abord publiées, puis telles qu'elles ont été recalculées, d'abord par Day (*), et ensuite par (') Day, Physical Htvitxw l. M, p. 193 lii; i%^y<. — PkU. âiàg., i, \LVI. I». i-itj: iSyS. - 187 Waidner et Mallory (* ) [voir aussi deux Mémoires de Griffiths (*)]. Recalculées Recalculées par Day. Les mêmes par Valeoirs originales Échelle réduites Waidner et MaïUory. de du thermomètre au thermomètre Thermomètre Tcm- Rowland. à hydrogcoe à azote à azote ^ratures Échelle absolue. de Sèvres. de Sèvres. de Sèvres. o 5... 4,212 » » u 10.. . 4,200 4,196 4.194 4, 195. 10" ergs. i5... 4,189 4,i8« 4,186 4,187 20... 4,179 4,181 4,180 4,181 25... 4,173 4,176 4,176 4,176 3o... 4,171 4,174 4,174 4,175 35... 4^173 4,î7^ 4,1-5 4,177 Entre i5*'et25*', ces résultats peuvent être représentés ainsi : Co= Ci5[i — 0,000409(6 — i5)] (valeurs originales). Cô= G|5[i — 0,00026 (6 — i5)] (valeurs recalculées). Pernet (') a aussi essayé de rectifier les valeurs de Rov^^land au moyen d'une étude soignée de deux thernnomèlres Baudin faits avec le môme verre et de la même construction que ceux de Row- land ; mais ses nombres sont presque exactement de i pour 4oo plus faibles que ceux obtenus par Day et par Waidner et Mallory, et, en pareil cas, on doit accorder une plus grande confiance aux comparaisons directes. Rowland avait pris soin de varier, autant que possible, les con- ditions de ses expériences. 11 a fait en tout trente séries d'obser- vations, faisant tourner son moteur à difierentes vitesses, em- ployant différents thermomètres, et poursuivant ses mesures dans difierents intervalles de températures. On doit donc attribuer un grand poids à ses déterminations. On pourrait seulement objecter que Tintervallede 10 degrés est trop grand pour donner la chaleur spécifique à la température moyenne, et que la correction de rayonnement devient incertaine à partir de 3o°C. Comme le dit (') Waidner aad Mallory, Physical Review, t. VIII, p. 19.3-236; 1899. (^) Griffiths, Nature, t. LVI, p. 258-259; 1897. — Proc. Roy. Soc, t. LXI, p. 479-4»'; '897- (^) Pernet, Festschrift der Naturf. Ges. in Zurich, t. II, p. 1 21-148; 1896. — 188 -- lui-môme Rowland, « Terreur due au rayonnement est presque annulée, au moins entre o° et 3o", en portant Tenceinte à une tem- pérature convenable; mais il peut y avoir à cetle température (3o'*) une petite erreur qui tendrait à faire trouver une chaleur spéci- fique trop grande, et il est possible que la chaleur spécifique de l'eau continue à décroître jusqu'à 4o** ». Rowland estimait que Terreur probable de ses expériences était inférieure à deux pour mille; mais, maintenant que ses mesures thermométriques ont été corrigées. Terreur est probablement ré- duite à moins de un pour mille; à moins qu'il n'y ait eu quelque erreur s^'Stématique constante, ce qui est extrêmement improbable. La méthode employée par Rowland dans ses lectures thermomé- triques est sujette à de sérieuses erreurs {voir Pernet, /. c.) ; et dans les comparaisons faites par Day et par Waidner et Mallory il est possible que les thermomètres n'aient pas été employés identiquement de la même manière que par Rowland. il n'y a pas de raison évidente, cependant, pour penser, avec Pernet, qu'il y a eu une erreur systématique dans les recherches de Rovvhind. REYNOLDS ET MOORBY. Le professeur Osborne Reynolds, de Owens 6^o//e^e ( Man- chester), a combiné, en 1897, "° p'"*" d'expériences pour déter- miner la chaleur spécifique moyenne de Teau entre 0° et 100"; les expériences ont été efl'ectuées par M. Moorby ('). On avait installé un frein hydraulique sur l'arbre d'un moteur à triple expansion de 100 chevaux faisant .3oo tours à la minute. L'eau de réfrigération était prise à o"; elle circulait avec une vitesse telle qu'elle atteignait, en sortant, une température voisine de 100'* G. En même temps, on mesurait la puissance au moyen des poids dont était chargé le frein. Pour éliminer autant (|ue possible les erreurs constantes, trois essais furent faits à pleine charge, suivis de trois essais sous faible charge, chaque essai durant soixante minutes. On considéra, enlin, comme équivalentes (') Reynolds and Moorby, Pliil Trans , i. CAC, p. 38i; 1897. — Proc. Uoy, Soc , t. L\I, p. 393; 1897. - 189 — la différence des quantités de travail sous les deux régimes et la rf/^é/r /26e des quantités de chaleur correspondantes. Dans les essais à pleine charge, le frein était ajusté pour un couple de 1200 livres-pieds, et la quantité d'eau qui le traversait était d'environ 960 livres en soixante minutes. Dans les Qssaissous faible charge, le couple était généralement de 600 livres-pieds et la quantité d'eau passant en soixante minutes était d'environ Ix'/ù livres. Six essais ont été faits avec un couple de 4oo livres- |)ieds. i/altention la plus extrême était portée sur toutes les causes d'erreurs, même les plus faibles, et il n'y a, dans les résultats finaux, aucune cause d'erreur qui paraisse avoir été négligée. Ces résultats peuvent être présentés ainsi: '21 essais, avec couple de 1 200 livres-pieds 17 essais avec couple de 1 (ioo livres-pieds. f i essais avec couple de 400 livres-pieds. Travail moyen Chaleur moyenne par essai par essai en livres-pieds, en livres-degrés à Manchester. Fahrenheit. 13433-403 172685 6i35J5o3 78867 Différences. 72981900 93818 La chaleur spécifique Fahrenheit moyenne, sans correction, déduite des différences est alors 777,91 livres-pieds. En réduisant les poids au vide, en tenant compte de l'air dissous, delà vapeur d'eau, etc., on ne trouve plus que 776,94. En transformant enfin cette quantité en ergs, elle devient 4, '832. 10^. C'est-à-dire que la chaleur spécifique moyenne de l'eau entre 0° et ioo"C. est 4,1 832 . 10" ergs. Si nous admettons la valeur trouvée par Rowland pour la chaleur spécifique à iS^'C. de réchelle du thermomètre à azote, >avoir Cii := 4 , *88- !<>'» nous aurons -p = 0,9988. — 190 - ORIFFITHS. M. E.-H. GrifGths, de Cambridge (Angleterre), a étudié la cha- leur spécifique de Teau au moyen de réchauffement produit par un courant électrique, en se mettant à Tabri, dans une large mesure, des causes d'erreurs auxquelles étaient sujettes les expé- riences antérieures où Ton s'était servi de courants électriques ( * ). L'effet calorifique d'un courant électrique permanent, qui dure / secondes, peut être représenté par l'une des expressions où E = force électromotrice, i = intensité du courant, R = résistance. E peut être mesuré au moyen d'un élément Latimer Clark, i au moyen d'un voltamètre à argent, et R au moyen d'un étalon mer- curiel. Les trois quantités E, i et R peuvent alors être déterminées res- pectivement en volts, en ampères et en ohms, si Ton considère comme données par des recherches antérieures la valeur de l'élé- ment Latimer Clark en volts, la quantité d'argent déposée par un ampère et la résistance de l'étalon mercuriel en ohms. Mais, par définition, l'énergie libérée à chaque seconde par un ampère entre deux points ayant une diiFéi^nce de potentiel de i volt est de jo^ ergs; si donc E, i et R sont connus en volts, ampères et ohms, l'énergie se trouve exprimée en ergs. Dès lors, si l'on immerge dans l'eau d'un calorimètre une bobine de fîl traversée par un courant, l'énergie dépensée dans réchauffe- ment de l'eau pourra être déterminée par trois procédés diffé- rents. On pourra : i" Mesurer E, r et f ou E et / idt^ 2® Mesurer i, R et ^, 3<* Mesurer E, R et t. (») E.-H. Griffitiis, Phil. Trans., l. CLXXXIV, p. 36i; 189.3. - 191 — Griffiths s'est servi de la troisième m-éthod^, bien que ce fût, pour plusieurs raisons, la -plus diflicile. La principai^^ difficnibé réside dans la mesure de R; car, à moins que celle résistance ne soit mesurée pendant le passage du courant, il est nécessaire de connaître la température du fil et le coefficient de variation de sa ré- sistance avec la température. Or la température du fil n^ est pas celle deTeauqui TenvironncGriffilks a cherchée tourner cette difficulté €n faisant tout d'abord toute une série d'expériences pour connaître la différence de température qui pouvait exister entre l'eau et le fil quand l'eau était portée successivement à des températures données, et que l'on maintenait entre les extrémités du fil une force électroaiotrice de valeur con4iue. La résistance du fil avait été mesurée à une certaine température, et son coefficient de température avait également été déterminé. Avec ces données, quand, dans une expérience calorimétrique, on lisait la tempéra- ture de IVdu, on en pouvait déduire la résistance réelle du fil. Griffilhs trouva ainsi que, pour obtenir une concordance satisfai- sante des résultats, il était nécessaire d'agiter très rapidement le liquide. 11 réalisa donc un bon agitateur, toui-nant environ à 200 tours par minute; mais l'élévation de température produite par l'agitateur seul représentait, dans certains cas, jusqu'à lo pour 100 de l'énergie totale. La correction qu'entraîne nécessai- rement cette agitation résultait d'une série d'expériences prélimi- naires. L'appareil de Griffiths consistait en un fil de platine de o*^", oio de diamètre et de 33*^" de longueur, ayant une résistance d'en- viron 9 ohms, enroulé à Tintérieur d'un calorimètre aj'ant 8^" de diamètre et 8*^" de hauteur et dont l'équivalent en eau était de 85*^'. Ce fil était chauffé au moyen du courant d'une batterie d'accumu- lateurs. Les extrémités du fil étaient maintenues à une diflérence de potentiel constante, par opposition avec un groupe d'éléments Lalimer Clark. On faisait alors monter de i4"C. à 25°C. la tem- pérature du calorimètre en notant la température et l'heure au voisinage de chaque degré. L'expérience durait de quarante à quatre-vingts minutes. Les forces électromotrices ont varié de trois à six Latimer Clark. Les expériences ont été faites en se servant de quantités d'eau variables. En prenant les différences des quan- tités d'énergie et les dilTéreûces des quantités de chaleur mises — 192 — en jeu dans ces exp<^riences on éliminait un grand nombre d'erreurs, et Féqui valent en eau du calorimètre disparaissait de Féquation finale. En définitive, la mesure finissait par dépendre d'une différence de rAO^ entre les masses d'eau employées dans deux expériences. Griffiths a mesuré ses forces éleclromotrices en fonction du Lîilimer Clark étalon du laboratoire Cavendish ; ses résistances en fonction de Tohm B. A y 1892, identique à Vohm interna^ tional défini en i8()3; ses temps au moyen d'un chronomètre étalonné, et ses températures au moyen d'un thermomètre à mer- cure Hicks qui avait été comparé avec un thermomètre au platine de Griffiths-Callendar, ain:>i qu'avec un thermomètre à mercure Tonnrlol étalonné au Bureau International. Conformément aux expériences de Glazebrook et Skinner (*), il admit pour la force élec^tromolrice du f^atimer Clark du laboratoire (^lavendish à i5** la valeur i,4344 volt, et pour sa vatiation avec la température l'expression i -\- 0,0007^ (i5 — 0). Les résultats peuvent s'exprimer ainsi : La chaleur spécifique de IVau à 1 5" (échelle du thermomètre à azote) est de G|5= ;i ,1940. 10" ergs. et entre les températures de i5" et a.V*, elle est donnée |>ar la formule Co= 4,1940.10^ [i — o,oooji6r)(0 — r'»)]. I)e|)uls, Griffiths {'^) a découvert une erreur de calcul qui élève ses r«'*>u liais à C(j= 4,198. 10" [i — (),ooo>.r)GrO — i5)]. Plus rtHMMiunrnt, Scluisler (/or. vit,) a signalé une autre erreur de I |)Our 4ooo : mais cclle-(!i est compensée par une autre petite erreur découverte {^) dans la valeur de la force électromotrice de rélément Lalimer Clark : celle-ci était seulement de i,j34^'*"* à i.VC. (') r,M/.KBHOOK and Skinski, l*hil. Tntnx. l. CIAWIII. p. 567^»jij; iSj^j. l» , /'/<*.-. Iia\ . Soc. l. I.\ , p. »3-j^); iSjj. \, ) <;uuKiTii8, /*/i-i'>'i; iSyj. — 193 - En conséquence, les valeurs finales de Griffilhs sonl, dans l'é- chelle du ihermomètre à azote, à i5°G 4,198. 10? ergs. 20° G 4,192.10^ 25'C 4,187-10". Comme critique de la méthode, on peut dire que Griffîths, en employant d'aussi petites quantités d'eau, a accru les chances d'erreurs systématiques du côté des corrections de rajonnement. On se reportera, à ce sujet, aux critiques formulées par Schuster et à la réponse de Griffîths (*). En tout cas, on ne peut pas considérer comme parfaitement satisfaisante une expérience dans laquelle ce sont des recherches accessoires qui fournissent deux quantités aussi importantes que la résistance du fil pendant la mesure, et la correction pour l'agi- tation du calorimètre. Il n'est pas certain que les circonstances aient été identiques dans ces expériences auxiliaires et dans les expériences définitives. Les premières expériences sur la tempéra- ture du fil chauffé par le courant, faites avant les expériences principales, ne concordent pas avec celles qui ont été faites ensuite. Elles ont été rejetées, il est vrai, pour des raisons suffisantes. Mais il est regrettable que ces expériences préliminaires n'aient pas été satisfaisantes, et il peut alors rester une légère incertitude sur la valeur adoptée pour la correction. Il y a, d'autre part, un doute considérable sur la valeur exacte de la force électromotrice de l'étalon Latimer Clark du labora- toire Cavendish (2). En effet, Kahie (3) a déduit d'une nouvelle détermination de l'équivalent électrochimique de l'argent que la valeur de l'étalon Latimer Clark en H de Tlnstilut physico- technique impérial, était de i,4325 volt à i5"C., et, comme cet étalon a été comparé à celui du laboratoire Cavendish, la valeur de ce dernier peut aussi en être déduite. La valeur corrigée ( ') Griffîths, Nature, t. LVI, p. 258-259; 1897. (^) WoLFP, Johns Hopkins University Circulars, t. XVII; June 1898. — Waidner and Mallory, toc. cit. (') Kahle, Wied. Ann., t. LIX, p. 532-574; 1896. — Zeitsch. fur Jnstrumen- tenkunde, t. XVIII, p. 329-267; 1898. — Wied. Ann., t. LXVII, p. 1-87; 1899 (réimpression du précédent). C. P., I. ,3 - 19-4 - calculée par Kahle est de 1,4329 volt à i5°C. [Les dernières ex- périences de Patterson et Gulhe ( * ) la feraient égale à i ,4327 volt.] Comme Griffiths s'est servi de la valeur 1,434^ volt, et comme cette valeur entre au carré dans Téquation, la correction corres- pondante est presque exactement de 2 pour 1000. En corrigeant de cette manière les résultats de Griffiths, on obtient, dans l'échelle du thermomètre à azote, à 1 5^*0 4ji9o.io". 20° C. 4,184. io7. -iD^C 4,179.10". SCHUSTER ET OANNON. La méthode combinée par le professeur Schuster, de Owens Collège (Manchester), et mise en œuvre par M. Gannon et lui, consistait à élever la température de l'eau d'un calorimètre au moyen d'un courant électrique, en maintenant constante la force électromotrice aux extrémités du fil chauffé et en mesurant la quantité d'électricité par un voltamètre à argent [c'est ce que nous appelions précédemment la première méthode]. L'accroissement de température était déterminé par un thermo- mètre à mercure Baudin, comparé direclemenl avec un Tonnelot, étalonné au Bureau International. Le calorimètre avait un équi- valent en eau de 276, et la masse d'eau employée était d'environ i5i4^' Le fil chauffé, en platinoïd, avait 760*^'" de longueur, et environ 3i ohms de résistance. La force électromotrice, produite par des accumulateurs, était constamment équilibrée par vingt éléments Latimer Clark. Le courant était alors environ de 0,9 am- père; il passait dans le fil à échauffer, en série avec un volta- mètre à argent consistant en une plaque d'argent et un creuset de platine de 9*^" de diamètre sur 4*^™ de hauteur, pesant environ 64*. Une expérience durait dix minutes, pendant lesquelles on déposait environ o^, 56 d'argent, tandis que la température du calorimètre montait de 2, 2 degrés C. Toutes les expériences furent faites vers la température de 19® C. Le résultat final est la moyenne (') Patterson and Gutiie, Physical Beview, t. VII, p. 257-282; 1898. — 195 — (le six expériences bien concordantes. Schuster eC Gannon ont pris, comme force éleclromotrice de leur Latimer Clark étalon, r,434o[i — o,ooo8i4(0 — 15)4-0,000007(0 — i5)*], et, comme équivalent électrochimique de Targent, 0^,001118 par ampère el par seconde. En adoptant ces valeurs, leurs expériences donnent, dans Téchelle du thermomètre à azote : Équivalent mécanique de la calorie à 19**,! G = 4,i9o5. lo^ ergs. Quelques observations sont nécessaires. On s'est servi d'un seul voltamètre; et Ton n'a, du reste, fait varier aucune des conditions expérimentales. Les corrections de rajonnement ont élé très soigneusement étudiées, mais on ne donne aucun détail sur le fonctionnement de l'agitateur et sur la correction qui en résulte; or Griffiths insiste fortement dans ses recherches sur la nécessité d'une agitation énergique, pour ne pas dire vio- lente. Ces circonstances rendent le résultat final assez incertain, dans une proportion difficile à estimer, mais qui n'est proba- blement pas très grande. Enfin, il semble probable, d'après les travaux de Rahie et de Patterson et Gulhe, que l'équivalent électro- chimique de l'argent est o , 00 1 119 au lieu de o, 00 1 1 1 8 ; la valeur donnée par Schuster et Gannon pour la chaleur spécifique de l'eau à 19^,1 devrait alors être remplacée par 4? 189. 10^ ; et si une nouvelle correciion de un pour mille doit être faite pour la même raison sur la force électromolrice de leur élément Latimer Clark, le résultat définitif de ces expériences est 4,i85. lo"^ ergs. CALLENDAR ET BARNES. Les dispositifs expérimentaux de Callendar et Barnes avaient i852. 10" ergs, élail correcte, la quantité (') Bunsen, l*ogs;. Ann., l. C\LI, p. i-3i; 1870, traduit in Phil. Mag., t. \LI. p. iCi-iKj; 1871. (•) ScHULLER und Wartha, Wied. Ann.. t. II, p. 3j9-383; 1877. {■') Velten, Wied. Ann., t. \\I, p. 3i-6', ; 188}. (*) V. Zakrzevski, Wied. Ann.. t. XLVII, p. i55-iG2; 1890. {■' ) Staub, Inaug. Diss., Zurich, 1890. - 199 - de mercure correspondante devrait être 0,01629, puisque la va- leur 4,225.10'' de Dieterici correspond à la quantité de mercure o,oi544- La différence entre 0,01529 et o,oi544) pourtant, est irop grande, et il paraît alors probable qu'il y a quelque autre cause d'erreur. Dieterici a fait aussi le calcul de la chaleur spécifique au R moyen de l'équation de Mayer relative aux gaz : J = -^ ^ > \*p Lit; en se servant des valeurs expérimentales de R, de C^ et du rap- port Y des chaleurs spécifiques qui ont été obtenues pour l'air par Rontgen, par Mùller et parRegnault. Il trouve ainsi que la chaleur spécifique à 15** G. est 4>'9li • ïo^; mais on ne peut pas attacher une grande importance à ce résultat. Jahn. — Comme Dieterici, Jahn a employé un calorimètre de Bunsen; mais comme la détermination de la calorie moyenne n'a été faite qu'incidemment dans ses recherches, la valeur obtenue ne peut pas avoir un grand poids : il a trouvé 4, ^75. 10^ ergs. Miciilescu. — Miculescu a employé une méthode mécanique directe, en agitant l'eau d'un calorimètre cylindrique avec un agitateur à hélices qu'un moteur électrique faisait tourner rapi- dement. Un courant d'eau passait autour du cylindre et les tem- pératures de l'eau à l'entrée et à la sortie étaient déterminées au moyen d'un couple thermoélectrique qui avait été comparé avec un thermomètre Tonnelot étalonné au Bureau International. Le moteur était placé sur un support qui pouvait tourner autour d'un axe horizontal parallèle à l'arbre du moteur, mais un poids placé à l'extrémité d'un levier empêchait l'entraînement du moteur, et c'est de cette manière que la piiissance était mesurée. La masse d'eau échauffée variait de Sooo^ à i4ooo*, sa tempé- rature montait d'environ 2 degrés. La longueur du bras de levier du dynamomètre est donnée comme égale à o'", 280. La valeur finale de la chaleur spécifique de l'eau à ii",5C. (échelle du thermo- mètre à azote) est de 4,1857.10^^ ergs. Il est difficile d'assigner la limite d'incertitude de ce résultat, - 200 - en raison de rincertitude sur la longueur du bras de levier, dont aucune mesure n'est donnée, si ce n'est la valeur finale de 28*^™ (*). Ayrton et Haycraft. — Ces expérimentateurs ont combiné et décrit un appareil de manipulation. On échauffe Peau d'un ca- lorimètre au moyen d'un courant électrique dont l'intensité el la force électromotrice sont mesurées par des appareils Weston. Peu de détails sur les expériences; mais la valeur finale du ré- sultat est donnée comme égale à 4 j iqS'. 10^, probablement à i5®C. Leduc. — La plus récente détermination de la chaleur spéci- fique au moyen de la formule de Mayer est celle de Leduc (^), qui a calculé les constantes pour l'air. II trouve 4? «89. 10' <îrgs, sans spécifier la température. Les erreurs inhérentes à la méthode sont, naturellement, très considérables; ce résultat est donc de peu d'importance. Perot. — La meilleure détermination de la chaleur spécifique, au moyen de la formule de Clapeyron pour les changements d'état, est due à Perot, qui a mesuré les différentes constantes sur le même échantillon d'éther. La valeur trouvée pour la chaleur spécifique est 4, 167. 10^ ergs, aucune température n'étant spécifiée. Ici en- core on peut craindre de sérieuses erreurs. CoTvper et Anderson. — L'équivalent mécanique de la chaleur a été mesuré grossièrement, mais sur une grande échelle, par Gowper et Anderson, qui ont employé un moteur de 5 chevaux et un frein hydraulique de Fronde dans lequel on échauffait (') Cette insuffisance du travail de M. Miculescu, signalée par M. Ames et par d'autres auteurs, bien qu'indiscutable, ne semble pas avoir l'importance qui lui a été généralement attribuée. J'ai fait de vains efforts pour retrouver le levier dont s'est servi M. Miculescu, et pour vérifier sa longueur; mais on peut admettre comme à peu près certain que l'erreur qu'il a pu commettre ne dépasse pas sen- siblement o"",! ou jgVï en valeur relative, cette précision étant facile à atteindre dans tout laboratoire bien outillé. La mesure de l'intervalle de a degrés dans equel opérait M. Miculescu est, sans aucun doute, affectée d'une incertitude rela- tive plus grande. Ch.-Éd. Guillaume. O Leduc, Comptes rendus, t. CXXVII, p. 1860-61; 1898; t. CXXVII, p. ôâg- 662; 1898; t. CXXVII, p. 860-862; 1898. — Ann. de Chimie et de Physique, t. XV, p. 5-1 15; 1898. — 201 - d'environ 20 degrés F. un gallon d'eau par minute. Leur résultat préliminaire, pour l'équivalent mécanique (échelle Fahrenheit) fut de 769 livres-pieds, ce qui fait environ 4ji4«io^ ergs dans Té- chelle centigrade. Aucun détail n'est donné relativement aux tem- pératures. • W.-P. Tatham. — Une méthode semblable a été employée par W.-P. Tatham en étudiant un grand dynamomètre. Le plan des expériences avait été indiqué par le professeur Marks. Un moteur de 46 chevaux échauffait de l'eau par agitation dans un cylindre de 3 pieds de diamètre sur 3 pieds de longueur. La température de 1 223 livres d'eau s'est élevée de 1 5, 5 degrés C. en trois heures. Le résultat obtenu pour l'équivalent mécanique (système Fahrenheit) est 772,81 livres-pieds, ce qui représente 4>i6.io' ergs dans le système centigrade. Christiansen. — Un appareil de laboratoire a été décrit par Christiansen (*). il consiste en un système de palettes tournant dans un calorimètre plein d'eau. On a trouvé, pour la chaleur spécifique vers 19®, des résultats de l'ordre de 429^^^,00 à 43o''8™,6o, c'est-à-dire une moyenne d'environ 4,21.10^ ergs. D'Arsonval» — D'Arsonval a combiné une méthode qui con- siste à échauffer de l'eau contenue dans un tube de cuivre en main- tenant celui-ci immobile dans un champ magnétique tournant. On empêche le tube de suivre la rotation du champ en exerçant sur lui un couple que l'on mesure. L'équivalent mécanique de la chaleur a été trouvé de 4^1*'^" à 4^7''^" à Paris, la moyenne étant d'environ 4)i6.io' ergs. Baille et Féry. — Une méthode analogue à celle de d'Arsonval a été employée par Baille et Féry. Un cylindre de cuivre est encore maintenu immobile dans un champ magnétique tournant. On n'a publié que des résultats préliminaires qui sont sans grande valeur : la méthode n'est pas de celles qui comportent une grande précision. (') Christiansen, IVied. Ann., t. XL, p 374-376; 1898. — 202 - Webster. — Une méthode proposée par le Professeur Trow- bridge, du Harvard Collège, a été essayée parM. A. -G. Webster. Elle consiste à faire passer une quantité d'électricilé connue dans un ruban d'acier et à en mesurer l'élévation de température en déterminant immédiatement sa variation de résistance. On mesu- rait, à chaque expérience, le potentiel de charge du con,densateur employé et l'on avait déterminé préalablement le coefficient de température du ruban d'acier. Vingt expériences ont donné pour moyenne 4îi4-ïo^ ergs. Il n'y a aucun détail sur la température ou l'unité thermique; les résultats sont du reste donnés seulement comme provisoires. Cantoni et Gerosa. — En mesurant l'élévation de température produite par la chute d'une quantité connue de mercure dans un tube vertical, Cantoni et Gerosa ont trouvé pour l'équivalent méca- nique 423*'B'nj82, ce qui fait environ 4,i6. lo^ ergs. Sahulka. — Sahulka a fait quelques mesures d'équivalent mé- canique en utilisant un appareil analogue à celui combiné par Puluj (*), dans lequel de la chaleur créée par frottement est dissipée par rayonnement, de manière que l'on ait une tem- pérature stationnaire. La moyenne des résultats est 4^6 ±: 2^*"*, soit environ 4îI9- 10^ ergs. Fletcher. — Une méthode analogue à celle employée plus tard par Griffiths avait été combinée autrefois par le Professeur Rowland et employée en 1881 par M. Lawrence B. Fletcher. Elle consiste à produire l'élévation de température de l'eau par un courant électrique passant dans une bobine de fil. Le courant était mesuré au moyen d'un galvanomètre étalonné, et la résistance était déterminée pendant réchauffement même de l'eau, en fonction de l'unité B. A. Le résultat fut 4)207.10^ ergs à la température moyenne de 2(Jo G. Mais une unité B. A. vaut 0,9863 ohm in- ternational; la valeur corrigée serait donc 4»i49«ï^^ ergs. Les thermomètres employés sont ceux mêmes qui ont servi aux expériences de Rowland. Si l'on ramène leur échelle à celle du (') Puluj, Pogg, Ann., t. CLVII, p. 437; 1876. — 203 - thermomètre à azote de Sèvres au moyen des Tables données par Waidner et Mallory, le résultat final devient 4>ï53.io' ergs à 26" G. Mais ces expériences ne sont pas présentées comme com- portant une grande exactitude. DISCUSSION. Il ressort de toute celte discussion que les seules expériences où nous ne voyons pas a priori de cause d*erreurs, les seules par conséquent que nous ayons à comparer, sont celles de Joule, Kowland, Reynolds etMoorby, Griffiths, Scliuster et Gannon, et Gallendar et Barnes. Leurs résultats sont résumés dans le Tableau suivant (*) * Tableau I. — Chaleur spécifique de VeaUy par degré centigrade du thermomètre à azote. Noms. Joule Rowland Reynolds et Moorby Griffiths Mélhode. Mécanique Etalons. Electrique \ Latimer Clark = i', 4342 EU à i5" R ) Ohm international ., , 1 Latimer Clark = i*,434o Schuster \ ,,, . l , .. ( Electrique 1 a iS** ^ \ Eit j Eq. électr. chim. de Tar- Gannon ) f . » o [ geni = o*,ooiii8 \ à i5" <és ultats. Températures 4 173 .ejs 4, 195 10 4i 187 i5 i. i8r 20 4, .76 9.5 4< 1832 l calorie ( moyenne 4, .98 i5 4, 19a 10 4, '87 25 4,1905 ) Électrique ) Laliraer Clark = r,434'i ) ^^ ( Eit ( à w^" ! ^''"9 Barnes / '9,' 40 (' ) Voir aussi V Appendice sur l'unité de chaleur, par M. Griffiths. - 204 — Variation de la chaleur spécifique, Rowland Cô= Ci6[i — 0,00026 (O — i 5)] Griffiths Cô= Ci5[i — 0,000266(6 — i5)] iCe= C4o[n-o,ooooo45(9--4o)»] CallendaretBarnes. \ ^ , wû rx ,r/û c.»i = Ci5[i — 0,000224(6 — i5) H- 0,0000045(6— 15)»] Le Tableau suivant, déduit des nombres de Chappuis donnés par Guillaume dans sa Therniométrie de précision (p. 258), fait connaître le facteur par lequel la chaleur spécifique, expri- mée en fonction du thermomètre à azote, doit être multipliée pour être exprimée dans l'échelle de Thydrogène. Tableau H. o 10 I , ooo5 1 5 1 ,0004 •20 I ,ooo3 25 .' 1,0001 3o . . , . , 1 , 0000 Pour rendre les différents résultats du Tableau I plus facilement comparables, réduisons-les à la température uniforme de 20®. Nous aurons alors, dans l'échelle du thermomètre à azote : Joule (*) 4îi69' 'o' ergs Rowland 4 » > ^ > Griffiths 4 » 192 Schuster et Gannon (1). . . . 4,189 Callendar et Barnes 4 , 186 Si l'on admet, maintenant, une erreur de i pour 1000 sur les étalons électriques ces valeurs deviennent : Joute 4 > >69. io7 ergs Rowland 4,181 Griffiths 4»i84 Schusler et Gannon 4>'8i CallendaretBarnes 4, «78 La moyenne des quatre dernières est C,o=4,»8i.io7 ergs(«). (*) La réduction à ao" a été faite par la formule de Rowland. (') On aurait à i5« : 4, 187. 10' ergs. — 203 - La concordance est certainement aussi parfaite qu'on pouvait Tespérer. S'il y a eu réellement une erreur sur les étalons électriques, comme cela paraît probable, il ny aurait plus besoin de reprendre la détermination de la chaleur spécifique de l'eau. Mais si, pour une cause quelconque, une nouvelle détermination était né- cessaire, les méthodes de Rowland et de Schuster paraissent devoir offrir les plus grands avantages. Les expériences de Cal- Icndar et Barnes, si on les poussait plus loin, nous donneraient une connaissance très exacte des variations de la chaleur spéci- fique. CHALEUR DE FUSION DE LA GLACE. Trois méthodes ont été essayées pour déterminer la chaleur de fusion de la glace; mais dans aucune d'elles on n'a fait de com- paraison directe entre la chaleur de fusion et le travail mécanique. Toutes ces méthodes impliquent la connaissance de la chaleur spé- cifique de l'eau dans un certain intervalle. Méthode des mélanges. — Dans cette méthode, on mesure le changement de température qui se produit dans une certaine masse d'eau quand on y introduit une quantité de glace connue. Elle a été employée par Regnault (*), par Person (2), par Hess {^) et par quelques autres physiciens. Regnault a fait deux séries d'expériences; dans l'une il a em- ployé de la neige à une température d'une fraction de degré en dessous de o'*; dans l'autre, il s'est servi de morceaux de glace aussi secs que possible. La première série lui a donné 79^*^,24, nombre corrigé plus tard par Person et porté à 79^*', 43. La seconde série a donné 79^*\o6, c'est-à-dire presque exactement la même valeur que pour les expériences faites de la même ( ') Regnault, Ann. de Chim. et de Phys., t. VIII, p. 19-27; i843. (-) Person, Ann. de Chim. et de Phys., t. XXX, p. 73-81 ; i85o. (3) Hess, Bull. Soi. de VAcad. de Saint-Pétersbourg, t. IX, n» 6, p. 81 ; i85i — 206 - manière par de la Provostaye et Desains (*). Person a montré que ces valeurs sont trop basses, parce que, quand la glace est à une température différant peu de o® G., elle est un peu ramollie et partiellement fondue. Il a, par conséquent, mesuré la variatioD de chaleur spécifique de la glace entre — 9** C. et o** ; et il a ensuite déterminé la chaleur de fusion en mettant dans son calorimètre des morceaux de glace pris à une température plus basse que zéro. Dans les expériences de fusion, la température initiale de la glace a varié de — 9® jusqu'à — 2®, 6. La valeur moyenne de ses résultats est de 79,99, Tunité de chaleur étant la calorie moyenne dans un intervalle d'environ 16°. Si la chaleur spéciflque de Peau était connue pour les basses températures, ces résultats pourraient être ramenés à des valeurs absolues. Hess s'est servi d'une méthode analogue à celle de Person, et a obtenu comme moyenne de quarante expériences la valeur 80, 34- La glace était prise à des températures variant de — i3** à — 3*: il introduisait dans ses équations la chaleur spécifique de la glace et la chaleur de fusion, considérées comme des constantes in- connues, et pouvait alors déterminer ces deux quantités. Méthode du calorimètre à glace. — En se servant du calorimètre à glace, Bunsen a fait deux déterminations du nombre de calo- ries moyennes (entre o" et 100°) nécessaires pour fondre i^ delà glace formée autour du tube intérieur. Pour y arriver, il lui fallait savoir quelle quantité de mercure rentrait dans l'appareil pour chaque calorie moyenne, et aussi la densité de la glace, du mer- cure et de l'eau à o". Ces quantités sont toutes difficiles à me- surer [^voir Nichols (2)]; de plus, le calorimètre à glace est d'un emploi extrêmement délicat. Toutefois, Bunsen obtient la valeur 80,025 calories moyennes pour la chaleur de fusion de la glace à o" C, comme moyenne de deux déterminations bien concor- dantes. En admettant la valeur de Reynolds et Moorby pour la calorie (') Dk la Provostaye et Desains, Ann. de Chim. et de Phys., t. VIII. p. 0-19: 1843. ( = ) NicnoLs, Physical Rev., t. VIII, p. 2i-38; 1899. - 207 - moyenne, c'est-à-dire 4^i832.io^ ergs, la chaleur de fusion de la glace serait de 334, 76» i o^ ergs. En raison de la grande incertitude sur la quantité de mercure qui correspond réellement à une calorie moyenne, il est tout à fait impossible de fixer le degré d'exactitude de cette détermination. Abaissement du point de congélation des dissolutions. — Raoult et d'autres physiciens ont montré que, si l'on dissout dans un liquide de petites quantités d'un autre corps, le point de congéla- tion du dissolvant est abaissé. La loi du phénomène est donnée par la formule A = * looL où 6 est le point de fusion du dissolvant pur dans Véchelle absolue; L la chaleur de fusion à celte température ; \ l'abaissement du point de fusion produit par la dissolution de une molécule- gramme du corps étudié dans loo^ du dissolvant, tandis que Ro est la constante des gaz parfaits, dont la valeur est égale à •>. X 4 j 2 X 10^, c'est-à-dire à deux calories. L'équation est souvent écrite sous la forme 0,026» L étant exprimée en calories. On l'appelle parfois équation de Van^t lloff parce que celui-ci l'a établie théoriquement. Malheureusement, on ne peut pas admettre l'exactitude absolue de l'équation de Van't HofT; aussi les valeurs de L qu'on en peut déduire ne sont-elles exactes qu'à quelques centièmes près {voir Winkelmann, Handbuch der Physik^ Vol. II, 2, p. 023). Discussion. — Le travail le plus exact et le plus soigné paraît être celui de Hess; mais son résultat ne peut être donné en ergs; et l'on ne peut pas se faire la moindre idée de l'erreur possible. Il serait tout à fait désirable que de nouveaux efforts fussent tentés pour apporter toute la précision des méthodes scientifiques actuelles dans la mesure d'une constante naturelle aussi impor- tante que la chaleur de fusion de la glace. La méthode des mé- - 208 - langes donnera sans cloute les meilleurs résultats, — pourvu que Ton connaisse exactement la chaleur spécifique de la glace. CHALEUR DE VAPORISATION DE L'EAU. Une discussion complète des travaux antérieurs sur la chaleur de vaporisation de Teau a été donnée par M. E.-H. Griffilhs dans son Mémoire de 1893 (* ). Il j rappelle que, jusqu'à celte époque, deux procédés avaient élé employés pour fournir la chaleur né- cessaire à la vaporisation de l'eau, ou pour absorber la chaleur dégagée par la condensation de la vapeur : 1° Prendre ou céder de la chaleur à l'eau d'un calorimètre or- dinaire. 2*^ Emprunter de la chaleur à l'eau d'un calorimètre Bunsen de manière à obtenir une certaine congélation. Griffilhs emploie une troisième méthode; il fournit la chaleur par un courant électrique. On pourrait employer encore une autre mélhode qui consis- terait à déterminer le changement du point d'ébullilion de Teau quand on y dissout de petites quantités d'un corps étranger, et à admettre l'exactitude de la formule de Van't Hofl". Méthode des mélanges. — La méthode des mélanges a été employée par Regnault (-), par Favre et Silbermann ('), par Andrews (*), par Berthelot (5), par Hartog et Harker (®), par (>) Griffiths, Phil. Trans., t. CLXXXVI, A, p. 261-3/11; 1896. — Proc. Roy. Soc, t. LXI, p. 479-481; »897. (2) Reqnault, Mémoires de V Académie, t. XXI, 1847. — Relation des Expé- riences, t. I, p. 635-728. (*) Favre et Silbermann, Ann. de Chim. et de Phys., t. XXXVII, p. 406- 609; i853. (*) Andrews, Chem. Soc. J., 1849. (*) Berthelot, Comptes rendus, t. LXXXV, p. 646-648; 1877. (*) Hartoq and Harker, Mem. and Proc. Manchester Lit. and Phil. Soc, t. IV, p. 37-53; 1893, — 209 - Harker (*) et par Louguinine (^). Mais, de toutes ces mesures, la première et la dernière seules méritent un examen sérieux. Les expériences de Regnault ont été soumises à une critique serrée par Winkelmann ('), par Griffiths, par Ekholm (*) et par Starkweather (^). II semble bien que les mesures faites aux basses températures (de — 2° à -+- i6"C.) ne seraient pas absolu- ment exactes, tandis que celles faites au voisinage de 100® seraient correcles. Dans les premières, Regnault déterminait la tempé- rature de l'eau vaporisée en mesurant la pression de la vapeur dans le condenseur, et ce n'est pas la seule objection à faire à sa méthode. Dans les expériences faites au voisinage de 100®, la méthode consiste à condenser la vapeur d'eau dans un ser- pentin placé dans l'eau d'un calorimètre. Les erreurs ont été soigneusement étudiées, mais la méthode, dans les meilleures conditions, n'est encore pas très précise. Son résultat final, moyenne de trente-huit déterminations, peut être exprimé en disant que la chaleur totale à 99**, 88 G. est de 636,67; c'est- à-dire que tel est le nombre d'unités de quantité de chaleur né- cessaires pour élever la température de i^ d'eau de 0° à 99°, 88 G. et pour la vaporiser à cette température. Regnault n'a pas for- mellement défini l'unité de quantité de chaleur qu'il adoptait dans ces expériences; mais c'est, en réalité, la calorie moyenne pour l'intervalle de 4° à 25**G. La chaleur de vaporisation à 100° est, par conséquent, voisine de 536,07 exprimée en calories moyennes pour l'intervalle o^-ioo"*. Si la valeur de la calorie moyenne ob- tenue par Reynolds et Moorby est exacte, cette valeur devient 536, 67 . 4, 1 83 . 1 o' ergs. Louguinine a employé, au fond, la même méthode; et la valeur obtenue pour la chaleur totale de Teau, comme moyenne de trois expériences, est de 636, 19 à la pression de 76*^^,067, c'est- à-dire à la température de 100°, 02; mais il ne précise pas l'unité de quantité de chaleur employée. ( ' ) Harker, Mem. and Proc. Manchester Lit. and Ph. Soc, t. X, p. 38-6o ; 189G. (') LonouiNiNS, Ann. de Chimet de Phys., t. VII, p. 251-282; 1896. (3) Winkelmann, Wied, Ann., t. IX, p. 208, 358; 1880. (*) Ekholm, Bihang. Handt. Svenska Vet, Akad., t. XV, p. 27; 1889. — Beibl., t. XIV, p. io8a; 1890. (*) Starkweather, Amer, /. Se, t. VII, p. i3-34; 1899. C. P., I. 14 - 2i0 - Berthelot a mesuré la chaleur totale à loo** par la même mélhode et a obtenu, dans trois expériences, des résultats variant de 635,2 à 637, 2; moyenne 636,2. L'unité de quantité de chaleur n'est pas, non plus, indiquée. Calorimètre à glace. — Le calorimètre à glace a été emplové par Dieterici (*) et par Svensson (-) pour déterminer la chaleur de vaporisation à o", et ces deux expériences paraissent avoir été conduites avec grand soin. Une ampoule contenant de l'eau esl plongée dans le liquide dont on a rempli le tube intérieur du calorimètre. On fait le vide dans cette ampoule de manière à pro- duire Tévaporalion deTeau. Dieterici s'est servi d'une ampoule de verre et d'une ampoule de platine. 11 attribue le poids le plus grand aux résultats obtenus avec ce dernier appareil. Les deux expérimentateurs ont admis que la soustraction de une calorie moyenne expulsait 0^,01 544 ^^^ mercure, et leurs résultats sont bien d'accord. Dieterici donne comme moyenne de dix expériences la valeur probable 596,73; tandis que Svensson, comme moyenne de trois mesures, donne 599,92 calories moyennes. En admettant l'exactitude des mesures électriques dans les expériences d'équivalent mécanique faites par Dieterici avec le calorimètre à glace ces résultats deviennent indépendants de la rela- tion admise entre la calorie moyenne et la quantité de mercure expulsé. En prenant la valeur corrigée de Dieterici pour l'équiva- lenl mécanique de la calorie moyenne, c'est-à-dire 4? 225. 10^, ses expériences de vaporisation montrent que à o*', la chaleur de vapo- risation de l'eau serait de 096,73 . 4,225 . 10^ ergs. Si l'on con- sidère enfin comme exacte la valeur de la calorie moyenne donnée par Reynolds et Moorby, soit 4 7*832. 10', le résultat des expé- riences de Dieterici est 602,7 calories moyennes. De même, le résultat de Svensson devient d'abord 599,92.4,225.10^ ergs, j)uis 606,0 calories moyennes. Méthodes électriques. — La vaporisation de l'eau au moyen de (') Dieterici, Wied. Ann., t. XXXVII, p. /|94-Jo8; 1889. (M Svensson, Ôfversigt. a. Kgl. Vet. Akad, Forhdl. Stockholm, t. LU, p. 535-359; 1895. — Beibl.y t. XX, p. 356; 1896. -211 — la chaleur fournie par un courant électrique a été étudiée par E.-H. Griffilhs et aussi par Ramsay et Marshall (*). Le travail de ces deux derniers expérimentateurs ne prétend pas à une grande exactitude; ils ont trouvé 587,0 pour chaleur de vaporisation à 100"; mais Tunité thermique n^est pas définie. Dans le travail très soigné de Griffiths, différentes quantités d'eau ont été évaporées, et un grand poids doit être attribué à ses résultats. Il compense la perte de chaleur due à la vaporisation par réchauffement dû à un courant électrique, en se servant, pour la mesure de l'énergie électrique, de la même méthode que dans son Travail sur V équivalent mécanique. Dans ces dernières recherches, il avait trouvé pour l'équivalent mécanique de la ca- lorie à i5"C. la valeur 49199* ïo^ {voir p. 3i4 de son Mémoire); il était donc en mesure d'exprimer directement ses résultats en fonction de la calorie à i5® C, la valeur finale se trouvant alors indépendante de l'exactitude de ses étalons électriques, mais non de l'exactitude des mesures. Les valeurs trouvées pour la chaleur de vaporisation sont 572,60 calories à i5°C. pour la température de 40", i5C., 578,70 » » 3o",ooC., les températures étant mesurées avec le thermomètre à azote. Ce sont les moyennes de six expériences pour 4o" et de cinq pour 3o". Si la valeur donnée par Rowland pour la chaleur spécifique à 1 5"" est considérée comme correcte, ces quantités deviennent 572,60.4,187.10'' ergs à 40", i5C. 578,70.4,187.10" ergs à 3o",ooG. Si, enfin, la valeur de Reynolds pour la calorie moyenne, c'est-à-dire 4îï83.io^ ergs, était supposée exacte, les chaleurs de vaporisation vaudraient à 40", i5C 573,15 calories moyennes à 3o",ooC 579,25 » (>) Ramsay and Marshall, B, A. Report, p. 628; 1895. - 212 — Méthode de l'élévation du point d'ébullition. — Les meilleurs des résultats fournis par l'emploi de l'équation de Van't Hoff : A = ooL ont été obtenus par Fuchs (* ), qui a trouvé 536,8 pour chaleur de vaporisation à ioo°. Discussion. — Les résultats les plus dignes de confiance sont ceux de Griffiths, de Regnault et de Dieterici, mais nous n'avons pas les éléments nécessaires pour établir entre eux une compa- raison complète. En acceptant les hypothèses faites tout à l'heure, ces résultats peuvent être résumés dans le Tableau suivant : Tempe- Obser- rature. valeurs. Chaleur de vaporisation. o Dieterici 602,7 calories moyennes = 596,73.4,225. 10' ergs 3o,oo Griffiths 579, 3t5 » =578,70.4,187.10'' » 40, i5 » 573,15 » =572,60.4,187.10'' » 99,88 Regnault 536,67 » =536,67.4,183.10' » Ces nombres ne peuvent manifestement pas être rassemblés dans une formule linéaire donnant la chaleur de vaporisation en fonction de la température. Si l'on voulait arriver à se. faire une idée de l'exactitude de ces déterminations, il serait nécessaire de faire encore beaucoup de recherches expérimentales. Il faudrait mesurer avec précision les chaleurs spécifiques de l'eau et de la vapeur, et l'on serait conduit à reprendre les expériences de chaleur de vaporisation. La méthode qu'a employée Griffiths semble plus digne de confiance que la méthode des mélanges. CONCLUSION GÉNÉRALE. Nous avons montré que la chaleur spécifique de Teau à ao°C. est définitivement connue, s'il est vrai, comme nous l'avons dit, qu'il y ait eu une erreur sur la valeur des étalons électriques qui (') FucHS, Inaug, Diss.y Erlangen, 1894. — Beibl., t. XIX, p. 559; 1895. - 213 - ont été employés en Angleterre. Mais il y a une très grande incer- titude sur les chaleurs de vaporisation et de fusion de Teau. Cha- cune de ces trois quantités pourrait être choisie comme unité de quantité de chaleur; mais en dehors même de cette question d*unité, il serait encore d'une grande importance de les connaître toutes trois aussi exactement que possible. C'est le but auquel tendent les observations critiques et les quelques idées nouvelles que nous avons présentées dans les pages qui précèdent. H est assurément très important de mesurer l'équivalent méca- nique absolu d'un phénomène thermique bien défini; mais il est encore intéressant d'en déterminer les variations relatives; de dé- terminer, par exemple, les variations de chaleur spécifique de l'eau avec la température. Deux remarquables travaux ont été entrepris dans ces dernières années, sur ce problème difficile, par Liidin (*) \^voir aussi Warburg (2) pour des corrections] et par Callendar et Barnes. Un exposé complet des résultats de ces recherches se trouve dans le Rapport présenté au Congrès par M. Griffiths. Aussitôt que les chaleurs spécifiques relatives seront connues, il sera possible de calculer avec plus de certitude les résultats obtenus par beaucoup d'observateurs et, par conséquent, de les comparer entre eux avec profit. (•) LuDiN, Beibl,» t. XX, p. 764; 1896. — Diss.y Zurich, 1895. (') Warburo, Referai uber die Wàrmeeinheii, Berlin, 1900. — 214 - LA CHALEUR SPÉCIFIQUE DE L'EAU; APPENDICE, Par E.-H. GRIFFITHS, MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE LONDRES, PROFESSEUR AU COLLÈGE SYDNEY SU8SEX, A CAMBRIDGE. On a coutume d'exprimer les résultats de toutes les détermina- tions de l'équivalent mécanique de la chaleur en indiquant la valeur numérique de Ténergie nécessaire pour élever de i degré, à une température connue, la température d'une masse donnée d'eau ; de sorte que les idées contenues dans ces phrases équi- valent mécanique de la chaleur et chaleur spécifique de Veau sont telles qu'il est difficile de les séparer. Quand le Comité du Congrès international de Physique me fit l'honneur de me demander de faire un résumé de l'état actuel de nos connaissances concernant l'importante question indiquée par l'une ou l'autre des phrases ci-dessus, je portai naturellement mon attention sur les diverses déterminations de l'équivalent méca- nique. Mais ce travail ayant été admirablement exécuté par M. le professeur Ames, de Baltimore, je me propose d'ajouter simple- ment à son Rapport un court Appendice concernant certaines par- lies du sujet. Tout d'abord, je désire établir une différence entre deux expres- sions qui sont employées, par un grand nombre d'auteurs, comme si elles renfermaient la même idée : la capacité calorifique de V unité de masse d^eau et la chaleur spécifique de Veau. — 215 - Dans cet Appendice, je me propose de restreindre la significa- tion de ces phrases de la manière suivante : par capacité calori- fique de Inimité de masse d^eau à la température de 8°, ou plus simplement par capacité calorifique de Veau à la température de Ô°, j'exprime l'énergie nécessaire pour élever un gramme d'eau de i degré à la température de 6°. Par l'expression chaleur spécifique de Veau, je désigne le rap- ^ capacité calorifique à 6i ^ .^ ^ . ^ . i i port — - — —. i — 7^ r-^> y étant une température de repère. ' capacité calorifique a 0 ' » Ainsi, la première expression indique une quantité d'énergie équivalant à une quantité arbitraire de chaleur; la dernière un rapport, dépendant seulement des propriétés de l'eau et qui est indépendant théoriquement de toutes les déterminations de l'é- nergie. Cependant, les conditions expérimentales conduisent à cette conclusion que la méthode la plus précise pour obtenir la chaleur spécifique réside dans la détermination de la capacité aux différentes températures. Cela est dû cependant à ce que je pour- rais appeler les causes accidentelles plutôt qu'aux causes natu- relles, et il est bon de rappeler que les causes d'erreur qui sont susceptibles de changer sérieusement les valeurs numériques trou- vées pour la capacité calorifique peuvent cependant être éliminées quand elles sont employées à la détermination de la chaleur spé- cifique. En 1895, je présentai à l'Association Britannique pour l'avan- cement des Sciences (* ) un résumé de l'état de nos connaissances touchant la capacité calorifique et la chaleur spécifique, et je ne me propose pas de reproduire ici les arguments auxquels je m'étais attaché dans ce travail. Mes conclusions concernant la capacité calorifique étaient appuyées sur les travaux des physiciens suivants : Joule (dernières expériences), résultat modifié par la comparaison ultérieure de ses échelles thermométriques, avec celles de M. Rowlaud et de M. Schuster^ Rowland, Schuster etGannon, Miculescu, Griffiths. Pour ce qui concerne les variations de la chaleur spécifique, je fus guidé parles travaux de Rowland, Bartoli et Stracciali, Gril- (') Réunion d'Ipswich, \oir P/iil. Mag., t. LX, p. 43i (nov. 1890). — 216 — fiths, et j'indiquai en même temps les raisons pour lesquelles je rejetais les conclusions tirées d'autres expériences. Cette revision du sujet conduisait à admettre comme valeur la plus probable de l'équivalent le nombre 4*189 . 10^ en fonction de l'unité thermique à 1 5** ( * ) ; tandis que le tracé le plus probable de la courbe de la chaleur spécifique donnait les résultais sui- vants pour les réductions à une température de i5® : Intervalle 10" à 1 5° Qu = Q6[i -+- o,ooo4i4(i5 — 6)], Intervalle 1 5° à 3»o° Qi5= Qo[i — 0,000284(6 — i5)]. J'ai mentionné ces faits afin d'éviter d'inutiles répétitions et aussi pour être à même d'indiquer plus clairement dans quelle mesure les conclusions auxquelles j'étais arrivé ont été modifiées par des recherches ultérieures. Depuis la date du Rapport mentionné ci-dessus, nos connais- sances sur ce sujet ont été enrichies par d'importantes contri- butions de MM. Liidin ( = ), Pernet ('), Reynolds et Moorby (*), Daj (5), Waidner et Mallory (•), Callendar et Rarnes (^), aux- quelles j'ajouterai un travail encore inédit qu'a bien voulu me communiquer M. Rarnes (*). Il est nécessaire de rappeler que, pour un grand nombre de raisons, ces recherches sont d'une importance exceptionnelle. Comme je l'ai déjà fait remarquer, si admirables que soient les (*) Je vois que M. Ames donne dans son Rapport 4 1 181. 10* comme la Taleor la plus probable en fonction de l'unité thermique à 20** dans l'échelle de Taiole. En ramenant à Téchelle de l'hydrogèoe nous obtenons 4)iS3*io^ à 3o*, et en réduisant par la courbe que je donnai alors nous aurons 4yi^->o* à i5*. Nous voyons donc que la difTérence entre les résultats trouvés à cinq ans d'inter- valle est réduite à moins dcj^. (') Die Abhàngigkeit der specijischen Wàrme des Wassersvon der Tempe- ratur {Inaugural-Dissertation» Zurich, 1895 ). (') Ueber die Aenderung der specijischen Wàrme des Wassers mit der Temperatur und die Bestimmung des absoluten Wertes des mechanischen /Equivalentes des Wàrmeeinheit {Vierteljahrsschrift d. naturf. Ces. Zurich, 1896). (*) O/i tke mechanical équivalent 0/ hcat {Trans. Boy. Soc. y A. 1897). (») Phil. Mag., 1898. (•) Phys. Beview, 1899. (') Preliminary Note on the variation of the spécifie heat of water{B, A. Beport. Dover, 1899). {*) A répétition of the experiments described in the above paper by Cal- lendar and Bar nés, together with additional experiments over the whole range from o* to 100*. - 217 — fuélhodes d'expérieûce et si prafoade& les théories sur lesquelles elles sont basées, les résultats Dumérîqiies sont sans valeur si l'ob- serva tcur n^a pas consacré une attention suffisante à la mesure de ta température. Dans ces dernières années la seîence de la Therniomélrîe de pré- cision a fait de grands progrès gnlce aiim travaux de iVowland, Guîl- laiime, Chappuis et d'autres physiciens ; et grâce aussi à rinlroduc- tion du thermomètre de platine ; de sorte que les grandes difficultés expérimentales de celte partie du sujet ont été amoindries. Depuis quelque temps les savants ont indiqué plus complètement qu'on n en avait riiabiiudedans les temps passés les méthodes et les données de leurs comparaisons thermométnques et nous pouvons entreprendre avec plus de certitude la critique et la comparaison de leurs conclusions. Un résultat remarquable est qu'il a été possible de réviser les travaux thermométriques anciens. Cependant, il me semble, lorsque celle revision est seulement théorique, qu^elle peut être poussée trop loin, parce que, bien souvent, on ne possède pas des données suffisantes concernant rhistoire des méthodes et des thermomètres employés. Par exemple. M, Pernet, dans son admirable comparaison des travaux de Rowland» BartoH et Stracciati et Ludin^ essaya d'appli- quer aux travaux de ces savants les corrections qui semblaient nécessaires suivant les récentes recherches thermométriques (*). 11 fit remarquer que le résultat de ces corrections était de faire concorder les conclusions des divers expérimentateurs beaucoup mieux qu^on ne l'aurait cru possible. Il est bon de dire que les arguments de M» Pernet paraissent convaincants et qu'il est diffi- cile de ne pas être d^accord avec ses conclusions. Deux ans plus tard, nous trouvons des résultats d'une compa- raison nouvelle des thermomètres de Rowland effectuée par Day en 1897-1898 et confirmée par les travaux deWaidner et Mallory en 1898-1899. L'effet de cette nouvelle comparaison a été d^abaisser la température à la€[uelle la capacité calorifique était 4,2 joules, de diminuer le coeflicient de température, en le faisant (*) Die Abiiàngîgktit der speci/tscherf iVârme C. serait la meilleure non seulement à cause de sa concordance parfaite avec la moyenne [o.ioo] mais aussi parce que cette température sert de repère (>) Physical Beview, t. IX, p. 288; 1899. — 222 - pour un grand nombre d'étalons (*). La question du choix de rétalon à i5°C. comme vous l'avez proposé et celui proposé ici à i6" C. o'a, après tout, que peu d'importance. Le point minimum de la courbe se trouve aux environs de 4o''C., tempé- rature plus élevée que celle trouvée par Rowland. Le célèbre physicien fait remarquer cependant que le point minimum peut se trouver à 40*, car les corrections de radiation dans ses expériences sont trop fortes au- dessus de 30° pour pouvoir être mesurées avec précision. En fixant à 38" C. le point minimum sur la courbe de la chaleur spéci- fique, la variation entre 5** et 38** et entre 38" et 60' peut être représentée assez exactement en fonction de l'unité thermique à 16** C. par l'expres- sion Sô= 0,9973 -r- o,ooooo36*-t- 0,0000001 6'. Entre 60** et 100^ C. la variation est linéaire et peut être exprimée en fonction de l'unité thermique à 16" C. par S9 ~ o , 9992 -r- o , 000 1 3o ( 6 — 60). L'inclinaison de la droite représentée par cette formule diffère si peu de la formule bien connue de Regnault obtenue pour des teoipératures au-dessus de 100** C, que la présente formule peut servir jusqu'à tioo* C. avec peut-être autant d'exactitude qu'en permettent les mesures de Regnault. M. Barnes a modifié ultérieurement (^) ropinion exprimée ici, ainsi qu'il ressort de la Noie suivante : J'ai trouvé que l'expression S()= 0,9985 •+- 0,000 1 9.0(0 — 53)-f- 0,000000 25(6 — 55)* (*) M. Barnes nous semble ici un peu lr3p affîrmatif; les températures de défi- nition des étalons diffèrent un peu suivant les pays, et, sans s'éloigner beaucoup de 16°, ne coïncident en aucun cas avec celte température. Ainsi les poids cl mesures du système britannique (valeur du yard, température à Tair dans les pesées, du mercure dans Tindication des hauteurs barométriques, de Teau pour Tunité de capacité) sont rapportés à 62* F., soit i6<»} C. Dans le système russe, la température normale est iS** R. ou lil^^ib C. Dans la plupart des nouvelles lois sur les unités électriques, rohm est défini à o**, tandis que* l'étalon de force élec- tromotrice est rapporté à iS". Si le minimum de la chaleur spécifique de Teaa était peu éloigné de 2o*>, comme il semblait résulter des expériences de MM. Bar- toli et Stracciati, la température du minimum eût été très avantageuse; mais il parait certain que ce minimum est situé à une température beaucoup pluséleTée et probablement peu éloignée de 4o'- C.-É. G. (^) Lettre du 7 juillet 1900. — 223 - (l'unité calorifîqueà i6' étant prise pour unité) représente les observations entre 55" et loo» mieux que l'expression linéaire donnée ci-dessus. Les deux formules sont presque identiques, mais la fonction, au-dessus de 55", n'est pas parfaitement linéaire, comme de nouvelles réductions Font montré. Les valeurs absolues que j'ai données sont exprimées en fonction de l'échelle du platine, réduite au thermomètre à azote par la formule usuelle de Callendar-Griffiths. Il peut être important de remarquer que le fil em- ployé pour les thermomètres était pris sur la bobine originale étudiée par Callendar et Griffiths. G. B. L'élude de ces résultats montrera que la valeur de Barnes, 4i 1 84, concernant la capacité calorifique de l'eau en fonction de l'unité thermique à 20" concorde presque parfaitement avec la valeur la plus probable donnée par Ames dans son travail, c'est-à-dire /|, 181 joules. Je ne pense pas, comme je l'ai dit(*), que la valeur absolue (le J puisse jamais être obtenue par les méthodes électriques d'une façon aussi satisfaisante que par les méthodes mécaniques; et par conséquent, je ne voudrais pas attacher trop d'importance à la valeur numérique obtenue par M. Barnes. D'un autre côté, toutes les objections touchant les méthodes électriques ne s'appliquent pas à la détermination des variations de la chaleur spécifique de l'eau. En somme, c'est la meilleure méthode à employer pour cette détermination, et je pense que le plus sage pour nous serait d'ac- cepter provisoirement les conclusions de M. Barnes, quitte à leur faire subir, si cela semblait nécessaire, des modifications dans la réduction de l'échelle du platine à l'échelle de l'hjdrogène du Bureau International. Une étude du Tableau de comparaison des résultats, donné ci-après, montrera que, dans l'intervalle occupé par les expé- riences de Rowland (après les corrections faites par MM. Daj, Waidner et Mallory), les résultats trouvés par Barnes, Rowland et Griffiths sont très concordants. (') PhiL Mag,, t. XL, p. 449 ; 1895. - 224 - Tableau II. — Valeurs de la chaleur spécifique de Ueau rapportées à i5°. Température dans l'échelle de riiydrogéne. Kowland (Day). o // I // 1 // 3 ff 4 5 (1,0049.) 6 1 ,oo36 7 3i 8 JiG 9 23 10 19 II 14 12 lo i3 07 14 o3 i5 i)OOoo ï6 0,9996 '7 93 18 90 19 «6 20 83 Il 81 22 79 23 76 24 74 25 7a 26 71 ^7 <39 28 69 29 68 3o 67 Si 67 3a 67 33 67 34 67 35 0,99^9 Bartoli et Stracciati^ (Pernet). I ,0080 72 65 59 52 46 40 34 28 23 18 i3 09 o5 02 1,0000 0,9998 97 96 95 94 93 93 94 95 97 0,9998 1,0000 02 o5 10 1,0011 Griffiths. 1 ,0006 o3 I ,0000 0,9997 94 9» 88 85 82 79 76 73 70 0,9967 LUdin 1900. i,oo5i 45 40 35 3i 27 23 «9 16 i3 10 8 6 4 a I , 0000 0,9998 97 96 9> 94 93 93 92 9» 93 93 94 94 95 96 97 98 0,9999 1,0001 I ,ooo3 Barnes. 1,0049 42 36 3o 25 3o i5 11 07 o3 I ,0000 0,9997 94 91 89 87 85 83 81 80 79 77 76 75 74 73 73 7^ 7a 71 Oi997« — 225 — J'extrais ce qui suit de la Note déjà citée de Callendar et Barnes : Griffiihs (*) conclut de la comparaison de ses expériences sur la cha- leur de vaporisation de l'eau à 3o° et à 40" C. avec celles de Dieterici à 0° G. exprimées en fonction de la chaleur spécifique moyenne, et avec celles de Regnault sur la chaleur totale de la vapeur d'eau à 100" C, que la cha- leur spécifique moyenne doit être à peu prés identique à la chaleur spé- cifique à i5° C, quoique les expériences directes de Regnault donnent un rapport de o,5 à i pour 100 plus élevé. Sur la proposition de Griffiths le professeur Joly fit l'expérience inverse consistant à déterminer la chaleur spécifique entre 12" et 100° avec son calorimètre à vapeur en fonction de la chaleur rendue par la vapeur d'eau à 100" admise égale à 536,63 unités calorifiques à i5"G. Il résulte de cette expérience que la chaleur spécifique moyenne semble d'environ o,5 pour 100 plus petite que la chaleur spéci- fique à 15** G. Si nous supposons que l'inversion de l'expérience tende à renverser l'erreur de la détermination originale de la chaleur de vapori- sation le résultat serait une confirmation importante des conclusions de Griffiths. RÉSUMÉ. En terminant ce qui concerne les variations de lathaleur spé- cifique de l'eau, nous devons rappeler qu'il existe seulement deux recherclies comprenant l'intervalle total [o.ioo]; aussi je crois (|u'il n'y aurait que peu d'avantage à prendre la moyenne des nombres obtenus. Le Tableau II montre que, dans la partie la plus basse de l'in- tervalle, les résultats de Rowland revisés, et ceux de Griffiths et de Barnes concordent très bien, et pourtant les méthodes d'expj*- rimenlation de ces physiciens sont toutes différentes les unes des autres. En revanche Bartoli et Stracciati et Liidin, employant des méthodes différant dans les détails mais non dans le principe, arrivent à des écarts qui dépassent de beaucoup ceux existant dans les résultats des trois observateurs ci-dessus mentionnés. Une étude minutieuse des travaux de ces physiciens conduite la conclusion que la méthode des mélanges présente des difficultés particulières et des incertitudes qui n'existent pas nécessairement dans les autres méthodes d'expérimentation. On remarquera, m C) Phil. Trans., t. VII, p. 3i8, 323; 1895. C. P., I. — 226 — outre, que la précision remarquable des résultats de Barnes est confirmée indirectement par les expériences de Griffilhs, et de Reynolds et Moorbj. Les opérations thermométriques de Barnes peuvent être discu- tées d'une façon plus sûre que les observations basées sur le ther- momètre à mercure et peuvent être corrigées sans hésilalion s'il est démontré que la réduction à réchelle normale est erronée. Il résulte, d'ailleurs, du récent travail de MM. Chappuis et Harker que, si une correction est nécessaire, la modification résultante sera extrêmement faible. Pour ce qui concerne la capacité calorifique à la température de repère 0, nous ne pouvons faire mieux que d'accepter la con- clusion trouvée par Ames dans son Tableau III. Il est vrai qu'à l'époque où il rédigeait son Rapport il ne connaissait pas les résultats complets de Callendar et Barnes; il a évalué, en consé- quence, un peu bas le nombre donné dans leur travail. Ce change- ment n'altérera cependant pas le résultat adopté définitivement par Ames, limité à quatre chiffres significatifs, c'est-à-dire 4»'8i joules à 20" dans l'échelle de l'azote ou 4? 182 dans l'échelle de l'hydrogène; en ramenant à l'intervalle [i5.i6] par la Table de Barnes, on trouve 4? 18- joules. CONCLUSIONS- Les faits qui viennent d'être énumérés m'engagent à faire les propositions suivantes : 1. Que l'on prenne comme étalon thermique intermédiaire la quantité de chaleur exigée pour élever 1 gramme d*eau de 1 5'* à iG'^C. mesurée dans l'échelle du thermomètre à hydrogène du Bureau international. 2. Que la capacité calorifique, admise pour i gramme d'eau pour cet intervalle soit 4, i8j . 10^ ergs. 3. Que, jusqu'à de nouvelles expériences, la variation admise pour la chaleur spécifique de l'eau soit représentée par la courbe résultant du travail de Barnes. i. Que la capacité calorifique de l'eau dans rinlervalle de — 227 — o" à lOO^C. soit considérée comme égale à l'unité thermique étalon définie dans la proposition 1. NOTE SUR LES PROPOSITIONS CI-DESSUS. 1. La température choisie est facile à réaliser. Dans une Note récente M. Gallendar propose la température 20" C, mais je crois qu'à cette époque il n'avait pas connaissance des conclusions finales de M. Barnes, concer- nant l'unité thermique moyenne trouvée dans la continuation et la revi- sion de leur travail fait en commun. 2. II est probable que l'erreur de ce nombre est inférieure à jôVô- 3. Les raisons de cette opinion sont indiquées dans le résumé donné ci-dessus. 4. Il est très improbable qu'une erreur entraînée par cette proposition atteigne yoôô. Le récent travail de Nichols (*) conduit à la conclusion que la densité «le la glace varie avec la manière dont elle s'est formée, et que le change- ment peut atteindre jôVô* Certaines expériences de Bunsen et de L. Dufour tendent à la même conclusion. La précision des résultats obtenus en employant le calorimètre de Bunsen dépend du rapport : unité thermique moyenne unité thermique étalon et ce rapport est peu employé dans d'autres cas. Il parait ainsi que sa précision est suffisante. (') Physical /?et'/e(v, janvier 1900. — 228 SUR LA VITESSE DE PROPAGATION DU SON, Par J. VIOLLE, MEMBRE DE l' INSTITUT. I. — Introduction. Vitesse normale du son. — L'expérience montre que la propa- gation des vibrations sonores dans un gaz est uniforme quand leur amplitude est suffisamment petite. Le calcul permet de déter- miner cette vitesse limite. Elle est donnée par la formule dans laquelle E est Télasticité et D la masse spécifique du gaz. Si Ton admet, avec Newton, que la compression du gaz est isotherme et qu'elle s'effectue suivant la loi de Mariotte, on a "-\/i (formule de Newton), p représentant la pression du gaz. Si, au contraire, on admet, avec Laplace, que la compression est adiabatique, ce qui paraît plus vraisemblable, on a rt = I / 1^ - (formule de Laplace). Cette deuxième formule est sensiblement d'accord avec l'expé- rience. On peut toutefois se demander si Tlnpothèse de Laplace est exacte; si, par exemple, une portion de la chaleur développée dans la compression ne se perd point par conductibilité dans le - 229 - milieu environnant. Sir G. -G. Slokes aï démontré que les hypo- thèses de Newton et de Laplace sont les seules compatibles avec une propagation sans afTaiblissemènt sensible. Un écart très faible par rapport à Tune des deux lois précédentes entraînerait un afTaiblissemènt tel que le son s'éteindrait dans un intervalle de (]uelques mètres. Tous ces résultats s'appliquent d'ailleurs à la propagation des ondes planes dans un tuyau cylindrique comme à celle des ondes sphériques à l'air libre. Ainsi, il existe une vitesse limite a qui possède les propriétés suivantes : i*" Elle est la même dans un tuyau large ou à l'air libre. Elle est indépendante de la hauteur du son et de la forme de l'onde. a" Elle est proportionnelle à i/^> c'est-à-dire indépendante de la pression pour les gaz qui suivent la loi de Mario tte et propor- lionnelle à y^i -h aO. Nous pouvons, dès maintenant, nous rendre compte des avan- tages que présenteront les expériences dans les tuyaux sur les ex- périences à l'air libre. On connaîtra mieux la pression de la vapeur d'eau, qui intervient dans le terme correctif 0,1 6Vp« Une erreur de i"™ sur y donnerait une erreur de o,i6x 34ooo X — V = 7*^ O, I ■76 sur la vitesse du son. Si l'on considère, d'autre part, le terme ^/ I -h aO, une erreur de 0,1 degré sur 0 donnerait une erreur de * r= 6*^™. Il faudrait donc, pour atteindre une précision de Tordre du décimètre par seconde sur la vitesse du son, connaître la valeur moyenne de/à i millimètre près et celle de la tempéra- turc à 0,1 degré près, ce que l'on n'aura jamais à l'air libre. Cependant, les tuyaux apporteront dans la pratique certaines complications à la propagation idéale que nous venons de sup- poser réalisée. l/iniluence des parois n'est pas négligeable : elles amènent un frottement qui diminue la vitesse, d'autant plus que le rayon du tuyau est plus faible. Le calcul théorique de cette perturbation a été fait par Helmholtz, puis par KirchhoflT et par M. Boussinesq, (|ui ont établi que la vitesse u de propagation du son dans un - 230 - luyau est donnée par la formule a =z a ( I r= dans laquelle y) est une constante qui dépend du frottement inté- rieur du gaz et de reflet thermique de la paroi ; R est le rayon du tube et N le nombre de vibrations par seconde. Un autre efl^et, que nous avons reconnu expérimentalement et dont M. Brillouin a donné la théorie ('), est de produire une sorte de dispersion dans Tespace des harmoniques du son si, comme il arrive presque toujours, on produit au départ un ébranlement en un point pris sur Taxe du tuyau, au lieu d'une onde plane uni- forme suivant une section complète du tuyau. En résumé, dans les tuyaux étroits, la vitesse V de propagation du son est inférieure à la limite a, même pour les amplitudes infi- niment petites; et nous retiendrons que : 1** Dans un tuyau étroit, la vitesse diminue avec le rayon et la hauteur du son. 2° Quand on produit un son complexe en un point de Taxe d'un tuyau, les sons élémentaires n'ont pas même vitesse appa- rente. Vitesse de propagation des ondes à amplitude finie, — Si les amplitudes ou les compressions qui constituent Tonde ne sont pas très petites, il n'est plus exact de considérer une vitesse indépendante de ces éléments de l'onde. L'étude théorique de ce cas beaucoup plus difficile, déjà considéré par Poisson, a été faite principalement par Riemann (-) et par Hugoniot('). Les résultats les plus importants de la théorie sont les sui- vants : Considérons, sur la droite suivant laquelle s'eflectue la propa- gation, la répartition h=f{x) des surpressions qui constituent (*) Voir, à la suite de ce Rapport, la Note de M. Brillouin sur ce sujet. (') Riemann, Ueber die Fortpflanzung ebener Luftwellen von endlicher Schwingungsweite {Gôttinger Abhandlungen, t. VIII, i86o). (*) HuQONiOT, Sur la propagation du mouvement dans les corps et spéciale- ment dans les gaz parfaits {Journal de l'École Polytechnique, LVII* cahier, p. 1). — 231 — ime onde : h esl une fonction qui s^annule aux deux exlrémilés de Tonde et qui est continue dans l'intervalle; la dérivée ^ est nulle aux extrémités et ne prend en aucun point une valeur infinie. Dé- composons l'onde complexe en ondes élémentaires telles que pour chacune d'elles on puisse considérer la surpression h comme con- stante. Chacune de ces ondes élémentaires a une vitesse propre qui est la vitesse limite a quand h est très petit, et qui croît avec A. Par suite, l'onde se déforme en se propageant. Les ondes élémen- taires très comprimées vont plus vite, se rapprochant du front (|ui a la vitesse normale. Il en résulte une sorte de gonflement de Tonde vers l'avant, gonflement que Riemann a nommé le raidisse- ment du front de fonde. Il peut même arriver que le front primitif de l'onde soit atteint par les ondes élémentaires qui étaient primitivement intérieures à l'onde totale. Le front de l'onde est alors constitué par une onde élémentaire qui présente sur le milieu contigu, en repos, un excès ah de pression fini. En d'autres termes, la dérivée -r— est infinie. On dit alors que le front de l'onde constitue une discontinuité. Dès l'apparition de la discontinuité, la vitesse de propagation (lu front de Tonde devient une fonction rapidement croissante de A. Si donc h ne reste pas constant, sauf dans des cas très par- ticuliers, parmi les plus intéressants, la vitesse n'est pas uni- forme. Notons encore que, d'après Hugoniot, la loi adiabatique ordi- naire n'est plus applicable, et qu'il faut lui substituer une loi dite adiabatique dynamique. L'onde qui vient de passer laisse fortement échaufl*é le milieu qu'elle vient de traverser. Dans le présent Rapport, nous examinerons successivement les recherches expérimentales qui se rapportent à la vitesse normale et celles qui ont trait aux phénomènes discontinus. IL — Mesure de la vitesse de son. Procédés indirects, — Nous étudierons d'abord les procédés qui ont servi à mesurer la vitesse du son d'une façon indirecte, — 232 - mais remarquablemenl simple, en utilisant les ondes statîonnaires qui se produisent à Tintérieur des tuyaux sonores (*). Rappelons que, lorsqu'un tuyau rend un son, à une extrémité fermée da tuyau est un nœud : Tamplitude du mouvement est nulle et la pression maxima; à une extrémité ouverte est un ventre : Tampli- tude est maxima et la surpression nulle, sauf de légères pertur- bations. La colonne d^air contenue dans le tuyau se partage en uo nombre entier de concamérations représentant chacune une demi- longueur d'onde -• On peut mesurer directement la longueur d'une concamération. Si donc on connaît la hauteur N du soo produit, on en déduira la vitesse par la formule V = NX. Cette méthode a été employée pour la première fois par Du- long (*) en 1829. Elle a été reprise par Masson (*), par Wer- tlicim (*), et enfin par Kundt (^), qui lui a donné une forme très élégante et susceptible d'une précision remarquable. L'appareil de Kundt se compose d'un tube de verre fermé de chaque côté par un bouchon. L'un des bouchons est traversé par une baguette de verre, dont l'extrémité, intérieure au tube, porte un disque d'un diamètre légèrement inférieur à celui du lube« et qui est fixée en son milieu, extérieur au tube, dans les mâchoires d'un étau. Si l'on fait vibrer longitudinaloment cette baguette, le disque qu'elle |)orle met en mouvement la colonne de gaz corn* prise entre ce disque cl le deuxième bouchon. On a réparti uniforménienl, sur la surface intérieure du tube, une poussière (poudre de Ivcopode, silice amorphe, ràpure de liège) qui, sous Tiniluence dos vibrations, tend à s'accumuler aux (') Nous lïv. cilrrons que pour inciiioire Ir«4 cxpôi ieiirrs faites avec Ir lubr iiiiorfércnliel de <^»uinck(^, «Icjà eiiif)l»»yô |»;ir lleiscliell, et avtM- lequel Schncc- I)eli obtint érie, l LUI. p. 1.^7; i858. (*) Wehtiikim, Ann. de l.'him. et ttc I*hys.. ?»' série, l. WXlll: iR5i. (^) KuNï)T, Pogg. Ann., t. CWII, p. (i»; ; t. iAWIII, p. .U7; i. CXXW. p. 137 et 5.»7; isr^i-i^^'.S. - 233 - nœuds. Mais la longueur du tuyau doit être égale à un nombre entier de demi-longueurs d'onde. On réalise cette condition en enfonçant plus ou moins le deuxième bouchon, et Ton reconnaît que Tappareil est réglé à la netteté avec laquelle la poussière se rassemble aux points en repos. On n'a plus dès lors qu'à mesurer la distance / de deux lignes nodales successives pour avoir la demi-longueur d'onde du son dans la colonne gazeuse en expérience, d'après la formule déjà citée (I) V = NX = -îN/. D'autre part, la tige de verre vibre comme un tuyau ouvert aux deux extrémités. Sa longueur L vaut une demi-longueur d'onde. Si donc U est la vitesse de propagation du son dans cette baguette, ( >.) U = 2NL; et par élimination de N, on a le rapport des vitesses du son dans le gaz el dans la baguette Û "~ L" On peut d'ailleurs se dispenser de faire intervenir U en déter- minant N directement. L'exactitude avec laquelle se détermine la longueur / d'une concaméralion dans ces expériences s'estimera aisément d'après ce fait que, dans une série, on obtint pour cette longueur des nombres compris entre 43""*, 1 3 et 43'"™, 5o; l'erreur moyenne ne dépassant pas o™'",io, soit j^ de la quantité à mesurer. Les résultats principaux des expériences de Kundt sont les suivants : La vitesse du son est indépendante de la pression entre 4oo™™ et i^6o™™(* ); elle croît comme y/i -f- aO, d'accord avec la formule de Laplace. Elle diminue en même temps que la hauteur du son et que le diamètre du tube (dès que celui-ci est inférieur au quart de la (' ) Le fait a été vérifié par Stoletov, Journal de la Société physico-cki- mîque russe, t. XVI, p. 407; i885. — 234 - longueur d'onde du son employé), conformément à la ihéorie, comme on peut le voir par le Tableau suivant, où la vitesse du son dans le tuyau le plus large a été supposée, dans tous les cas. égale à 332, 80 mètres par seconde. Vitesse du son (m.: sec). Diamètre ^«^ — imi — - du tuyau. a ^ iSo"=". a — 90»". >. == 60"". mm 55 332,80 33-2, 80 332,80 20 33-2,73 332,66 333,45 i3 ^*9î47 329,88 330,87 6,') 328,00 327,14 328,14 3,5 3o6,42 3i8,88 u M. Wiillner (^ ' ) a repris le même dispositif, à peine modifié, pour déterminer les vitesses relatives du son dans les diflerents gaz et même la vitesse absolue dans Tair; il trouve ainsi, en opé- rant directement sur de Tair parfaitement desséché el à zéro, 331,89 n^ctres par seconde, avec une erreur probable qu'il estime ne pas dépasser ^^ (2). Une grande précision dans la fixation des nœuds de vibration a été obtenue par M. Kaiser (') au moyen d'une lamelle de mica qui fonctionne comme résonateur, si elle est bien accordée, el que Ton observe avec un microscope à vibration, suivant la méthode de Lissajous. Mais M. Kayser ne s'est pas attaché spécialement à mesurer la vilesse normale du son. Expériences directes. — Nous rappellerons seulement les expériences de l'Académie des Sciences (1738), celles du Bureau des Longitudes (1822), ainsi que celles de Moll et Van Beck (1825). Elles furent toutes effectuées à Tair libre parla méthode des coups de canon réciproques, dans Tespoir d'éliminer rinfluence du vent. On peut résumer les résultats de ces mesures en disant qu'elles vérifient d'une façon générale la formule de Laplace et ses prin- (') WCllxer, Wied. Ann.f t. IV, p. 33 1 ; 187S, et Lehrbuch der Experimen- ialphysik, t. I, p. 8o3. (') A rapprocher de ces expériences celles de M. Blaikicy, qui donnent un résul> tat presque identique. (^) Kayser, Wied. Ann,, t. II, p. 218; 1877. — 235 - cipales conséquences. Mais elles manquent de précision. Sans parler de Tindélerminalion des conditions d'une mesure à l'air libre, ni de l'influence du vent qui ne peut pas s'éliminer complè- tement, elles comportent une cause d'erreur grave, due aux varia- lions de l'intervalle de temps, compris entre l'arrivée du phéno- mène lumineux ou acoustique et l'inscription sur le chronomètre par rinlermédiaire de l'observateur qui perçoit cette arrivée. La vitesse du son, dans l'air sec et à zéro, a été trouvée égale à 33 1™ par le Bureau des Longitudes et à 332"*, 8 par Moll et \ an Beck. Les premières expériences précises dans les tuyaux ont été faites par M. Le Roux (*). Il employait un tuyau en zinc de 72™ de longueur, fermé à ses deux extrémités par des membranes. L'onde était produite par l'explosion d'une capsule de fulminate de mer- cure . L'inscription du départ ainsi que celle de l'arrivée se faisaient par un procédé électrique particulier sur une planchette verticale tombant en chute libre. M. Le Roux a trouvé pour la vitesse du son, dans l'air sec et à zéro, 330*",^. G est un nombre extréme- meut voisin de celui qu'obtint plus tard Regnault par un procédé très peu différent. Les expériences de Regnault (2) ont été effectuées dans des tuyaux à gaz ou des conduites d'égout sur des longueurs qui ont varié de 70™ à 5''™. Le son parcourait plusieurs fois le tuyau, se réfléchissant successivement à chaque extrémité. Aux extrémités, et parfois en des points intermédiaires, étaient tendues des mem- branes dont le mouvement fermait le circuit d'un courant élec- trique. Celui-ci commandait un style dont la pointe appuyait contre un cylindre enfumé en rotation. L'inscription d'un diapason sur le même cylindre et celle d'un pendule à secondes permettaient l'évaluation du temps. Le plus souvent, le son était produit par un coup de pistolet; mais Regnault a encore utilisé d'autres explosions; il a aussi étudié des sons musicaux, ou encore l'onde produite par le mouvement brusque d'un piston. (•) Le Roux, Ann. de Chim. et de Phys., f\* série, t. XII, p. 3'|5; 1867. (') Regnault, Belation des expériences entreprises pour déterminer les données des machines à feu, t. III; 1870. — 236 — Dans tous les cas, la vitesse observée ne se montre pas con- stante : elle tend, en décroissant, vers une limite au fur et à mesure que le son s'éteint. Voici, par exemple, les vitesses successives d'une même onde dans le tuyau du boulevard Saint-Michel dont la longueur était de 1417^,95 et le diamètre i"*,io : Aller et retour (i'"^ parcours) 33i ,68 » (2* » ) 33o,3i .) (3" .) ) 33o,i4 (4* » ) 3-29,99 » (5" » ) 329,93 Malgré les réflexions, le son ne s'affaiblit que très lentement, surtout si le tujau est large. La membrane Tinscrit encore après un parcours de loo*'™. La vitesse tend pour chaque tuyau vers une limite, qui ne serait atteinte que pour un chemin infini, et qui est d'autant plus élevée que le tuyau est plus large. Pour une conduite de 1*", 10 de dia- mètre, Regnault, toutes corrections faites, admet comme limite, dans l'air sec et à zéro, 33o"*,6. Les autres résultats de Regnault sont d'accord avec la formule de Laplace; le mode de production de l'onde sonore est sans in- fluence; les vitesses de propagation dans deux gaz différents sont en raison inverse des racines carrées des densités. Regnault s'est servi des mêmes appareils enregistreurs pour mesurer la vitesse de propagation à l'air libre, dans les expé- riences qu'il fit au polygone de Satory. Il trouva ainsi, comme vitesse à zéro et dans l'air sec, 330"*, 7. La concordance entre cette valeur et celle des expériences dans les tuyaux est aussi satisfaisante qu'on pouvait l'espérer, une pré- cision de o"", 10, en dehors de toute erreur syslémalique, n'étant point assurée, surtout à l'air libre. Nos premières expériences (') furent effectuées à (irenoble, en i885, dans une conduite d'un diamètre de o'",70, formant un long tube en U, de près de i3''"\ L'une des extrémités de la con- duite était fermée par une cloison percée en son milieu d'une ( ' ) ViOLLE et Vautieh, Ann. de Chim. et de Phys., G« série, t. \I\, p. 3oO; 1890. — 237 — ouverture par laquelle pénétrait le son. La cloison fermant la seconde extrémité portait, en son centre, une membrane de caout- chouc tendue. Après le départ du son, on installait de même à la première station une membrane pour recevoir Tonde à son retour. Les inscriptions graphiques se faisaient comme dans les expériences de Regnault, dont les appareils mêmes furent uti- lisés. Le tambour à levier de Marey fut également employé comme récepteur. Il présente l'avantage d'inscrire entièrement la forme de l'onde, ce qui présente une grande importance. L'observation à l'oreille fut aussi utilisée, non pour effectuer des mesures, mais pour déterminer la hauteur du son et l'influence de cette hauteur sur le temps que le son met à revenir au point de dépari . Sans entrer dans le détail des expériences, nous rapporlerons seulement les résultats obtenus par l'inscription graphique d'un coup de pistolet au mojen du tambour à levier : Au départ, la courbe monte brusquement jusqu'à une certaine hauteur, puis elle s'abaisse en présentant une série d'oscillations d'amplitudes décroissantes. Au premier retour, la courbe, après s'être élevée à une hauteur sensiblement moindre qu'au départ, descend presque sans oscilla- tions, regagnant lentement le niveau primitif. Aux retours ultérieurs, la courbe reparaît toujours avec le même aspect général, s'aplatissant seulement de plus en plus, sans pré- senter désormais aucune oscillation à la descente. Les conclusions de notre travail peuvent se formuler ainsi : L'onde sonore, quelle que soit la nature de l'ébranlement initial, tend, par le fait même de sa propagation, vers une forme simple, déterminée, qu'elle conserve indéfiniment. Cette forme une fois atteinte, les différentes parties de l'onde se propagent avec une même vitesse uniforme, qui doit être regardée comme la vitesse normale de propagation du son. Dans le cas du coup de pistolet, le sommet prend rapidement la vitesse normale, mais le front a, au début, une vitesse d'autant plus grande que la charge de poudre est plus forte. L'intensité des sons musicaux, dans les limites entre lesquelles elle varie habituellement, non plus que leur hauteur, est sans - 238 - influence appréciable sur leur vitesse de propagation, laquelle atteint très vile la valeur normale. La vitesse normale de propagation du son dans l'air libre, sec et à o", dépasse peu 33 1™ par seconde. Nous avons repris ces expériences en iSgS à Argenteuil (*) dans une conduite de 3"^™ de longueur et 3™ de diamètre. Les observations faites à Toreille ont donné des résultats très nets, seuls publiés jusqu'ici. Un premier fait remarquable est la conservation des qualités acoustiques du son à très grande distance, en un mot la portée du son. Tel son qui, à Grenoble, ne s'entendait plus à G*""*, mais était encore enregistré par la membrane après un parcours de 25^™, devient, à Argenteuil, presque immédiatement insensible comme poussée, mais il continue à s'entendre à 23*"" après sept réflexions. Une autre circonstance curieuse est celle de la séparation du son fondamental et de ses barmoniques par le fait même de la propa- gation. Le son initial revient au point de départ le premier et ses barmoniques le suivent dans cet ordre : C% 5% 4% 3% sans que d'ailleurs on puisse, en aucune façon, conclure de là une inégalité dans les vitesses avec lesquelles se propagent normale- ment les sons de hauteurs diflerentes. Un troisième phénomène important est la différence considé- rable entre les portées des différents sons. Le son le plus grave que nous ajons employé ut_i de 32 vibrations doubles portait à 23'"" (avec 7 réflexions) et le plus aigu ré^ de 4600 vibrations doubles à 1800"* (sans réflexion) : à cette distance l'oreille ne perçoit plus qu'un bruit sans caractère musical qui s'éteint lui- même 200"* plus loin. L'intensité physiologique des sons usuels étant peu différente, l'influence de la tonalité est manifeste : m\ son aigu s'éteint plus vite qu'un son grave. Quant à une différence dans les vitesses de propagation, l'oreille seule est impuissante à en constater aucune, bien que vraisem- blablement les sons aigus aillent un peu plus vite que les sons (') Journal de Physique, 3« série, t. \, p. 22; i8i l'on enllamme à l'entrée de la conduite un mélange de magné- sium et de chlorate de potasse (poudre-éclair des photographes), il se produit un bruit fusant sourd, et ce n'est pas sans une cer- taine surprise que l'on entend revenir de l'autre bout de la con- duite, quelque dix-sept secondes après, une explosion énergique et donnant lieu à plusieurs retours régulièrement espacés. On a dans ce fait une preuve manifeste de l'organisation qui précède la période de propagation régulière, laquelle est elle- même suivie d'une période de désorganisation. Les choses se passent exactement comme pour les ondes liquides que nous voyons s'organiser, se propager régulièrement, puis se disloquer et donner lieu à une mousse qui précède la vague et dans laquelle reste un effet général, sans période, mais avec un maximum. La dislocation est d'autant plus rapide que la période est plus courte et l'intensité plus grande. Ne sail-on pas qu'une voix de basse modérée est le meilleur insirument de la parole? Et le chuchotement n'a-t-il pas préci- sément la vertu de s'entendre de très loin? Nous voyons donc que la comparaison classique des ondes sonores aériennes avec les rides circulaires provoquées à la surface de l'eau par la pierre qu'on y lance est bien correcte, et plus in- time même qu'on ne l'avait d'abord pensé. r^a propagation normale est précédée d'une période d'organisa- (') Le sol^ qui oe réussit pas à parcourir le double de la longueur de la con- duite, aller et retour, quand il se présente comme son fondamental de la trom- pette soufflée fortement, revient quand il constitue le sixième harmonique, peu intense, de Vut^ émis par la basse en ut. — 240 — lion ordinairement courte, et elle se prolonge elle-même assez longtemps pour constituer le seul phénomène qui, pendant long- temps, ait attiré Inattention, sans qu'on en démêlât d'ailleurs les circonstances. Comment même la propagation normale peut-elle durer aussi longtemps dans l'air? C'est ce que se demandait Sir G. -G. Stokes sans en trouver la raison mathématique. Lord Rajleigh a remarqué qu'il fallait tenir compte de la viscosité de l'air. Nos expériences de Grenoble ont fait voir la fusion du mouvement sonore en une onde unique, de forme déterminée, qui se propage régulièrement tout en s'abaissant et s'élirant par la queue, jusqu'à ce qu'enfin le phénomène disparaisse. Pour déterminer la vitesse normale du son dans l'air, nous avions installé sur notre large tuyau trois stations : une première à l'extré- mité voisine d'Argenteuil, une deuxième à l'autre extrémité près de Cormeilles, une troisième, enfin, vers le milieu, au Chemin- Vert. Les distances ont été mesurées avec grand soin et l'exac- titude obtenue ne laisse pas de ce chef une erreur de 2'°" sur la grandeur de la vitesse. La température, la pression et l'état hygro- métrique de Tair ont été exactement déterminés afin de pouvoir faire les corrections nécessaires : l'ensemble de ces corrections, égal à environ 600*""*, comporte une incertitude que nous estimons inférieure à 20""". Les passages suc cessifs de l'onde aux diverses stations furent observés par divers procédés : i" Par détermination directe à l'oreille; '1^ Par examen de la membrane d'un résonateur; 3*" Par inscription photographique des vibrations de cette mem- brane; 4" Par inscription photographique des indications d'un réfrac- to mètre; 5" Par inscription mécanique des indications d'un tambour *à levier. La perception par Toreille traduite par un toc sur une clef de Morse ne permet de mesurer un passage (|ue d'une façon très imparfaite: l'erreur d'une observation atteint aisément un dixième» de seconde. Ce procédé ne nous a servi que pour les sons musi- caux que leur manque d'intensité empêchait d'étudier autrement. - 241 - Avec les grandes flûtes d'orgue nous avons essayé d'utiliser la résonance très nette de l'instrument qui se mettait à vibrer chaque fois que lui revenait le son qu'il avait précédemment émis.  cet effet, une membrane manométrique fut installée au nœud du tuyau ; un miroir adapté à la membrane recevait la lu- mière d'une lampe électrique et donnait, au moyen d'une lentille, une tache lumineuse que l'on pouvait observer sur un écran : un toc marquait sur le cylindre enregistreur le déplacement de la tache à chaque retour du son. Les résultats ne furent pas plus concordants que précédemment. . Nous avons alors essayé de supprimer une partie des défauts du procédé en recevant la tache lumineuse sur une fenle pratiquée dans un écran derrière lequel tournait un papier photographique. Sur ce papier s'inscrivaient en même temps, photographiquement, les vibrations d'un diapason chronométrique. Nous avons ainsi obtenu de très belles épreuves présentant des résultats concordants au millième de seconde. Malheureusement il se produisait un relard systématique, de près de deux dixièmes de seconde, dû au temps nécessaire pour ébranler suffisamment l'air contenu dans le tuyau et amener un mouvement de la membrane. Le procédé ne vaut donc encore rien. En profitant de la variation d'indice de réfraction de Tair, au moment du passage de l'onde, on peut noter ce passage sans aucun retard, dû à l'emploi d'un mécanisme quelconque. Mais la sensi- bilité de la méthode n'est pas très grande. La différence de marche entre un rayon lumineux traversant une épaisseur e d'air comprimé à la pression H et un rayon traversant la même épaisseur à la pression Hq est Or Donc 0 = (/i — /io)e = [(/i — i) — (/io--i)]e. /i — ï _ riQ— I __ (n — i) — ( riQ—i) d cIq d — dsi {n — \)e{d—dçs) '= d Supposons que — ^-^ soit » c'est-à-dire que la variation C. P., I. iG - 242 — absolue de pression soit de Tordre du millimètre de mercure, et que e = i^= 3oo*^", nous aurons 8 = ^-^^"^-^45x300 ^^ ^^ ^ 3 ^ o«»,oooo8835 = 01^,8835. lOOO ï îF^ c'est-à-dire que le déplacement des franges sera seulement un peu supérieur à une frange. Les difficultés résultant des conditions mêmes des expériences ne nous ont permis d'employer ce procédé que tout à la fin de nos recherches. Quatre expériences satisfaisantes ont pu être faites dans la dernière journée et elles ont fourni des résultats im- portants. Elles ont donné au premier et au deuxième retour de Tonde, seuls observables par ce moyen, des nombres tout à fait d'accord avec ceux que donnait en même temps le tambour à levier pour le front de Tonde. Quant au sommet, elles Taccusaient au deuxième retour (le bouleversement des franges rendant Tobserva- tion impossible au premier retour comme au départ) sensiblement avant le tambour, qui ne traduit que lentement la forme de Tonde. Nous savions déjà que les arrivées successives du front de Tonde étaient accusées correctement par le tambour à levier, le retard dû à Tinertie étant dans chaque cas inférieur à o,oi seconde et d'ailleurs presque indépendant de la pression (dans la limite des pressions observées), de sorte que les différences entre deux lectures, différences qui interviennent seules dans l'évaluation des temps, sont à peine atteintes par ce relard. La sensibilité du tambour à levier est d'ailleurs bien supérieure à celle du réfrac- tomètre : un déplacement de i"™ à l'extrémité du levier corres- pondait dans nos expériences à une variation de pression me- surée par o™"*,2 d'eau, de sorte que l'on pouvait lire une variation de pression de o™", oi d'eau. En résumé, les temps ont pu être mesurés aisément au millième de seconde près, ce qui correspond à moins de i*^"* sur 34o". La vitesse du son a donc pu être ainsi déterminée à >►*''" ou 3*^*" |)rès par seconde ; et elle a été trouvée de 33i,i5 mètres par seconde. Si Ton admet que dans un tuyau de 3"" de diamètre il y a encore une influence des parois et si Ton calcule cette influence - 243 - en supposant qu'elle est en raison inverse du diamètre, on trouve, en combinant le nombre précédent avec celui que nous avions obtenu à Grenoble, 331,36 mètres par seconde. III. - Propagation des discontinuités. Les considérations théoriques que nous avons exposées au début touchant la propagation anormale des ondes à grandes con- densations n'ont eu que très récemment le contrôle de Texpérience. Une première observation du raidissement du front de Tonde est celle que nous avons faite en iSgS (') avec la poudre éclair des photographes, lors des expériences d'Argenteuil, D'autre part, on sait qu'un son perd plus ou moins promptement loul caractère musical, mais qu'il reste encore sensible aux mem- branes longtemps après qu'on ne l'entend plus ; nous avons montré comment la disparition de la périodicité résultait de la fusion des ondes différentes en une onde unique, persistante. M. Vieille (-) a publié depuis plusieurs années une importante série de travaux sur la vitesse de propagation des ondes très con- densées, sur la déformation de ces ondes, sur les relations de la vitesse et de la pression qui vérifient d'une manière remarquable la théorie. L'onde condensée a été produite par différents procédés qui ont toujours conduit aux mêmes résultats. Dans un tube d'acier de 9^^^ environ de diamètre et de i"* à 4" de longueur, on faisait détoner de la poudre de chasse ou une cartouche de fulminate; ou bien on faisait éclater une boule de verre sous une pression intérieure de 5o à loo atmosphères; ou, enfin, l'une des extrémités du tube était isolée par une membrane de collodion formant diaphragme et se rompant quand on comprimait l'air dans cette chambre jusqu'à 27 atmosphères environ. On peut ainsi produire des ondes à front plus ou moins abrupt, mais, en général, l'onde commence à attaquer le milieu en repos par des compressions infiniment petites. Le front se raccorde « ' ; VioLLE cl Vautier, Joumal de Physique, 3* série, t. V, p. 0.1. « - ; I'. ViKiLLK, Comptes rendus^ t. CWVI, p. 3i; 1898. T. CWVII, p. 4i; 1898. T. CXXIX, p. 1129'; 1899. T. CX\X, p. 236; 1900. — 244 - d'une façon continue avec le milieu en repos et se propage avec la vitesse normale a. Ensuite les fortes condensations gagnent le front et la discontinuité se propage avec une vitesse V supérieure à a. L'onde refoulait au passage successivement plusieurs pistons munis de stjles inscripteurs. Le temps était mesuré par une inscrip- tion de diapason sur le cylindre unique contre lequel appuyaient les pointes des différents styles. Le Tableau suivant donne les vitesses moyennes pour un par- cours de 4™' II montre qu'en faisant varier la charge de poudre, on fait varier la condensation et la vitesse de propagation dans le même sens. La plus grande vitesse obtenue est déjà égale à 4«, sans que l'on ait atteint une compression de l'ordre de grandeur de celles qu'on réalise dans Temploi balistique ordinaire des explosifs : Charge de poudre. Vitesse. m «r sec 0,24 33G 3 , 80 5oo ijvio 93i 45,60 12G8 Les courbes tracées par les appareils inscripteurs donnent la forme de l'onde, à condition que Tinerlie et la période d'oscilla- tion propre de ces appareils soient convenablement réglées. Près de l'origine, l'onde présente un front discontinu et elle est de courte durée. Le piston mobile reçoit une percussion : il pré- sente instantanément un écart très grand, puis il revient au zéro et le dépasse en sens contraire. A une certaine distance, le piston suit plus fidèlement l'onde. Le style, écarté de sa position d'équilibre, présente un écart qui reste constant pendant un temps sensible, puis il redescend lentement au zéro. Les travaux de Iliemann et d'Hugoniot ont conduit à la formule ^■-\/''?^Th"-(— )V-"J dans laquelle po et Pq sont la densité et la pression du gaz dans le milieu en repos, P| la pression dans la discontinuité et m le rap- port - des chaleurs spécifiques. M. Vieille s'est placé dans un cas où V et Pétaient connus expé- — 245 - rîmenlalement et il a constaté que la pression expérimentale est la même que la pression théorique calculée en fonction de V par la relation précédente. Mach, puis Boys ont étudié la forme de Tonde qui se propage en avant et sur les côtés d'un projectile. M. Vieille considère le cas particulier des projectiles de rupture de la Marine dont la partie antérieure est très aplatie. En avant se propage, avec la vitesse V du projectile, une onde sensiblement plane dont le front constitue une discontinuité. On peut admeltreque la discontinuité reçoit continuellement du projectile l'énergie nécessaire pour la maintenir à peu près invariable, malgré les pertes latérales, et que, par suite, elle se propage avec sa vitesse propre, telle que la détermine la surpression. Le Tableau suivant montre que la surpression calculée est égale à la pression mesurée par la résistance de l'air : Surpression Résistance Vitesse. théorique. de l'air. 4oO 1,58 [,'25 6oo 3,78 3,26 800 6,85 6,35 1000 10,81 10, i5 1200 15,64 i5,oi Nous ne pousserons pas plus loin, avec M. Vieille, malgré son intérêt, cette étude des discontinuités, qui « explique la naissance et la propagation de l'onde explosive dans les milieux détonants en raison des températures surélevées qu'elle met en jeu dans une compression qui n'est plus régie par la loi adiabatique régulière, laquelle n'est pas vraie si la vitesse de la tranche ne varie pas d'une façon continue » ; et nous n'entreprendrons pas d'y rattacher l'explication des expériences de M. Berlhelot sur les différents modes de propagation de l'onde explosive dans les mélanges gazeux combustibles. Cela nous éloignerait trop de notre sujet, et exige- rait une exposition détaillée. Nous nous bornerons à remarquer que, précisément par cette dépense d'énergie calorifique, la discontinuité s'épuise rapidement dans un gaz ordinaire, non détonant, quand elle n'est pas entre- tenue constamment comme elle l'était dans les expériences pré- citées avec les projectiles de la Marine. - 246- IV. — Conclusion. Nous sommes ainsi ramenés à cette conclusion, que nous avons déduite de nos recherches personnelles, à savoir que dans l'aîr et dans tout gaz physiquement peu différent, un ébranlement quel- conque se fond assez vite en une onde unique de forme déter- minée, qui se propage au loin en s^affaiblissant graduellement, et en présentant une vitesse uniforme, toujours la même dans le même gaz, à zéro. C'est cette vitesse que nous avons appelée la vitesse normale de propagation du son dans Valr, C^est la vitesse qu'affectent presque immédiatement les trains d'ondes sonores dans les conditions habituelles où ils circulent en tous sens à travers l'atmosphère. D'après nos mesures cette vitesse normale, dans l'air sec, à zéro, diffère peu de 33i",36. APPENDICE (•). THÉORIE DE LA PROPAGATION DU SON DANS UN GROS TUYAU, SOURCE étroitk; production de plusieurs trains d'ondes ANIMÉS DE VITESSES DÉCROISSANTES, Par Marcel BRILLOUIX, Maître de Conférences à l'École Normale supérieure. Le singulier phénomène de dispersion des harmoniques observé par MM. Violle et Vaulhier, dans les expériences d'Argenteuil, s'explique natu- rellement par des réflexions multiples sur les parois, et une sorte de pro- pagation oblique. Entre deux parois planes parallèles, on voit facilement, à peu près comme dans la théorie élémentaire des réseaux, qu'il y aura un certain nombre de directions de réflexion privilégiées, que ce nombre, limité, dépendra du rapport de la longueur d'onde à la distance des parois, et pourra même être nul si la longueur d'onde est trop grande. Mais cette vue géométrique du phénomène ne nous fournirait que la vitesse de pro- pagation des nœuds et des ventres, et non celle des trains d'onde, la seule ( ' ) Voir p. 238. - 247 — qui ait été observée par MM. Violle et Vauthier. Faisons donc la théorie complète. Soient f le potentiel des vitesses, Û la vitesse du son. L'équation en cp est Ql Ao = — -i^ . Elle est satisfaite par des ondes planes, non uni/ormes, se propageant dans le sens des Zj en prenant ç = 4>(a:,^) cos{nQt — -^z). Pourvu que l'on ait ou d4> avec les conditions aux parois — = o, v étant la normale à la paroi. La longueur d'onde est — , la période — -- ^ ^ nQ Les nœuds et les ventres se propagent avec la vitesse ^ = — = V,. d(nQ) \j amplitude se propage (Gouy, Rayleigh) avec la vitesse — — - = V2. Exemple. — Tuyau rectangulaire, ia^ ib \ 1° Onde uniforme 4> = A, -^ = ±L n, c'est le cas ordinaire, et la vitesse de propagation est normale. a° Ondes non uniformes. Ces ondes sont de quatre types différents, ca- ractérisés par la forme de la fonction 4> : . . .Q , ^ TZ f. 7.k' A-\ TZ *i = sin aarsin Bv, a = (2A:-hi) — , B— -, 2a ^ 0 4>j= sin OLX cos^y, OL = (lA *j= cosax sin pj, a — — a 4>i= cosœjtcosPj^, OL- ^"^ ~" a p = A' 2 b' 11 Les valeurs de a et p sont données pour chaque type par la condition que la vitesse normale au\ parois latérales soit nulle, les nombres entiers X* et k' étant arbitraires. - 248 ~ Pour les deux premiers types, le plan de symétrie x = o est un plan de pression invariable et de vitesse maximum, ainsi que les plans X = zt 2/ia:(2X: -h I). Pour les deux derniers types, la pression est inva- riable et la vitesse maximum dans les plans x = dt(^n-{-i)a:2k. Les types I, 3 sont, dans la direction Oy, analogues aux types i, 2, dans la direction Ox] les types 2, 4 Qux types 3, 4» La solution complète est donnée par une série de Fourier doublement infinie, comprenant des solutions des quatre types, avec toutes les valeurs de X: et k\ ci-dessous définies; les coefficients de tous les termes sont déterminés par la distribution des vitesses au fond du tuyau, en expri- mant que la vitesse suivant la direction z, par exemple dz Ir cosnQt 22(ï.*i ..), est maximum, très grande à Torifice de l'instrument sonore, et nulle sur le reste du fond du tuyau. Fig. 1. II est clair que tous les termes de la série interviendront, non seulement ceux qui donnent l'onde uniforme (^4, X: = A:' = o), mais aussi les autres. Lorsque l'orifice de l'instrument sonore est au centre du fond, les solu- tions du type I sont évidemment les seules importantes. O, = cos(nQt — ^z)sin('ik-i- i) -^ sin(2A-'-î- 1)7-^» 72 = n»- Si / et k sont trop grands, — et ces valeurs trop grandes peuvent être zéro, — Y est imaginaire; l'onde ne se propage pas dans le sens O5, elle s'amortit sur place. Malgré l'infinité de valeurs possibles de k et k\ le nombre des trains d'onde capables de se propager indépendamment est limité. Continuons la discussion pour le terme ordinairement le plus important après l'onde uniforme. A: = X:' = o : i/'~4^(i'*'è)' — 249 - La propagation de ces ondes est impossible pour les sons très graves n^> 4 U* "^ ^V* 2" Pour les sons aigus, Vamplitude se propage, avec une vitesse nulle 7:* / I I \ . . pour /i*= -1. / __ _|_ |,croissante jusqu'au pour les sons très aigus (/i = o). La longueur d'onde / du son étant définie par la relation T»12» 4ir« la condition de formation de l'onde 4>i est pour un tuyau rectangulaire /« "^ 4 V4«* "^ 4^*/ et pour un tuyau carré /< 2av/'2 = i,4iûf. Le terme suivant 4>4, A: = A:' = i, est encore plus dispersé. Il n'apparaît que pour / < ^ et a cela d'intéressant que les deux surfaces a7 = dr->^=dz- sont deux surfaces de vitesse longitudinale nulle, de pression constante, mais de vitesse tangentielle maxima (p^^fig» 2). Fig. 2. J'ai recherché ces surfaces expérimentalement dans un gros tuyau carré en bois de 62*^" de côté et de 4" de longueur environ en déplaçant dans la section droite l'extrémité d'un tube de verre qui aboutit à l'oreille. En prenant comme source une flûte cylindrique de 12*^"" de longueur sur moins de 4*" ^e diamètre { - = 19*"*), ces surfaces ont été facilement mises en évidence par un minimum d'intensité du son; la limite théorique était / = — = So*^"". J*ai montré ces expériences dans une leçon au Collège de France en mars 1897. Tuyau cylindrique. — La théorie s'établit de même pour un tuyau — 250 - cylindrique en employant les fonctions de Bessel au lieu des sinus et cosinus (>); avec un rayon r, la limite est voisine de i ,65 r pour le train d'ondes non uniforme, le plus important. Résultats de la théorie. — Quelle que soit la section d'un tuyau cylin- drique, lorsqu'un son simple suffisamment aigu n'est pas émis d'une manière uniforme dans toute la section droite, son intensité se divise en un nombre fini de parts, se propageant, l'une comme onde plane uniforme, les autres ^omme ondes planes à amplitude périodique, chacune douée de sa vitesse propre. Si la durée d'émission du son est courte, après un par- cours suffisant, les trains d'onde de chaque forme se sépareront partielle- ment ou totalement. Un son simpley émis une seule fois, sera donc entendu une ou plusieurs fois, selon son degré d'acuité. Un son complexe sera entendu une première fois en entier, avec prédo- minance du son fondamental et des sons les plus graves; les sons aigus arriveront une seconde fois, en commençant par le plus aigu; les sons très aigus pourront même arriver deux ou trois fois. Observations d'Argenteuil. — Pour un diamètre de S", comme dans les expériences d'Argenteuil, la longueur d'onde limite théorique est 2"',48. Dans ces expériences, le son limite {SocPhys.y p. 2i5) était évidemment peu inférieur à mij. La vitesse théorique de transport de l'intensité, Vj, est Vî -U^i-^, /o--^,48; /o est la longueur d'onde limite, / la longueur étudiée. Tuyau cylindrique : 3™ diamètre / 2*", 48 i'",75 i^jSi o'",()6 o™,33 o"*, i6 V, -^ o o,G8 o,84 0,96 0,99 o,997J Période... ut^i sol^ ut^ ut^ ut^ ut^ ce qui donne bien l'ordre de succession des sons supérieurs observés, après que le son tout entier (et non le son le plus grave seul) a marché avec la vitesse Û. Ainsi s'explique très simplement par les propriétés des ondes planes non uniformes dans les gaz parfaits le singulier phénomène observé par M. Violie. J'ajouterai sans le développer ici, que la même théorie explique l'allon- gement énorme de l'onde due à un coup de pistolet. ( ' ) Le développement en série correspondant se trouve, en particulier, dans le second Volume de la Theory of Sound, de Lord Rayleigh. — 251 - LES ACTIONS HYDRODYNANIOUES A DISTANCE d'après LA THÉORIE DE C.-A. BJERKNES, Par V. BJERKNES, PR0PES8EUR A L'UNIVERSITÉ DE STOCKHOLM. Dans les leçons que professa Lejeiine-Dirichlet pendant le se- mestre d'hiver 1 855-1 856 à l'Université de Gœttingue, l'illustre ^omètre exposa, comme un exemple de l'intégration des équa- tions aux dérivées partielles, le problème d'une sphère en repos dans un courant d^un fluide incompressible et sans friction. Lu solution conduit à ce résultat, au premier abord très surprenant, qu'une sphère libre peut rester indéfiniment en repos, sans êtrc^ entraînée, si le courant est à vitesse uniforme. Inversement, on conclut facilement que la sphère ne subira pas de résistance, si elle se meut à vitesse uniforme, en ligne droite, dans un fluide originairement en repos. Ce résultat de Lejeune-Dirichlet, si singulièrement en contra- diction avec nos expériences journalières relatives aux fluides na- turels, fit une profonde impression sur un de ses élèves, le Nor- végien C.-A. Bjerknes, aujourd'hui professeur de Mathématiques à l'Université de Christiania. La lecture d'Euler lui avait déjà inspiré des idées en opposition avec la doctrine des actions à dis- lance, doctrine alors presque universellement adoptée, et sou- tenue surtout à Gœttingue d'une manière brillante par l'illustre Wilhelm Weber. Dès lors, il parut à Bjerknes que le résultat de Lejeune-Dirichlet avait une importance fondamentale pour faire comprendre la possibilité d'éviter les actions à distance, et les — 252 — expliquer à Taide d'un milieu matériel remplissant l'espace. En effet, l'ancienne objection des Newtoniens contre les Cartésiens, qu'un tel milieu devait gêner le mouvement, se trouvait être ré- futée par le résultat de Dirichlet, qui montrait que le premier axiome de la Mécanique, celui de l'inertie, peut subsister avec la même rigueur, que l'espace soit rempli ou non. Cette réflexion conduisait à une autre : Si, dans le fluide, il se trouve plusieurs sphères, notre instinct mécanique nous fait pressentir qu'elles ne peuvent se mouvoir indépendamment les unes des autres. Il est nécessaire que chaque sphère, en raison de son existence et de ses mouvements, exerce une influence sur les mouvements des autres sphères. Alors un observateur à per- ceptions limitées, qui ne connaîtrait pas l'existence du fluide, croirait voir des actions s'exerçant à distance entre les sphères. C.-A. Bjerknes fut amené ainsi à chercher l'expression mathéma- tique de ces actions apparentes à distance, dans le but de discuter leurs propriétés générales, et de les comparer avec les actions à distance que l'on observe dans la nature. C.-A. Bjerknes n'a jamais rédigé lui-même en vue d'une publi- cation l'ensemble des résultats auxquels il est arrivé par l'étude du problème que nous venons d'indiquer. L'auteur du présent tra- vail, fils et collaborateur de plusieurs années de C.-A. Bjerknes, a entrepris cette publication et aura l'honneur de rendre compte, dans les pages qui suivent, des idées directrices et des principaux résultats contenus dans le premier Volume, qu'il vient de pu- blier (»). 11 est bien connu que les recherches en question ont conduit à la découverte d'analogies très remarquables avec les phénomènes de l'électricité statique ou du magnétisme, analogies qu'on a mises aussi en évidence par des expériences. L'étude approfondie de ces analogies est, en quelque sorte, le but final de mon travail. Mais pour montrer, en même temps, qu'il s'agit ici de vérités d'une na- ture profonde, et non pas de constructions artificielles, j'ai voulu traiter le problème à un point de vue purement mécanique. Il (' ) V. Bjerknes, Vorlesungen tiber hydrodynamische Fernkra/te nach C'A. Bjerknes^s Théorie, t. I*', Leipzig. 1900 — 253 - apparaît, en effet, qu'une telle discussion, guidée par des idées en- tièrement dynamiques, conduit, par la logique même des choses, à la démonstration complète de cette analogie. En même temps, ce mode d'exposition a l'avantage de mettre en lumière les relations de ces recherches hydrodynamiques avec dif- férentes recherches modernes relatives à la possibilité de ramener les phénomènes de la Physique en général, à des phénomènes mé- caniques. J'ai en vue ici surtout l'œuvre posthume de Hertz, où le célèbre physicien nous a donné une Mécanique qui, débarrassée de la notion de l'action à dislance, se prêtera mieux que la Méca- nique ancienne aux besoins de la Physique moderne. Sans abandonner le mode d'exposition purement mécanique, que nous venons d'indiquer, nous pouvons cependant, pour des raisons pratiques, nous servir des notions bien connues de l'Élec- tricité et du Magnétisme, lorsque l'exposé peut ainsi être abrégé. La détermination de l'expression analytique des forces qui pa- raissent agir à distance entre des sphères se mouvant dans un fluide, implique nécessairement la solution de plusieurs problèmes préliminaires. En procédant suivant les méthodes les plus directes, il faut résoudre d'abord un problème de Cinématique, consistant à déterminer le mouvement dans le fluide, quand les sphères possèdent un mouvement donné quelconque. Si, après avoir résolu ce problème, on détermine la force que subit une seule sphère, plongée dans un courant donné quelconque, on possédera évidem- ment la base de la discussion des actions hydrodynamiques à dis- tance. Pour trouver l'expression d'une telle action à distance, il suffira évidemment de déterminer le courant donné de manière qu'il représente le courant dû à l'existence et au mouvement des sphères séparées l'une de l'autre. I. — Étude cinématique des champs de courant hydrodynamiques. Sphères infinitésimales de volume variable, — On conçoit qu'une sphère de volume variable, mais dont le centre se trouve en repos, produise dans le fluide incompressible un mouvement purement radial, dont l'intensité décroît en raison inverse du carré de la distance. Soient E le volume de la sphère, E' la dérivée de ce volume par rapport au temps, et r la distance du centre a, t, c de — 254 — la sphère au point géométrique quelconque x^ y^ z dans le fluide (i) r = /(a7 — a)*H-(^ — 6)2~(^ — c}2. On trouvera donc comme expression de la vitesse radiale dans le champ entourant la sphère (.. A- Dans cette expression, le numérateur est simplement la vitesse d^ expansion de la sphère, ce mot pris dans un sens algébrique, une vitesse de contraction étant une vitesse d'expansion négative, et le dénominateur est Taire de la surface sphérique, qui repré- sente, à la distance /*, la section transversale du courant radial. Les composantes des vitesses dans ce champ radial sont les dé- rivées positives, prises par rapport aux coordonnées a:, y^ z^ du '])Otentiel des vitesses : K' * 4 t: /• Le champ sera identique au champ électrique ou magnétique dû à une masse proportionnelle à E'. S*il existe dans le fluide un nombre quelconque de telles sphères, et si Ton suppose leurs rayons infiniment petits par rap- port à leurs distances réciproques, on se convaincra facilement que le champ résultant doit être donné par une simple superpo- sition. Le potentiel des vitesses de ce champ sera OÙ chaque terme représente le courant radial dû à une seule sphère. On peut toujours décrire le champ en le comparant au champ électrique ou magnétique dû à un système de masses pro- portionnelles aux valeurs Instantanées E'^, E!,, E3, . . ., des vitesses d'expansion des sphères. Ces vitesses étant des fonctions du temps, on aura, en géuéral, des champs variant d'un instant à l'autre. 11 existe cependant un cas particulier remarquable où ces changements se rapportent à l'intensité seule du mouvement, tandis que la configuration géo- métrique du champ reste invariable; c'est le cas où le volume E — 255 - de chaque sphère oscille périodiquement autour d'une valeur moyenne constante Eo, de manière que, pour toutes les sphères, les différences E — Eo sont proportionnelles à une même fonction périodique du temps, les facteurs de proportionnalité pouvant d'ailleurs être positifs ou négatifs. Nous dirons que les sphères possèdent alors des pulsations synchrones. En s'occupant, dans ce cas, seulement de la distribution géométrique du mouvement et de son intensité moyenne, on peut se servir encore de la for- mule (4)î seulement avec la différence que voici dans son interpré- tation : on entend par E' non plus la vitesse d'expansion elle- même, mais sa moyenne quadratique f m définie, pour la fonction périodique /(/) de période t, par la formule (5) /,?.= ^ riAnydt, et affectée du signe que possède /(/) à un instant t^ choisi arbi- trairement, avec la seule restriction d'être commun pour toutes les quantités dont on prend la moyenne. Les moyennes ainsi définies des vitesses d'expansion ou les inten- sités de pulsation des sphères sont donc des grandeurs indé- pendantes du temps et affectées des signes + ou — , de telle sorte qu'elles sont tout à fait comparables aux masses électriques ou magnétiques; on voit facilement qu'elles correspondent à des masses de même signe si les sphères considérées se dilatent en même temps et se contractent en même temps, et à des masses de signes contraires, si l'une des sphères se dilate tandis que l'autre se contracte. Sphère de volume constant animée d^ une vitesse de trans- lation, — Du potentiel des vitesses (4) on peut déduire une série d'autres, en procédant exactement comme dans le magnétisme. Considérons en particulier deux sphères douées de vitesses d'ex- pansion égales, mais de signes contraires, et soient a, 6, c et ^,, 6|, C|, les coordonnées de leurs centres. Nous désignerons alors les produits (6) F'=E'(a — ai), G'^E'(^ — ^,), H'=E'(c — c,\ comme les composantes du moment d^action de ce couple de — 236 - sphères. Nous désignerons, de plus, par S' la résultante du mo- ment d'action, et ses cosinus directeurs par /, m, n et nous diffé- rentierons par rapport à un axe s en écrivant d , à d d ^ ' ds ôa db de Cela posé, on peut partir du potentiel des deux sphères donné par la formule (4), etdiriger le point a^^ 64, c^ vers le pointa, 6, c tout en conservant constant le moment d'action du couple de sphères. On trouvera alors, à la limite, par analogie avec le magné- tisme, comme expression du potentiel du couple de sphères (8) ç^_S'~-l-., ^ ^ ds ^Tzr et le champ hydrodynamique correspondant est complètement analogue au champ d'un aimant élémentaire avec un moment ma- gnétique proportionnel à S'. Ce résultat trouvé, on peut considérer une sphère de volume constant E, animée d'une vitesse de translation. Dans ce cas les coordonnées a, 6, c du centre de la sphère sont des fonctions du temps, et leurs dérivées a', 6', c' représentent les composantes de la vitesse. On démontre alors, sans difficulté, que le potentiel du champ hydrodynamique peut être mis sous la forme (8), si l'on donne à F', G', H' les valeurs (9) F'=-a'E, G'=-6'E, H'= -c'E. Nous désignerons un vecteur S', dont les composantes sont défi- nies par les relations (9), comme le moment d^ action de la sphère. Solution, en première approximation, du problème gêné- raL — On peut ensuite, par une simple superposition, former le potentiel d'une sphère qui est animée à la fois d'un mouvement d'expansion et de translation : le potentiel sera la somme des potentiels (3) et (8). En formant ensuite une somme où chaque terme est le potentiel ainsi trouvé d'une sphère qui possède ce mouvement composé d'expansion et de translation, on arrive, en première approximation, au potentiel d'un système quelconque de - 257 — sphères, dont chacune a ce mouvement composé. L'expressîon peut être considérée comme exacte dans le cas limite, où les rayons des sphères sont infiniment petits comparés à leurs dis- tances centrales. Il ressort immédiatement du développement précédent, qu'on peut considérer le potentiel ainsi trouvé comme contenu implici- tement dans l'expression (4). Nous conclurons en disant que le mouvement des sphères consiste en des vibrations synchrones, si le système équivalent de sphères puisantes possède des pulsations synchrones. Le champ possédera alors une configuration géomé- trique invariable, et c'est l'intensité seule qui varie d'une manière périodique. Si, dans ce cas, on se borne à considérer la distribu- tion géométrique du mouvement et son intensité moyenne, on peut se servir encore de la même expression du potentiel, à la condition d'interpréter les paramètres E', F\ G', H' comme des moyennes quadratiques, munies des signes -h ou — suivant la règle donnée précédemment. Analyse d^un courant liquide quelconque qui dépend d^un potentieL — La solution approchée, que nous venons de donner de notre problème cinématique, suffit s'il s'agit seulement d'avoir un aperçu général des champs hydrodynamiques en question. Mais elle ne possède pas encore assez d'exactilude pour servir de base au calcul des actions à distance entre les sphères. En effet, l'action à dislance, que subit une sphère i de la part d'une sphère dis- tante 2, dépend du courant que produit la sphère a dans le voisi- nage de I, tandis que l'erreur commise dans la précédente solu- tion consiste précisément en ce que nous avons négligé, dans le voisinage de la sphère i, le courant qu'y produit la sphère 2, comparé au courant qu'y produit la sphère i elle-même. Pour arriver à une solution plus approchée il faut donc prendre en considération le fait que chaque sphère se meut dans le courant dû à l'existence et aux mouvements des autres sphères. Le potentiel des vitesses cp d'un courant donné quelconque peut toujours être développé, au voisinage d'un point quelconque a, 6, c, suivant la série de Taylor (lO) (p = Oo-h (pi-{- Oj-f- C. P.,I. 17 — 258 — Ici le terme d'ordre zéro est une constante qui ne représente pas de mouvement. Le terme du premier ordre est une expression linéaire (il) ^^ = a'{x — a)-h^'(y — b)-hY{^—c), OÙ a', P', y' s^^^ '^^ dérivées du premier ordre du potentiel cp au point ûT, 6, c. Ce potentiel partiel représente un simple mouve- ment de translation, avec la vitesse a', p', y'. Les lignes de cou- rant de ce champ de translation sont des droites parallèles entre elles. Le terme du second ordre dans le développement (lo) est de la forme (12) j -, , OÙ a^, pp, Yy; py, Ya) °^pj sont les dérivées secondes du potentiel cp au point a, b, c. Par raison de symétrie, nous nous servirons aussi des symboles Yp> ^yi Pai ^^ î' ^^"^ se souvenir alors qu'on a identiquement Le champ (12) représente le mouvement le plus simple qui se rattache à un changement de forme des masses fluides; nous l'appellerons le champ de déformation , et les coefficients a^, a'p, a'y, j3a> • • • ) les vitesses de déformation. Les lignes de courant de ce champ sont des courbes gauches de nature hyperbolique, dont le point a, fe, c est le centre. En superposant le champ de translation et le champ de défor- mation, on arrive à un champ dont les lignes de courant paraissent, dans une région limitée dans le voisinage du point a, fe, c, sensi- blement identiques aux lignes de courant du champ donné (10). Mouvement d'une sphère dans un courant quelconques- méthode d^ approximations successives. — Si, dans un courant donné quelconque (10), on introduit une sphère qui se trouve en repos, le courant est nécessairement modifié. On peut s'imaginer le courant résultant comme dû à la superposition de deux cou- rants partiels : le courant incident (10), et un courant dû à l'exis- - 2o9 — lence de la sphère, et qu'on peut appeler le courant réfléchi ou le courant de réaction. Pour en citer un exemple : si le courant incident est un simple courant de translation (i i), le courant de réaction sera de la forme (8), la vitesse rt', 6', d qui y figure impli- citement en vertu des relations (9) étant égale à la vitesse a', P', y', changée de signe, du courant incident. Si maintenant la sphère, au lieu d'être en repos, possède un mouvement de translation, on trouvera encore la solution par une simple superposition des cou- rants (i i) et (8) ; il suffit, en effet, de donner au moment d'action qui figure en (8) la valeur (i3) F' = f(a'-a)E, G'= ?(6'- P')E, \i' = \{c'-i)E. Ces formules comprennent évidemment, comme cas particulier, les formules (9), la vitesse relative de la sphère a' — a', U — P', c' — y' se réduisant à la vitesse absolue a', b' ^ d quand le cou- rant incident n'existe pas. La résolution du problème du mouvement d'une sphère dans un courant incident quelconque (lo) n'offre pas de difficulté. Mais il n'est pas nécessaire d'écrire ici l'expression du potentiel qui contient la solution, les considérations qui précèdent ayant déjà conduit à la définition des paramètres cinématiques dont nous avons besoin pour expliquer les résultats dynamiques. Le problème du mouvement d'une sphère dans un courant incident quelconque étant résolu, on peut, à l'aide d'une méthode d'approximations successives, former l'expression du potentiel des vitesses dans le cas où un système quelconque de sphères se meut dans le liquide. Mais, par la même raison, il n'est pas nécessaire d'entrer dans les détails. Faisons remarquer seulement que même ce potentiel des vitesses peut être considéré comme contenu im- plicitement dans la formule (4), et, par conséquent, nous n'avons rien à ajouter relativement à la définition de l'état de mouvement consistant en vibrations synchrones. II. — Influence de la pression du fluide sur le mouvement d'une sphère. Expression de la force agissant sur une sphère, — Le potentiel des vitesses étant donné, on peut déterminer, à l'aide — 260 — d'une formule bien connue, la valeur de la pression en un point quelconque du fluide. La pression vers un élément de surface d'une sphère donne naissance à une force élémentaire, qui est dirigée vers le centre, et, par une intégration étendue à la surface entière, on trouvera une force dont le point d'application est le centre et qui représente l'action qu'exerce le fluide sur le mouve- ment de la sphère. Le calcul s'efl^ectue sans difficulté dans le cas d'une sphère qui se meut dans un courant incident quelconque : il est donné par un développement de l'expression (lo). L'intérêi physique étant toujours la discussion des forces d'une intensité prépondérante, nous pouvons nous borner à la considération des forces dues aux termes écrits explicitement dans le développe- ment (lo). L'expression de la force que nous discuterons sera donc exacte dans le cas où le courant incident se réduira rigoureusement à un courant composé de translation et de déformation, et, dans les autres cas, seulement approchée à un degré qu'on peut facile- ment déterminer dans chaque cas particulier. On peut mettre sous plusieurs formes différentes l'expres- sion de la force à laquelle on arrive ainsi. Mais, de toutes ces formes, il n'en est qu'une se prêtant à faire ressortir Tensemble des résultats dont nous nous occuperons dans la suite. Cette forme est caractérisée par une décomposition de la force entière en deux forces partielles, dont Tune a la forme d'une dérivée totale par rapport au temps. X, Y, Z étant les composantes de la force totale, nous écrirons donc où les forces partielles X/, Y/, Z/ et X^, Y<,, Z<. sont données par les expressions Ix,= -,^[e(!».-?..)], cl 1 X,--^a'E'-<;(a;F'-t-«3G'+a;H'), (if.> Y,--9?'E'-90;F'-ppG'+?;H'). ( Z. = - g-r'E'- !7(v; F'+ r^ g'+ y; ir». — 261 - Ici q désigne la densité du liquide et tous les autres paramètres qui entrent dans les formules sont définis par les développements cinématiques ci-dessus. La force électrodjnamique d'induction ayant la forme d'une dérivée totale par rapport au temps, nous désignerons par ana- logie la force partielle (i5) sous le nom de force hydrodyna- mique d^ induction. Tous les termes de l'autre force partielle (i6) ont la forme de produits de deux vitesses, ce dernier mot pris dans un sens généralisé. C'est la forme qu'ont toujours les termes dans une expression d'énergie cinétique, et l'on peut aussi expri- mer cette force comme la dérivée, par rapport à un paramètre géo- métrique, d'une expression d*énergie. Nous l'appellerons idi force d^ énergie. Le mouvement induit, — Supposons écrites les équations du mouvement de la sphère sous l'action de la force d'induction et d'une autre force quelconque, dans laquelle peut ainsi aussi entrer la force d'énergie hydrodynamique. A l'aide d'une intégration par rapport au temps on peut donc, grâce à la forme particulière de la force d'induction, déterminer immédiatement la vitesse qu'a produite celte force partielle depuis le commencement du mouve- ment, c'est-à-dire depuis un état initial où la sphère et le liquide étaient en repos. Il en résulte qu'on peut toujours, sans aucune ambiguïté, diviser la vitesse de translation de la sphère en deux parties d'une origine dynamique différente : l'une d'elles est due à l'action de la force d'induction, et l'autre à l'action combinée de la force d'énergie hydrodynamique et de la force extérieure. Celte division dépend uniquement de l'état actuel du mouvement, et non pas de l'histoire anlérieure du système. La division de la vitesse de la sphère en deux parties, la vi- tesse induite et la vitesse à^énergie, conduit à une conséquence remarquable relative aux champs hydrodynamiques, considérés au point de vue dynamique. Les champs de la vitesse actuelle, dont on s'occupe dans les recherches purement cinématiques, satisfont, à la surface de sépa- ration de la sphère et du fluide, à la condition de continuité de la composante /lorma/e.* c'est la condition de surface que remplissent une série de vecteurs à Taide desquels on décrit des champs élec- — 262 - triques ou magnétiques : dans le Magnétisme le vecteur qu'on appelle Y induction, ou suivant Hertz la polarisation magné- tique; dans rÉlectricité le vecteur qu'on appelle par analogie Vinduction ou la polarisation électrique, et enGn, le vecteur que Maxwell a appelé le déplacement électrique, et qui neMiflere du précédent que par un facteur numérique. Mais, comme conséquence de notre décomposition de la vitesse de la sphère, nous pouvons considérer maintenant aussi un autre champ, savoir le même que le précédent, avec cette différence qu'on ne compte pas la vitesse d'énergie à l'intérieur de la sphère. Ce champ consiste donc dans le champ de la vitesse actuelle dans le fluide, et dans le champ de la vitesse induite à l'intérieur dejla sphère. Ensuite nous pouvons introduire un nouveau vecteur, en multipliant la vitesse dans le fluide par la densité q du fluide, et la vitesse induite dans la sphère par la densité Q de la sphère. Ce nouveau vecteur représente donc une quantité de mouvement, rap- portée à l'unité de volume. Une quantité de mouvement étant tou- jours égale à l'impulsion de la force qui a produit le mouvement, on peut définir aussi ce nouveau vecteur comme l'impulsion, rapportée à l'unité de volume, qu'a subie depuis le commence- ment du mouvement, la particule considérée, soit du fluide, soit de la sphère, mais abstraction faite, dans ce dernier cas, de l'im- pulsion due à la force d'énergie, ou à la force extérieure. Le vecteur que nous venons de considérer, et que nous appellerons V impulsion inductive, a la propriété remarquable de remplir, à la surface de séparation du fluide et de la sphère, la condition de continuité de la composante tangentielle : c'est la condition de surface bien connue, que remplissent, dans les champs électriques ou magnétiques, le vecteur qu'on appelle la force électrique ou la force magnétique. Les champs de vecteur en question sont complètement déter- minés par les conditions de surface. On peut donc décrire les champs hydrodynamiques en les comparant à des champs élec- triques ou magnétiques. Il existe d'abord une analogie complète entre les champs de la vitesse actuelle et les champs de l'induction électrique ou magnétique, ou, si l'on veut, les champs du dépla- cement électrique, analogie d'ailleurs bien connue et souvent em- ployée. Mais cette analogie se trouve complétée maintenant par — 263 — une analogie entre les champs de la force électrique ou magné- tique et les champs du vecteur que nous avons nommé Vim- pulsion inductive dans THydrod^'namique. Dans l'analogie ainsi complétée, qui existe entre les champs hydrodynamiques d'un côté et les champs électrostatiques ou électromagnétiques de l'autre, on voit aisément que la densité par laquelle il faut multiplier la vitesse pour former l'impulsion inductive correspondra à la valeur réciproque de la capacité induclive spécifique ou de la perméabilité magnétique. La densité représentant l'inertie spécifique, on peut dire que la valeur réci- proque de la densité représentera la mobilité spécifique du milieu. C'est donc celte mobilité qui joue, dans les phénomènes hydrodynamiques, le même rôle que jouent, dans les phénomènes électriques ou magnétiques, la capacité inductive spécifique ou la perméabilité magnétique. Enfin, la vitesse d'énergie à l'inté- rieur de la sphère, dont on fait abstraction quand on passe du champ de la vitesse actuelle au champ de l'impulsion inductive, correspondra à la polarisation intrinsèque à l'intérieur d'un aimant permanent; on en fait abstraction exactement de la même manière quand on passe du champ d'induction au champ de force. L'analogie de l'impulsion inductive et de la force électrique ou magnétique a été développée ici dans des conditions très restreintes, le corps qui se meut à travers le liquide conservant toujours la forme sphérique. Mais la nature de l'analogie une fois établie par l'étude de ce cas particulier, on arrivera facilement à la démontrer dans la même étendue que l'analogie de la vitesse à l'induction. Il faut naturellement employer dans ce cas des mé- thodes bien diflTérenles des méthodes du calcul explicite qui s'adapte au problème dans le cas particulier des sphères. La considération de quelques cas particuliers élucidera la nature de l'analogie considérée. S'il n'existe pas de courant incident, le champ de vitesse dû au mouvement de translation d'une sphère est identique au champ d'induction dû à un aimant permanent sphé- rique aimanté uniformément. Dans l'intérieur de la sphère, l'in- duction ainsi que la vitesse est dirigée du pôle négatif vers le pôle positif, c'est-à-dire dans le sens du mouvement. La force magné- tique, au contraire, et l'impulsion inductive sont dirigées du pôle — 264 — positif vers le pôle négatif, ou dans la direction opposée à celle du mouvement. Le vecteur hydrodynamique représente, dans ce cas, l'impulsion de la force avec laquelle le fluide s'est opposé au mouve- ment de la sphère depuis l'état initial de repos. La vitesse d'énergie de la sphère, qui correspond à la polarisation permanente intrin- sèque de l'aimant, est, dans ce cas, identique à la vitesse qu'aurait reçue la même sphère dans le vide sous l'action de la même force extérieure qui a produit le mouvement de la sphère dans le fluide. Comme autre exemple, nous pouvons considérer le cas où la sphère ne possède pas de vitesse d'énergie ou de polarisation per- manente intrinsèque; la vitesse ou l'induction à l'intérieur de la sphère est donc due exclusivement au champ extérieur environ- nant. Cela posé, considérons les doux cas extrêmes, dans lesquels la mohililé ou la perméahililé de la sphère est inflnie ou nulle. Dans le premier cas, le champ de vitesse ainsi que le champ d^in- duction dans Tintérieur de la sphère atteint son intensité maxi- mum. Mais, en même temps, le champ de force magnétique ainsi que le champ d'impulsion indiictive a l'intensité nulle; la mobilité de la sphère étant infinie, une impulsion nulle sufflra déjà a la production d'une vitesse flnie. Dans l'autre cas limite, où la per- méabilité et la mobilité de la sphère sont nulles, le champ d*induc» tion et le champ de vitesse ont les intensités nulles. Mais la force magnétique et Timpulsion inductive à l'intérieur de la spbère possèdent, dans ce cas, leurs intensités maxima; c'est quand la sphère, à cause de son inertie iniinie, reste immobile, que l'impul- sion due à la pression du courant a son maximum. En terminant ce <|ui concerne le mouvement induit, nous ajou- tons enfin que lu vitesse induite peut atteindre des valeurs quel- conques, mais que les déplacements correspondants seront néan- moins, en grnéral, très petits et même, dans des conditions qu*oii peut facilement spccilitT, impossibles à découvrir pour tout obser- vateur <|ui ne possède que des facultés restreintes d'observation. On le voit immédiatement dans le cas particulier des vibrations svd- chrones : les expressions sous le signe -^ dans les formules (i5'» étant alors des fonctions |>rriodiqii(*s du temps, la force d'induc- tion sera aussi périodique, avec la valeur mo\enne nulle dans chaque période. Le mouvement induit sera donc aussi périodique - 263 — et, par conséquent, inobservable, s'il s'agit de périodes et d'ampli- tudes infinitésimales. La force d^ énergie, — La seule force hydrodynamique capable de produire des mouvements qui se manifestent par des déplace- ments d'une grandeur quelconque, sera par conséquent la force d'énergie. En efl'et, dans le cas des vibrations synchrones, où les paramètres E', F', G', H', a', ^\ y', a'^, a'^, . . . (i6) sont propor- tionnels à une même fonction périodique du temps, les facteurs de proportionnalité étant positifs ou négatifs, la force d'énergie sera proportionnelle au carré de cette fonction périodique, et gardera par conséquent un signe invariable. On vérifie d'ailleurs facilement que la valeur moyenne de la force s'exprime, dans ce cas encore, à l'aide des formules (i6), à la condition d'envisager E', F', G', H', a', |3', y', a[;j, ap, . . . comme les moyennes quadra- tiques, munies de signes suivant la règle déjà plusieurs fois em- ployée. La force d'énergie se décompose immédiatement en deux forces partielles, dont l'une dépend du mouvement d'expansion, et l'autre du mouvement de translation de la sphère. La première a comme composante suivant l'axe des abscisses (17) X=-^a'E'. Cette force est donc proportionnelle au produit de la vitesse du courant d'incidence par la vitesse d'expansion de la sphère qui sera poussée dans le sens du courant si elle se contracte, et contre le courant si elle se dilate. La seconde force partielle a comme composante suivant l'axe des abscisses (18) X =- ^(a;F'+ apG'4- a'^H'). En revenant aux formules (i3) on voit que cette force dépend, d'une part, de la vitesse de translation de la sphère, considérée relativement au courant d'incidence, d'autre part, du courant de déformation contenu dans le courant d'incidence. Une analyse de l'expression (18) et des composantes des vitesses dans le champ de déformation (12) conduit à la règle suivante relative à la direction de la force : La sphère est poussée dans la direction où croît le plus rapidement, dans le courant d'incidence, la composante — 266 — des vitesses dirigée contre la vitesse de la sphère. La sphère paraît, pour ainsi dire, chercher le contre-courant le plus fort possible. Actions tournantes. — Le point d'application des forces que nous considérerons est toujours le centre de la sphère. Il paraît donc, au premier moment, impossible que ces forces engendrent des couples produisant des mouvements de rotation. Aussi une rotation de la sphère ne se produira jamais comme un phénomène primaire. Mais les forces que nous avons considérées peuvent tourner l'axe des oscillations de la sphère, et s*il existe une liaison invariable entre celle-ci el son axe d'oscillation, la sphère elle- même sera actionnée par un couple dont on peut calculer les com- posantes suivant les axes. Désignant ces composantes par L, M, N, on trouve ( L =_r/(Y'G'-3'H'), (19) ' M---7(a'H'-Y'F'), ( N ^_^(p'F' — a'G'j. Ce couple est donc proportionnel au moment d'action de la sphère, à la vitesse dans le courant incident, et au sinus de l'angle com- pris entre ces deux vecteurs. Le sens de la rotation est donné par la même règle que celle que nous avons énoncée pour le mou- vement de translation ; la sphère tournera de manière à s'avancer vers le contre-courant le plus fort. Si l'on ne s'occupe que de la valeur moyenne du couple dans le cas des oscillations synchrones on peut comme toujours employer les mêmes formules et inter- préter simplement F', G', H', a', [5', y', comme les moyennes qua- dratiques. Force d^énergie permanente et temporaire, — En discutant la force d'énergie nous avons toujours considéré jusqu'ici le mo- ment d'action totale F', G', H'. Mais ce vecteur dépend, comme le montrent les formules (i3), en partie de la vitesse a', fc', c' de la sphère elle-même, et en partie de la vitesse a', ^', y' du courant d'incidence. En même temps la vitesse a^ b' c' de la sphère est composée de deux parties, dont l'une est induite dans la sphère par le courant incident, tandis que l'autre en est indépendante. On peut donc décomposer le moment d'action en deux parties, dont l'une dépend du courant d'incidence el l'autre en est indépendante. — Î67 - Nous appellerons la seconde partie le moment d'action perma- nent, la première le moment d'action temporaire. Cette décom- position a immédiatement comme conséquence une décomposition de la force d'énergie en deux parties, la Jorce permanente et la force temporaire dont les propriétés sont bien différentes. Cha- cune de ces forces peut s'exprimer d'ailleurs par une fonction des forces dont l'expression est très simple. Dans le cas où il n'existe pas de force permanente, c'est-à-dire quand la sphère ne possède pas d'autre vitesse que la vitesse induite par le courant d'incidence, la règle générale relative à la direction de la force, que nous avons énoncée ci-dessus, se trans- forme dans la suivante : Une sphère de densité plus grande que le fluide se déplace dans la direction du plus grand accroissement de l'énergie du courant d'incidence, et une sphère de densité plus faible dans le sens contraire. III. — Actions hydrodynamiques à distance. Force locale et force à distance. — La discussion des actions réciproques d'une sphère et du fluide environnant étant achevée, on aborde facilement l'étude des actions apparentes à distance, en faisant la supposition que le courant d'incidence, dans lequel se trouve la sphère considérée, est le courant dû à l'existence et au mouvement des autres sphères. Tous les termes qui, dans l'expres- sion (i4) de la force, dépendent du mouvement dans le courant d'incidence, appartiendront donc à la force apparente à distance, tandis que les termes qui en sont indépendants définiront une force locale. Or, c'est seulement la force d'induction (i5) qui con- tient des termes des deux catégories : Cette fjrce se décomposera donc dans la force d* induction locale, dont la première compo- sante est (9.0 ) Xn=r - - q — (Ea'). eilsL force d^induction à distance, dont la première composante est - 268 - Celte dernière force el la force d'énergie (i6) constitueront donc ensemble la force totale à distance. Si Ton considère les forces hydrodynamiques, on peut faire ab- straction de l'existence du fluide, et traiter le problème du mou- vement des sphères comme celui du mouvement d'un système de points matériels dans le vide, ces points étant soumis aux actions de forces dont on connaît l'expression analytique. On peut se demander alors si un observateur qui étudierait expérimentalement la dynamique de ce système, mais qui ne connaîtrait pas l'exis- tence du fluide, serait conduit à ce résultat, que tout se passe en concordance avec les principes de la Mécanique rationnelle, tels qu'ils ont été formulés par Galilée et Newton. Or il paraît exister une contradiction dès l'origine, la Mécanique rationnelle ne connaissant pas de force locale, mais seulement des forces réciproques entre des points matériels. Mais la contradiction disparaît dès qu'on regarde de plus près l'influence de la force locale sur le mouvement. Car en écrivant les équations de mou- vement d'une sphère, on voit aisément que l'efl'et de cette force se réduit à une augmentation apparente de l'inertie de la sphère. Dans le cas d'une sphère puisante, cette inertie apparente sera, il est vrai, variable périodiquement; mais l'inertie moyenne restera constante et, si les pulsations ont une période assez rapide, on n'observera que l'inertie moyenne. Donc notre observateur trou- vera le premier principe de la Mécanique, le principe de l'inertie, rigoureusement satisfait : c'est le résultat de Lejeune-Dirichlet sous une forme généralisée. Forces à distance des ordres inférieurs et des ordres supé- rieurs, — Passant maintenant aux forces à distance, nous con- servons, d'une part, la division en forces d'induction et forces d'énergie, et, d'autre part, la division des forces d'énergie en des forces permanentes el temporaires. On a une action de nature permanente entre deux sphères, si elles possèdent toutes deux des pulsations ou des oscillations permanentes, c'est-à-dire indépen- dantes du mouvement dans le courant d'incidence. L'action est de nature temporaire si l'une des deux sphères ne possède que des oscillations induites par le courant d'incidence, oscillations qui — 269 — ont leur origine dans les pulsations ou les oscillations permanentes des autres corps. Les forces permanentes et temporaires se distinguent les unes des autres aussi par leurs ordres de grandeur, les forces perma- nentes décroissant en raison inverse des seconde, troisième et qua- trième puissances des distances, tandis que les forces temporaires décroissent en raison inverse des puissances de la distance, égales ou supérieures à la cinquième. A cause de cette différence dans l'ordre de grandeur des forces, il convient de discuter d'abord les forces des ordres inférieurs, savoir les forces d'induction à distance et les forces d'énergie per- manentes : un observateur qui ne possède que des facultés res- treintes de mesure des forces serait conduit à découvrir et à étu- dier ces forces, sans encore soupçonner l'existence des forces supérieures. Dans ce degré inférieur d'exactitude, la différence entre le moment d'action total et le moment d'action permanent sera insen- sible. Nous pouvons donc, dans la discussion, considérer les mo- ments d'action qui entrent dans les expressions des forces comme permanents, c'est-à-dire indépendants du courant d*incidence, et ainsi indépendants aussi des coordonnées des sphères distantes qui produisent ce courant. Superposition indépendante des forces inférieures. — Con- sidérons maintenant la force qui agit vers une sphère, et qui émane d'un nombre quelconque n de sphères distantes. Le courant d'in- cidence, dans lequel se trouve la sphère considérée, est le résultat de la superposition de n courants partiels, dont chacun est le cou- rant que produirait une seule des sphères, toutes les autres étant infiniment éloignées. Le moment d'action de la sphère considérée étant, comme nous venons de voir, indépendant des coordonnées des autres sphères, on conclut que la force d'énergie et la force d'induction se décom- poseront linéairement de la même manière que le courant d'in- cidence. La force qu'exercent un nombre quelconque de sphères agissant simultanément est ainsi la somme géométrique des forces partielles qu'exerce chaque sphère isolée, toutes les autres étant infiniment éloignées : c'est le principe de la superposition indé- — 270 — pendante des forces, qui se réduit au principe du parallélogramme des forces dans le cas simple de deux sphères agissantes. Indépendance de la vitesse du point d^ application. Action et réaction, — La force d'induction à distance contient implicite- ment la vitesse «', fc', c' du centre de la sphère : on le voit en exprimant a' dans la formule (21) par le potentiel de vitesse de la sphère qui produit le courant d'incidence, et effectuant ensuite la différentiation par rapport au temps. La force d'énergie (16) dépend aussi de a\ b\ c', ces quantités étant contenues implicitement dans F', G', H'. La force d'induction et la force d'énergie dé- pendent donc toutes les deux de la vitesse du point d'application, et il paraît ainsi exister, sur un point fondamental, une contra- diction avec la Mécanique de Galilée et de Newton. Mais si l'on forme la somme des deux forces partielles, on voit que la vitesse a', y ^ c' du point d'application disparaît. La force totale est donc indépendante de la vitesse du point d'application. La contradiction signalée disparaît ainsi, mais seulement pour reparaître sur un point encore plus fondamental. Car la force totale dépend de la vitesse de la sphère distante, qui exerce la force, et il s'ensuit que la réaction est complètement indépen- dante de l'action. Mais retournant maintenant à la division de la force totale en une force d'induction et une force d'énergie, on trouvera que c'est la force d'induction seule qui est en contra- diction avec le principe en question, tandis que, pour la force d'énergie, il y a égalité, avec le signe contraire, entre Faction et la réaction. Cela étant, rappelons-nous que la force d'induction ne produit jamais de mouvements progressifs dans un sens déterminé. En poursuivant cette propriété de ladite force, on démontrera, en effet, facilement qu'il sera pratiquement impossible de produire, à l'aide de la force d'induction, des déplacements plus grands que les dimensions des sphères, et ces déplacements resteront impos- sibles à découvrir, si les sphères ont des dimensions moléculaires. Notre observateur restera donc incapable de constater d'autres mouvements que ceux qui sont produits par les forces d'énergie, et il sera nécessairement conduit à tirer la conclusion, que tous les mouvements du système se passent en concordance absolue - 271 - avec le principe de Pëgalité de l'action et de la réaction. Comme corollaire, il suit qu'il trouve les forces indépendantes de la vitesse de translation observable, non seulement du point d'application de la force, mais aussi du corps qui exerce la force. Conclusion générale. — Ainsi, notre observateur sera néces- sairement conduite la conclusion, que tous les principes contenus dans les trois lois de Newton relatives au mouvement sont rigou- reusement remplis dans le système de sphères. Outre ces prin- cipes, on démontre aussi, même sans se servir des expressions explicites des forces, qu'ils obéissent au principe de la conservation de l'énergie. Cela posé, on peut tirer la conclusion que voici : Imaginons un monde à construction moléculaire, consistant en un nombre quelconque de sphères immergées dans un fluide incom- pressible et sans friction. Ces sphères peuvent posséder des pulsa- tions et des oscillations en vertu de leur élasticité interne, ou en vertu de liaisons extérieures, et elles peuvent être groupées d'une manière quelconque, ces groupes formant des corps. Alors les habitants d'un tel monde seraient, par l'étude des phénomènes de mouvement qu'ils pourraient observer, conduits à la conclusion qu'il existe entre les corps des actions à dislance ; et s'ils essayaient de construire une Science des mouvements ils seraient nécessaire- ment conduits à la Mécanique de Galilée et de Newton, complétée par le principe de la conservation de l'énergie. Le monde que nous avons supposé ici ne possède pas des actions à distance vraies. Toutes les actions réelles sont des actions de contact. Ce monde est donc essentiellement analogue à celui qu'a considéré Hertz dans son CEuvre posthume célèbre. Mais il subsiste entre les deux conceptions cette différence importante, que Hertz ne spécifie jamais la construction du mécanisme qu'il étudie, tandis que dans le nôtre nous avons imaginé un mécanisme dont la construction est donnée dans ses traits essentiels. Il s'ensuit que nous avons pu pousser en plusieurs points nos recherches plus loin que Hertz, avantage que nous avons gagné en renonçant à la généralité absolue à laquelle Hertz n'aurait pas pu renoncer sans abandonner le plan de son œuvre. Par cette raison, les résul- tats que nous avons gagnés forment, en plusieurs points, des com- pléments importants aux résultats de Hertz. - 272 - Ainsi les forces que considère Hertz sont toujours des forces de contact. On reconnaît immédiatement que ces forces peuvent faire naître des actions à distance apparentes, transmises par des mé- canismes cachés. Mais sans spécifier la nature de ces mécanismes, on n'arrivera pas à traiter ces forces dans leur qualité de forces à distance. Pour en citer un exemple : Hertz démontre le principe de l'égalité de l'action et de la réaction seulement pour les forces de contact, et il ajoute expressément celte réserve, qu'il n'en faut pas conclure que ce principe est valable aussi pour les actions à distance transmises par les mécanismes cachés. La nécessité d'une telle réserve peut paraître fatale, si l'on se souvient que toutes les actions à distance de la nature semblent satisfaire rigoureusement à ce principe. Maintenant nos résultats hydrodynamiques, qui forment pour ainsi dire un exemple concret de la Mécanique de Hertz, montrent, d'une part, que Hertz a parfaitement raison en faisant sa réserve. Car les actions hydrodynamiques à distance sont, en général, en contradiction avec ce principe. Mais, d'autre part, ils amènent à cette conclusion positive que les écarts, par rapport à ce principe, peuvent être complètement cachés, ces écarts n'étant observables que dans le monde moléculaire, tandis que les corps, qui consistent en de grands groupements de molé- cules, paraissent se mouvoir en concordance absolue avec ce principe. Action réciproque des sphères puisantes ou synchronique- ment oscillantes. — Ces propriétés générales des forces des ordres inférieurs établies, on peut discuter leurs actions dans les détails. Bornons-nous aux forces d'énergie dans le cas des vi- brations synchrones, et entendons par E\ E', , S', S\ , les moyennes quadratiques souvent définies. La force d'énergie entre deux sphères puisantes synchrones est donc donnée par la formule (...) -?4^r La force est proportionnelle à la densité du fluide, au produit des intensités de pulsations des deux sphères, inversement pro- portionnelle au carré de leur dislance réciproque, et enfin attrac- — 273 — tive dans le cas des intensités de pulsations du même signe, répuU sire dans le cas contraire. Soient a, 6, c, «i, 6|, C| les coordonnées des centres des deux sphères ; on a rî = (ai — a)2-h(6i — 6)2h-(c, — c)2. Les composantes de la force (22) suivant les axes s'exprimeront alors par la fonction des forces (23) «1' = ?^'. Les dérivées posltii^es de cette expression par rapport à «, 6, c ou «1, 6|, Ci donnent les composantes de la force vers la première ou la seconde sphère. L'action réciproque d'une sphère puisante et d'une sphère oscil- lante s'exprime de la même manière à l'aide de la fonction des forces (.4) ^^ = ^^'^'ysWr' et l'action entre deux sphères oscillantes à l'aide de la fonction (25) ^,= qS'S\-^ -^, OÙ Ton applique (7) la différentiation par rapport à un axe. Les dérivées négatives des mêmes fonctions des forces donne- ront les actions réciproques entre deux pôles magnétiques, entre un pôle et un aimant élémentaire et entre deux aimants élémen- taires, qui ont des masses ou moments magnétiques proportionnels à E', E',, S', S\j et qui se trouvent dans un milieu dont la per- méabilité magnétique est inversement proportionnelle à q; c'est l'analogie connue inverse entre les actions réciproques des sphères puisantes et oscillantes et des pôles magnétiques ou des aimants élémentaires. Aux masses magnétiques on peut naturellement, dans cette analogie, substituer des masses électriques, et au\ moments magnétiques, les moments électriques des corps di- électriques qui possèdent une polarisation interne, comme, par exemple, les cristaux pyroélectriques. C. P.,I. 18 - 274 - Les J or ces des ordres supérieurs. — Nous avoos négligé jus- qu'ici les forces des ordres supérieurs, ou les forces temporaires. Nos formules fondamentales (i/i), (i5), (i6) nous permettenl cependant de discuter aussi ces forces en allant jusqu'aux petites forces du sixième ordre inclusivement si les autres sphrres sodi puisantes, et jusqu'aux petites forces du huitième ordre, si les autres sphères sont oscillantes. Mais Tétude des propriétés extrê- mement curieuses de ces forces nous conduirait trop loin. Nou> insisterons seulement sur ce fait (jue ces forces ne se super|io>eiit plus indépendamment les unes des autres. Elles n'entrent donc pas immédiatement dans la catégorie des forces simples qu'on considère dans la Mécanique rationnelle. On peut les réduire, il est vrai, à de telles forces simples en les traitant comme PoissoD a traité les forces du magnétisme temporaire. Car, à part le signe. elles sont rigoureusement analogues à ces forces ou aux force* «•leclriques correspondantes, qui dépendent des influences réci- proques. Mais il est plus naturel dans ce cas d'abandonner l'idée des actions à dislance, et de retournera la considération du fluide, c|ui est la vraie cause d(;s forces. On arrive alors à la rè«;le men- tionnée déjà du mouvement dans la direction du plus grand accrois- sement de l'énergie du champ ou dans la direction opposée: et cette règle est complètement analo;:ue à celle <|u'a trouvée Fa rada« pour les forces temporaires éle('lri(|ucs ou magnétiques on aban- donnant, lui aussi, l'idée de Taction à distance et introduisant Y'iAtt iWxvï niili(*u, (|ui joue le même rôle que le iluide dans les phént»- mèncs livdrodjnamiques dont nous nous occu[)ons. 1nriioi,nrs avec les pftcnomi'*nrs cJectriques ou maffnvtùjufs. — iJans ce (pii précède, nous nous sommes servis, a diflférenle* occasions, drs com|)araisons avec des phénomènes électriques on nia^m'tiqut'S, dans le hut d'élucM'drr les pliénomènes livdrod\Di- nrK|U('s dont nous nous oecuptiUH. M;iis ces analogies posst^denl ii>sez d'intérêt en elh's-mémes pour im'riler une recherche s|ié- rialr. Il roiiduirail tro|) loin tTrnlrrr ici dans des détails sur celtf question, ditnt je nroreuperai d.ins des travaux futurs. Je me lior- nerai à «'noncer ce résultat «;f'néiML (pir l'analogie est complète el directe dans tout r<» cpii concfrnr 1rs ehanq)s nif*ne> do force, (!ondili(uis de .surface, etc. . inai^ qu'elle est in\erse, tout en po*- - 275 — sédant le même degré d'exactitude, dans tout ce qui concerne les actions pondéromotrices. Les phénomènes hydrodynamiques forment donc une image des phénomènes électrostatiques ou ma- gnétiques, qui est exacte dans tous les détails, mais qui est en même temps en partie une image négative comme l'image dans un miroir. Les recherches qui conduisent à ce résultat ont un intérêt spé- cis^l par la raison qu'elles nous obligent à distinguer soigneuse- ment entre les traits essentiels des théories qui s'imposent par la nature même des choses, et les traits d'une nature plus ou moins accidentelle, qui ne se rattachent qu'à la forme extérieure. Évi- demment on a de bonnes raisons de s'attendre à rencontrer ici des différences de cette nature accidentelle, à cause du point de départ diamétralement opposé des recherches hydrodynamiques et des recherches électriques ou magnétiques, et à cause des méthodes différentes qui sont une conséquence nécessaire de cette diffé- rence d'origine. Car, dans l'Hydrodynamique, l'idée des champs est une idée fondamentale qui forme le point de départ de toutes les recherches, et l'on en procède, par des méthodes déductives exactes, au développement de la théorie des actions apparentes à distance. Dans l'Electricité et le Magnétisme, au contraire, ce sont les actions à distance qui sont les faits primordiaux, et l'on en arrive, à l'aide d'une série de conclusions inductives souvent hardies, à la théorie des cham|)s électriques ou magnétiques. Dans ces circonstances, il ne faut donc pas s'étonner, comme nous l'avons dit, qu'il paraisse exister au premier coup d'œil des différences dont une analyse exacte montre la nature accidentelle. Il faut au fond plutôt s'étonner que ces différences se réduisent à un nombre très limité. En terminant, je mentionnerai la diffé- rence la plus évidente de cette nature et qui ressort déjà des for- mules que nous avons écrites. Notre formule (22), qui correspond à la loi de Coulomb, con- tient au dénominateur le facteur numérique 4 T^f qui ne se trouve pas dans la formule à l'aide de laquelle on représente en général la loi de Coulomb. La signification de ce facteur est bien évidente : en se souvenant de la formule ( 2 ), on voit que le dénominateur ^Tzr-^ représente l'aire de la surface sphérique sur laquelle s'est ré- pandu le courant radial dû à l'une des sphères, quand elle exerce — 276 — son action sur l'autre sphère. Mais maintenant la formule de Cou- lomb contient aussi, dans la forme sous laquelle on la trouve par les expériences élémentaires, un facteur de proportionnalité numé- rique. C'est en choisissant ce facteur égal à l'unité qu'on obtient la définition des unités usuelles électriques ou magnétiques. Mais on a le droit aussi de choisir ce facteur numérique égal à 7—; c'est ce qu'a proposé M. Oliver Heaviside (*), et ce choix conduit à un autre système d'unités, que le savant électricien anglais nomme unités rationnelles. Si l'on fait ce choix, les formules élec- triques et magnétiques deviendront identiques aux formules hydrodynamiques. Que signifie maintenant ce résultat? Je crois que la seule inter- prétation possible sera la suivante : Les unités que nous employons aujourd'hui dans l'Électricité et le Magnétisme sont aussi irrationnelles que seraient dans l'Hydro- dynamique les unités auxquelles on arriverait en prenant pour point de départ la formule (22), après y avoir supprimé le fac- teur 47^' Dans ce système, l'unité de vitesse difi^érerait, par exemple, d'un facteur y/47: de la vitesse d'un point qui parcourt l'unité de longueur dans l'unité de temps. Un tel système serait inadmissible dans les sciences mécaniques, mais dans l'Elec- tricité les conséquences de cette irrationalité ne se font pas sentir encore dans toute leur force, à cause de l'ignorance absolue dans laquelle nous nous trouvons relativement à la vraie nature des grandeurs électriques et à cause de l'impossibilité de faire encore des mesures électriques absolues dans le sens exact de ce mot. Mais le jour viendra certainement où ces conséquences se feront sentir, et la réforme des unités électriques qu'a proposée M. Hea- viside sera alors inévitable. (') Oliveh Heaviside, Electromagnetic Theory, London, i8(j3. 277 — L'ÉTAT ACTUEL DE NOS CONNAISSANCES SUR L'ËLASTICITË DES CRISTAUX, Par W. VOIGT, PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE GŒTTINGUE. Traduit de l' allemand par P. Weiss, Maître de Conférences à la Faculté des Sciences de Lyon. Introduction. 1. But et plan du présent Rapport, — Le Comité d'organisa- tion du Congrès international de Physique, en demandant à l'auteur un Rapport sur Tétat actuel de nos connaissances de V élasticité des cristaux, exprima le désir que ce Compte rendu contînt, en dehors de Ténumération des progrès récents de la théo- rie et de l'expérience, des vues générales sur l'emploi des rela- tions de symétrie dans la physique des cristaux, et des propositions pour une nomenclature uniforme dans le domaine de l'élasticité. Cette proposition, venant du pays dans lequel est née la théorie générale de l'élasticité, et où la première Compagnie scientifique a désigné à trois reprises comme l'une des questions les plus im- portantes, en la mettant au concours ( ' ), l'étude expérimentale de l'élasticité des cristaux, ne pouvait être qu'un honneur et un plai- sir pour l'auteur qui a consacré une partie du travail de sa vie à l'exploration de ces domaines. (') Comptes rendus, t. LXXI, p. i6o; 1870; t. LXXV, p. iSgi; 1872; t. LXXXI, p. 1869; 1875. - 278 - L'exposé suivant, par lequel il cherche à répondre à ce désir, se compose de six Parties, précédées de quelques remarques géné- rales sur la nomenclature scientifique. La première Partie s'occupe, conformément à une indication donnée expressément par le Comité à Tauleur, des propriétés générales de ces quantités dirigées particulières qui jouent un si grand rôle en élasticité et que Tauteur oppose sous le nom de tenseurs aux vecteurs, dont elles sont proches parents. On a, dans cet exposé, fait ressortir principalement leurs propriétés im- portantes pour la suite de ce travail, sans négliger toutefois les indications sur l'emploi des tenseurs dans d'autres parties de la Physique. La deuxième Partie expose les méthodes qui ont été suivies dans le développement de la théorie de l'élasticité (actions à distance et actions immédiates), et y rattache les propriétés gé- nérales des composantes de la pression dans les corps déformés. La troisième Partie traite de la déduction des relations entre les pressions et les déformations dans les corps élastiques, en tenant compte particulièrement des rotations des molécules par rapport aux éléments de volume. Elle introduit deux systèmes de para- mètres élastiques (les constantes et les modules) et montre com- ment ils se comportent dans les changements de coordonnées. La quatrième Partie discute les principes généraux de l'appli- cation des éléments de la symétrie cristalline dans la physique des cristaux et les emploie à la spécialisation de diverses fonctions scalaires, notamment du potentiel élastique. La cinquième Partie commence parl'énumération des questions qui peuvent être résolues par la détermination des paramètres élas- tiques des cristaux et donne ensuite l'ensemble des formules né- cessaires pour le calcul des observations. La sixième Partie contient une vue générale des observations faites sur l'élasticité des cristaux et leur application à l'explication de faits expérimentaux longtemps discutés, appartenant au do- maine de l'élasticité des corps isotropes. Un Appendice contient l'énoncé des lois de la thermo-élasti- cité. La fin de chaque Partie est formée par un petit nombre de propositions directrices ou thèses destinées à résumer clairement — 279 — les questions les plus importantes soulevées ou résolues dans cette Partie. 2. Nomenclature scientifique, — Les parties de la Science dans lesquelles l'étude approfondie de problèmes particuliers a précédé le développement de la théorie générale sont générale- ment dépourvues de nomenclature systématique. L'élasticité, dans laquelle les cas de la tension, de la flexion, de la compression en tous sens ont été observés de bonne heure, en est un exemple frappant. Les anciens noms, en particulier, de ses paramètres les plus simples (coefficient d'élasticité, module d'élasticité) sont peu caractéristiques et ne sont pas employés uniformément par tous les auteurs. On peut remarquer aussi l'indétermination des termes de grande élasticité ou de corps très élastiques^ qui peuvent être employés aussi bien dans le sens de facile déforma- tion que de grande résistance à la déformation. La nécessité d*une réforme a été ressentie depuis longtemps et a provoqué la création d'un certain nombre de termes nouveaux pour le cas des corps isotropes ( • ) qui réalisent un progrès sen- sible, mais ont été conçus la plupart dans un sens trop étroit pour pouvoir être étendus aux cristaux. Par contre, le rapporteur s'est servi depuis bien des années d'une nomenclature des paramètres créée spécialement pour l'élasticité des cristaux, qui peut être transportée immédiatement aux corps isotropes et dont l'emploi, semble-t-il, se généralise peu à peu en Allemagne. Les noms scientifiques doivent, c'est du moins l'opinion du rap- porteur, en être empruntés aux langues anciennes, ou être suffi- samment clairs pour être traduits facilement. La brièveté de l'expression n'importe qu'en deuxième ligne. Cette règle a été, en eflet, très généralement observée jusqu'à présent, et l'exception frappante de l'expression curlj partie de l'Angleterre pendant ces dernières dizaines d'années, la confirme apparemment. Ce nom n'a que l'avantage de la brièveté; il répond moins bien à la nature de l'objet que le latin vortex (tourbillon) dont la signification est fixée depuis trente ans et dont la forme ( ' ) W. Thomson, Tratis. Roy. Soc, 24 avril i856, 18 mai i865. Article Elas- ticité de la 9* édition de VEncyclopœdia Britannica, 1878. — 280 - abrégée t;or^ pourrait être employée comme symbole aussi bien que cos pour cosinus. Combien peu la longueur d'un nom s'oppose à la généralisation de son usage, les perméabilités magnétiques et électriques intro- duites par Maxwell le montrent d'une manière bien convaincante. Bien que se rattachant à une interprétation toute particulière des phénomènes et d'une longueur excessive, ces termes se sont vite vulgarisés, grâce à leur caractère intuitif. Les propositions du rapporteur sur la nomenclature de l'élasti- cité des cristaux seronl développées plus loin. Ici, dans l'Intro- duction, nous ferons seulement remarquer que cette terminologie, adaptée aux problèmes de l'élasticité des cristaux, a été conçue d'une manière très générale. Elle est donc parfaitement compa- tible avec une simplification et une modification des termes pour le cas des corps isotropes. Seulement, dans l'intérêt de l'unité, il y aurait lieu de procéder suivant des principes n'établissant pas une séparation trop tranchée entre les corps isotropes et les cristaux. I. — Des tenseurs et des triples-tenseurs ('). 3. Tenseurs. — En élasticité, on rencontre à côté des sca- laires et des vecteurs une troisième espèce de fonctions qui joue un rôle important, attribué j)resque toujours aux vecteurs, bien qu'elle possède des propriétés tout à fait diflérentes. Le seul caractère commun à ces deux dernières espèces de fonctions, à savoir leur représentation par un nombre et une direction, n'a pas de signification fondamentale, ainsi que le montre un examen plus approfondi. Cette direction a, en effet, un caractère essentiellement différent dans ces deux sortes de grandeurs ; dans les vecteurs elle possède deux côtés de valeur différente, et dans ces nouvelles quantités deux côtés équivalents, ce qui entraîne des différences essentielles dans leurs propriétés analytiques. Le rapporteur a proposé pour ces fonctions le nom de tenseurs, qui, comme celui de vecteur, dérive d'un exemple simple et fai- ( ' ) W. VoiGT, Die fundamentalen Eigenschaften cier Krystalle. Leipzig, 1898, p. 20 et suiv. - 281 — sant image (le simple allongement d'un volume). Nous nous en servirons dans la suite. Puisque le nombre des éléments qui fixent un tenseur T ou un vecteur V est le même, c'est-à-dire trois, on cherchera aussi à ex- primer la grandeur et la direction d'un tenseur symétriquement par des composantes suivant les axes des coordonnées. Mais, tan- dis que pour le vecteur les projections sur les directions des axes (i) F = Vcos(V,X), G = Vcos(V,Y), H = Vcos(V,Z), s'offraient naturellement, elles ne sont pas utilisables pour le ten- seur, car ces projections, qui ne changent pas quand on change à la fois le signe de V et son sens, correspondent précisément à ce caractère unilatéral du vecteur qui le distingue du tenseur. La bilatéralité du tenseur est exprimée, par contre, également bien par deux espèces différentes de fonctions qui peuvent être considérées comme ses composantes suivant les axes, parce que chacune de ces fonctions met en évidence l'un des axes par rap- port aux deux autres. Nous appellerons composantes de première espèce les expres- sions {■>.^ A = Tco32(T,X), li^ Tcos2(T, Y). G == T cos2(T, Z). Elles déterminent entièrement la grandeur de ï par la formule (3) T = A-t-B-f-C, et sa direction, en revanche, d'une manière incomplète, par (4) cos«(T,X)-^, cos2(T,Y)=-, cosî(T,Z)=- puisque le trièdre dans lequel se trouve ï reste indéterminé. Nous appellerons composantes de deuxième espèce les expressions ( A'=Tcos(T,Y)cos(T,Z), (5) B' = T cos(T, Z) cos(T, X), I C' = Tcos(T,X)cos(T,Y). — 282 - Elles détermioent entièrement la grandeur de T par la formule ^. „ B'C C'.V A'B' excepté quand T est confondu avec l'un des axes; l'expression est alors indéterminée ; la direction de T est par contre toujours déter- minée sans ambiguïté par les formules (7) cosfT,X):cos(T, Y):cos(T,Z)= X * S ' È' Puisque trois éléments suffisent à la détermination du tenseur il en résulte que les deux espèces de composantes dépendent l'une de l'autre; on a en effet : (8) A'2=BC, B'Sr^CA, C2=AB, B'C C'A' A'B' (0) A ^-^, B .-.-^, G = -^. Pour certaines positions déterminées du système de coordonnées une composante de première espèce devient identique avec le ten- seur lui-même, mais cela n'arrive jamais pour une composante de deuxième espèce. Les composantes de première espèce sont donc de même nature que le tenseur, les composantes de deuxième espèce de nature différente. Les grandeurs vectorielles peuvent toujours être rendues posi- tives par un choix approprié de leur direction comptée positive- ment. Les tenseurs sont tantôt positifs, tantôt néf^atifs. Les com- posantes A, B, G ont toujours le signe de ï lui-même, les A', B', Çj peuvent être de même signe que T, ou de signe contraire. Si l'on pose, suivant son signe, T = zb V-, et si l'on attribue à V l'une des directions de T, les composantes A, B, G sont repré- sentées parles carrés, A', B', G' par les produits des composantes F, G, n du vecteur V. Les composantes de première espèce des tenseurs se transforment donc comme les carrés, celles de deuxième espèce comme les produits des composantes de vecteurs. 4. Triples-tenseurs, — Dans la nature, les tenseurs se rencon- trent principalement par groupes de trois, dont les directions sont — 283 - orthogonales entre elles, mais dont les grandeurs sont indépen- dantes. Nous appelons un semblable système un triple-tenseur ( ' ) et nous le désignons par Ï4, Tg, T3. Un triple-tenseur est entièrement déterminé, en grandeur et en position, par les six sommes des composantes parallèles et de même espèce des tenseurs qui le composent : (10) A =2^/^' B^.^^^*' G =2^^» (11) A'=2^/»' B'=2^/" C' = 2^/» A- 1,2,3. Pour le démontrer, considérons le tenseur (12) e = A cos2(e, X) -f- B cos2 ( e, Y ) -i- G cos2(e, Z) -+-2A'cos(e,Y) cos(e, Z) -f-2B'cos(e, Z)cos(e,X ) -i-2G' cos(e,X)cos(e, Y; de même espèce que A, B, C, puisqu'il coïncide avec ces trois valeurs pour certaines directions particulières de 0. Rempla- çons à gauche 0 par — > où r représente une longueur portée sur les deux directions de 6. Uéquation (i3) 4, = Acos»(r,X)-hBcos2(r, Y)~Gcos2(r, Z) -+- 2A'cos(r, Y) cos(r, Z) h- 2B'cos(r, Z)cos(>, X ) -T- 2G'cos(r, X)cos(/', Y; représente une surface centrée du second degré rapportée à ses axes principaux quand A', B', G sont nuls. Mais ceci n'a lieu que si tous les A^, B^, C^ sont nuls individuellement. Dans ce cas, d'après ce qui a été dit page 282, chacun des A, B, C est identique avec l'un des T4, T2, T3. Les axes principaux de la surface (i3) donnent donc le triple-tenseur T4, To, T3 en grandeur et en di- rection. Comme les vecteurs sont déduits de leurs composantes par la construction du parallélépipède, de même un triple-tenseur est déterminé par la construction de la surface du second degré con- ( • ) En allemand : Tensortripel. — 28i - sidérée ci-dessus, que nous appellerons, pour abréger, la construc- tion de V ellipsoïde. Indiquons ici qu'une catégorie très imporlanle de fonctions de la Mécanique rationnelle est de la nature des composantes de ten- seurs. Les moments d'inertie des corps par rapport aux axes de coordonnées sont des composantes de tenseur de/>rewiére espèce; les moments de déviation sont des composantes de deuxième es- pèce. Le triple-tenseur correspondant à ces composantes est celui des moments d'inertie principaux. Comme les composantes d'un tenseur unique, celles d'un triple-tenseur se comportent comme des carrés et des produits de composantes de vecteurs dans les transformations de coordonnées. Il en résulte un caractère permettant de reconnaître si l'on peut considérer six fonctions rapportées deux par deux à un même axe de cordonnées comme les composantes d'un triple-tenseur. Quand les propriétés de transformations requises existent, on peut dé- duire de ces six quantités le triple-tenseur qui leur correspond par la méthode de Tellipsoïde. On sait que la transformation des composantes F, G, H d'un vecteur dans un autre système de coordonnées se fait au moyen des mêmes coefficients que la transformation réciproque. Soient a^, l^Aî Ya I^s cosinus directeurs de l'un des systèmes X, Y, Z par rapporta l'autre Xo, Yq, Zq; on peut, en conséquence, représenter les relations entre les composantes dans les deux systèmes par le schéma suivant : I F G H (.4) '■" i" ^' "^' Go aj p2 Yj Ho I 23 p3 Ya Les mêmes relations (orthogonales) existent pour les six expres- sions F2, G», US GH/^, HFv/2> FGv/i, et, par conséquent, aussi pour les expressions obtenues au moyen des composantes des tenseurs A, B, G, A Va", BV'i, CV'^- Le système des coefficients de transformations est donc, en po- — 285 — sant y/2 = r, (i5) A B C rA' /B' rC Ao af Pî YÎ /-PiTi ^ïi»! ''«1?! rK raïaa ^-ps^s ^«73 (PiÏ3 -+-ïj?3) i^d^z-^^i^z) («iPa-Hpias) » Tableau que nous représentons sous la forme abrégée, ABC /A' rB' /G' (16) Ôii On Oi3 Ôiv Oi5 0,6 o. Relations entre les scalaires^ les vecteurs et les tenseurs, — Quand une grandeur scalaire S est fonction d'un vecteur V, ou, pour s'exprimer symétriquement, de ses composantes F, G, H, les dérivées (17) H. sont, on le sait, des composantes de vecteur d'espèce particulière. Le cas le plus important est celui où S est une fonction des coor- données x^y^ z. D'une manière analogue. (18) A.= A;=: B,= b; = a.= sont, conformément à leurs propriétés de transformation, des composantes de tenseur d'espèce particulière. Quand le scalaire S est fonction d'un triple-tenseur, c'est-à-dire des six composantes A, B, G, A', B', G', les dérivées At = B -^^ G, 5g' ^^-2^' *^^-25F' ^'-~^dâ sont également des composantes de tenseur. A ces propriétés se rattachent celles de deux quantités déduites, — 286 — Tune de deux vecteurs, l'autre de deux triples-tenseurs (20) S = FiFj -H GiGj-hHtHî et (il) S ^ AiA,-{-B,Bî-4-GiG,-f-2(A'i A'2-f-B'iB;-hC'iG'j), d'être des fonctions scalaires. Quand un vecteur V| est donné en fonction d'un autre vec- teur V, on peut en déduire des composantes de vecteur ou de tenseur par les opérations suivantes dH, àG, (^^> ^*- c^G dll ' P àF, dH, ^' = dH dF' (^3)A,= ^^, ^' = dG ' ./cJH, ,c»G.\ ■*»" îUg ' dH J I fdF, . .dH,\ ' ^= = 2 Uh "" dF u,= -J.- ^'- dH W dG ' '*~2 V^F "^dG/ Si les fonctions F4 , G| , H4 sont de même nature que les Fj, G,, Us dans (17), Fo, G2 et Ha sont nuls et A2, . . ., Ag, ... devien- nent identiques avec les A^, . . . , A,. ... de (18). Le cas habituel est, ici encore, celui où les composantes du vecteur indépendant sont les coordonnées. Alors la corrélation représentée en (22) est celle qui a été désignée par Vo = curl V, ou V2 = vortVi. Le cas général donne lieu à une remarque importante au point de vue des principes. Dans plusieurs parties de la physique des cristaux on rencontre des relations linéaires entre des vecteurs. Soit, par exemple, / F, = XnF-}-X„G-+-X,sH, (24) I G, = Xj,F-4-X„G-i-Xj3H, ( H r^XsjF-^XjîG-f-XasH, et appliquons à ces relations les équations (22) et (23); il vient (25) X32 — X23 — Fj, >^i3— Xai^Gj, >^îi — Xi2 = Hj, (if)) /n-Aj, Xjîr-rBj. X33 = Gî, - (^32 + >^23) - a;, - (X,3 -4- X3,) - b;, ^ (X„ -f- x,^) = g;. Les neuf constantes des équations (24) représentent donc trois composantes de vecteur et six composantes de tenseur. Dans — 287 — certains cas (par exemple dans ceux de l'infliience magnétique ou diélectrique), on a, d^une manière générale, les relations )v>i;t = X;t>i ; dans d'autres (par exemple dans ceux de la conduction de la chaleur et de rélectricilé), elles ne sont valables que pour certains systèmes cristallins. Quand elles ont lieu, le cristal est complète- ment caractérisé, pour les phénomènes en question, par un seul triple-tenseur qui lui appartient individuellement; dans le cas contraire, il faut lui adjoindre un vecteur. Cette remarque, à laquelle on peut en ajouter d'autres, a de l'importance, parce qu'elle montre que non seulement des gran- deurs variables, mais encore des paramètres constants, peuvent avoir la nature de composantes de vecteurs et de tenseurs. THESES. Les tenseurs ont, en tant que grandeurs dirigées, une certaine parenté avec les vecteurs; mais la bilatéralilé des tenseurs déter- mine des différences essentielles dans leurs propriétés. Les triples-tenseurs, avec leurs six composantes indépendantes, qui se rencontrent généralement dans les phénomènes tensoriels, n'ont pas d'analogue dans les vecteurs. Puisque, en outre, les triples-tenseurs se rencontrent aussi bien comme variables que comme paramètres constants dans les parties les plus variées de la Physique, il convient de faire des tenseurs l'objet d'une étude indépendante. II. — Propriétés générales des pressions dans les corps déformables. 6. Théorie des actions à distance et des actions immédiates. — Comme tant d'autres parties de la Physique théorique, l'élas- ticité a été explorée d'abord à l'aide d'une conception particulière du mécanisme des phénomènes que nous appellerons Y hypothèse rmoléculaire. Dans cette hypothèse, l'édifice du corps est supposé construit de masses élémentaires distinctes, les molécules, au sens large du mot, maintenues dans leurs positions, ou déplacées par des actions mutuelles qui n'ont de grandeur sensible qu'à des dis- tances insensibles. Plus particulièrement, pour un cristal homo- gène, non déformé, on admet que ses molécules sont identiques, - 288 - orientées de la même manière et distribuées régulièrement de façon que chaque molécule soit entourée par les autres de la même manière. Les distances auxquelles s'exercent ces actions mutuelles sont considérées comme très grandes par rapport à la distance des molécules voisines, et Ton convient que les déformations varient avec une lenteur telle dans l'espace que, même dans le corps dé- formé, la répartition des molécules puisse être considérée comme régulière, au sens indiqué plus haut, dans l'étendue de la sphère d'activité moléculaire. La théorie moléculaire ou des actions à distance, fondée par Navier (*), Cauchy (-) et Poisson (^) sur ces conceptions particu- lières, tomba bientôt en défaveur. Elle fait dépendre, en effet, les propriétés élastiques des corps isotropes d'un seul paramètre, alors que de nombreuses observations semblaient être en désaccord avec ce résultat. C'est alors que fut généralement adoptée pendant quelque temps une nouvelle théorie qui établit, suivant un procédé qui a servi d'exemple pour d'autres branches de la Physique, les lois élémen- taires de l'élasticité en supposant la matière continue et les actions mutuelles entre les portions de matière voisines localisées dans leur surface de séparation, et déduit les formules fondamentales de l'élasticité du théorème du centre de gravité, de celui des aires et de l'équation de l'énergie, appliqués à des éléments de volume convenablement choisis i^M. Celle théorie, que nous appellerons la théorie des actions immé- diateSy donne, contrairement à la précédente, deux constantes ca- raclcrisllques des milieux isotropes, et tous ses résultats se sont trouvés d'accord avec Tobservalion. Assez longtemps après avoir rencontré des difficultés dans l'étude des corps isotropes, la théorie moléculaire de l'élasticité éprouva aussi une défaite après l'autre auprès des cristaux; en effet, les lois qu'elle fournissait (') Navieh, Mem. de l'Acad., t. VII., p 370; 1837. {-) \. Caiciiy, Excrc. de Math., t. III, p. 188 et 21 '|: 1828. (\ S.-D. Poisson, Mem. de l'Acad.j t. VIII, p. 357; i82«); Journ, de l*Écotf Pofyt.y Cah. 20, t. \1II, p. i; i83i. {') S.-D. Poisson, Journ. de l'École Polyt.y Cah. '20, p. 82; i83i; A. Cai- ciiy, Kxerc. de Matli.^ t. IV, p. 293; 1829; G. Grken, Cambr. Phil. Soc.. l. \ II, p. 121; iSjg. — 289 — pour ces corps ne se montrèrent pas d'accord avec l'observation, tandis que celles qui dérivent de la théorie des actions immédiates étaient confirmées. Nous développons plus loin ce point d'une manière plus détaillée. Si l'on ne se propose d'autre but que d'obtenir les lois élémen- taires de Télaslicité sous une forme répondant à la réalité, on se déclarera satisfait par les résultats de la théorie des actions immé- diates, sans demander /?oi//' est la composante, dans la direction S, de la force exercée par une molécule (e) sur une molécule (/) et où ^ s'étend à toutes e les molécules du côté négatif de ^yi -^2» Yjr, Yy, Yj, Z.y, Zy, Zj, que dans l'abréviation X^^j . . ., Z^, on supposera toujours écrites dans cet ordre. Xj;, Yy, 'Lz peuvent être appelés des pressions normales, Y^, Zj, Zjc, X^, X^, Xx des pressions tangentielles ; de même, plus généralement, S„ T^ d'une part, S^, ï, de l'autre, quand t^S' Poisson ('•^) a montré que, d'après la définition donnée ci-dessus, les composantes de la pression contre des plans parallèles aux plans de coordonnées se calculent de la manière suivante. On a (28) Xa:=— ivVarX, Y.^ = — -v^arY, Z^ = — - v ^ a^Z, ...,etc., (') Fr. Neumann, Vorlesungen iiber Elasticitàtstheorie, depuis i83o, publié CD i885. G. KiRCHHOPF, Journ. de Crelle, t. 56, p. 285; i858. (') S.-D. Poisson, Mém. de l*Acad., t. VIII, p. 874; 1829 ; t. XVIII, p. 5i ; 1842. — 292 - où les sommes C doivent être étendues à toutes les forces X, Y, Z qu'une molécule éprouve de la part de toutes les autres dont les coordonnées relatives sont x^ y, z^ et oùv représente le nombre de molécules dans l'unité de volume. De ces valeurs des composantes de la pression résultent les relations : (29) X;, = XxCos(/ï,ir)-+- X^cos(n,^)-H X. cos(/i, ^) . . ., etc. On sait que la théorie des actions immédiates conduit égaleroeDi à ces équations fondamentales. Tant qu'il s'agit de pressions contre un même élément de sor- face, les grandeurs X;,, Y;,, Z,^ sont de simples composantes de vecteur et sont, par conséquent, reliées au vecteur résultant de b pression totale, par les relations (30) Pî = Xî-^YJ^Z», (3i) co5(I>,X)=^5^, cos(P,Y) = J^, cos(P,Z)-- |i. Mais si, le point du corps où se trouve l'élément de surface restant le même, on laisse arbitraire la direction n de la normale, des relations plus compliquées se manifestent. En effet, d'après les propriétés de transformation de X,, . . ., Z, qui résultent directement de leurs définitions contenues dans (a8) et aussi d'une manière plus compliquée des équations (-iy) et (ir, X^, Y,, Z, sont les composantes de première espèce ; ^(Y.-^Z,.;, mZ,--X,), mX>-Y^^ les composantes de deuxième espèce d'un triple-ienseur: par contre (Y,-Z^;, (Z,-X,), (X^-Y^), celles d'un vecteur. Les tenseurs qui constituent le triple-tenseur sont, d'après page 282, de même nature que les composantes de première espèce et^ par conséquent, comme elles, des pressions normales; ce sont les pressions principales que nous désignerons par P,, P,, Pj; le vecteur est, comme ou s'en rend compte directcmenl, le i — 293 — ment rapporté à l^ unité de volume que le corps éprouve par suite des pressions intérieures. Jusqu'à présent, nous avons considéré exclusivement les pres- sions des forces agissant entre les molécules, mais il est certain que les moments, ou les couples, qui agissent entre elles peuvent être traités de la même manière. Eux aussi n'interviennent dans Télément de volume considéré que sous forme de sommes de la forme de (27) que l'on peut dé- signer par l'expression pressions de moments; par rapport à un axe quelconque D, on pourra écrire I e OÙ les sommations doivent être faites comme il a été dit page 291. Dans les cas particuliers où l'on prend les moments par rapport aux axes de coordonnées et où les pressions agissent sur des plans parallèles aux plans de coordonnées, on a les neuf pressions de moments particulières L^, hy, L-, M^, M^, M-, N^, Nj-, N^, qui correspondent exactement aux Xj?, . . ., Z^. L'équation de l'énergie établit une relation déterminée entre les moments moléculaires et les forces moléculaires. Si l'on emploie encore les notations X|>, ... et Lt>, • . . pour les composantes et les moments qu'une molécule {i) éprouve de la part d'une molé- cule (e), et si l'on pose pour les coordonnées relatives on a ( ' ) ( 33 ) L/^ -h Le/ -+- Zieyie — ^ie^ie = O, etC. En particulier, si les molécules sont orientées de la même ma- nière, on a, à cause de la sjmétrie, Liv.= L^/, donc ( 34 } Lie = ^ ( Y/e^i>— Z/e^/e), etc. Puisque, par hypothèse, dans l'intérieur de la sphère d'activité ( ' ) ^^ . VoiGT, TheoretUche Studien uber die ElasticitàtsverhàltnUse der Krystalle {Abh. d. Ces. d, Wiss. z. Gottingen, t. XXXIV, p. 7; 1887). — 294 — les molécules sont sensiblement parallèles, même dans le corps déformé, cette dernière formule peut être employée dans les sommes qui donnent Lj. . . . N^. Mais comme, d'après ce qui a été dit plus haut, le rayon d'activité doit être considéré comme une quantité infiniment petite (même du second ordre), ces sommes sont de la même manière infiniment petites par rapport à celles qui donnent les composantes de la pression X^r, . . . , Z^, d'une manière ana- logue à ce qui se présente dans la théorie de la capillarité, où la constante de Laplace H est insensible par rapport à la con- stante K. Nous ferons donc abstraction, en laissant de côté des cas particuliers, dont il n'y a pas Heu de s'occuper ici, de l'introduc- tion des pressions de moments. 8. Les équations générales du mouvement. — Les problèmes sur une fonction à l'intérieur d'un volume exigent renonciation de conditions qui doivent être remplies à tout instant pour tout point intérieur à côté de conditions qui ne se rapportent qu'aux points de la surface et d'autres qui ne se rapportent qu'à un instant déterminé. On ne possède pas de désignations générales pour ces difierentes espèces d'équations. Ce serait une dénomina- tion conforme à la nature de l'objet que d'appeler les premières des équations fondamentales, les deuxièmes des conditions à la surface et les troisièmes des conditions initiales. Les forces qui peuvent être exercées sur des corps déformables se décomposent en forces agissant sur des points intérieurs et en forces agissant sur des points de la surface. Les premières peuvent être appelées convenablement des forces dans Vespace ou encore des forces dans le volume ou dans la masse suivant qu'elles sont rapportées à l'unité de volume ou de masse. Les dernières sont appelées pressions extérieures. Pour les raisons susindiquées, nous n'avons aucun moyen d'exercer des pressions de moments extérieures; par contre, nous devons admettre la possibilité d'exercer de l'extérieur des mo- ments dans l'espace. Cela est possible, par exemple, quand les masses élémentaires que nous avons appelées molécules possèdent la polarité électrique ou magnétique, le corps étant placé dans un champ électrique ou magnétique. Représentons les composantes dans l'espace et les moments — 295 — dans l'espace par rapport aux axes de coordonnées par X', Y', Z' el L', M', N', appelons p la densité et supposons des déplacemenis infiniment petits s dont les composantes sont w, r, (v, et négli- geons les produits des accélérations angulaires par les moments d'inertie infiniment petits des molécules; les équations fondamen- tales de l'élasticité prennent alors la forme ^^^) Pt;? ~" ^ -^ -; — r- -Y^- -^ -— r-o^ etc., ^ ôt^ Ox dy Oz (36) Z^-Y,-L'=o, etc. Nous écrirons les conditions à la surface en introduisant les pressions extérieures par les composantes (X), (Y), (Z). Elles sont (37) X;=(X), Y;=(Y), Z;=(Z), où n désigne la normale intérieure à l'élément de surface et où G signifie que la fonction G doit être prise dans la surface. Dans le cas particulier où Ton n'exerce pas sur le corps des mo- ments dans l'espace, les formules (36) deviennent (38) Y,-Z^, Z^-X„ X^=Y^. Les six seules composantes indépendantes de la pression Xj:> Yy, Z-, Y2=Zj, ZjJ = X;, Xj = Yjf, que nous rangerons toujours dans cet ordre, sont alors elles-mêmes les composantes de première et de seconde espèce du triple- tenseur des pressions principales P|, P2, P3. Remarquons qu'ici les composantes Xj;, . . . , X^ ne sont pas seulement les éléments déterminant le triple-tenseur, mais qu'elles lui sont équivalentes. THÈSES. La désignation S,, pour une composante de la pression parallèle à S sur un élément de surface dont la normale (intérieure) est n est plus expressive et plus maniable que toute autre et doit être préférée. Il convient de classer les équations de conditions pour les pro- - 296 - blêmes dans l'espace en équations fondamentales, équations à la surface et conditions initiales. Des forces extérieures qui agissent sur des points intérieurs peuvent être appelées, quand elles sont rapportées à l'unité de masse, des forces dans la masse, quand elles sont rapportées à l'unité de volume, des forces dans le volume. En général, cette dernière notation est préférable. III. — Lois particulières des pressions dans les corps élastiques. 9. Relations générales. — Les neuf composantes de la pres- sion Xj., . . . , Z- sont, d'après la théorie moléculaire, déGnies d'une manière tout à fait générale parles formules (28). En faisant les hypothèses énoncées page 290 et en admettant que le corps est déformé, à partir d'un état dans lequel toutes les pressions sont nulles par des déplacements infiniment petits et continus dont les composantes sont w, r, tv, et des rotations moléculaires in6- niment petites et continues dont les composantes sont /, m, /î, on peut développer les sommes qui figurent dans ces formules (*). Le résultat du calcul est un système de neuf équations de la forme 1 -Oi,.C„g*C„(?|-..„)-C,.(g-m) ,3„ __c„(i;^„)-c,.|.c,.(£-,^ ( -c„(g^,„)-c„(^J,-,)„:4-. dans lesquelles les Caa sont des paramètres caractéristiques du corps (à l'état non déformé) et de l'orientation des axes de coor- données, qui sont déterminés, d'une part, par la loi des actions élémentaires et, de l'autre, par la distribution des molécules dans l'espace et entre lesquels les relations C>iA= Caa ont lieu. Le nombre des constantes C^a indépendantes est, par suite, 45. (') W. VoiGT, loc. cit., p. - 297 - S'il n'y a pas de moments dans le volume U, M', N' agissant sur le corps, si, par conséquent, on a, d'après (36), on peut, au mojen de ces relations, éliminer les composantes de la rotation /, m, n dans les formules des composantes de la pression. Le résultat de cette opération consiste en six expressions pour les composantes de la pression qui sont linéaires et homogènes par rapport aux six arguments du àv dw dv dw dw du du dv ol-' ô?' Tz' dz'^ly' dx dz dy dx qui, comme on le sait, jouent un rôle fondamental dans toute la théorie de l'élasticité et dont il sera parlé plus loin. Ici nous nous bornerons à introduire une notation abrégée de ces quantités. C.omme les six composantes de la pression, chacune des pré- cétienles expressions différentielles se rapporte à un ou deux axes de coordonnées; il est, par conséquent, tout indiqué de se servir d'une notation analogue à celle des composantes des pressions. Nous poserons, avec Rirchhoff (*), \ du dv dw dv dw ( 4o ) ' ] dw du du dv ' dx dz -^ -» dy dx ^ -^ mais nous montrerons plus loin les inconvénients qu'a cette nota- tion, malgré ses avantages incontestables. Ces six arguments, ^.c, ..,,Xy, seront dans la suite constam- ment rangés dans cet ordre, correspondant à celui des compo- santes des pressions. Le résultat de l'élimination susindiquée est alors six équations (') G. KiRCHHOFF, loc. cU.; nous retrouverons probablement aussi Tinfluence de Fr. Neumann; voir Pogg, Ann.y t. XXXI, p. i8o i834. - 298 - de la forme (40 — X^ = cuXj: -^ cityy -h CiiZ^ -h cnyz -^ cigz^ ^ CiiTy, OÙ Chk sont des paramètres caractéristiques de la substance du corps et de Torienlation du système de coordonnées. On a entre eux les relations (4^) ^hk = Ckh'y le nombre des paramètres Chk indépendants est donc 2 i . Outre les équations (40» ^" obtient encore trois relations linéaires entre les composantes de la rotation /, m, n et les neuf dérivées--» •» .— , qui peuvent être ordonnées d'une manière ôx ày ^ ^ remarquable. Introduisons, en effet, les composantes , ,^^ . \ fdw dv\ \ [ du dw\ \ [ dv àu\ de la rotation de Télément de volume par rapport aux axes de coordonnées, ces équations deviennent linéaires et bomogènes par rapport aux neuf arguments / — X, m— ]±, n — V, Xx, y y, Zzj yzy ^x, ^y Les rotations relatives des molécules par rapport aux éléments de volume se représentent donc par des fonctions linéaires Qe oCx^ • • • % ce y Exposons maintenant comment la méthode fondée sur la théorie des actions immédiates conduit à des résultats analogues. Pour rendre complète la sjmélrie des développements, nous admettrons d'abord l'existence de moments dans le volume L', M', N' sur les masses élémentaires, comme précédemment. Si Ton combine les trois équations (35) avec les facteurs rfw, dv^ dw^ les trois équa- tions (36) avec les facteurs dl^ dm^ dn^ en une équation unique où les premiers de ces facteurs représentent les accroissements des composantes du déplacement rapportés à dt^ les derniers ceux des composantes de la rotation moléculaire, et que l'on intègre le résultat de cette combinaison dans toute l'étendue du corps, ou d'une partie quelconque de celui-ci, on obtient l'équation de la force vive pour le volume considéré. — 299 — Le travail, égal à raccroissement de la force vive, se décompose en un travail des forces dans le volume, des moments dans le volume, des pressions extérieures et finalement dans celui que représente l'expression suivante (rfa), qui doit être considérée comme le travail des pressions intérieures dans l'unité de volume : di. = \x dx -^ \ y dy ->r- Z. dz (44) \ -.'-p,-^Zy)dy,^l{Z.r-^\z)dz:,-^l{Xy-^\x)dxy .(\^-Zy)d(l — 'k)-^(Z.r: — Xz)d(m^li)-h{Xy-Yx)d{n-v). Or, il faut, d'après les principes de la Thermodynamique, que doL soit la différentielle (négative) d'une fonction ne dépendant que de l'état actuel du corps au point considéré, à savoir du potentiel général élastique ^ de l'unité de volume. D'où il résulte que ^ est une fonction de ., Xy, l — X, m — [JL, n — V, ^ àyy dZz Xx, el l'on doit avoir X:. àxx 3<»- .-^Zy) Y;; — Zy=- La fonction <^ sera supposée développée suivant les puissances des neuf arguments. Dans le résultat, le terme constant n'a aucune signification et peut être supprimé; le terme linéaire conduirait à des pressions dans le corps non déformé et doit disparaître, d'après les hypothèses faites ci-dessus. On obtient ainsi comme terme du degré le plus bas du développement, qui doit seul être conservé, tant que l'observation le permet, une expression homo- gène du second degré en ^.r, y y. - = , yz, Za:y Xy, l ~\, m — fJL, n — V. Nous posons (46) <ï> = cp-T-i);-i-x - 300 - (loDl la signification est : ^ 1 !<); = (/ — X) (piia7x-f-Pnrr-^----^ Pie^^r) -H(n— v)(p3ia7a:H- Psî^r "^ • * ' ■+- Pas^r); i ^X = ïii(^— ^)'-+-aYii(^— ^)('^-Ia)-+-2Yi3(^— >^)(^--v) (49) j 4_Y„(,7i_jx)» — 2YÎ3(W— f^)(^ — V) ( -^ Ï3i(^ — v)»; où a>iA = «AA, Y>iA = YitA, mais pas nécessairement ^hk = pAA- Les a^A, Paaj Y>iA représentent des paramètres caractéristiques de la substance et du système de coordonnées. Avec ces notations on a (50) X.=-^ili:i), etc., l(Y,-^Z,) = -^iîi±i-), etc., (50 _L'=Y,-Z,=-^^ii^>, etc. Si l'on exclut les moments dans le volume L'M'N', on a /5.,^ ^li±JL)_o iiizi20_o ^_OHiX)-o <^^^ d(/__X)"'''' d{m-^)~''' d{n-y)~''' Ces trois équations déterminent / — X, m — u, /i — v^ par Xa.-, .... ^^. Si l'on substitue les valeurs que Ton en tire dans la fonction ^, elle devient homogène et du second degré en ^^, ..., Xy. En con- séquence, nous pouvons écrire I 2(o-l-y) = 2/= CiiXi -i- ICiiXjcJTy -h 2CiiXjcZz -^ .,.-+■ 2CiiXxXy (53) / -+-Cll7» -^'^CtiJTyZz-^ ...^ICtiJTyXyy ou 1 on a /est appelé le potentiel élastique au sens étroit du mot. Il est clair que les résultats que Von vient de déduire con- cordent complètement avec ceux de tapage 298. Mais la théorie des actions à distance permet de dépasser à un — 301 — point de vue important ces résultats de la théorie des actions immé- diates. Puisque, dans celle-là, les paramètres Chk^ et par suite aussi Chki peuvent être calculés en partant de la loi des actions moléculaires et de la répartition des molécules dans l'espace, on peut, par des hypothèses particulières sur cette loi et cette répar- tition, établir des relations particulières entre les paramètres élas- tiques et comparer les résultats avec l'expérience. Les observa- tions peuvent ainsi servir à V examen de certaines hypothèses particulières et, par suite, au développement de nos idées sur les actions moléculaires. La plus importante des spécialisations des hypothèses générales sur les actions moléculaires a déjà été indiquée; c'est l'hypothèse des forces coïncidant avec la droite joignant les molécules et fonctions des distances seulement. Elle conduit, comme Poisson et Cauchy l'ont montré (*), sans faire aucune hypothèse parti- culière sur la disposition des molécules, aux six relations sui- vantes entre les paramètres c/ihy ,^-, Cv4 — 023, C55 = C31, C66 = C12, (55) C06 = Cu, C64 = C25, C45 = C36, que nous appellerons, pour abréger, les relations de Poisson et Cauchy. On obtient des relations encore plus particulières quand, comme Lord Kelvin, on fait des hypothèses déterminées sur la distribution des molécules (2). Comme nous l'avons déjà dit plus haut, les observations sont, en général, en contradiction avec les relations de Poisson et Cauchy (55) et, par suite, avec les conceptions qui sont à leur base; on ne peut donc renoncer à faire dépendre les actions mu- tuelles de l'orientation relative des molécules. Mais il semble pos- (•) A. Cauchy, Exerc. de Math., t. III, p. 226; 1828 (n'est pas énoncée expli- citement). S.-D. Poisson, Mém, de VAcad., t. XVIII, p. ii5; 1842 (pour les cris- taux à trois plans de symétrie rectangulaires seulement). Comp. : Clausius, Pogg. Ann.^ t. LXXVI, p. 4^, 1849; i>E Saint- Venant, Savants étrangers, t. XIV, p. 260; i853. (*) Lord Kelvin, Proc. Boy. Soc. of Edinburgh, t. XVI, p. 698; 1890; Proc. Roy. Soc, t. LIV, p. 69; 1893. B. Élie, Journ. de Phys., 2* série, t. V, p. 2o'| ; 1886. - 302 - sible que des spécialisations d'autre espèce conduisent à des rela- tions qui soient confirmées par l'expérience, au moins dans cer- tains cas. 10. Les composantes de la dilatation. — Si Ton compare les définitions (4o) des six fonctions Xx-, . . ., x^avec les formules (aS), page 5i86, pour des composantes de tenseur, on reconnaît que ce ne sont pas Xxi yy^ ^zi yz, ^x^ Xyi mais I ï f ^x» Xyi ^zi .7^=» "il ^•'^ 2 ^^* qui sont des composantes de tenseur. On pourrait douter s'il ne vaudrait pas mieux, comme le fait, par exemple, M. Christian- sen (*), désigner par yz, z^, Xy les expressions I Idw dH\ \ /du dw\ \ I dv du\ '2.\dy dz /^ 'i\dz dx J^ i\dx~^dy) Mais alors les formules (4i) et (54), si symétriques, subiraient une modification déplaisante, dans le remplacement de Y^, Zx, X^ par 2Ya, iTjx-i sX^, qui leur ferait donner, au lieu des compo- santes de tenseur de deuxième espèce, le double de ces compo- santes. Le facteur 2, supprimé aux ^2, 5^, Xy^ se retrouverait ainsi aux Y^, Zjp, X^; la dissymétrie ne serait donc que déplacée. On n'obtient des formules tout à fait symétriques que si Ton introduit, à la place des composantes de tenseur employées jus- qu'ici A, B, C, A', B', C, le système orthogonal A, B, C, rk.\ rB', rC, où /• =y/2. On aurait alors, dans le cas qui nous occupe, les deux systèmes de composantes : X.r, Yy, Z;, r\x^ rZx^ rXy et du dv dvi' \ / dv dw\ \ [ dw du\ \ / du dv i / dv dw\ \ / dw du\ I / du dv \ r\dz dy 1^ r\dx dz ]^ f'\ày dxj' dx dy dz r Mais le facteur, ou dénominateur, y/a, qui figurerait dans les difl'éren tes formules, ainsi que la signification peu intuitive de ces (') G. Christiansen, Elementeder theor. Phys., p. 98, Leipzig, 1896. Comp. aussi ToDiiUNTER and Pear80N, A History of Eiasticity, t. I, p. 881, Cambridge, 1886. - 303 — composantes de deuxième espèce, empêche de faire celte conven- tion qui serait la plus avantageuse au point de vue exclusif de la forme. Nous conservons donc la convention que nous avons faite, qui a Tavantage d'être d'accord avec un nombre assez considérable d'auteurs. Pour ce qui concerne la signification géométrique des fonctions Xx, . . - , Xy^ on sait qu'en chaque point du corps Xx^ yy, Zz repré- sentent les dilatations linéaires parallèles aux axes de coordonnées ety^, Z'xt Xy les décroissements des angles entre des éléments de lignes parallèles, avant la déformation, aux axes de coordonnées auxquels se rapportent les symboles. Le triple-tenseur, dont les composantes sont les quantités Xx-^ . • . ,-5^/) est donc représenté par trois dilatations linéaires 8|, 829 ^s dans les trois directions perpendiculaires les unes aux autres, dont les angles ne varient pas par la déformation. On appelle ordinairement ces dilatations les dilatations principales ; on désignera donc le triple-tenseur 8< , 02, S3 comme celui des dilatations principales, ou plus brièvement comme le triple-tenseur des dilatations. Pour les Xx^ . • . , ^Xy le terme composantes de la dilatation est tout indiqué; on peut aussi, avec une petite inexactitude, l'appliquer au système Xx • • • t Xy, Pour pouvoir nous y référer, donnons encore quelques défor- mations, importantes pour l'observation, en fonction des compo- santes de la dilatation. La dilatation en volume 3 est : (56) âr = a7^-f-^j.-h5-; la dilatation en surface^ normalemenl à l'axe des Z : (57) e- = 27^4-7-^. La dilatation linéaire 8 dans une direction dont les angles avec les axes de coordonnée^ avaient primitivement pour cosinus a, p, Y est (58) 8 = Xx^'^-^ yy^^-\- Zz'i^-i- yz^^ -+-^a;T*-t- %«?; l'accroissement 7; de l'angle entre les normales à deux plans qui avaient primitivement les cosinus directeurs «i , p< , y< eta2, p2) ^2? - 30i — esl donné par I -(8,-4-8,)cos(p, où 8< et 82 représentent les dilatations linéaires dans les direc- tions primitives des deux normales, et cp Tangle de ces deux di- rections. Quand ces normales coïncident avec deux axes de coordonnées (par exemple Y et Z), 7\ devient égal à la composante correspon- dante de la dilatation (donc^z, par exemple). H . Les paramètres de l 'élasticité des cristaux ( * ) . — Les ex- pressions générales (4i) des composantes de la pression en fonc- tion des composantes de la dilatation contiennent, comme il a été dit page 298, vingt et un paramètres caractéristiques de la sub- stance et du système de coordonnées employé. On les appelle les constantes, plus rarement les coefficients d'élasticité de la sub- stance. On pourrait reprocher à ces noms leur manque total de couleur. Il serait plus expressif et tout à fait en harmonie avec la nomenclature usitée en chaleur et en électricité de les appeler les coefficients de résistance élastique. S'il est sans doute impossible de se débarrasser à présent, dans le système fondamental (4 1), du terme neutre de constantes d'élas- ticité, il serait cependant recommandable, dans toutes les lois qui expriment une modification élastique, que ce soit d'une longueur, d'un angle, d'une surface ou d'un volume, par une force, d'appeler résistance élastique à cette modification la combinaison des Chk qui figure dans la formule comme diviseur de la force et a toujours les dimensions d'une constante d'élasticité. Ainsi, par exemple, dans la formule bien connue de l'allongement d'un prisme par un poids P, (60) 8L=|^, (') \V. VoiGT, Abh. der Kgl. Ces. d, Wiss. zu Gottingen, t. XXXVI, p. 4o; 1890. — Wied. Afin., t. XLl, p. ^iS; 1890. — Die fundamentalen phys. Eigen- scha/ten, etc., p. 187, u. f. — 305 - le dénominaleur E ('connu généralement sous le nom de coeffi- cient d'élasticité ou de module d'Young) devrait être appelé la résistance (spécifique) à l'allongement de ce prisme. La résolution des équations (4i) par rapport aux composantes de la dilatation fournil des expressions que nous écrivons sous' la forme : (6i) — J^x— ^iiX.r-+- Si^\y-\- Si^Zz-^ ^iv Y--f- sjsZ^-f- ^leXy. Les Shk sont ici certains rapports de déterminants des Chk-t entre lesquels, par suite des relations existent les relations (Ci) Shk — s k h- qui réduisent leur nombre à 'm . Ces formules (Oi), réciproques des formules (^i), sont le point de départ de la théorie des déformalions pratiquement les plus importantes; elles forment, en conséquence, aussi la base de la théorie de toutes les méthodes d'observation importantes; les mesures conduisent donc toujours d'abord aux paramètres Shky desquels on ne tire les constantes d'élasticité proprement dites que par des calculs souvent trrs compli([ués. Comme j dans ces calculs^ l'erreur probable de la détermi- nation augmente extrêmement, il semble rationnel de carac- tériser les milieux élastiques par leurs Shk plutôt que par leurs Chk- La grande importance de ces nouveaux paramètres, qui découle de ce qui vient d'être dit, justifie une dénomination particulière. Puisque les Shki en leur qualité de facteurs de proportionnalité dans les expressions des com|)Osantes de la dilatation, mesurent celles-ci, le rapporteur a proposé pour eux le nom de modules d'élasticité, qui est dès à présent en usage dans une certaine mesure en Allemagne. D'une manière générale il est recommandable, quand une mo- dification élastique observable est exprimée par la force, d'appeler module de cette modification la coml>inaison des c/,^ ou des Shk qui figure comme facteur de cette force et qui a toujours les G. P., I. 20 — 306 - dimensions d'un module d'élasticité. Si nous écrivons, par exemple, Téquation (60) pour rallongement d'un prisme sous la forme (63) aL=I^JJll% D sera le module de rallongement (pour une traction longitudi- nale) dans le prisme considéré. Les modules d'élaslicilé et les résistances élastiques sont donc réciproques de la même manière que les résistivilés et les conduc- livités pour la chaleur et l'électricité. Dans ( >3 ) Texpression du potentiel élastique est donnée en fonction des composantes de la dilatation; ses paramètres sont les constantes d'électricité. A l'aide des équations (61) on peut d'abord former la forme quadratique symétrique dans les deux espèces de composantes de tenseur Voir l'expression (21} (p. 286), et l'on en tire immédiatement Le nombre des modules et des constantes d'élasticité qui se manifestent dans ce qui précède est vingt et un. Remarquons cependant que ce dénombrement est fait suivant un autre principe (|uc celui qui donne trois pour le nombre des coefficients de résistance ou de conduclibililé en chaleur ou en électricité. La première évaluation suppose un système de coordonnées quel- conque^ la deuxième un système tout particulier, celui des axes principaux. Pour des systèmes de coordonnées quelconques, le nombre des constantes thermiques ou électriques est six, le sys- tème des axes principaux exigeant pour sa définition trois de ces six constantes. On peut aussi rapporter les équations î \\) ou (61 ) à un système d'axes particulier, choisi comme le système des axes principaux. - 307 - qui est défini par trois relations entre les paranïètres. Le nombre de ceux-ci se réduit alors de vingt et un à dix-huit, H va de soi qu'une fois le système des axes principaux introduit par trois relations entre les constantes d'élasticité, on ne doit introduire que les équations entre les modules qui s'en déduisent et point d'autres, et inversement. Désignons les axes principaux d'élasticité parXo, Yq, Zq, les paramétres qui leur sont rapportés par c^^ et 5^^. Nous parlerons plus loin des principes suivant lesquels on procédera au choix d'un système d'axes principaux élastiques. L'introduction des axes principaux présente un avantage sen- sible, surtout dans certaines recherches générales. Pour traiter des problèmes particuliers, par exemple la déformation des prismes taillés dans une orientation quelconque dans un cristal, il est, au contraire, généralement plus avantageux de choisir le sys- tème des coordonnées X, Y, Z de telle manière que les conditions à la surface prennent, dans ce problème, une l'orme particulière- ment simple. 11 s'agit, dans ces cas, d'exprimer par ceux du sys- tème principal Xq, Yq, Zq les paramètres Shk et c/^Aj q"i se rap- portent au système quelconque X, Y, Z et qui peuvent, là où la clarté l'exige, être appelés /?«/*amè^/e5 secondaires. Ce problème est résolu de la manière la plus simple au moyen du potentiel élastique/, exprimé en (53) par les composantes de la dilatation, en ((i5) par les composantes de la pression et que l'on commence par former en le rapportant aux axes principaux Xq, Yq, Zq. Si l'on transforme ensuite, au moyen des propriétés connues de transformation des composantes de tenseurs, les com- posantes de la pression ou de la dilatation dans le syslème quel- conque x^ y, :;, on obtient une forme semblable à (53) ou (65), dans laquelle, au lieu des Chk ou Shhy se trouvent des fonctions linéaires de tous les c\i. ou s\i^. Les relations que l'on obtient ainsi entre les deux espèces de paranïètres sont en général très compliquées. Qu'il suffise de don- ner ici les formules pour les modules, les seules imporlantcs pour les applications. Si l'on désigne par d,nn ce que deviennent les coefficients Z,n,t dans (i5) et (iG) (p. 285), quand on remplace dans les trois pre- mières colonnes /• par 2, et dans les trois dernières par 1, les mo- - 308 - dules secondaires exprimés par les modules principaux sont (*) (60) S/a==^^SÎ,tndfnhdnk ^^ '^ ^ = I, 2, 3, . . . , 6. m n Pour les constantes, on a des équations de même forme avec une signification partiellement changée des facteurs d, THÈSES. Une définition, commode sous tous les rapports, des arguments déterminant la déformation paraît impossible. La notation propo- sée par KirchhofT semble mériter la préférence, pour son carac- tère intuitif et maniable et son analogie avec les symboles de Neumann pour les composantes de la pression, ainsi que pour la sj'métrie qu'elle donne aux formules. Il n*j a pas de raison pour favoriser, comme on le fait généra- lement, les constantes d'élasticité au détriment des modules. Il n'y en a pas davantage pour donner aux constantes d'élasticité des noms qui n'expriment autre chose que leur place dans l'expres- sion du potentiel. Dans des lois particulières destinées à la comparaison avec les résultats expérimentaux. Il est désirable de caractériser sans am- biguïté les facteurs dépendant des paramètres élastiques, suivant leur place dans la formule, comme des résistances ou des modules. IV. Introduction des éléments de symétrie des cristaux. 12. Les éléments de symétrie indépendants des 82 groupes de cristaux. — La base delà spécialisation des formules générales précédentes conforme aux propriétés des dillerents groupes de crislaux est la règle tirée de rexpérience, et, sans doule, énoncée explicitement pour la première fois par F. Neumann t - ), d'après laquelle toift élément de symétrie qui se manifeste dans les ( ' ) NV. VoiQT, Wii'd. Ann.y t. \\l, p. !\o\ : Tlnoretischc Stiidien iiber die EIGsS- (icitdts-vcr/idifnissc der Krystallc; Abli. der Gcs. d. \li et un mirage par rapport à un plan perpendiculaire à l'axe reproduisent le solide. On pourrait dire aussi bien plan de mirage d'ordre n. Exemple : la droite joignant le milieu de deux arêtes opposées d'un tétraèdre régu- lier est un axe de mirage d'ordre .1, par le jeu duquel un sommet reproduit suc- cessivement les trois autres. { \ote du Trad.) - 3il — X est perpendJculaîre à un plan de symétrie. Quand le groupe de cristaux possède un axe de symétrie en évidence, on le fait tou- jours coïncider avec l'axe des :;; en deuxième ligne on favorise l'axe des x. Développant ce qui a été dit page 3o6, nous remarquons que dans tous les groupes de cristaux dans lesquels le système de coordonnées principal est complètement fixé |)ar les principes que Ton vient d'indiquer, les trois relations entre les paramètres élastiques, mentionnées page 3o6, qui réduisent leur nombre de 21 à i8, sont par cela même introduites. On verra qu'il n'y a que deux groupes où le système des axes principaux reste tout à fait arbitraire d'après ces conventions, et que, dans trois autres, l'un des axes seulement est fixé. Le procédé purement crislallogra- phique pour la fixation du système des axes principaux d'élasticité suffit donc dans les cas de beaucoup les plus nombreux. Quant au classement des Sa groupes de crislaux, nous adop- tons, comme précédemment, une proposition faite par M. Schoen- fiies (*), qui parait très heureuse. Dans les groupes hoioédriques de quelques systèmes on trouve deux indications différentes d'éléments de symétrie indépendants. Elles sont équwalenteSy parce que, comme on le reconnaît facile- ment, un cenire de symétrie, un plan de symétrie et un axe de symétrie binaire perpendiculaire à ce plan ont entre eux (les rap- ports tels que la présence de deux de ces éléments a comme consé- quence celle du troisième. Ces formes ont élé notées toutes deux dans le Tableau suivant pour faire reconnaître plus clairement les rapports entre les groupes holoèdres et ceux qui ne le sont pas. Éléments dk symétrie généraux indépendants. Système anorthique. 1. Holoédrie C. 2. Hémiédric — . Système clinorhombique . 3. Holoédrie CA? de GP-. 4. Hémicdrie P-. 5. Hémimorphisine A:. (*) ScHOENFLiES, KrystallsYsteme u. Krystaltstructur, p. i4'% i47; l'^O'- - 312 - Système orthorhombique. 6. Hoioédrie GA|A* ou CA!P.t. 7. Hémiédric A|Al.. S. Hémiinorphisme Aï F^j;. Système rhom,boédrique. <). Hoioédrie GA|Ai ou GA? P.^. 10. Hémiédrie énanlioniorphe A?A^. 11. Hémiédric liéinimorphe A? Px. 12. Hémiédric paramorphe GA|. i;}. Tétartoédrie A^ Système quadratique. 14. Hoioédrie GAi A^ ou GAi P.^. J5. Hémii'drie énantiomorplie A^ A j.. 10. Hémiédric liémimorphe A^P^. 17. Hémiédric paramorphe CA^. 18. Tétartoédrie A^. 19. Hémiédric avec axe de mirage S|Aj.. 20. Tétartoédrie avec axe de mirage S3. Système hexagonal. 21. Hoioédrie GA.?Al ou GA^P^. 22. Hémiédric énantiomorplie A5AJ. 23. Hémiéiiric liéniiniorphe A^P,. 2i. Hémiédric paramorphe GA^. 2'). Tétartoé(hic A2. 2(). Hémiédric avec axe ternaire A^P^^A^.. 27. Tétartoédrie avec axe ternaire A^Pr. * Sys t è me cub iq u e . 28. Hoioédrie GA^A;. 2ÎK Hémié, au sens large du mol, a été introduit; à la même page il a été décomposé en trois pariies cp, y, à de caractère différent qui sont naturellement, comme 4>, des scalaires et finalement on en a déduit le potentiel élastique/ au sens étroit du mot. o et y ont la même forme et ne se distinguent que par les valeurs des paramètres. Toutes ces fonctions ne changent pas de signe quand on renverse les directions de tous les axes. i*ourcp, y, y cela est évident d'après leurs définitions contenues dans (47 K (49)^ (^3); mais cela est vrai aussi pour 'L qui, d'après ( 4<^ ), a une forme bilinéaire en j;^., ..., jr^ et / — Â, ni — a, n — v, parce que les deux espèces d'arguments qui y figurent possèdent individuellement la propriété de garder leur signe quand on ren- verse le sens de tous les axes de coordonnées. D'après ce qui a été dit page 3o8 il se superpose donc toujours^ tant pour les phénomènes visibles de l'élasticité que pour les rotations moléculaires invisibles qui les accompagnent, un centre de symétrie aux éléments de symétrie cristallo gra- phiques. En conséquence, le Tableau ci-avant se simplifie d'une manière notable; un grand nombre de groupes deviennent équi- valents pour les phénomènes élastiques et se confondent en groupes supérieurs. Car d'une part les plans de symétrie sont maintenant équivalents aux axes binaires qui leur sont normaux et de l'autre les axes de mirage sont équivalents aux axes de symé- trie d'ordre deux fois plus élevé. En supprimant le symbole C commun à tous les groupes et sans signification nous obtenons le Tableau suivant i ' 1 ; ( ' ; \V. \oiGT, Kompendium, p. i3.| ; Die fundamentalen phys. Etgenschaftcn, etc., p. i<>3. 314 Éléments de svmétrie indépendants des phénomènes centrés. Système anorthique. 1, 2 Pas d'élément de syinctrie. System c clin o rh omb iq u e . 3. 4, 5 A|. Système orthorhombiqtie. fi, 7, 8 A|Ai. Système rhomboédriqite. î), 10, M A? Al, 12, 13 A?. Système quadratique. U, ir,, ic, 19 A.* Ai, 17, 18, 20 Ah Système hexaffonnl. 21, 22, 23, 2(î A? Ai, 24, 2r>, 27 Aï. Système cubique. 28, 21), 30 A * A * -^c*A^ , 31, 32 ,Vïc^Aj.ooA|. Les 32 groupes de cristaux se réduisent donc dans les phé- nomènes centrés à \ i groupes supérieurs qui sont tous carac- térisés par leurs axes de symétrie seulement. 13. Spécialisation du potentiel élastique pour les différents groupes de cristaux. — Nous raltaclïons les considéralions qiii suivent à la fonclion f qui est exprimée dans (3,)) par les con- stantes d'élasticité, dans ( 6 5 ) par les modules. Le meilleur procédé pour s[>^cialiser ce polenliel, dans les dif- férents groupes supérieurs de cristaux, consiste à chercher d'abord les relations entre les paramètres c^k^ ou s^k dans les cas les plus simples, où un seul axe, l'axe des z par exemple, est un axe de symélrie d'ordre n. Cicla se fait en transformant le polenliel dans un nouveau système de coordonnées qui a tourné, à partir. - 315 - du premier, d'un angle de 9.7r//i autour de l'axe de symétrie et en égalant, terme à terme, l'expression ainsi obtenue à l'ex- pression primitive. Ceci revient simplement à appliquer les for- mules générales de transformation pour les constantes et les modules à cette rotation du système de coordonnées et à égaler chaque Chh oi^ ^hh ainsi obtenu au c\j^ ou s\j^ rapporté au système primitif. Pour les modules (66) représente la formule de transfor- mation nécessaire; celle qui est valable pour les constantes s'en distingue, comme on le voit facilement, par des valeurs en partie différentes des coefficients d„in^ Après avoir formé un Tableau des relations entre les paramètres pour n = 2, 3, 4» 6 on peut passer de l'axe des z à l'axe des x par une permutation cyclique d'une unité entre les indices i, 2, 3 d'une part et 4, 3, 6 de l'autre. Cette permutation n'est nécessaire que pour /? = 2 et /? ^= 4« On obtient de même (pour n ~- 2) les formules valables pour l'axe des y comme axe de symétrie. A l'aide de ces relations on peut, sans aucun calcul, former les systèmes des paramètres, constantes principales c\f^ et modules principaux s\f^ rapportés aux axes principaux Xq, Yq, Zq en combinant simplement les formules valables pour les différents éléments de symétrie. Dans le dernier groupe supérieur (3i, 3^) on doit tenir compte, en outre, de l'équivalence des trois axes de coordonnées en égalant les paramètres c\j^ ou s\f. qui se trans- forment les uns dans les autres par la permutation cyclique des indices i, 2, 3 ou 4, 3, 6. L'espace ne nous permet pas de caractériser tous les groupes supérieurs du Tableau II par leurs c\,^ ou s\f^. Nous donnerons ici ces constantes et modules en vue de quelques applications ultérieures dans les quatre cas seulement où l'axe des z est un axe de symétrie d'ordre 2, 3, 4 ou 6. 3. Systèmes des constantes et modules d'élasticité dans les cas des différentes espèces d'axe de symétrie, A? cn C\t Cl3 0 0 C16 ^11 *12 5l3 0 0 5l6 C22 C23 0 0 C26 Slt ^Î3 0 0 5.6 C33 0 0 C36 S.13 0 0 ^36 cu C45 C55 0 0 C66 *♦* ^;5 ^55 0 0 S%6 - 316 -- A? Cil Cil Ci3 Cjv— C25 O Su Su 5,3 5u— 525 O Cjl ^13 ^14 ^25 O Su Siz—Sn *25 <> C33 O O O 533 O O O Cu O Cj5 54i O 2525 C44 C,i 5vv a5jv -J-(cn — C12;) 2(>,i — ^lî) Aè Cl C,2 C,3 o o C16 ' Su 5j2 5,3 O O 5,6 Cil C,3 O O — C16 5ii 5,3 O O —5,6 C33 O O O 533 O O O Civ O O 54V O O C4; O 544 O A| C,, C,2 C,3 000 5,, 5,2 5|3 O O O C,, C,3 000 5,, 5,3 O O O C33 O O O 533 O O O C44 00 544 O O C44 O 544 O {(C,,- C,2) -li.*!!— -^li) Il en résulte, par exemple, pour le groupe supérieur (9, 10, i 1) caractérisé par Texistence simultanée de A^ et A^, le schéma A2A2 C?, C% CÎ3 C«4 o o 5», 5Î2 5} 3 5? ^ O O C», CÎ2— CÏ4 O O 5O, 5Î3-5Î4 O O U33 w 1/ i^ 5*3 3 C 3 O O O 5^o 000 04. Cj4 *44-iA,4 L'opération analogue, effectuée pour tous les onze groupes supérieurs du Tableau de la page 3i4, montre qu'à deux reprises deux d'entre eux se comportent de la même manière, et que, par conséquent, pour le potentiel élastique / il n'existe que neuf groupes supérieurs différents. Les nombres de leurs con- stantes sont les suivants : Système anorlhique (i, a) :>i constantes )) clinorlioinbique. . (3,4,^) i^ *> » orlliorhombique . (G, 7, 8) 9 » )) rhomboédrique . . ( <), 10, 11) (') » » » . . ( i'>., i3) 7 » » quadratique (i|, i5, 16, k)) (> » w » (17, 18, 9.0) 7 ») » hexagonal ( 2 11127) 5 » » cubique (28 à 82) 3 » - 3i7 - Les schémas précédents permettent aussi d'écrire facilement les formes particulières des expressions des composantes de la pression et de la dilatation (4i) et (61), pour chacun des groupes. Par exemple, pour le groupe supérieur important (9, 10, 11), le sys- tème (61) prend la forme - x%= sUn-^ sU^'y^ sO,Z2-^ so.^l -n = sU^'.^ s%Y'^-^ sUT^l- sO.Yl ^ '^ ' _ 1/0 _ çO VO „0 \^ _, oO \o On remarque que, d'après le Tableau page 3 16, les schémas des constantes d'élasticité diffèrent de ceux des modules. Ce (petit) in- convénient est une conséquence directe des définitions usuelles des composantes de la pression et de la dilatation. On peut l'éviter en se servant des composantes orthogonales X^., Y^, Z^, /'Y^, /•Z^, /'Xj et Xxi Xr-i ^zj ^' — ' -f ^ que nous avons mentionnées page 3o2 et dont l'emploi peut être recommandable dans certaines recherches générales (*). Mais pour des problèmes de Physique particuliers, on n'abandonnera guère la notation usuelle, confor- mément à la remarque page 3o2. Signalons ici cette propriété de la méthode esquissée ci-dessus de s'appliquer, aussi bien qu'au potentiel élastique /, aux fonctions ?> 4'' 7 introduites page 299. Les deux dernières présentent un in- térêt particulier parce que, d'après les équations (02), elles déter- minent les rotations des molécules relatives aux éléments de volume pour les déformations élastiques ordinaires. Pour le groupe supérieur (9, 10, 1 1), par exemple, caractérisé par A^ A^., on a, pour les constantes ^/t/t et v/^^, les schémas sui- vants : ?.. - -3,1 0 p.* 0 0 ïll 0 0 0 0 0 0 -!i.v -P.. ïll 0 0 0 0 0 0 0 T33 (') \\ . VoiGT, Kompendium, p. iScj. — 318 -« Il en résuhc, d'après (52), les lois suivantes pour les rotations moléculaires : 7,,(/7/ — [X) — Pi4^.r— '^ll^y— O, 733(«— 'O = O, Les molécules ne tournent donc autour de Taxe ternaire qu'avec l'élément de volume. En outre le phénomène dépend de deux con- stantes — et — > qui ne peuvent être déduites d'observations sur l'élasticité. On ne connaît pas, jusqu'à présent, de phénomènes au moyen desquels on puisse déterminer leur valeur. Pourtant ceux de la formation des surfaces de glissement, sont vraisemblablement en rapport avec ces rotations moléculaires. Elles jouent aussi un rôle, certainement, dans les phénomènes piézoélectriques et dans Télec- troslriction. En outre, la théorie montre que, si l'on ne suppose pas infiniment petits les moments d'inertie des masses élémentaires appelées molécules, et que l'on en tienne compte au contraire dans les formules (36), certaines vibrations dans les cristaux ont une vitesse de propagation qui dépend de la période. Celle dépendance vraisemblablement 1res faible sera-t-elle un jour décelée par l'expérience? Cette question reste actuellement ou- verte. 11 suffil, pour l'objet de la physique des cristaux, de considérer les seuls éléments de sjmétric indépendants les uns des autres. Par suite des conventions faites sur les composantes de la pres- sion et de la dilatation, les schémas des constantes d'élasticité prennent des formes différentes de ceux des modules. On peut les faire concorder en introduisant les composantes orthogonales définies page 3o2. Mais cette manière de faire présente, d'autre part, des inconvé- nients qui empêchent de la recommander. - 319 - V. — Résumé de la théorie des méthodes d'observation. n. Problèmes généraux de l^ expérimentation sur r élasti- cité des cristaux, — Le premier problème sur Félasticité des cris- taux qui pouvait être posé à rexpérimentaJion, et qui lui a été posé en effet, est d'établir a*/^ au point de vue de V élasticité, les cristaux se distinguent réellement d'une manière sensible des corps isotropes. Celte question a été tranchée, on le sait, dans le sens affirmatif parles observations de Savart (')surles lignes nodales de plaques vibrantes en cristal de roche. En montrant qu'une plaque circu- laire parallèle à l'axe optique donne des figures nodales différentes (|uand on procède à la même excitation en différents points du bord, il établit sans aucune mesure l'anisotropie élastique de la matière. Savart ne put lirer de ses expériences des conclusions théoriques plus étendues pour celte raison qu'à cette époque les équations fondamentales de l'élasticité pour un corps comme le quartz n'étaient pas encore établies. L'anisotropie élastique des cristaux une fois établie, le besoin de déterminations numériques se fit sentir, d'autant plus que, dans l'intervalle, les théories construites sur les deux bases déve- loppées dans la deuxième Partie avaient abouli à des résultats différents. L'observation quantitative avait manifestement à ré- pondre d'abord à la question suivante : a, La théorie la plus générale, reposant sur vingt et une con- stantes, comprend-elle toutes les observations y ou celles-ci exigent-elles, pour leur représentation, des bases encore plus générales? Ensuite, si cette théorie est toujours d'accord avec l'expérience : b. Tous les groupes de cristaux qui peuvent être distincts au point de vue de l^ élasticité, diaprés la théorie générale, le sont-ils réellement? (') F. Savart, Ann. de Chimie, t. XL, p. 5; 1821. Mém» de r.icad., l. I\, p. 4o5: i83o. - 320 -- Cette question est une partie d^une autre qui se pose dans toutes les branches de la physique des cristaux, à savoir si tous les phf^- nomènes possibles d'après la symétrie existent réellement. Rappe- lons que la réponse donnée jusqu'à présent par Tcxpérience n'est nullement affirmative. Dans la conduction de la chaleur et de Té- lectricilé, certains groupes de cristaux se séparent, diaprés leun symétries, de l'ensemble appartenant à un système et admettent des propriétés rotatoires que les autres n'admettent pas (' . Mais il n'a pas été possible jusqu'à présent de mettre en évidence, dans un cristal quelconque, ces eflets rotatoires (-). II en est de même des efirets piézomagnétiques qui, d'après la symétrie* sont possibles dans un grand nombre de groupes de cristaux, roai> n'ont pas été observés pour un seul d'entre eux (^ i. Dans ces deux cas, des didércnces théoriquement possibles entre (lifltTcnls groupes semblent ne pas exister réellement, et cr résultat donne un intérêt particulier à la question formulée eo A. Il s'y rattache m\Q autre question qui a avec celle-là une parenlr étroite, mais que nous formulerons séparément pour pi us de clarté.' c, /hffis l<( nu'nir substance, toutes les constantes dont ta théorie ^^[énénile ddniet r indépendance sont-elles réellement indépendantes'/ KelaliveuuMU à cette (juestion, on doit observer notaromeot que, (|uoi(|ii<' la théorie luolcculanc j^é né ra le conduise aux mèffl«s résultats (|ue lu théorie des actions immédiates, sa spécialisation. traprè-> la pa^tî .mm, d'entre ell<'> |)ermeitrail de simplifier et, par suite, de corrigeriez < ' i. I . MI. ^ Kî 1. 1/vA. Siii/n*\ /'/'.r>. rt mit.. \. \\l\, p. 3'».>. lS*#3; l. \\\ll. p. ''.il. I^.j'l- < ) L- > loi milieu |H»ilciit M.-ruiit publiccs proclMioemcnl Jau \^ [/ifitift ^ 3), etc., —y%-=p{s\^-^sl^^sX.^^ etc. Rattachons à ces formules une remarque générale. On a fait observer page 3i i que les principes déduits de la symétrie de la forme ne suffisent pas, dans plusieurs cas, pour fixer le système des axes principaux. La déformation par une pression agissant uniformément en tous sens, que nous venons de traiter, fournit une base pour sa fixation dans les cas où il est resté indéterminé. Il est en eflfet naturel de prendre comme axes principaux d'élas- ticité Xo, Yo, Zo les trois directions perpendiculaires les unes aux autres dont les angles ne varient pas dans une compression uni- forme en tous sens, c'est-à-dire les directions du triple-tenseur de la dilatation dans le cas de la pression uniforme en tous sens. Cette manière de procéder conduit aux trois conditions par lesquelles le nombre des modules et, par suite, des constantes d'élasticité est aussi réduit de 21 à 18. - 324 - Faisons remarquer que dans tous les groupes supérieurs du Tableau page 3 1 1 , à l'exception des deux premiers, ces conditions sont remplies identiquement avec les axes choisis par des considé- rations de symétrie. La nouvelle détermination des axes est donc d'accord avec l'an- cienne et la généralise seulement de façon à la rendre applicable à tous les groupes. Les lois de la déformation de volumes, de surfaces, de lon- gueurs et d'angles par, une pression uniforme en tous sens résul- tent des formules générales (56) à (Sg) en y substituant les va- leurs (72) des composantes de la dilatation (*). Nous ne les donnerons pas, pour gagner de la place; indiquons seulement le module s de la compression cubique relatif à ce cas, à cause de son importance particulière (74) s = s^,,^sl,-^sl,-^i(sO^-+-s^,^^sO,). 16. Barres prismatiques de déformation constante le long de V axe, — Les méthodes d'observation de beaucoup les plus im- portantes se rattachent aux déformations de barres prismatiques de dimensions longitudinales grandes par rapport aux dimensions transversales, causées par des forces agissant sur les bases des prismes. De Saint- Venant (2), on le sait, a attaqué la théorie des défor- mations des corps cylindriques eu recherchant les circonstances dans lesquelles une fibre élémentaire parallèle à l'axe du cylindre n'éprouve, de la part des fibres voisines, que des pressions longitu- dinales. Cette méthode, extrêmement féconde pour les corps iso- tropes. Test moins pour les cristaux, puisque l'hypothèse sur les pressions cesse déjà d'être vérifiée dans les cas les plus simples de la torsion. En conséquence, de Saint-Venant n'a pu traiter d'après sa méthode que des cas plus particuliers de la déforma- lion de cristaux prismatiques. Pour notre problème, il pnraîl plus avantageux de donner aux (') Cas particuliers par V\\, Niumanx, Pogs;. Ann., t. WXI, p. 177 et suiv., iSS'i ; Vorlesungen, etc.^ p. 179 et suiv.; le problème général par \V. Voigt, H'ied. Ann., t. XVI, p. 419; 1882. ( = ) De Saint-Venant, Mém. des Sai\ étr., t. XIV, p. 233, 1887; Joinn. de Lioiwiilc, 2" série, t. I, p. 89; i856. — 323 — investigations un but un peu différent, en les dirigeant sur les propriétés générales des déformations qui, ou bien ne dépen- dent pas du tout de la coordonnée parallèle à Vaxe de la barre, ou en dépendent par un terme du premier degré, du second degré, etc. Nous supposerons, comme de Saint- Venant, la barre suffisamment longue par rapport à ses dimensions transversales, pour que, dans la partie prédominante de sa longueur, la défor- mation ne dépende que des composantes de la force totale et du moment total extérieurs, exercés sur les sections terminales, et non de leur répartition sur ces sections. Le cas le plus important est celui d'un cylindre déformé uni- formément le long de son axe (*). L'analyse montre que cet état peut être obtenu par des actions sur les bases qui ont une résul- tante parallèle à Taxe du cylindre et qui fournissent des moments aussi bien par rapport à l'axe longitudinal que par rapport aux axes transversaux situés dans les sections terminales. Nous faisons coïncider l'axe des Z du système de coordon- nées X, Y, Z avec la ligne qui joint les centres de gravité de toutes les sections, les axes des X et des Y avec les axes princi- paux d'inertie de la section terminale z = o qui, en général, doit être considéré comme fixe. Alors nous supposerons que les forces exercées sur l'autre base (libre) z ^^ l fournissent la résultante F parallèle à Z et les moments A, M, N par rapport aux axes de cordonnées. Pour fixer la section :; = o, il faudra lui faire subir des actions égales et contraires. Conformément aux trois espèces d'efforts exercés, nous avons à considérer trois espèces de pro- blèmes élastiques. a. Effet dUine traction longitudinale. — La déformation du cjlindre est homogène, les composantes de la dilatation peuvent être indiquées une fois pour toutes, indépendamment de la forme de la section; elles résultent directement de (69), quand on y r fait Xx=o, Y^= o, Y2=o, Zj.^=o, Xy= o, mais Z^=r — -, ( ' ) W. VoiOT, Wied. Ann., t. XV^I, p. 280 cl suiv., 18S2 ; Theoretische Studien iiber die Elasticitàtsverliàltnisse der Krystalle {Ab/i. d. Ges. d. Wiss. z. Gôt~ tingen, t. XXXIV, p. 53 et suiv., 1887); cas particuliers par G. Ghree, Proc. London, t. XLIV, p. ai4, 1888; G. -G. Mighaelis, Arch, Néerl., t. XXI, p. 887 1886. — 326 — où q représente la section du cylindre. On a, par suite, , ^, i 5^^.^ = 513 r, grj^=5î3r, ^52 = 533r, ( "^5 ) • Les modules des dilatations parallèles aux axes sont 5| 3, 523,^3:$; le module de la dilatation de la section est, d'après (57), (^i 3 -|- 5.23). Les modules des variations des angles des axes ou des plans de coordonnées sont543, 553, ^03. D'après le Tableau (p. 3i5), toutes les trois variations angulaires sont nulles quand l'axe des Z est un axe de symétrie d'ordre 3, 4 ou 6, les deux premières yz et Zx seulement, quand il est un axe de symétrie binaire (* ). h. Effet de moments par rapport aux axes transversaux, — Les composantes de la dilatation et la composante de la pres- sion Tjz sont, pour toutes les formes de la section, des fonctions linéaires de x et y; X^?, Y^, Y^, Zj., Y^ disparaissent. La fibre située dans l'axe ^ = o, j^ = o du cylindre est fléchie suivant une courbe dont les équations sont OÙ Xj. et x^ désignent les rayons de giration de la section cylin- drique par rapport à ses axes principaux d'inertie coïncidant avec X et Y, et où Ton admet que les deux extrémités >3 = o et :; = / de la fibre axiale sont situées sur Taxe des Z. Les projections de la courbe axiale ont, d'après (76), les rayons de courbure constants et sont, par suite, des circonférences de cercle. Si l'un des deux moments A et M agit seul, l'un des deux rayons de courbure est infini; la courbe axiale est alors située dans le plan normal à l'axe principal d'inertie par rapport auquel le moment n'est pas nul. ( " ) Cas particuliers par Ka. Neu.mann, loc, cit.; le problème général par \V. VoiQT, Wied. Ann.. t. XVI, p. 4^1; 1882; Theoretische Studien ùber die Elasticitàtsverhàltnisse der Kry stalle (Abh. d. Ges. d. Wiss., z. Gottingen, t. XXXIV, p. 65; 1887). - 327 - A cause de la constance de R< et R2, on appelle uniforme la flexion par M et A. Le module de la flexion uniforme 533 est identique avec le module de rallongement axial par traction lon- gitudinale. Dans le cas général, la flexion uniforme d'un cylindre formé d'une substance cristallisée est accompagnée d'une torsion uni- forme. La rotation o) d'une section située à une distance ^ :=^ ÎJ de la section fixe >3 = o est donnée par (78) a^/tOX^X^r^ ( M534XÎ.— A536X^)Ç. Cette torsion remarquable possède les mêmes modules 53^ et 535 que, d'après (75), les variations angulaires yz et Zx pour une traction longitudinale. Elle disparaît (d'après p. 326), quand Taxe des z est un axe de symétrie d'ordre quelconque (*). c. Effet d^un moment par rapport à l'axe longitudinal, — Dans ce problème, désigné généralement comme celui de la tor- sion, les difficultés sont Incomparablement plus grandes que dans les deux précédents. On ne peut obtenir qu'un seul résultat commun à toutes les formes de la section, c'est la grandeur de la flexion uniforme (-) accompagnant la torsion. On trouve pour cette flexion, avec les notations de (77), (79) ^^^ N— ' ^*^-l^- i>l-»3V >^^iù La flexion secondaire possède donc les mêmes modules s^s et 535 que la torsion secondaire dont il a été question plus haut et disparaît avec elle. A part cela, chaque forme de la section exige une autre solution. La plus simple s'obtient pour la section elliptique (^); on peut, dans ce cas, satisfaire à toutes les conditions par des fonc- tions linéaires de x et / pour toutes les composantes de la dila- (•) W. VoiQT, Wied. Ann., t. XVI, p. 282; 1882; Theoretische Studien, eic, p. 68; 1887. (2) W. VoiGT, Wied. Ann., t. XVI, p. 3oo; 1882; Theoret, Studien, etc., p. 72 ; 18H7. (^) W. VoiQT, Wied. Ann., t. XVI, p. 3oo; 1882; Theoret. Studien, etc., p. 78; 1887. Remarque s'y rattachant par G. Kirchhopp, Mechanik, p. 4i5 ; Chree, loc. cit. - 328 - lalion ainsi que pour les composantes de la pression Y, et Z^r, et par des valeurs nulles de X^r, Y^, X^, Z^. On trouve, dans ces conditions, pour la rotation o) de la section ^ = tj, la valeur (80) 4^WX«XÎ = NÇ(5uX2.-f-555>C*). La grandeur o) a donc deux modules, 544 et 555, qui ne se réduisent à un seul que dans le cas d'une section très allongée et dans celui d'une section circulaire. Le cas de la section rectangulaire, exceptionnellement impor- tant pour Tobservation, conduit à des équations différentielles extrêmement compliquées, qui semblent réfractaires à une résolu- tion rigoureuse. D'une manière générale, on peut établir la for- mule ( ' ) (80 .0= ^^ ^-\-\ ^V^^33, i6a6M I-+- ^ F) où « et 6 représentent les demi-côtés de la section rectangulaire parallèles aux axes des X et des Y; F, par contre, signifie une fonction du rapport j- qui, d'après la manière dont elle se pré- sente, peut être considérée comme constante quand la section est quelque peu allongée (par exemple, ^ > 3]. Celle formule n'est donc pas une solution complète du problème de la torsion, mais un procédé pour déduire des observations de torsion des valeurs numériques de modules d'élasticité, en parti- culier de 555, dans lequel on considère F comme une constante inconnue (après examen préalable de la légitimité de celte suppo- sition) que Ton élimine par les combinaisons appropriées des me- sures. La formule générale se simplifie quand on fait l'approximation , , ,. sUh^ , , j /si. 5jj.\ b^F , qui consiste a négrlierer — — — - et le carre de { -~ -\- -tt ) a côté de l'unité. Il vient alors (8,.) .- ^'^^^" Ga65( i-h - F, ) (') W. VoiQT, Wied. Ann., t. XXIX, p. 609; 1886. - 329 — où Fi désigne une autre constante. Cette approximation est assez bonne, même pour j- relativement faible, parce que, en réalité, s^Jk et 535 sont d'habitude petits en comparaison de 533 et ^55. Dans le cas particulier où 534 et 535 sont nuls, comme cela a lieu, ainsi que nous l'avons dit, quand l'axe des Z est un axe de symétrie élastique quelconque, on a rigoureusement 0-- ^^^^» Ici la fonction F peut être complètement déterminée d'une manière plus ou moins simple (*), de sorte qu'il n'est pas néces- saire de l'éliminer par une combinaison d'observations. Ce n'est (|ue tant que F contient des modules d'élasticité de valeur numé- rique inconnue qu'on doit employer un procédé d'approximation pour le calculer. 17. Barres prismatiques à déformation variant linéaire- ment le long de Vaxe, — Le cas qui suit celui que nous venons de traiter dans l'ordre de la complication croissante, celui où les composantes de la dilatation et de la pression sont des fonc- tions linéaires de z^ conduit encore à des résultats relativement simples ('). On peut montrer qu'avec cette hypothèse sont compatibles des pressions sur la base libre qui fournissent des résultantes perpendiculaires à l'axe de la barre, ainsi que des forces dans le volume, extérieures et de grandeur constante, pa- rallèles à Taxe delà barre. Nous donnons séparément les résultats pour ces deux cas. a. Force transversale agissant dans la section terminale libre, — Si l'on décompose la résultante agissant sur la sec- tion terminale libre en deux composantes A et B parallèles aux axes principaux d'inertie X et Y, on obtient, comme équations de la courbe de l'axe, en supposant que son premier élément soit ( • ) t>E Saint- Venant, Sav, étr., t. XIV, p. 263 et suiv., 1857; ^^' Voiqt, Wied. Afin., t. XXIX, p. 6ia; 1886. O W. VoiQT, TheoreL Studien, etc., p. 80; 1887. - 330 — maintenu dans Taxe de Z, La courbe axiale est du troisième degré, et, par suite, d'une cour- bure non uniforme ; le module de cette flexion non uniforme est le même, 533, que celui de la flexion uniforme. La flexion est, en général, accompagnée d'une torsion, bien qu'il n'y ait pas de moment par rapport à l'axe longîtudinaL La torsion moyenne d'une section à la distance z = ^ de la section fixe est donnée par Les modules sont les mêmes que ceux qui mesurent la torsion accompagnant la flexion uniforme (M. b. Force dans le volume, longitudinale et de grandeur con- stante. — Ce cas n'a qu'une importance théorique, à cause de la petitesse de la seule force qui puisse être ainsi appliquée, de la gra- vité. Nous ne ferons donc que mentionner brièvement qu'un cy- lindre posé verticalement ou suspendu et soumis à l'action de la pesanteur, formé d'une substance cristallisée, non seulement s'allonge, mais encore fléchit. Sa courbe axiale est représentée par les équations 186) l^-iZ'535?S r,=-\Z's,,X:^, où TJ est la force dans le volume agissant parallèlement à l'axe (les Z; les projections de la courbe axiale sur les plans de coor- données sont donc des cercles de rayon «87) R,-Z'535, K^^Z'S^,, et un point à la distance !J de l'extrémité fixe ;; = o subit un dé- placement (88) «•-- -z'533r. Les modules 533, 53», 535 qui interviennent ici sont donc ceux ( ' ) W. VoiGT, toc, cit., p. 87. - 331 — mêmes que nous avons rencontrés d'abord ensemble dans le pro- blème de la déformation homogène ('). Somigliana (-) a entrepris une généralisation de ce problème au cas où les composantes de la pression et de la dilatation sont proportionnelles à des puissances de z plus élevées que la pre- mière. 18. Calcul des modules principaux et des constantes prin- cipales. — Il résulte de ce qui précède comment on peut déduire des observations certains modules Shk-» rapportés à un système de coordonnées particulier X, Y, Z. Mais ces modules ne sont pas (les paramètres individuels au cristal considéré; ils varient avec la direction des axes X, Y, Z dans le cristal. Il est donc nécessaire de traiter le problème de la détermination des modules princi- paux caractéristiques s\f^ au moyen des modules secondaires ob- servés ^aa (•*). Il a été question, page 807, des relations entre les deux espèces de paramètres. Chaque s^k est représenté par la formule (66) comme une fonction linéaire de tous les s\f^ dont les coefficients dépendent de Torientation du système de coordonnées X, Y, Z par rapport au système des axes principaux élastiques X©, Y'o,Zo. On parviendra donc aux modules principaux en observant autant [^n) de modules secondaires convenablement choisis que le cristal possède de modules principaux indépendants, en exprimant chacun d'entre eux par les modules principaux et en résolvant les équa- tions ainsi obtenues par rapport aux modules principaux s\f^. Ces modules secondaires doivent être choisis, autant que la matière le permet, de manière que ces équations prennent une forme aussi simple que possible pour réduire Terreur probable des modules principaux calculés. On pourrait supposer, à première vue, que Ton peut déterminer tous les modules principaux d'un cristal en observant la même déformation sur /ï préparations d'orientation différente, c'est-à-dire en déterminant un seul module secondaire Shk rapporté à n sys- tèmes de coordonnées X, Y, Z différents. ( ' ) W. VoiQT, loc. cit., p. 95. (- j C. SoMiQLiANA, Giorn, di Min., Crist. e Petrogr., i" série, t. IV, p. i; iSgS. (^; W. VoiQT, Wied. Ann., t. XVI, p. 4o4; 1882. — 332 — Mais on voit très simplement que cette manière de faire ne conduit pas au but. Les facteurs Irigonométriques dmh*dnky dans l'expression (66) des modules secondaires, ne sont pas tous indé- pendants les uns des autres et, par conséquent, les modules prin- cipaux ne sont pas tous isolés dans ces formules, mais en partie réunis par combinaisons. L! observation d'une seule espèce de déformation ne suffit donc pas ^ en général^ pour déterminer tous les modules principaux d'un cristal. La méthode la plus commode pour la détermination d'un mo- dule d'élasticité est indubitablement la flexion d'une barre de section rectangulaire; elle fournit, d'après les formules (76) et (84), le module 533; si on l'exprime d'après Téquation (66) par les modules principaux s\f^ on obtient une relation qui ne contient les s^f^i^ que dans 1 5 combinaisons, par exemple dans les suivantes : çO çO çO çO çO çO oO çO çO {S\,-^SU), (5§,-+-5S,), isl,-^sl^\ On se convainc facilement que, même pour des groupes parti- culiers de cristaux, le nombre des combinaisons qui fîgureni dans ^33 est toujours inférieur au nombre des s\f^ eux-mêmes. Il en résulte que, pour la délerminalion expérimentale de tous les modules, il faut toujours combiner l'observation de flexions avec celle d'autres déformations. La circonstance pratique que ce sont les mêmes préparations qui peuvent servir pour la flexion et la torsion fait donner la préférence à celte dernière déformation avant toute autre. Mais la torsion de barres de section rectangulaire conduit, d'après (81) à (83) au module ^55; pour que la combinaison de la flexion et de la torsion conduise au but, l'expression de 553 par les modules principaux doit contenir les modules cO c'^ Q^ «0 çO çO çO çO çO oO çO cO **♦» *oô> "*6C» *23> *31> *12> "^i;» *-!ô« *3Gi "* 5 6 ' *64» *45» dans d'autres combinaisons que 533; en efl'et, le calcul effectué montre que 555 peut être exprimé par *il^*23 *ll *31» *Î2^^*31 *J3 *lî> *33^^'»ll *3l *tJ' *14 *14J *34 *14> *35 *15» *15 *S5ï *I6 *36» "*!• *i«» «0 «0 cO c* cO cO *44> **5» *66» *56» *«4» *4*ï — 333 - d'où l'on peut tirer de plusieurs manières six combinaisons indé- pendantes des précédentes. La combinaison d^ observations de flexion et de torsion permet donc de déterminer tous les modules principaux pour chaque groupe de cristaux. En outre, elle fournit des ressources éten- dues pour le contrôle de la théorie. En effet, toute observation en excès sur le nombre nécessaire pour la détermination des mo- dules principaux doit pouvoir se calculer au moyen des autres observations. Les modules principaux une fois trouvés, les constantes se calculent en considérant que les formules (6i) doivent donner par leur résolution par rapport aux composantes de la pression les équations (40- ^^^ constantes principales cj^ sont donc des rap- ])orls de déterminants des modules, et réciproquement. Il est facile d'établir les formules nécessaires, d'après des règles connues ; mais leur calcul est très peu commode pour les groupes de cristaux à constantes un peu nombreuses, et l'erreur probable des constantes principales est, par suite, incomparablement plus grande que celle des modules principaux, comme cela a déjà été dit page SoT). Thèses. La combinaison d'observations de flexion et de torsion faites sur des barres prismatiques fournit la méthode qui convient le mieux pour la détermination des constantes élastiques des cristaux. On déterminera le plus grand nombre possible des paramètres à l'aide de flexions, et l'on n'y adjoindra les torsions que pour les compléter. Dans les applications pratiques, les modules conviennent mieux que les constantes pour caractériser un cristal. Il est particulièrement recommandable de prendre pour axes principaux d'élasticité les trois directions rectangulaires dont les angles ne varient pas dans la compression uniforme en tous sens. VI. — Observations de paramètres élastiques de cristaux et leur usage. 19. Détermination de systèmes incomplets de constantes, — Énumérons d'abord les observations dirigées vers certaines ques- — 33i — lions particulières et qui n'ont pas conduit à la détermination d'un système complet de modules principaux. Les premières mesures quantitatives sur l'élasticité des cristaux et qui, par cela même, font époque, sont dues à Baumgarten (*); leur but était, dans notre langage, la détermination du module 533 par des observations de flexion sur des prismes de spath, d'orien- tations difl'érentes, et leur comparaison avec l'expression générale résultant pour ce corps de la formule (66). Les observations furent trouvées d'accord avec la loi théorique et contribuent par suite à donner une réponse à la question générale a posée page 3 1 9. La détermination de valeurs numériques du module 533 pour quelques cristaux cubiques a été aussi l'objet des observations de Koch (*) et de Beckenkamp (') ; le premier fit des recherches sur le sel gemme, la sylvine, le chlorate de sodium ; le dernier, sur Talun de potasse et sur l'alun de chrome; ces deux séries d'obser- vations ne suffisent pas à une comparaison avec la théorie. Les ob- servations de Coromilas (*) sur deux cristaux clinorhombiques (le gypse et le mica) concernent également le module 533, mais ne s'étendent qu'à des directions contenues dans un plan et sont, par suite, également incomplètes. Les valeurs de 533 pour la direction des axes cristallographiques principaux ont été déterminées parNiedmann (•^)dans labarytine. Des nombres isolés sur difl'érents cristaux sont donnés par Mal- lock («). Tous ces observateurs se sont servis de barres prismatiques, mais ils n'ont pas toujours eu soin de remplir la condition fonda- mentale que suppose la formule employée pour le calcul des observations, à savoir la petitesse des dimensions transversales par rapport aux dimensions longitudinales. La flexion des disques circulaires, supportés par deux arêtes de couteaux parallèles ("), ne se prèle pas à des déterminations exactes; ( ' ) (i. B.UMOAHTKX, Pogg. AfUl.. t. CLII, p. 3G() *, iS-^. (-; K.-U. Kocii, nied. Ann., t. XVIII, p. jjj; iS83. (•) J. Bkckknkamp, Zc/75(7t/-. /. Kryst., t. \ll,p. 419; 1887. (M L.-.V. CouoMiLAS, Diss. inaug.^ Tubingen; 1S77. H. NiKDMANN, Zeitschr.f. Kryst., t. XllI, p. 3()2 ; i8«SS. ) A. Mallock, Proc. lioy. Soc, t. XLIX, p. 38o; 1891. ) II. iNiEUMANN, /. c; H. Vateu, Zeilsclir. f. Kryst., t. XI, p. j49î i836. - 335 - de iii<}mc raplalîssemcnt d'une sphère isotrope pressée contre une plaque de substance cristallisée (*), parce que ces phénomènes ne peuvent être traités théoriquement. Cependant la méthode du disque circulaire peut servir ù démontrer, avec une petite dépense de matière, que, dans des cas particuliers, autour de Taxe normal au plan du disque, Télasticilé a la sjmétrie d'un solide de révolu- lion. C^esldans ce sens que la méthode indiquée par Groth a été em|)loyée par Vater ('^) à la confirmation d^ine conséquence delà théorie, sur des plaques de spath et d'apatite taillées perpendicu- lairement aux axes d'ordre 3 ou 6 de ces cristaux. La détermination de la compressibilité cubique d'un cristal avec le piézomètre ne fournit, d'après (74)? qu'une seule combinaison de modules principaux et n'a, par suite, pas grand intérêt pour la détermination d'un système complet de modules, d'autant plus que des mesures exactes de cette espèce présentent les plus grandes difficultés, l^ourtant cette observation, calculée au moyen de mo- dules déterminés d'autre part, peut fournir une vérification origi- nale de la théorie ( • ;. 20. Ih'ierniinaUon de systèmes complets de constantes, — Les déterminations de systèmes complets de modules ou de constantes n'ont été faites jusqu'à présent que par le rapporteur (en faisant abstraction d'une série d'observations (*) provoquée par lui, qui n'a pas de si<;nification décisive, k cause de la qualité inférieure de la matière). Les mesures faites par lui se rapportent aux cristaux suivants ( ' > : ( ' ; F. VvKiinACH. Wied. A/in., t. XLIIl, p. 61 ; iSyi. 1^* \ II. Vatfh, /. r. (^) W.-C HoNTORN cl J. Schneider, Wied. Ann.^ t. XXXI, p. 1000; 1887. ( •) II. Ki.AXU, Wied. Ann.^ t. XII, p. 3.m ; 1H81. (Observations sur la fluorine. «•alrult-c> «l'aprcs les formules de torsion inexartes de Fr. Neumann.) (' ; NV. VoiGT, l'Oi^g. Ânn. Er^anzun^sband, t. VII, p. i et 177; 1875. (Obscr- \atinnH sur le sci ^eiiiine, cairulôes également avec les formules inexactes . Wied. Ann., t. XXXV, p. T/p; iH^S ( nuorine. pyrite, sel gemme, sylvine). Ihid.. l. XLI\. p. 719; iH,)3 (cliloratc de sodium). Jbid.^ t. XXXI, p. /17V, 1887 ( b. r\ I et rri>lal de roehc). Jbid.^ t. XXXIX, p. 4«'-»; i^'jo (spath, en se servant sub^i- diairement «les nb^'rvations de flexion de Baum^arten ). /61c/., t. XL, p. 6^i; iSfi'» (dolonne). Ihid.. t. XLI, p. 713: 1890 (tourmaline du Brésil). Ibid.^ t. XXXIN . p. y**i; i8"j8 ( topaze et barytine ). - 336 - Système cubique. Groupe 28 Sel gemme, fluorine. » 29 Sylvine. )) 31 Pyrite. » 32 Chlorate de sodium. Système hexagonal . Groupe 21 Béryl. Système rhomboédrique. Groupe 9 Spath. » 10 Cristal de roche. j) 11 Tourmaline. » 12 (Dolomie). Système orthorhombigue. Groupe G Topaze, barytine. Les observations sur la dolomie n'ont, strictement, pas leur place dans ce Tableau, la matière dont on disposait n'ayant pas suffi pour la détermination de tous les paramètres; mais, entreprises en considération de l'une des questions générales formulées plus haut, elles donnent, par la comparaison de leurs résultats avec ceux qui ont été obtenus pour les autres cristaux du système rhomboédrique, une contribution importante à la réponse à cette question; elles sont donc intimement liées aux autres observations. Pour revenir à ces questions générales elles-mêmes, on n'a pas trouvé de divergence entre la théorie la plus générale (^des actions à distance ou des actions immédiates) et l'expérience (question a) dans le calcul des observations sur le sel gemme, le béryl, le spath dirigées de manière à vérifier certaines consé- quences surprenantes de la théorie. On pourra donc considérer les formules à 21 constantes comme embrassant les observations, d'autant plus qu'il est difficile de voir dans quel sens elles pour- raient encore être généralisées, tant que l'on conserve la propor- tionnalité, confirmée dans une mesure très étendue par l'expé- rience, entre les composantes de la pression et celles de la dilatation. - 337 - Les différences de propriétés des différents groupes de cristaux, possibles d'après leur symétrie, ont, jusqu'à présent, toujours été rencontrées dans la réalité. En particulier les cristaux cubiques, bien qu'optiquement isotropes, sont fortement anisotropes élastiquemcnt, et les cristaux du système rhomboédrique, quoi- que équivalents optiquement à ceux du système hexagonal, en sont complètement différents quant à leurs propriétés élas- tiques. L'élasticité de la dolomie présente un intérêt tout particu- lier, comparée à celle du spath, qui lui ressemble tant cristallogra- phiquement. La diversité de la symétrie qui parfois ne se manifeste pas du tout dans la forme et ne peut être mise en évidence que par des figures de corrosion, s'exprime d'une manière extrême- ment marquée dans les propriétés élastiques. L'observation n'a pas mis en évidence des relations numériques déterminées entre les constantes d'élasticité d'un même cristal (queslion c). En particulier, les relations de Poisson et Gauchy (69) n'ont pas été confirmées; pour le sel gemme, il est vrai, la relation unique qui s'en déduit pour le système cubique C12 = c^ est ap- proximativement remplie; pour d'autres cristaux du même système, par contre, elle ne l'est pas du tout; pour la pyrite et le chlorate de sodium même les signes de C|2 et de C44 ne concordent pas. Dans les autres systèmes également, à côté de concordances approxima- tives isolées, comme pour le béryl, on trouve de grandes diver- gences. L'hypothèse de forces moléculaires agissant suivant la ligne des centres et ne dépendant que de la distance doit être consi- dérée comme définitivement réfutée par ces résultats. Qu'elle soit invraisemblable pour d'autres raisons, cela a déjà été exposé page 289. Pour ce qui est des valeurs numériques des modules et des constantes d'élasticité, il n'y a sans doute pas lieu de les énumérer ici. Mais faisons les remarques suivantes : Les valeurs numériques absolues des modules d'élasticité sont extrêmement différentes pour les différents cristaux étudiés. En général les corps de plus grande dureté possèdent les plus petits modules et les plus grandes résistances élastiques. En prenant comme unité de force le gramme-poids et comme unité de longueur le millimètre, on a par exemple pour le chlorate C. P., I. 22 - 338 - de sodium 5,0j = 24,1 .10-8, «1°, = 12,3.10-8, 54^4 = 82,1 .10-', Dour la topaze s% = 4,34.10-», 5S3 =--0,65.10-8, sU = 9,06.10-8, 50, = 3,46.10-8, 5gi= — 0,84.10-8, 555 = 7,37.10-8, «53= 3,77-10-8, 5?,=— 1,35.10-8, 5Se=7,49-»o-8. Mais cette règle est loin d'être générale : pour la pyrite, par exemple, on a 5?! = 2,83.10-8, 5j, = 0,43. 10-8, 56^ = 9,3o.IO-8. D'après ce qui a été dit page 822, 5j>t = s^^ pour h et k égaux à I, 2, 3, mais h^k mesurent les dilatations transversales dans la direction de Taxe de coordonnées correspondant à h pour des tractions parallèles à l'axe de coordonnées correspondant à k. Pour ces modules, comme on s'y attend d'après ce que l'expé- rience a appris sur les corps isotropes, l'observation donne dans la plupart des cas des valeurs négatives. La dilatation longitudi- nale est accompagnée d'une contraction transversale, La topaze en donne un exemple. Mais cette propriété n'est pas générale; les nombres ci-dessus, relatifs à la pyrite et au chlorate de sodium, montrent que des cylindres taillés dans une de ces substances parallèlement à l'un des axes principaux et dilatés longitudinale- ment subissent aussi une dilatation transversale, résultat qui paraît quelque peu surprenant. Les recherches générales sur l'existence d'une solution unique dans les problèmes élastiques (c'est-à-dire sur la possibilité de plusieurs étals d'équilibre pour des actions extérieures données et des déplacements infiniment petits w, r, w) ont conduit à ce résultat que l'existence d'une seule solution ne peut être démon- trée d'une manière générale que dans le cas où le potentiel élas- tique y est essentiellement positif. Les conditions générales pour que cela ait lieu ont été données par Jacobi (*); elles sont satisfaites ou non suivant les valeurs numériques des paramètres élastiques; il est donc intéressant de (') Jacobi, Journ. de Crelle, t. 53, p. 281; 1837. — K. Wksendonck, IVied. Ann., l. XXXV, p. 21; 1888. - 339 - voir si les systèmes complets de paramètres qui ont été déterminés satisfont aux conditions de Jacobi. Wesendonck (* ) a enectué cette reclierche et a montré que réellement, dans les cristaux étudiés, le potentiel élastique /est une fonction essentiellement positive. 21. Application des résultats précédents aux corps iso- tropes. — Les résultats développés ci-dessus donnent lieu à des applications intéressantes aux corps isotropes. Nous avons mis en évidence, dans la deuxième Partie, que les formules d'élasticité à une constante, que fournit la théorie molé- culaire la plus ancienne, ne sont pas confirmées par l'expérience. Or, on pourrait supposer que l'introduction des lois générales de l'action moléculaire, avec lesquelles la théorie plus récente des actions à dislance opère et par lesquelles les formules de l'élasticité des cristaux arrivent à concorder avec la théorie des actions immé- diates et avec l'expérience, conduirait d'une manière analogue pour les corps isotropes aux formules à deux constantes que la théorie des actions immédiates fournit et qui sont d'accord avec l'observation. Mais cela n'a pas lieu d'une manière aussi immédiate. Car, si l'on considère un corps isotrope comme une accumulation des masses élémentaires, appelées moléculeSy possédant toutes les orientations relatives, la définition, page 291, des composantes de la pression montre que, dans celles-ci, la manière dont les actions moléculaires dépendent de la direction ne saurait avoir aucune influence sur la valeur des sommes en question ; ces dernières sont les mêmes que si, à la place de la force variable avec la direction, on faisait agir une force constante d'une certaine grandeur moyenne, et il en résulte la même relation entre les deux constantes d'élas- ticité que donnait l'ancienne théorie moléculaire. L'examen direct suggère une autre conception des corps isotropes qui conduit à des résultats nouveaux et plus satisfaisants (2). Tous les métaux, presque toutes les roches compactes se pré- sentent immédiatement comme des accumulations de cristaux de grandeur variant avec les circonstances, qui sont juxtaposés dans (') K. Wesendonck, Wied. Ann., t. XXXVI, p. 725; 1888. (î) W. VoioT, Theoretische Studien, etc., p. ^S; Wied. Ann, t. XXXVIII, p. 573; 1889. — 340 — toutes les orientations possibles; dans d'autres corps, par exemple dans certaines espèces de verre, la même structure est rendue visible par la corrosion d'une surface polie. On peut donc admettre qu'une structure de cette espèce, appelée quasi-isotrope par le rappor- teur, est la règle dans la nature. Quand les individus cristallins sont grands par rapport à la sphère d'activité des forces moléculaires, mais petits par rapport aux dimensions du corps, et quand ils remplissent complètement l'espace, sans couches intermédiaires de consistance lâche et pul- vérulente, on peut calculer des valeurs moyennes des composantes de la pression et, par suite, des constantes d'élasticité du corps quasi-isotrope en partant de celles du cristal homogène. D'après l'hypothèse fondamentale, tout plan mené par le corps quasi-isotrope coupe les individus cristallographiques dans toutes les orientations possibles, et les portions du plan contenues dans chacun d'entre eux sont grandes par rapport à la sphère d'action moléculaire. Il en résulte que les composantes de la pression contre un tel plan peuvent être égalées à la moyenne arithmé- tique des valeurs que prennent les composantes analogues dans le cristal homogène pour toutes les orientations possibles de r élément de surface. Partant par conséquent des formules - Xx = Cl, a:^ -^ Cxtyy -h ... -h c, g a?^., (89) , ( —\z— Ck\Xx -h C,,xyy -i- . . . H- Ci,^Xy, si l'on forme ces expressions pour toutes les orientations possibles du système X, Y, Z par rapport au système principal Xq, Yq, Zo, on obtient, en prenant leurs moyennes arithmétiques, les valeurs de la composante normale et tangentielle de la pression pour le corps quasi-isotrope. Les expressions résultantes prennent la forme : !—^X=CXx-\-Cxyy-¥Cl Zzy V ' OÙ c, Ci, C2 signifient : (91) • c= ^(3A-f-2B-+-4r), ci= l(A-h4B-ir), c,= ^(2A — 2BH-6r), — 3^1 - où Ton a posé, pour abréger, Cil -^cî,-t-cj3 = 3A, cS3-+-cg, -+-CÎ, =3B. A, B, r sont donc certaines moyennes simples de 3 x 3 =: 9 con- stantes principales de signification voisine; les 12 autres con- stantes principales ne Ggurent pas du tout dans les formules pour les constantes du corps quasi-isotrope. Entre les constantes c, Cf, Cq des équations (go), on a constam- ment, d'après (91), la relation (93) C2 = (C — c), que l'ancienne hypothèse moléculaire fournit aussi bien que la théorie des actions immédiates; mais, en général, il n^y a pas d'' autre relation entre les constantes. Les formules (90) à (93) sont donc identiques avec les résultats de la théorie des actions immédiates. Ce n'est que dans le cas où les molécules des individus cristal- lins ne possèdent pas de polarité et où, par conséquent, d'après (69), les formules de Poisson et Cauchy ^44=^13» ^55 = ^31» ^ee^^^iî» sont valables que B =: F et, par suite, I - Cl = - Cj, c = 3Ci. C'est la relation de Poisson pour les corps isotropes qui établit la transition aux formules d'élasticité à une seule constante et pour la vérification de laquelle on a exécuté tant de recherches avec le succès le plus variable. Partant du point de vue exposé plus haut, la diversité du rap- port — dans les différents corps est parfaitement compréhensible. Pour les cristaux dont les constantes d'élasticité ont été détermi- nées, le rapport — est facile à calculer d'après les formules (91) et (92), et l'on trouve la plus extrême variété de nombres parlant de i3,7 pour le cristal de roche et descendant jusqu'à des valeurs négatives pour la pyrite et le chlorate de sodium. - 342 - Quant à la vériGcation de celle ihéorie par l'expérièDce, on doil lenir comple de la difficullé qui réside dans la rarelé des corps quasi-isolropes de la composition supposée, CKislanl simul- tanément avec des cristaux de même matière susceptibles de me- sures. Les variétés compactes (quasi-isotropes) présentent en général des individus cristallins faiblement agglomérés par des niasses pulvérulentes de résistance élastique extrêmement petite. 11 est donc naturel qu'ils donnent, d'après des mesures faites par le rapporteur, en collaboration avec M. Drude (*), des résistances notablement plus faibles qu'ils le devraient d'après les for- mules (91) et (92). Cependant on peut montrer qu'il est plau- sible que ces perturbations aient des eflets proportionnels dans les difierentes sommes qui figurent dans les formules des pressions et que, par suite, malgré la diminution de la valeur absolue des constantes c et Cf , leur rapport doive avoir sensiblement la valeur théorique. Si Ton compare les valeurs de — observées sur les variétés compactes à celles qui sont calculées au moyen des constantes d'élasticité du cristal homogène, on trouve une concordance appro- chée. Particulièrement frappante est la manière d'être de deux variétés de silice amorphe comparée à celle du cristal de roche. Comme cela a été dit, ce dernier donne, à la place du nombre 3 de Poisson, la valeur exceptionnellement élevée de iS,^; pour le silex Tobservation a donné 11,7, pour l'opale i5,6. Pour bien ju- j:er de la signification de ces résultats, il convient de considérer que, d'une pari, il n'est pas certain que le silex et Topale con- liennenl réellement la silice dans la même modification que le cristal de roche, et que, d'aulre part, les valeurs directement observables des résistances à rallongement et à la torsion EetTse combinent dans l'expression du rapport des constantes — de telle façon que le résultat possède une sûreté relativement faible. 11 vaut mieux, par conséquent, faire la comparaison de la théorie et de l'observation sur le rapport E: ï lui-même; cette quantité est, d'après les relations de Poisson et Cauchy, égale à 2,5 pour ( ' ; W. VoiGT et P. Drude, IVied. Ann., l. \LII, p. 537; 1891. — W. Voiqt, ibid., i. \LIV, p. i-o: 1891. — ava- lons les corps, la théorie développée ci-dessus exige pour le cristal de roche 2 , 1 3c, les observations donnent pour le silex 2, i Sg, pour Topale 2,120. Cette concordance excellente est pour la théorie une confirmation de la plus grande valeur. THÈSES. Les observations faites jusqu'à ce jour sont d'accord, sous tous les rapports, avec les équations d'élasticité à 21 constantes. Des groupes de cristaux qui peuvent, d'après la théorie géné- rale, avoir des propriétés élastiques différentes ont, jusqu'à présent, toujours été trouvés différents. Les relations de Poisson et Cauchy entre les constantes d'é- lasticité sont vérifiées approximativement dans certains cas, mais dans la plupart elles ne le sont même pas d'une manière approchée. Les propriétés élastiques des corps isotropes ne peuvent être expliquées par l'hypothèse moléculaire que si l'on admet que ces corps sont composés de fragments de cristaux. APPENDICE. Théorie de la thermoélasticité ( ^ ). Dans l'exposition qui précède on a envisagé exclusivement des forces mécaniques agissant sur les cristaux (aux moments dans le volume près, dont il a été parlé en passant et qui sont à peine réalisables mécaniquement). Mais on sait que les forces élastiques peuvent être mises enjeu par d'autres phénomènes, ainsi en particu- lier par Faction de la chaleur, de champs électriques et magné- tiques. Chacune de ces actions donne lieu à des considérations théo- riques qui sont des généralisations importantes des précédentes. L'espace ne nous permet que de donner de brèves indications sur ces questions. On considère ces phénomènes comme réversibles au sens ther- modynamique, et l'on représente par conséquent le plus commo- dément leurs lois au moyen de la fonction appelée /?o^6'/i//e/ tlier- (') W. Thomson, Quart. Journ. of Math.^ t. I, p. 67; 1867. — N. Schiller. Journ. russ. phys. Ges.y t. XI, p. 6; 1879. Spécialement pour les cristaux : \V. VoiQT, Wied. Ann., t. XXXVI, p. 7^3; 1889. — 344 - modynamique dont l'exislence est précisément Texpression de celle réversiiiililé el donl les dérivées, on le sail, fouraîsseDl de la manière la plus simple loules les quanlilés caraclérisliqaes des phénomèoes considérés. Appelons û le potenliel ihermodvnamiqoe de fonilé de volume d'un crislal. Il dépendra, dans les phénomènes énumérés. en de- hors des composanles de la dilalalion x^. ...,x^. de la varialion z de la température el des composanles XVZ el ABC du champ électrique et du champ magnétique. Alors, d'après les principes de la Thermodynamique, les pre- mières dérivées partielles négatives de û par rapport aux compo- sanles de la dilatation x^. ...^Xy fournissent les composantes générales de la pression Zj., . . . , H^, celles par rapport aux compo- santes du champ électrique et magnétique, les moments électriques 5, T„ !!, et magnétiques a, ^3, y de l'unité de volume; la première dérivée partielle négative par rapport à la température donne Tac- croissement d'entropie de T unité de volume déterminé par les autres arguments. S'il s'agit, avec les composantes de la dilatation* tou- jours extrêmement petites, de variations de la température égale- ment très petites, el de faibles composantes des champs, on peut développer û suivant les puissances de ces variables el conserver seul le terme de degré plus bas qui intervienne (celui du second degré). La spécialisation de cette expression pour les différents systèmes cristallographiques peut alors être faite d'après les prin- cipes de la page 3 1 4, cl la meilleure manière de l'eflectuer est une décomposition convenable de Û en termes plus simples, comme celle qui a été faite page 299. Pour les phénomènes de la ihermoélasticité, les termes dépendant de Xx-, ...^.ry et T interviennent seuls. Q est donc ici composé d'une fonction homogène du second degré des Xx, . . ., Xyj c'est- à-dire du potentiel élastique ordinaire/, d'un terme en t^ et d'un terme bilinéaire en t el Xx, . • ., Xy, Nous pouvons donc poser : (94) ii =S—-'^qï^x-^qiyy-^ ... -^ <76^j) — \ f'^y où les rjfi et r représenlenl des constantes. On a alors, pour les composanles delà pression, les formules (95; Z^=\^-^p, et la différence de marche - + -^ (•) 2 3oooo ^ ''' X étant la longueur d'onde et o la différence des efforts principaux en kg : mm^. On a donc en chaque point la même coloration que dans les anneaux de Newton pour une épaisseur - 7: '^ '^ 1 3oooo En faisant tourner le système formé par un analyseur et un po- lariseur rendus solidaires, on peut donc avoir en chaque point les axes au moyen de la direction de l'extinction. Au moyen de la (*) Le coefficient j^^ a clé déterminé par Werthcim {Annales de Chimie et de Physique, t. XL, i854\ - 351 - coloratioQ, ou d'un compensateur, on détermine la différence des efforts principaux. Leur somme divisée par le coefficient d'élasticité du verre et multipliée par le rapport connu de la contraction transversale à rallongement est égale à la variation d'épaisseur. Cette dernière se mesure par comparaison avec des plans fixes. On peut donc trouver expérimentalement la solution complète de problèmes d'élasticité non encore résolus par le calcul. Pour la vérification des déductions de la théorie de l'élasticité, on peut, en général, se contenter de déterminer la direction des axes et leur différence, ce qui est très facile. Exemples : 1 . Pièce pressée suivant une ligne droite normale aux faces latérales. — M. Flamant, inspecteur des Ponts et Chaussées, a donné {Annale^ des Ponts et Chaussées^ iSgS) la solution du problème d'élasticité suivant : Un solide indéfini est limité à un plan horizontal et à deux plans verticaux; ses éléments ne sont susceptibles que de mouvements parallèles à ces deux plans verticaux. Il est chargé uniformément suivant une droite o/ du plan horizontal, droite perpendiculaire à un des plans latéraux. Cette solution convient, en remplaçant les premiers coefficients d'élasticité par d'autres, au cas où les éléments sont libres de se déplacer en tous sens pourvu que le solide reste mince. Dans la solution de M. Flamant, chaque élément du corps est en effet soumis, suivant les directions principales oœ^ oy^ oz, à des tensions (V| tension suivant ox; f\ coefficient de contraction latérale), et, par suite, subit dans ces mêmes directions les allongements Vi , O, —V, £ coefficient d'élasticité. Si je considère le même élément soumis à un système de forces principales parallèles aux précédentes o, o, — V - 352 - et pris dans une autre substance dont les coefficients soient tels que les déformations parallèles au plan xoy soient les mémes^ c'est-à-dire que I — r « les déplacements u et iv seront les mêmes, les déplacements ç^ seuls changeront. De telle sorte que l'on aura u = u\ p = o, w = w\ Les expressions qui donnent w et w en fonction de v, et des coefficients d'élasticité Xet ui conviendront pour les déplacements dans les deux cas. En y remplaçant X et [jl par leurs valeurs en fonc- tion de X' et [jl', on aura les relations entre w', v^ et^', [jl' qui seront les solutions du nouveau problème. On voit immédiatement, en particulier, que les efTorts Vor, v^ et T parallèles à deux axes fixes, déterminés par M. Flamant, qui sont indépendants de X et [jl, ne changeront pas. De l'expression à laquelle M. Flamant est parvenu à la fin de son Mémoire (p. 260), on tire immédiatement les conclusions suivantes : Les surfaces isostatiques ou surfaces tangentes aux plans prin- cipaux sont des plans passant par la droite qui supporte la charge et des cylindres de révolution autour de cette droite. Les ellip- soïdes des efforts sont tous réduits à une droite dont le prolon- gement passe par la droite suivant laquelle est appliquée la charge. La valeur de la tension principale est en M •2P vi = cosa, lier P poids appliqué ; u = 3 , I .i 1 5 . . . ; c épaisseur du verre ; r distance à la droite chargée ; a angle avec la verticale. Les efforts varient donc en raison inverse de la distance. Les - 353 — lubes formés par les surfaces isostatiques sont de véritables tubes de force, dans le sens de la Physique. Une portion de surface quel- conque coupant un de ces tubes supporte une pression totale constante. Pour que la pression principale soit constante (ou la différence des pressions principales, puisque deux sur trois sont nulles), il suffit que cosa = consi. r Cela a lieu pour des cylindres tangents à la surface supérieure suivant la ligne chargée; car on a dcosa. = r, d étant le diamèrre. Donc la différence des pressions principales sera constante sui- vant des cylindres droits circulaires ayant pour base des cercles décrits sur des portions quelconques de la verticale rencontrant la charge comme diamètre. Les diamètres des cylindres dans lesquels la pression croîtra comme les nombres i, 2, 3, ..., seront entre eux comme les inverses de ces nombres -,->-. I 2 i On vérifie qu'il en est bien ainsi dans une pièce de verre pressée suivant une ligne de sa surface par un cylindre de cuivre de très petit diamètre et appuyée d'autre part d'une manière quelconque, pourvu qu'on ne considère qu'une région suffisamment éloignée des points d'appui que la solution suppose à l'infini. Quelle que soit l'orientation du système formé parle polariseur et Tanaljseur croisés, on voit des cercles irisés tangents à la sur- face supérieure au point de contact. C'est l'apparence bien connue sous le nom à'œil de paon. En lumière monochromatique il est facile de vérifier que les diamètres des cercles sont entre eux comme les nombres 1 , - > - * .... 2 /i 2. Barreau fléchi sous un moment constant, — On obtient ce cas de flexion dans la partie centrale de l'appareil connu sous le nom de pince à courber le verre. Le barreau est soumis aux extrémités à deux efforts verticaux égaux dirigés vers le haut, par C. P.,I. a3 — 334 - exemple, en deux points situés à des distances égales de rexlrémité à deux efforts verticaux égaux dirigés vers le bas. Entre ces deux derniers points le moment est constant. La théorie indique que les efforts principaux sont en chaque point horizontaux et ont pour expression P pression totale; b distance des efforts de sens contraire ; e épaisseur du barreau ; h hauteur du barreau ; y distance au plan horizontal passant à moitié de la hauteur. On constate effectivement que, sauf aux abords des points pressés, on a, entre deux niçois croisés, des bandes parallèles au plan horizontal passant au milieu de la hauteur, fibre neutre qui est noire, quelle que soit l'orientation. En lumière monochroma- tique ces bandes sont équidistantes. 3. Barreau fléchi chargé d^un poids unique en son milieu. — D'après la théorie, une pièce semblable est dans une section ver- ticale, non voisine des appuis ou de la charge, sollicitée par des efforts qui sont le résultat de la superposition d'efforts normaux horizontaux analogues à ceux du cas précédent (dus au moment fléchissant) et d'efforts tangenliels (dus à l'effort tranchant). C'est un cas bien net de superposition d'efforts. En particulier, la théorie indique que, suivant l'axe moyen, on a deux efforts principaux égaux et de signe contraire, inclinés de DO grades sur la direction des forces extérieures. Ces efforts sont, au contraire, horizontaux près des surfaces supérieure et infé- rieure. C'est effectivement ce qu'a constaté expérimentalement M. Carus Wilson ('). Les différences près des appuis tiennent à ce que les formules qu'on possède jusqu'à présent ne résolvent pas complètement le problème de l'équilibre du solide fléchi. Elles supposent : i° que les efforts normaux à la section faisant équilibre au moment fléchissant suivent une loi linéaire, ce qui est très près de la vérité dès qu'on s'éloigne des points d'appli- (' ) Pliil. Mag., t. XWIIl, p. 48i; décembre 1891. - 355 — cation des forces extérieures ('); 2" que, par conséquent, les efforts tangentiels sont répartis dans la hauteur suivant une loi parabolique, ce qui ne peut être vrai qu'à une certaine distance du point d'application des forces extérieures. II. — Déformation permanente. Quelle que soit la déformation permanente, le volume reste invariable. Les petites différences signalées dans quelques expé- riences de traction peuvent fort bien s'expliquer par des fentes. Si Von opère sur des pièces semblables, dUine même ma- tière, dans le même état, soumise à des forces semblablement disposées, il faut, pour changer les dimensions dans un même rapport, des efforts totaux proportionnels dont le coefficient de similitude est le même que celui des pièces et un travail proportionnel au carré de ce coefficient. Traction. — Si Ton porte en abscisses les allongements bruts et en ordonnées les efforts bruts nécessaires pour les produire, on obtient, comme résultat d'expérience, une courbe qui est d'abord formée d'un tronçon OM à peu près rectiligne, très voisin de l'axe des j^ (allongement élastique); puis, à partir de la limite d'élas- ticité, d'une portion MN de courbe ascendante s'écarlant rapide- ment de l'axe Oy] enfin, après avoir atteint un certain maximum en N, dans une dernière portion NP les ordonnées décroissent jusqu'à la rupture. Si, l'état du corps étant représenté par un point quelconque Q de la courbe situé entre M et N, on diminue la charge, on décrit une droite QR parallèle à MO. Si la charge augmente à nouveau, on décrit cette droite en sens contraire jusqu'en Q. Le corps est donc élastique et a une nouvelle limite élastique représentée par le point Q, supérieure à celle qu'il avait initialement . Le coefficient d^ élasticité est sensiblement constant. Quand l'état du corps est représenté par le point N, où la résis- (') Clebsch, Élasticité; traduction française. Note de MM. de Saint-Venant el Flamant, p. 186. Voir aussi Navier et Saint- Venant, Résistance des matériaux, 3*édit., p. 33. - 336 - rance totale est maximum, commence le phénomène de la stric- tion, La déformation se localise. Jusque-là, en effet, si une section se trouvait plus faible que les autres, elle était seule à prendre une déformation permanente qui lui communiquait bientôt une résistance égale aux autres (la courbe étant ascendante), et l'al- longement restait uniforme. A partir du maximum, toute section faible reste faible et devient de plus en plus faible par défor- mation ; la déformation est localisée. On utilise fréquemment la courbe obtenue en multipliant les I -r- )/ ordonnées de la précédente par — ^> X' étant rallongement re- latif de la longueur initiale, S la section initiale. Les ordonnées de cette dernière courbe sont les efforts par unité de section actuelle, les abscisses les allongements de l'unité de longueur initiale. Elle met en évidence le fait important suivant: La résistance par unité de surface s^ accroît constamment pendant la traction, même pendant la période de striction. Pour avoir les efforts par unité de section actuelle rapportés aux allongements de l'unité de section actuelle, il suffit de prendre pour abscisses les logarithmes népériens des longueurs dans les- quelles s'est transformée l'unité de longueur initiale. L^unité de longueur est, en effet, devenue i -^ )/, et son allongement -, • Or J ■ Cette courbe, fort peu différente de la précédente, a l'avantage sur elle de donner des arcs toujours superposables, quel que soit l'état initial du métal, dont elle est indépendante. Depuis lon«;lemps on a remarqué que les ruptures des corps doux, se font sous des angles constants, dirigés symétriquement par rapport aux. plans principaux de l'ellipsoïde de Lamé. Thime, professeur à l'Institut des Mines de Saint-Pétersbourg, dans un Mémoire de 1877, indiqua que le refoulement de la ma- tière dans le rabotage des métaux, est, quelle que soit Tinclinaison de l'outil, limitée à un plan faisant un angle constant avec la direc- tion de l'outil, ce qui semblait indiquer une déformation par glis- sement. — 357 — M. Hartmann (*) appela inattention sur les lignes qui se pro- duisent à la surface des métaux quand la limite d'élasticité est dé- passée. Il mesura leurs formes et leurs angles dans un grand nombre de cas classés méthodiquement. 11 montra qu'à la traction simple en particulier il se produit deux systèmes de lignes faisant avec la direction de traction un angle constant a plus grand que 5o grades, indépendant de la température et de l'écrouissage. En examinant un certain nombre d'éprouvettes minces rectan- gulaires, nous avons reconnu (-) que les éprouvettes, qui ne pré- sentaient qu'une seule ligne bien nette sur les grandes faces, étaient désaxées de part et d'autre de celte ligne. Il est visible qu'une partie de l'éprouvette a glissé par rapport à l'autre suivant un plan passant par la ligne et normal aux grandes faces. Quand deux lignes symétriques par rapport à la direction de la traction se coupent successivement, la seconde sectionne la pre- mière en deux tronçons qui cessent d'être dans le prolongement l'un de l'autre. Dans les éprouvettes rectangulaires épaisses, les lignes généra- lement sur une face font l'angle a avec l'arête et se retournent sur l'autre normalement à l'arête. La déformation permanente est donc constituée par des glissements qui se produisent dans des plans faisant avec la direction de la traction un angle fixe. Guidé par la forme des surfaces de rupture dans les métaux, Duguet, capitaine d'artillerie, avait, en i885 ('), constitué une théorie de la déformation permanente basée sur la supposition d'une déformation par glissement. Il faisait remarquer que la résistance au cisaillement devait être afl'ectée par la pression nor- male, les ruptures par glissement ne se produisant pas suivant une pente de -• Il fallait donc que cette résistance, que l'on désigne souvent aujourd'hui sous le nom de dureté, fût modifiée par le (') Comptes rendus, t. CXVIII, p. 52o; 5 mars 1894. — Distribution des dé- formations. Berger- Levrault, 1894. (^) Comptes rendus, t. CXXVI, p. 879; i4 février 1898. (3) Duguet, Déformation des corps solides, t. II, p. 28. Berger-Levrault. - 358 - frottement (') du solide sur lui-même; il posait, au moment de la rupture (p. 3i) (2), Maximum (T qp N/) = G, T effort tangentiel; N effort normal ; G dureté au moment de la rupture, formule qu'il étendait à la rupture de l'équilibre élastique (p. 4;) Maximum (Tq=N/) = g. Il reconnaissait ainsi que l'équilibre devait se rompre, dans le cas de traction simple, dans des plans faisant avec la direction de traction des angles de plus de 5o grades et qu'à la compression on devait obtenir l'angle complémentaire. C'est ce qu'a constaté M. Hartmann (''). Duguet parvenait toutefois à une autre conséquence, contredite par l'expérience : la limite d'élasticité à l'extension devait être 0,7 de la limite d'élasticité à la compression. Il donnait^ il est vrai, une explication plausible. L'expérience ne devait montrer que des différences de 0,1 entre les deux limites, grâce aux efforts obliques dus aux imperfections de la machine ou des éprouvetles. Un assez grand nombre d'expériences récentes semblent indi- quer que ces limites sont plus rapprochées encore (*). Quelques observateurs, toutefois, donnent des valeurs 1res notablement dif- (') L'hypothèse d'un frottement intérieur analogue au frottement d'un solide sur un autre est rationnelle. On peut s'étonner qu'on ait si longtemps considéré les solides comme formés de molécules ne réagissant que suivant la droite joi- gnant leurs centres. Dans ces conditions, la résistance au glissement serait insi- gnifiante; même pendant le glissement par raison de symétrie, la résultante des efforts devrait rester normale au plan de glissement. (^) M. Maurice Lévy a employé une formule équivalente pour la résistance des barrages {Comptes rendus, 5 août 1896 ). (^) Dans les métaux ferreux, le frottement parait plus fort au départ que dans le mouvement, peut-ôtre par suite d'un changement d'état. Quand, après défor- mation, on supprime l'effort, on n'obtient de nouveau la déformation que sous un effort plus grand que précédemment, mais qui ne tarde pas à diminuer rapi- dement jusque vers cette valeur précédente. Ce maximum explique l'importance par localisation des premières lignes, au contraire mal visibles dans le cuivre avant la striction. (*) DuPUY, Annales des Ponts et Chaussées; 1897. ' " Galy-Aciié et Crah- BONNiER, Rapport au Congrès des méthodes d'essai; Paris, 1900. — 359 - férentes ('). Nous avons fait quelques expériences de flexion de barreaux d^acier sous moment constant, dans le but de déterminer, au moyen de l'apparition des premières lignes d'Hartmann, la relation entre les limites d'élasticité à l'extension et à la compres- sion simples. Nous n'avons pu trouver de différence appréciable. Les lignes à la compression, plus visibles que les lignes à la trac- tion, ont paru parfois se montrer plus tôt; sur les faces latérales elles s'étendraient sensiblement à la même distance. Si, dans les formules de Duguet, on ajoute à l'effort normal l'effort transversal qui semble produire l'éclatement des solides cassants à la compression, on rapproche les limites et l'on peut s'expliquer l'égalité que parait indiquer l'expérience. Cet effort complémentaire explique aussi l'effet d'orientation que la surface paraît produire sur les plans de glissement. L'hypothèse du frottement interne conduit en effet à cette con- clusion que, si l'ellipsoïde de Lamé a trois axes inégaux, l'équi- libre devra se rompre par glissement suivant deux plans passant par Taxe moyen de rellipsoïde et faisant avec le plus grand l'angle a (en convenant de compter positives les extensions). Si l'ellipsoïde est de révolution (cas d'une traction simple), les plans suivant lesquels s'opèrent les glissements étant unique- ment astreints à faire l'angle a devraient couper la surface suivant toutes sortes de directions. Or, l'expérience montre qu'au con- traire leurs traces font un angle fixe égal à a. Sur un cylindre (^), en particulier, ils forment des hélices, ce qui indique nettement leur orientation par la surface. L'axe de l'ellipsoïde normal à celle-ci devant être uniformément nul, pour qu'il soit l'axe moyen il faut que l'axe parallèle à la surface et normal à l'exten- sion soit un axe de compression, donc que tout effort principal donne naissance à un effort principal de signe contraire. Les études de métallographie microscopique ont montré que les cristaux relativement gros après le recuit deviennent d'autant plus petits que le métal a subi des déformations permanentes plus considérables. Il y a donc cisaillage de ces cristaux dans la déformation permanente. L'écrouissage peut être considéré comme une fonction de la dimension de ces cristaux. ( ' ) Kejto, Die Innere Beibung; Arthur Félix, Leipzig. ('} Hartmann, Distribution des déformations. - 360 - Il est donc vraisemblable que raccroissement de la résistance élastique à la suite d'une déformation permanente, que la résistance au cisaillement ou la dureté, n'est pas une fonction vectorielle, mais est la même dans toutes les directions en un point. L'éprouvette que l'on pourrait prélever aurait même limite d'élasticité, quel que fût le sens dans lequel on la prélevât. Le fait a été vérifié au La- boratoire de l'Artillerie de marine (* ). Les corps isotropes restent donc isotropes en chaque point. L'écrouissage étant une fonction des glissements qui constituent les déformations permanentes, il ne dépend que de ces glissements, non des forces qui les ont produites. Considérons un cube dont deux faces parallèles verticales, par exemple, sont maintenues dans deux plans invariables ; qu'il soit déformé par des tensions horizontales appliquées sur les deux faces verticales libres, ou par des compressions verticales appliquées sur les deux bases, ou par les deux systèmes de force simultanément, les glissements étant les mêmes dans les mêmes plans faisant l'angle a avec la direc- tion de traction, l'écrouissage sera le même. L'allongement et le raccourcissement infiniment petits étant ici les mêmes en vertu du principe de la conservation des volumes, on peut dire que, pour le même allongement infiniment petit par traction ou par compression, l'écrouissage est le même. On peut même énoncer la proposition générale : un raccourcis- sement infiniment petit par compression simple donne même écrouissage que V allongement égal par tension simple. En effet : i" Tant que les accroissements sont infiniment petits, l'écrouis- sage est proportionnel à la déformation. 2° Le raccourcissement infiniment petit — dX' peut être dé- composé en n parties égales Pendant chaque partie - de la déformation on ne permet les déplacements que parallèlement à un plan passant par la direction de la compression. On change la direction de ce plan pour chaque partie - de la déformation — dï! , Dans chaque azimut l'écrouissage est le même que pour l'allon- gement égal. ( ' ) Galy-Aché et CuARBONMER, liapport au Congres des méthodes d'essai. - 361 - Par un raisonnement analogue on verrait que : Pour un allongement quelconque, V accroissement de la du- reté est le même, quelles que soient les déformations {égales ou inégales) qui en aient été la conséquence dans des sens perpendiculaires. Il en est de même pour un raccourcissement quelconque. L'allongement V^ et le raccourcissement Xg, qui donnent même écrouissage, sont liés par la relation (i-i-)/,)(i-x;)= I. L' écrouissage est une fonction de la valeur du travail qu'il aurait fallu dépenser sur le corps en n'employant que des forces de traction pour produire la déformation. Si les deux limites d'élasticité ne sont pas égales, le travail serait différent, mais dans un rapport fixe avec le précédent, en employant des forces de compression. On peut, avec les relations précédentes, déduire les courbes de compression des courbes (^extension. On connaît, en effet, les abscisses allongement et raccourcissement correspondant à une même dureté, autrement dit à des limites élastiques dont le rap- port est connu, celui des limites élastiques du corps considéré. Flexion, — On peut, des courbes de traction et de compres- sion, déduire le moment résistant d'une barre qui subit des défor- mations permanentes. Il suffit de tenir compte de ce que les sec- tions restent planes, fait expérimental. Le coefficient d'élasticité restant constant quelle que soit la déformation permanente subie, les formules de l'élasticité s'ap- pliquent à un corps qui a subi des déformations permanentes quelconques dans ses différentes parties en tenant compte, s'il y a lieu, des tensions intérieures qui peuvent y exister. Sous des charges croissantes, les glissements commencent dans des surfaces faisant Tangle a avec le plus grand axe de l'ellipsoïde des tensions et passant par l'axe moyen. Par suite du dépassement de la limite d'élasticité en un certain nombre de points, les efforts cessent de croître proportionnellement aux allongements; leur répartition est donc changée. Les lignes d'Hartmann se prolongent en se modifiant suivant la nouvelle répartition des efforts. Leur — 362 figure, après développement complet, ne peut donc se déduire des efforts de la période élastique. Conclusions. Un corps soumis à des efforts se déforme élastiquement suivaat les lois de la théorie de l'élasticité, tant qu'en tout point les efforts principaux sont tels que (l) .;>.^_^v,-r-V,-i-V,)— ^, V, cohésion; V3> V2>v,, tensions principales; 7\, rapport de l'al- longement à la contraction latérale dans la traction simple: (2) o> — itang^};-r- 2 ( I — rj cos ^ 0, dureté; tang*!/, coefficient de frottement intérieur; 4 =r aa — y, a étant l'angle des lignes d'Hartmann avec la direction de trac- tion simple. Si, la condition (2) étant remplie, la condition (1) cesse de l'être, le corps se rompt sans déformation permanente préalable. Si l'inverse se produit, il y a déformation permanente; o croît avec la déformation en général et, par suite, celle-ci est limitée et uniforme. Si 0 décroît, il peut y avoir rupture par glissement. Pour être en état de prévoir toutes les déformations lentes d'un solide isotrope à une température déterminée, il faut connaître : 1° Sa cohésion v, que Ton peut déterminer par la résistahce à l'arrachement d'éprouvetles entaillées; 2° L'angle a des lignes d'Hartmann ou le coefficient de frotte- ment intérieur qui paraît constant; 3" La dureté 0 ou résistance au cisaillement en fonction d*une série de déformations, par exemple de celles qui se produisent dans la traction. Cela revient à construire la courbe de traction. Si les déformations devaient être rapides, il faudrait connaître en outre Taccroissement du frottement extérieur en fonction de la vitesse. - 363 - LA CONSTITUTION DES ALLIAGES MÉTALLIQUES, Par Sir W. ROBERTS-AUSTEN, MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ ROYALE, DIRECTEUR DES ESSAIS A LA MONNAIE DE LONDRES, ET A. STANSFIELD, DOCTEUR ES SCIENCES. Traduit de l'anglais par P. Langevin, Préparateur à la Sorbonne. INTRODUCTION. Quand l'élude de la Chimie commença à faire de rapides pro- grès, après que John Dalton eut découvert, en i8o3, la loi des proportions multiples et formulé, en 1808, son hypothèse atomique, l'attention des chimistes se dirigea principalement vers la recherche de la nature et des propriétés des corps tels que les sels, pour lesquels les conclusions de la théorie atomique se véri- iiaient de la manière la plus évidente. Comme les alliages métalliques se trouvent sur la limite des domaines du chimiste et du physicien, ils furent naturellement beaucoup négligés dans cette première période, et quand, plus lard, leur étude fut sérieusement entreprise, les différents expéri- mentateurs se laissèrent, semble-t-il, dominer trop complètement par les idées atomistiques. Ce fut seulement après que la Physique eut reçu un nouveau développement et que la nature des solutions eut été plus complè- lement étudiée, qu'il devint possible de se faire une idée exacte de la constitution des alliages. H est reconnu aujourd'hui que les — 36i - expériences sur la nature des alliages solides et fondus contribue- ront notablement à développer nos connaissances sur la constitu- tion des solutions en général. Méthodes de recherche. L'étude des alliages, au point de vue du chimiste, s'est montrée difficile, parce que les métaux qui les constituent ne se combinent pas en proportions atomiques simples. Le physicien, de son côté, s'est trouvé gêné dans la même étude par Topacité des métaux et des alliages qui excluait l'emploi des méthodes optiques, à quelques exceptions près. Les alliages, de plus, ne sont pas des conducteurs électrolytiques, et un vaste champ d'études s'est ainsi trouvé fermé jusqu'à présent. En raison de ces difficultés, les méthodes de recherche qui ont été adoptées sont essentiellement indirectes. Presque toutes les propriétés physiques et chimiques des métaux ont été utilisées pour leur étude, et nous pouvons dire, d'une manière générale, que les efforts ont été principalement dirigés dans le but de déterminer: 1° Quels sont, dans un alliage donné ou dans une série d'alliages, les différents groupes de composés qui constituent l'alliage solide. Dans ce sens, il faut rechercher la composition chimique, la pro- portion et la répartition de chaque groupe. 2° Dans quelles conditions certains de ces groupes constituants cristallisent ou se séparent de l'alliage fondu pendant la solidifica- tion. Toutes les modifications moléculaires ou autres qui peuvent se produire pendant le refroidissement ultérieur de la masse métallique jusqu'à la température ordinaire doivent aussi être observées. Quand des indications complètes sur ces deux points ont été obtenues, il devient possible de rechercher quelle était la consti- tution de l'alliage encore en fusion. On peut le considérer comme une solution des différents métaux et de tous les composés chimiques que l'on a rencontrés. Les changements qui se produisent pendant la solidification et la persistance dans une certaine proportion d'une solution solide mutuelle des métaux peuvent être étudiés ensuite. - 365 — Les indications nécessaires pour résoudre ces problèmes ont été cherchées dans beaucoup de directions différentes qui peuvent être classées dans deux catégories distinctes : A. — Groupement chimique des métaux dans un alliage solide. Les expériences entreprises pour déterminer le groupement chimique des métaux dans un alliage solide comprennent les recherches suivantes : a. Examen microscopique <ïune sur face polie ou creusée par un réactif, — Cet examen fut entrepris d'abord pour le fer et Tacier par Sorby, dont les publications remontent à 1864. Les autres recherches sur la structure microscopique de l'acier sont dues principalement à Martens, Osmond, Wedding et Werth, tandis que Stead s'est occupé spécialement des alliages autres que ceux du fer. Les premiers expérimentateurs se contentèrent le plus souvent de dessiner l'aspect des images vues dans le micro- scope, mais la photographie est maintenant d'un usage général. L'application de cette méthode de recherche aux alliages autres que ceux du fer est d'origine relativement récente. Elle doit son développement principalement à Osmond. Elle s'étend rapidement et devrait toujours être associée aux autres modes d'expérimen- tation. b. Séparation des éléments constitutifs par des dissol- vants convenables, avec ou sans emploi du courant électrique, — Ce procédé est fréquemment essayé pour déterminer la nature des différents éléments constitutifs révélés par le microscope. c. Force électromotrice de dissolution, — L'essai fait par Laurie et d'autres pour déterminer la constitution des alliages en mesurant la force éleclromotrice d'un élément de pile formé par l'alliage, un des métaux qui le composent et un électrolyte conve- nable est en relation étroite avec la méthode précédente. Les indications fournies par ces expériences sont quelque peu difficiles à discuter, en raison de la constitution très complexe de la plupart des alliages solides. d. Résistivité électrique des métaux et des alliages. — De nombreuses recherches ont été faites dans cette direction; on peut citer les travaux classiques de Matthiessen et ceux, plus récents, - 366 - deDewar et Fleming. Il est certain, d'ailleurs, que de semblables recherches doivent toujours être accompagnées d'un examen mi- crographique de l'alliage étudié. La détermination de la résistivité des alliages fondus fournira sans doute des documents précieux sur leur constitution. e. Densité des alliages, — Cette grandeur a été soigneuse- ment déterminée et comparée aux résultats fournis par le calcul à partir des densités des métaux constituants. On a essayé de mon- trer que les écarts observés sont dus à la solution mutuelle ou à la combinaison des métaux. Les variations brusques ont particu- lièrement été recherchées et ont été attribuées à la formation de composés chimiques définis. /. Chaleur de combinaison, — Lord Kelvin a cherché à rendre compte de l'effet Volta par la chaleur de combinaison des métaux. On connaît peut de chose actuellement sur les indications que peuvent fournir ces mesures au sujet de la constitution des alliages ; mais les résultats obtenus prendront plus tard une im- portance capitale au point de vue quantitatif. Lord Kelvin a été suivi dans cette voie par l'un de nous, par Galt et par Gladstone. La mesure de la chaleur de combinaison peut se faire en ajou- tant un métal à l'autre métal en fusion; mais la chaleur de combi- naison des métaux à l'état solide ne peut être obtenue qu'indi- rectement. Quelques auteurs ont employé la méthode qui consiste à com- parer les chaleurs de dissolution, dans un même acide de l'alliage et des métaux pris séparément; on peut faire cette objection que les produits de la réaction chimique ne sont pas toujours les mêmes. Il doit cependant être possible de choisir des dissolvants qui ne prêtent pas à cette objection. D'autre part, en raison de la nature complexe de la plupart des alliages solides, il importe d'être très circonspect dans la discussion des résultats quantitatifs obtenus par ce procédé. g. Pouvoir thermo-électrique et différence de potentiel de contact, — On a essayé, sans grand succès jusqu'à présent, de baser des théories de la nature des métaux et des alliages sur la considération de ces propriétés. Les changements plus ou moins brusques qu'elles subissent ont cependant été employés utilement comme indications d'un changement allotropique ou chimique. On - 367 — peut citer comme exemple le changement des propriétés thermo- électriques du fer à la température de recalescence. h. Diffusion métallique dans les alliages liquides et solides. — Nos connaissances sur la constitution des métaux et des alliages solides ou liquides se sont beaucoup étendues, grâce aux expé- riences de diffusion liquide ou solide des métaux, qui ont fait Je sujet de la Bakerian lecture, faite par Tun de nous en 1896 ('). Les expériences de Spring sur la compression, et celles d'Ewing et Rosenhain sur la croissance des cristaux, ont fourni d'importants résultats. C'est dans des expériences de ce genre, faites sur des alliages solides, que nous devons chercher une plus ample infor- mation au sujet de la nature des solutions solides, qui jouent un rôle si important dans la constitution des alliages. i. Conductibilité électroly tique, — On a cherché à recon- naître s'il n'existe dans les alliages solides ou liquides aucune trace de conductibilité électrolytique ; des expériences dans ce sens ont été faites par l'un de nous pour VElectrolysis Committee of the British Association (-). On chercha à électrolyser un alliage fondu d'or et de plomb; mais, bien qu'un courant très intense ait été employé, aucune trace d'électroljse ne fut obtenue. Cela peut être dû à ce qu'une diffusion rapide rétablissait l'équilibre de composition de la masse fondue. B. - SÉPARATION DES COMPOSÉS PENDANT LA SOLIDIFICATION. Les expériences destinées à déterminer les conditions dans les- quelles les différents composés se séparent de l'alliage fondu pen- dant la solidification, et à reconnaître les changements moléculaires ultérieurs, sont aussi de diverses sortes. a. Recherches pyrométriques, — Des indications de haute importance ont été tirées de l'emploi des pj'romètres. Des irrégu- arités dans la vitesse de refroidissement d'un alliage sont décelées par ces appareils et permettent de déterminer le degré de solu- (') Roberts-AlU6TEN, Phil, Trans, Hoy. Soc, t. CLWXVI, p. 383; i8 dissolutions, et les résultats nous conduisent, dans quelques cas, à conclure à Texislence de ces combinaisons dans le liquide. Dans le cas des alliages, cependant, la pression de vapeur ne peut pas se mesurer aisément, mais des considérations basées sur la nature des courbes d* équilibre entre les alliages solides et li- quides, dont nous nous occuperons dans une autr€ partie de ce Rapport, semblent montrer que de semblables combinaisons exis- tent dans l'alliage fondu. Dans un alliage binaire renfermant des combinaisons définies, il ne peut exister à la fois que deux combinaisons, ou une combi- naison et l'un des métaux à l'état libre, et un semblable système se comportera exactement comme l'un des alliages binaires étudiés précédemment. Si, comme il arrive probablement toujours dans les alliages fondus, les combinaisons sont partiellement dissociées, le nombre des substances distinctes, composés ou métaux libres, qui coexis- tent dans le même alliage fondu peut devenir supérieur à deux, et des solutions mutuelles de ces corps se produiront comme dans le cas des alliages ternaires ou d'ordre plus élevé. On doit se souvenir cependant que, quel que soit le nombre des composés présents, il ne peut exister en général plus de deux solutions distinctes dans un alliage de deux métaux. Celte limi- tation est indiquée par la règle des phases de Gibbs. On doit se souvenir aussi qu'une série d'alliages dans lesquels n'existe aucun composé, ou une série d'alliages qui contient des combinaisons non dissociées, sont seulement des cas extrêmes des séries tjpes. Une telle série type contient une ou plusieurs com- binaisons définies partiellement dissociées, et d'ailleurs on a déjà proposé de considérer loules les solutions comme réellement con- stituées par des composés chimiques dissociés. L'exposé qui précède renferme une énumorahon à peu près complète des formes que peut prendre un alliage liquide. La re- cherche des données numériques relatives aux diveis alliages a été commencée par Aider Wright (*), qui a déterminé expérimen- talement les compositions des diverses solutions qui peuvent (') Alder Wuight, Proc. lioy. Soc, vol. \LV, XLMII, \LI\, L, LU, !A 1889 à 189'!. — 375 — constituer les alliages binaires ou ternaires de plusieurs métaux usuels. Pour arriver à Télude des alliages solides, il est particulièrement nécessaire de connaître la constitution de Talliage liquide à la température où les constituants solides commencent à se séparer. Alliages solides, — Si on laisse entièrement de côté le mode de formation des alliages solides, il est facile de montrer qu'on peut les classer exactement de la même manière que les alliages liquides. Ainsi, deux métaux ou plus peuvent se dissoudre l'un dans l'autre et former une solution solide tout à fait analogue à une solution liquide. Les limites de température et de composition entre lesquelles ces solutions solides existent peuvent être indiquées exactement, comme dans le cas des solutions liquides, parles courbes critiques qui partagent les régions de miscibilité complète des régions où se forment deux solutions conjuguées ou plus; et il n'est pas néces- saire, par suite, de répéter ce qui a été dit à propos des mélanges métalliques liquides. La solubilité mutuelle des métaux solides est cependant beau- coup moindre d'ordinaire que celle des métaux liquides, d'où le fait bien connu que les alliages solides sont bien moins souvent homogènes que les alliages liquides. Il en résulte que la connaissance des limites de solubilité dans l'état solide est beaucoup plus importante que dans l'état liquide. L'étude des solutions solides est cependant rendue beaucoup plus (liflicile par ce fait que l'équilibre, si rapidement atteint dans le cas des liquides, nécessite, pour s'établir dans les solides, un temps qui peut se compter par jours, années ou siècles. Ceci pro- vient naturellement du déplacement très limité des molécules d'un solide, mais il faut se souvenir que, malgré les difficultés beaucoup plus grandes qui en résultent pour les recherches, il n'y a aucune différence essentielle entre les solutions liquides et so- lides. Même dans les solutions liquides, un certain temps est né- cessaire avant que l'équilibre soit atteint, et le passage à l'état solide ne fait que prolonger cette période. Nous pouvons citer, à titre d'exemple, la diffusion de l'or dans — 376 - le plomb solide (') à des températures variant entre i5* et aSo". Dans les conditions où l'expérience a été faite, rien n'indiquait que l'équilibre eût été atteint entre l'or solide et sa dissolution dans le plomb solide. D'un autre côté, dans la cémentation du fer, il y a une limite bien déterminée, qui s'élève avec la température, au delà de laquelle le carbone ne se dissout plus dans le fer. Le fait essentiel à retenir, quand on applique aux alliages so- lides les résultats obtenus pour les dissolutions liquides, est qu'il existe des lois précises de solubilité pour les solides comme pour les liquides, mais que si les solides sont simplement mis en con- tact, un temps extrêmement long est nécessaire avant que l'équi- libre puisse s'établir. D'un autre côté, quand un alliage liquide se solidifie, le solide doit avoir été en équilibre avec le liquide au moment de sa for- mation, et ce fait facilite beaucoup l'étude des solutions solides. Passage d'un état de la matière à un autre. I. Passage de l^état de vapeur à Vétat liquide ou solide. — On sait très peu de chose à ce sujet dans le cas des alliages, bien que, comme nous l'avons dit, on connaisse des alliages formés par condensation. Les vapeurs métalliques étant complètement mis- cibles, les alliages liquides ou solides qui se forment par conden- sation dépendent de la proportion de chaque métal dans la vapeur et de la pression de la vapeur de chaque constituant de l'alliage formé. L'alliage se condense à l'état liquide ou solide suivant la température (et jusqu'à un certain point suivant la pression) pour laquelle la condensation se produit. Il est possible, de cette ma- nière, de former certains alliages solides par condensation sans passer par Tétat liquide, et il serait intéressant de rechercher si la structure d'un semblable alliage est identique à celle du même alliage obtenu par fusion. Ainsi le nickel de Mond, préparé par décomposition du nickel- carbonjle gazeux, fournit un exemple, car un alliage de nickel et (•) RoBEHTS-AusTEN, Tiaiis. Roy. Soc, t. CLXXXVII, A, p. 3«(i: iSgCt; d'autres recherches analogues seront publiées prochainement dans le mùine recueil. -- 377 — de fer peut être obtenu en décomposant un mélange de fer-carbo- nyle et de nickel-carbonyle. II. Passage de Vétat liquide à Célat solide. — Bien que les alliages liquides puissent être très complexes, la solubilité mu- tuelle des métaux est généralement si grande qu'une solution homogène est généralement obtenue. Il est commode d'étudier d'abord ce cas, et de commencer par les alliages qui ne renferment aucun composé chimique défini. Pour les alliages de ce genre, on constate généralement que la température de solidification de chaque métal est abaissée progres- sivement par des additions successives de l'autre. Ce résultat est représenté dans WJîg, 7, où les abscisses donnent la proportion des deux métaux .\ et B dans l'alliage, et les ordonnées donnent la température, a et b sont les points de fusion des métaux purs, et les points de fusion des alliages intermédiaires sont représentés par les lignes ac et 6c, qui se coupent en c sous un certain angle. La détermination des températures de solidification d'une série d'alliages se fait le plus facilement par enregistrement photogra- phique de la loi de refroidissement de chaque alliage de la série. Une des courbes ainsi obtenues est représentée dans i^Jig- 8, où les temps sont portés en abscisses et les températures en ordon- nées. On voit que la courbe présente deux changements brusques de direction ; l'un en a, qui débute par un point anguleux et finit Fig. 7. Fii;. 8. ^ Composition ^ Temps — P' dans un arrondi, et un autre en 6, où le commencement et la fin du changement sont bien marqués tous deux. L'angle en a correspond au commencement de la cristallisation - 378 — du métal qui se trouve en excès dans l'alliage et que nous dési- gnerons par A, le changement de direction étant dû au dégage- ment de la chaleur latente de dissolution. A mesure que ce métal cristallise, le liquide reste de moins en moins concentré, et la température de cristallisation s'abaisse. Il en résulte qu'aucune portion de la courbe en a ne peut être exac- tement horizontale, et que l'inclinaison doit augmenter progressi- vement. A mesure que le liquide s'appauvrit en métal A, on s'approche d'un point où il devient aussi saturé du métal B, et à partir du moment où ce point est atteint, les deux métaux A et B se soli- difient côte à côte, le Jiquide résiduel conservant la même compo- sition et, par suite, la même température tant que la solidification n'est pas terminée. Cette période du refroidissement est repré- sentée par la partie horizontale de la courbe en b {Jig' 8). La température où se produit le premier coude dans la courbe de refroidissement varie d'un alliage à Tautrc suivant la propor- tion des deux métaux et est indiquée par la ligne acb {Jig- 7), mais la température où se produit le second arrêt est la même dans tous les alliages de la série où cet arrêt se manifeste. Ce fait est indiqué dans la Jig, 7 par la ligne horizontale menée par c. Nous avons dit, pour simplifier, que les métaux A et B cristal- lisaient dans l'alliage liquide, mais il faut se souvenir que chacun de ces métaux cristallise avec une certaine pi opoition de Vautre en dissolution, formant une solution solide dont la concentration dépend de celle de la solution liquide dont elle se sépare. Ceci est indiqué dans la Jig. 7 par les lignes pointillées ad et be^ qui montrent, pour chaque température, la composition des solutions solides qui peuvent se former. On y peut voir que le degré de concentration de la solution solide est lié d'une manière générale à celui de la solution liquide dont elle provient, et nous |>ouvons admettre actuellement que, dans le cas des solutions solides di- luées, ces concentrations sont sensiblement proportionnelles. Les points d et e, où les lignes représentatives des solutions so- lides rencontrent la ligne eutectique menée par c, représentent des solutions solides qui sont en équilibre entre elles et avec l'al- liage liquide c. Ce sont, en fait, des solutions saturées qui four- nissent deux points sur la courbe de solubilité solide mutuelle DCE. — 379 - On peut dire, par suite, qu'un alliage eutectiqiie solidifié est constitué par un mélange mécanique de deux solutions solides sa- turées et conjuguées. Il est à noter, de plus, qu'il n'y a rien de fondamental dans la composition et la température au point c : c'est simplement le point d'intersection des lignes ac et 6c, dont chacune se serait prolongée en Tabsence de l'autre. Ce résultat avait été établi dans le cas des sels et a été obtenu par Tun de nous ( * ) pour des alliages plomb-étain en utilisant le phénomène de surfusion sélective. Layig. 9 montre une portion de la courbe de solidification des alliages plomb-étain, dans laquelle la ligne ac a été prolongée de cette manière jusqu'à une temp 'rature inférieure de ^ degrés cen- ligrades au point de solidification eutectique, et de 9 degrés à la température où l'étain aurait dû commencer à cristalliser. Si, comme nous venons de le montrer, la ligne ac peut être pro- longée, il est évident que la ligne ad {^fig. 7) peut aussi se pro- longer à l'intérieur de la courbe DCE; on pourrait croire que la solution en d n'était pas alors réellement saturée : mais la sursa- turation n'est possible que grâce à l'absence de la solution con- juguée c, qui n'est en équilibre qu'avec d et provoquerait une nouvelle répartition des métaux dissous. Le prolongement de ad représente un état de sursaturation analogue à l'état de surfusion. Pour pouvoir tracer les courbes de solution solide 6frf et be^ il est nécessaire de séparer mécaniquement les crislaux de l'alliage encore fondu, et de déterminer leur composition. Malheureusement ce sujet a été très peu étudié, bien que (') HoiîKRTS-AusTKN, Pvoc. Roy. Soc, t. LXIII, p. 452; i8(j8. — 380 ~ Malthiessen (*) ait publié, dès 1867, les résultats de quelques expériences sur la composition des cristaux qui se séparent des alliages or-étain. Nous ne pouvons, par suite, donner actuellement aucun exemple d'alliages pour lesquels la composition de la phase solide a été déterminée expérimentalement, mais on peut, comme on le verra plus loin, déduire quelque information sur ce sujet de l'inclinaison et de la courbure des lignes d'équilibre ac et cb. Pour l'instant, nous donnerons, à titre d'exemple, les courbes relatives à un mé- lange de naphtaline et d'acide monochloracétique {fig- 10) qui Fig. 10. NaphtaJine 80 100 Acide monochlor acétique ( Mol «»/o) ont été obtenues par Cad)' (2). Les lettres placées sur celte figure correspondent avec celles de la Jig, 7, relative au cas t^'pe, mais la courbe DCE a été supprimée, les données actuelles n'élant pas suffisantes pour sa construction. On peut dire que la Jîg. 7 représente la solidification de l'al- liage binaire type dans lequel aucun composé chimique défini ne se forme. Nous allons étudier maintenant des cas qui peuvent être considérés comme des modifications de ce type, ces modifications résultant de la plus ou moins grande solubilité mutuelle des mé- taux à Télat solide. \^di Jîg. I I correspond au cas qui a été généralement considéré par ceux qui se sont occupés des alliages, celui dans lequel la so- lubilité mutuelle des métaux à l'état solide est si faible qu'on peut les considérer pratiquement comme insolubles l'un dans l'autre. (') iMattiiikssen, Journ. Chem. Soc, p. 201; 1867. (•) Cady, Journ. Phys. Chem., t. III, p. 127; iSSy. - 381 — I^es cristaux qui se séparent sur les ligues ac et bc sont com- posés des métaux purs A et B, et l'alliage eutectique est aussi un mélange intime de ces métaux purs. Fig. II. Composition Les courbes ac et bc peuvent, par suite, être représentées par les équations de Van't Hoff ou de Le Chatelier, qui nécessitent toutes deux que les métaux se séparent à l'état de pureté. La courbe DCE représentant la solubilité mutuelle des métaux purs doit être tracée de manière à coïncider pratiquement avec les lignes Aa et Bb. Les branches DC et EC peuvent se rencontrer comme dans le cas type de laijig, 7, mais ce doit être à une tem- pérature beaucoup plus élevée. La partie supérieure de cette courbe est indiquée seulement pour montrer la continuité entre les diverses catégories d'alliages. La partie située au-dessous de la droite de correspond généralement seule à un phénomène réel. Si nous considérons maintenant un alliage dans lequel les métaux sont beaucoup plus solubles l'un dans l'autre à l'état solide qu'ils ne le sont dans le cas type, il peut se trouver, comme dans la /tg, I 2, que la courbe acb soit située complètement au-dessus de DCE. En d'autres termes, les métaux A et B sont complète- ment solubles l'un dans l'autre, et la solution solide qui se forme varie graduellement et sans aucune discontinuité de l'un des mé- taux purs à l'autre. Cette transition graduelle est indiquée par la ligne pointillée hecda, et il résulte de ce qui précède que la ligne bca doit aussi être continue, l'angle en c ayant disparu complètement. La partie supérieure de \dijig, 12 représente les températures - 382 - de solidification de mélanges fondus d'iodure et de bromure de mercure, et les compositions des solutions solides qui se forment. Fig. 12. HgBr, %: 250» 2*0» 230» 220» 210» A D Mol7o E B Les courbes sont extraites d'un Mémoire récent de Reinders (M et ont été choisies comme exemple, parce que les compositions de la phase solide ont été déterminées. hdi fig, i3 donne les courbes d'équilibre des séries d'alliages Fig. i3. 1100*> Au 1000° 900*> i V// / ^y^^^ CL e / / / / / / ■-.^1/ y dy' '■ A|.Au 75 100 CulMol°/o) or-cuivre et argent-cuivre obtenues récemment par l'un do nous (2). Les alliages argent-cuivre peuvent être pris pour exemple du (') Kki.nders, Kon. Akad. van IVetens. te Amsterdam, p. i JG ; iSo«). (-') KoBEiiTS-AusTEN, Aiuiual Mint lieport, lyoo; p. 70. — 383 — cas ijpe de \dijig. 7, et les alliages or-cuivre illustrent très bien la transition entre ce cas et la modification spéciale représentée par \dijig. 12, Tangle en c ayant presque disparu grâce à l'ac- croissement de courbure des deux branches. Les lignes pointillées qui donnent la composition de la phase solide n'ont pas été obte- nues expérimentalement, mais ont été calculées approximative- ment d'après la forme des autres courbes, comme nous allons l'expliquer bientôt. Il faut considérer encore une autre modification du cas type; celle où la phase solide a la même composition que le liquide dont elle provient; dans ces conditions, la température reste constante pendant la solidification et la courbe d'équilibre est représentée, comme dans \di Jig, i4, par une ligne droite joignant les points de fusion des métaux A et B. Cette ligne donne aussi la compo- sition du solide formé. Ce cas indique une solubilité mutuelle plus grande encore des métaux à l'état solide et nous pouvons déduire, bien qu'aucune expérience n'ait été faite à ce sujet, que la courbe critique DCE, si elle existe, doit se trouver bien au-dessous de la ligne ab. Les alliages or-argent, représentés dans Xzjîg, i4, fournissent un très bon exemple de ce cas. Fig. 14. 11000 , 1000*» Au '^t Au(?'o!^. --.1 Les alliages dont les courbes d'équilibre sont des lignes droites, comme dans la fig. i4, ou des courbes en U, comme dans la fig. i3, ont été appelés isomorphes par quelques auteurs, tandis que le terme mélange cristallisé a été appliqué au solide qui se sépare d'un mélange fondu de sels lorsque, comme il arrive ordi- nairement pour les alliages, la composition du solide formé varie d'une manière continue entre certaines limites. L'usage de ces expressions résulte des divers points de vue où les auteurs se sont - 384 — placés, cl elles impliquent certaines propriétés qui, comme Ta montré Le Chatelier (*), ne sont pas tout à fait générales. Il y aurait grand avantage à ce que les cliimistes et les physi- ciens convinssent d'employer le terme solution solide partout où il est applicable, car son usage rapprocherait beaucoup de phéno- mènes isolés en apparence, et ce léger changement de nomencla- ture faciliterait beaucoup l'application aux solides des lois relatives aux dissolutions. Avant de poursuivre l'analyse des différentes classes d'alliages solides, il importe de faire quelques remarques au sujet de l'appli- cation des Mathématiques à l'étude de l'équilibre entre alliages liquides et solides. Laissant de côté les premiers travaux sur ce sujet, nous pouvons commencer par Raoult qui montra vers i885 que la masse moléculaire m d'une substance dissoute pouvait se déiluire de l'équation K m = —y A OÙ A est l'abaissement du point de congélation divisé par la pro- portion pour cent du corps dissous, et K une constante dépendant de la nature du dissolvant. Allant plus loin, Van'l Hoff {'^) a employé la théorie de la pression osmolique pour analyser la nature de celte constante et a obtenu l'équation suivante : où A est l'abaissement du point décongélation, N et // les nombres de molécules du dissolvant et du corps dissous, 0 la température absolue de congélation du dissolvant pur, et X la chaleur latente de dissolution d'une molécule-gramme du dissolvant, que l'on suppose égale à la chaleur de fusion. Le nombre 9. est la valeur en mesure thermique de la con- stante Il dans l'équation pv = Re. L'équation de Van'l Hoff est applicable seulement au cas des (') Le C\\xiy.l\v,\\ y Annales des Mines, 1897. {') Van't \\o¥v,Pliil. Mai;., t. XXVI, p. 81; 1888. — 385 — solutions diluées et suppose que le dissolvant cristallise à l'état de pureté. Comme on Ta indiqué dans ce Rapport, ce cas est exceptionnel pour les alliages, et l'on ne doit pas être surpris des résultats très discordants obtenus parles expérimentateurs. Ileycock et Neville (*) ont fait un grand nombre d'expériences sur l'applicabilité des formules de Raoult et de Van't Hoffau cas des alliages, et ont employé la formule de Van'tHoffsous la forme modifiée ®' 00 = 0,02 y, OÙ 06 est rabaissement du point de congélation divisé par le nombre de molécules-grammes du corps dissous dans loo^ du dissolvant, et L est la chaleur latente de fusion de i^ du dissol- vant. Ces expériences conduisent à cette conclusion importante que, dans les alliages liquides, les métaux sont monatomiques s'ils ne sont pas combinés entre eux. Il est à remarquer que les équations qui précèdent ne néces- sitent aucune hypothèse ni ne fournissent aucune information sur la masse moléculaire du dissolvant. Relativement à l'application de Téquation de Van't Hoff aux alliages en général, aussi bien qu'à ceux décrits dans la/î^. 1 1 auxquels seuls elle est rigoureusement applicable, il faut noier que le degré de concentration du métal dissous dans la phase solide est très faible quand la solution liquide est diluée. On peut conclure de là que, dans le cas où la solubilité mutuelle des métaux à l'état solide n'est pas très grande, des résultats approchés pour la masse moléculaire du métal dissous peuvent être obtenus à condition d'employer des solutions très diluées. Heycock et Neville ont effectivement trouvé nécessaire de prendre cette précaution pour certains alliages, et il est probable que, si l'on peut arriver à tenir compte de la proportion du métal dissous qui reste dans la phase solide, les équations de Yan't HofI et de Le Chatelier deviendront d'une application beaucoup plus générale qu'on ne l'a supposé jusqu'ici. L'équation de Van't Hoff ne s'applique rigoureusement qu'aux solurions diluées, et cette restriction provient de ce fait que le (•) Heycock et Neville, Proc. Chem. Soc, p. 4»; 1889. Chem. Soc. Journ., p. 666; 1889; p. 376; 1890. C. P., I. 25 — 386 — raisonnement employé n'est légitime que dans un très peut inter- valle de température. Le Chalelier (*) a cependant obtenu à près la même équation sous une forme qui se prête à Tinlégration, de sorte que l'objection précédente n'a plus de raison d'être. L'équation est dx \ , n représente le rapport qui figure dans l'équation de Van'l Hoff, à ceci près que N est le nombre des molécules de la dissolution el non du dissolvant seul. Pour les solutions très diluées, les deux expressions sont équivalentes. L'équalion de Le Chatelier s'intègre facilement si nous suppo- sons que A est indépendant de x et 6. Elle prend alors la forme .Log,x = x(-L_^), Bo étant la température de congélation du dissolvant pur. Sous cette forme, l'équation peut probablement s'appliquer avec une exactitude satisfaisante aux alliages qui ne contiennent pas plus de 20 pour 100 du métal dissous, el approximalÎTemeot pour les alliages plus riches; on suppose toujours que le dissolvant cristallise à l'état pur. Pour montrer plus facilement jusqu'à quel point celle équation peut s'appli(|uer, nous avons tracé dans la Jig. i5 un certain nombre de courbes calculées d'après cette équation el montrant pour diverses valeurs de B et de K la forme de courbe d*équilibre (|ui en résulte. On a porté en ordonnées la température absolue et on a supposé au facteur— des valeurs simples pour faciliter le calcul. La composition est calculée en masses moléculaires de chaque métal; c'est-à-dire que la masse de chaque métal est divisée par sa masse aloniique ou moléculaire, et le résultat sert à calculer la composition centésimale. Il est à remarquer que les lignes de la //«^. i5 sont incurvées les unes dans un sens et les autres dans l'autre sens, avec, entre les extrêmes, des lignes de très faible courbure. Les courbes d'équi- (') Le Chatelibb, Annales des ,%iiiie$, mars-avril 1888. 387 - libre pour les alliages semblent se trouver principalement dans cette région. Fig. i5. t 10 «0 GO «0 lOÛ Métal ajouté, «n Mol Vo Les courbes représentant Téquation de Le Chatelier concordent bien avec celles que donne Texpérience. Ces dernières ont cepen- dant une tendance à être moins raides que ne l'indique la théorie; cet abaissement de la courbe est d'autant plus marqué que la pro- portion du corps ajouté augmente, et ressort bien nettement dans les alliages or-cuivre et argent-cuivre, représentés dans \^fig, i3. L'explication de cette discordance semble être la suivante : Van't Hoir et Le Chatelier ont établi les équations portant leurs noms respectifs sur la supposition c[ue le corps se solidifiant le premier est le dissolvant pur, qui peut être un métal pur ou un composé chimique défini des deux métaux alliés. Cependant, nous avons montré que cette supposition est souvent inexacte, et que le premier solide qui se sépare est, en réalité, une solution solide contenant, en général, une moindre proportion du métal ajouté que l'alliage fluide. Il est donc nécessaire d'obtenir une équation reliant la température de solidification avec les degrés de concen- tration des phases solides et liquides en équilibre. Pour y arriver, nous avons suivi la méthode enseignée par Van't Hofl", en ce qui concerne la pression osmotique, mise sous une forme comparable à l'équation de Le Chatelier. La forme difTérentielle de cette équation est dx de ^(i — ^) Xb-+-^'(Xa — Xb) e*' - 388 - où X et .r' sont les eoncentrations moléculaires du dissolvant dans les phases liquide et solide, X^^ et X^ les chaleurs moléculaires de fusion du dissolvant et du corps dissous, 0 la température absolue de l'équilibre. On remarquera que cette équation se réduit immédiatement à celle de Le Chalelier lorsque Ton y fait j:'=:i . Pour pouvoir l'uti- liser, il convient de poser (1 — a:') = c(i— ar), ce qui signifie que la concentration du métal ajouté dans la phase solide est proportionnelle à sa concentration dans la phase liquide. On aura donc dx I — c _ ûf0 ^^ XA-c(i-ar)(XA-XB) ~ë^* Comme il a été fait très peu de déterminations de c dans le cas des alliages métalliques, Féquation peut être employée pour cal- culer sa valeur en partant de celles de x et de 0, \f^ et X^ étant déduits des chaleurs de fusion, par la supposition que les métaux sont monoatomiques dans Talliage fondu. Les travaux de Heycock et Neville ont montré que cette hypo- thèse est probablement exacte, et il ne reste plus qu'à mesurer expérimentalement la valeur de c, pour obtenir une détermination complète de Tétat moléculaire des alliages dans lesquels la forma- tion d'une solution solide empêchait les équations antérieures d'être applicables. Les équations ci-dessus peuvent être employées directement à la détermination de c, mais il vaut mieux, pour obtenir des résultats approximatifs, supprimer le terme peu important c(i — ^)(Xi — X,^, et poser plus simplement dx , .de et, si l'on désire obtenir des résultats très exacts, on peut partir de la valeur approchée de c pour calculer le terme laissé de côté. Une comparaison de l'équation ci-dessus avec celle de Le Chatelier montre que ^ (la montée de la courbe d'équilibre) est abaissé dans le rapport de (i — c) à i en comparaison du cas où le dissol- vant pur se solidifie. — 389 — Rolhmund (*) a donné une équation pour le cas des équilibres auxquels participent des solutions solides. Cette équation est une modification de celle de Van't HoflT, et n'est applicable, par con- séquent, que dans le cas de solutions très diluées; dans ces con- ditions, elle est pratiquement identique avec celle que nous avons donnée. Dans \dijig> i3, les courbes pointilléesat/, beela'd'j b'e', mon- trant la composition de la phase solide, ont été calculées au moyen de nos équations, en parlant des valeurs expérimentales ci-après pour les chaleurs de fusion : Calories par gramme Or |6,3 Cuivre 4^,4 Argent ai ,07 Tandis qu'on peut à peine espérer obtenir des résultats réelle- ment précis par ces calculs, l'exactitude générale de la courbe des alliages or-cuivre semble démontrée par la comparaison avec les courbes de refroidissement et avec les images micrographiques des alliages. Il convient d'observer que ces alliages sont très sensible- ment isomorphes, Les courbes de refroidissement des alliages argent-cuivre sem- blent montrer que les métaux solides sont un peu moins solubles que ne l'indique le calcul. En se reportant à l'étendue des lignes eutectiques de, d'e', on observera que, si le refroidissement est assez lent pour permettre l'établissement complet de l'équilibre, entre les cristaux formés dans les stages divers, ces lignes se termineront aux points ûf et e. Toutefois, l'équilibre complet ne s'établira pas en général, et les lignes eutectiques s'étendront à gauche au delà de rf et à droite au delà de e, La valeur de c trouvée par le calcul ci-dessus n'est pas constante, ce qui rend Téquation impropre à l'intégration : pour les alliages dilués, c est petit et croît vers le point eulectique. Le même fait peut être observé dans les résultats expérimentaux du professeur Bakhuis Roozeboom dans le cas de la formation de cristaux isomorphes mélangés, et il serait alors effectivement impossible que c fût constant. Lorsque c est petit, nous pouvons (') KoTHMUND, Zeitêchrift fur physikalische C hernie, t. XXIV, p. 706; 1897. — 390 - nous attendre à ce qu41 soit approximativement constant, etTéqua* tion peut être intégrée; on aura donc, pour la forme abrégée, 2(i-c)Log,^ = x(i--i) et, pour Téqualion complète, Pour éviter toute confusion, nous n'avons pas parlé jusqu^ici d'une variété du cas type qui se produit si, comme dans \^ /ig. i6, Fig. i6. AgNOa Mol«'/o NaNOa le point de fusion a d'un des métaux est au-dessous du point e où la ligne be rencontre la courbe DCE. Dans ces conditions, la courbe d'équilibre se composerait de deux parties ac et cb se coupant en c sous un certain angle, seule- ment c n'est plus un point de fusibilité maximum, et le solide qui se sépare à cette température n'est pas un alliage eutectique, mais une solution solide saturée de B dans A. Le point c est appelé un point de transition, parce qu'il cor- respond à un changement brusque dans la composition des cristaux qui se déposent. Immédiatement au-dessus de c, ces cristaux sont des solutions saturées de A dans B, et en c ils deviennent solutions saturées de B dans A. — 391 - Nous ne connaissons aucun exemple de ce cas pour les alliages simples, bien qu'on en rencontre fréquemment quand des combi- naisons de métaux sont présentes. Le professeur Bakhuis Rooze- boom a cependant étudié un cas tout à fait analogue, celui des mélanges fondus d'azotates d'argent et de sodium (*), et ses résul- tats sont représentés sur la y?^. i6, à l'exception de la courbe rfC^ qui n'est basée sur aucune donnée expérimentale. Dans la fig, 17 se trouvent les courbes d'équilibre d'une Fig. 17. ^20" Zn 1 f *J / c L d 4 ^n^ 0 Zn 2 é 0 Cu Sb 100 Sb Nous pouvons comme exemple de ce cas citer la série des alliages cuivre-élain {fig- 20). Fig. 30. Cu ka 900** V. "^c^ 7ano ^^ < ^\r 3^^ ^ 500" V . \-. 300° \ \ .., - ^^ 0 Cu 100 Sn La courbe d'équilibre pour cette série a été donnée pour la pre- - 395 - mièrc fois par Tun de nous (*) en 1895 : puis plus complètement en 1897. Il^jcock et Neville ont fait aussi des déterminations précises relativement à la plus grande portion de la courbe. La courbe de la^^. 20 qui contient les résultats de nos propres déterminations est tracée en fonction des proportions de cuivre et d'étain, et sous cette forme, ou lorsqu'elle est tracée en fonction des proportions atomiques, elle est remarquable par la forme convexe de la courbe qui descend du point de fusion du cuivre pur. Cette forme diffère entièrement de celle de la courbe théori(|uc qui devrait être concave vers le haut; mais on peut rex[)liquer aisément si Ton admet queTétain présent dansTalliage fondu reste combiné avec le cuivre à l'état de SnCu*; cette hypo- thèse a été émise par Ileycock et Neville. Si Ton trace cette courbe en proportions moléculaires de cuivre et de SnCu* (en se souvenant que le cuivre est monoatomîque lorsqu'il est en solution dans un autre métal), on trouve que la courbe prend sa forme normale. I^a comparaison de la courbe théorique avec les courbes expé- rimentales de \'à Jig, 'Ào donne de fortes raisons de pçnser que dans les alliages ne contenant pas plus de 26 pour 100 d'étain en poids, un composé de cuivre et d'étain tel que SnCu* doit sub- sister dans l'alliage fondu sans dissociation appréciable. Une démonstration analogue donne à penser que le laiton a moins de 35 ou /\0 pour 100 de zinc contient à l'état de fusion la combi- naison ZnCu non dissociée. Les diagrammes relatifs aux alliages cuivre-élain sont remar- quables j)Our les courbes d'équilibre compliquées qui s*y trouvent aux températures inférieures à la courbe d'équilibre initiale. Si ces courbes correspondent à la solidification d'une portion encore fluide de l'alliage, on doit su|>poser que, comme pour les alliages plomb-cuivre, il se trouve des solutions liquides con- juguées. Si, au contraire, elles indl<|uent la cristallisation de substances à partir d'un étal de solution solide, elles ouvrent un champ de recherches très important au sujet de la solubilité mutuelle des solides. ('; Stanspibld, Proc. Inst. Mec. Eng., 1896 et 1S97. Plate 10. — 396 - Solidification des alliages ternaires complètement miscibles à l'état fondu. En raison de la grande complexité de ces alliages et du petit nombre de résultats obtenus, il ne sera pas nécessaire de nous étendre longuement à ce sujet. Les points de fusion d'une série ternaire d'alliages peuvent être représentés, comme Charpy (*) l'a montré, au moyen d'un modèle obtenu en traçant un triangle équilaléral pour représenter la com- position de la série d'alliages, et en élevant en chaque point une perpendiculaire proportionnelle à la température de fusion cor- respondante. Dans un alliage ternaire où ne se forme aucun com- posé défini et où chaque couple de métaux a une température eutectique, les eutectiques forment sur le modèle trois vallées qui descendent, chacune à partir d'un des côtés du triangle, vers un point central représentant un alliage eutectique ternaire plus fusible qu'aucun autre alliage de la série. Sur un semblable mo- dèle, l'exislence de composés définis serait représentée par des montagnes s'élevant au-dessus de la surface environnante. Solidiûcation des alliages incomplètement miscibles à l'état fondu. Comme exemple de ce cas, nous considérerons la solidification des alliages cuivre-plomb qui, dans certaines proportions, forment deux liquides non miscibles. Les courbes de solidification de ces alliages ont été obtenues par l'un de nous en 1897 (^) et ont été reproduites en proportions centésimales dans la Jig. 21. Pour rendre leur signification plus claire, on a ajouté une portion de la courbe critique dCe mon- trant la miscibilité des métaux li(juides, bien qu'un seul point de la courbe ait été déterminé avec exactitude. Si nous considérons un alliage représenté par un point à droite de cette courbe, il est évident que nous avons le cas ordinaire d'un (') CiiAurY, Bull, de la Soc. crEnc. pour i'Ind. nat., j" série, t. lll, p. G89; 1898. (-) RoBERTS-AusTEN, Proc . I/ist. Mcch. Eng.; i8()7. — 397 — alliage avec deux branches de courbe ce et cb et une ligne de soli- dification eiitectique en hc, A gauche de la courbe critique se trouve la courbe d'équilibre ad et une ligne horizontale fd ana- logue à une ligne euteclique, mais ayant une signification difle- 1100® Ou 0 Cu Fig. 21. y r ^^ / \ ■^^'^ / \ './"""r^^/ \l- A 7 \ ^ i ! h . — é- 100 Pb rente. Pendant la solidification d'un alliage correspondant à cette partie du diagramme, du cuivre solide se sépare, contenant peut-être un peu de plomb dissous, et le liquide restant change à la fois de composition et de température le long de la ligne ad jusqu'à ce que, en d^ il ne puisse plus contenir tout le plomb dis- sous. Il en résulte que le cuivre et le plomb se séparent tous deux isothermiquement de la solution, exactement comme dans le cas d'une eutectique. Le cuivre se sépare à Tétat solide, mais le plomb reste liquide, retenant en dissolution une petite quantité de cuivre, et se solidifie ensuite le long de la ligne gh. Il est à remarquer que la température de cette solidification finale est supérieure à celle de la véritable euteclique cuivre-plomb située en c. Ceci provient probablement de ce que le plomb liquide qui se sépare du cuivre solide à la température /<^/ retient ensuite tout le cuivre qu'il con- tenait à ce moment, et qui a pour effet d'élever sa température finale de solidification. Pendant le refroidissement d'un alliage situé entre d et e deux solutions conjuguées se séparent au moment de la rencontre avec - 398 — la ligne rfCe, l'une riche en cuivre et Tautre riche en plomb, el elles suivent respectivement les lignes Crf et Ce, leurs change- ments de composition provenant d'un échange mutuel, l'une de- venant plus riche en cuivre, l'autre plus riche en plomb. Quand la solution riche en cuivre atteint la température et la composition J, elle se solidifie, et ceci est représenté par la ligne horizontale dL L'abaissement de cette ligne entre / et e est dû probablement à un équilibre imparfait entre les deux solutions quand la proportion de Tune d'elles devient très faible. Comme autres exemples d'alliages binaires de cette classe, nous pouvons citer les séries plomb-zinc, bismuth-zinc, plomb- aluminium, bismuth-aluminium et cadmium- aluminium qui ne sont pas miscibles en toutes proportions à l'état liquide. La solidification des alliages ternaires qui ne sont pas complè- tement miscibles à Tétat fondu introduit tant de complications qu'il est à peine nécessaire d'en parler dans ce Rapport; cepen- dant le travail d'Aider Wright déjà cité fournira des éléments utiles à la solution de ce problème. Changements moléculaires dans les métaux et les alliages solides. Outre les changements d'état de la matière (du gaz au liquide et du liquide au solide) d'autres changements se produisent à me- sure que la température s'abaisse, et correspondent à des dégage- ments de chaleur plus ou moins brusques. Ces changements qui se produisent dans l'état solide se nomment modifications alla- tropiques j dans le cas des corps simples. L'étude de ces modifications a conduit dans ces dernières années à des résultats très importants, particulièrement en Métallurgie, car la trempe et le recuit de l'acier, par exemple, sont dus entiè- rement à de telles modificalious. Quand un métal passe d'un état allotropi(jue à un autre, ses propriétés physiques subissent une variation brusque. La plus importante de ces variations est peut-être celle qui se produit dans la faculté de dissoudre d'autres métaux. Sous ce rapport un changement allotropique est précisément l'analogue du passage de l'état liquide à l'état solide, et la plus — 399 — grande partie dé ce que nous avons dit à propos de la solidification peut s'appliquer immédiatement aux changements allotropiques. Ce fait est visible dans \difig, 22 qui représente la solidification et les changements ultérieurs d'un mélange fondu d'azotates d'ar- Fig. 22. AgN03 MolVo NaNOa gent et de sodium (*). La partie supérieure du diagramme a été donnée dans la.Jig. 16, et nous y ajoutons de nouveau la partie de la courbe rfCe, bien qu'on ne puisse pas la déterminer direc- tement, dans le but de rendre plus évident ce fait que les lignes gd et Ee sont des parties de la courbe critique type de mîscibi- lllé des solides. Dans la série de mélanges que nous considérons, nous trouvons l'azotate d'argent sous trois formes distinctes : liquide, rhomboé- drlque et orihorhombique, mais l'azotate de sodium n'existe que sous les formes liquide et rhomboédrique. Pendant la solidification nous obtenons, comme nous l'avons In- diqué plus haut, des solutions solides renfermant de o à 26 pour 100 de AzO^Na et de 38 à 100 pour 100 de AzO^Na. Les deux séries sont rhomboédriques. (') RoozEBooM, loc. cit. - 400 - Quand la température continue à s'abaisser, les compositions des solutions conjuguées se séparent de plus en plus, comme l'in- diquent les lignes dg^ e/, et cette dernière ligne se continue jusqu'à la température ordinaire. La solution critique représentée par dg subit un changement brusque de composition au point g^ s'appauvrissant subitement en AzO'Na au point g et passant à la forme orthorhombique. Ce changement de solubilité accompagne le passage du dissol- vant solide de la forme rhomboédrique à la forme rhombique. Il se produit pour le dissolvant pur à 160**, mais la température de passage s'abaisse progressivement, quand on accroît la proportion de AzO'Na, jusqu'en g où la solution solide prend la forme rhombique à i38**. Le changement de forme cristalline dans la solution solide est analogue à la solidifîcation d'une solution liquide, et l'abaissement du point de transformation peut se calculer, si l'on connaît la quantité de chaleur dégagée pendant la transformation du dissol- vant pur, exactement comme l'abaissement du point de congéla- tion peut se calculer au moyen de la chaleur latente de fusion. Ce fait a été signalé par l'un de nous (*) dans le cas de l'acier. Il faut remarquer cependant qu'un certain temps doit s'écouler avant que les cristaux rhombiques qui se forment se mettent en équilibre avec l'ensemble de la solution rhomboédrique, et que ce résultat n'est obtenu que par diffusion graduelle de AzO'Na dans l'azotate d'argent solide, et à la température relativement basse de 140'' cette diffusion ne peut s'effectuer rapidement ('-). (*) Stanspield, Journ. Ironand Steel Inst., 1899, 11, p. 169. (') Celle élude des conditions d'équilibre dans le mélange des deux azotates, bien que ne rentrant pas directement dans le cadre de ce Happort, est cependant particulièrement intéressante au point de vue qui nous occupe, parce que ce mé- lange offre un cas relativement simple de phénomènes tels que ceux qu'on ren- contre, sous une forme plus complexe, dans l'acier. On consultera avec intérêt sur cette question un Mémoire de M. Hakhuis Uoozcboom, Eisen und Stahl vom Standpunkte der Phasenlehre {Zeitschr. fiirphysik. Chemie) actuellement sous presse, et notre travail présenté à l'Assemblée d'automne de Viron and Steel fnstitute : Stansfield, Journ. Iron and Steel Inst., t. Il, 1900. Voir aussi l'Appendice de M. Van't Hoff au Rapport de M. Warburg : Rapports, t. II. — iOl - NOTE ADDITIONNELLE (»). Nous avons essayé de représenter dans la fig, 23, les relations entre les diverses espèces de courbes, dont il a été question dans notre Rapport. Un certain nombre de courbes de refroidissement des divers alliages de deux métaux A et B ont été tracées en fonction de la composition de chaque alliage; les courbes ont été disposées presque verticalement, de manière à occuper une position sensiblement correcte dans le diagramme. Les courbes ac et hc, passant par les points de solidifîcatien apparents de la série d'alliages, sont les courbes d'équilibre entre les états solide et liquide, et la droite horizontale de^ passant par la seconde série de points de solidification, indique le passage à l'état solide de l'alliage eutectique. Les points rf et e limitant cette droite marquent les extrémités des courbes ad et be qui montrent la composition du solide séparé. Ces points marquent aussi les extrémités pratiques de la courbe critique DGE. Fig. 23 Composition et Temps Les portions rfD, cE, peuvent seules être réalisées, et leur^position peut être déterminée en mesurant la proportion d'un métal solide susceptible de se dissoudre dans un autre métal solide à des températures définies; en d'autres termes, ces courbes indiquent la composition de l'alliage le plus riche qui puisse résulter de la diffusion d'un métal solide dans un autre. Les coordonnées employées dans la figure sont, pour les courbes de re- froidissement, le temps et la température, tandis que les courbes d'équi- libre et les courbes critiques sont rapportées à la composition et à la tem- pérature. En donnant ainsi aux abscisses une double signification, on a pu éviter d'avoir recours à un système à trois coordonnées. ('; Heçue le 12 octobre 1900. C. P., I. 26 - 402 - PROPRIÉTÉS DES SOLIDES SOUS PRESSION, DIFFUSION DE L.V MATIÈRE SOLIDE, MOUYEMEXTS INTERNES DE LA BIAHÈRE SOLIDE; Par W. SPRING, PROFESSEUR A L'uNIVERSITÉ DE LIÉOE, MEMBRE DE L' ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. On a regardé, pendant longtemps, les étals d'agrégation prin- cipaux de la matière comme des états bien distincts, possëdaDl des propriétés assez caractéristiques pour écarter toute incertitude au regard des limites à leur assigner. Cette manière de voir était la conséquence naturelle des connaissances incomplètes que l'on possédait sur la matière. Elle devait nécessairement se modifier. Les relations de Yétat gazeux et de Vétal liquide ont été mises en lumière de[)uis les premières expériences de Faraday sur la liquéfaction des gaz, jusqu'aux travaux les plus récents. La comparaison des soliJes avec les liquides a produit é^Ie- inenl de 1res imporlanlcs observations; il serait de la plus haute utilité de les mellre en ordre. L'objet de ce Rapport n'est pas de faire un travail de celle va- leur; il est plus modeste : il se borne à grouper et à résumer les résultats obtenus dans l'examen, tout spécial, des propriétés des corps solides sous forte pression. Si nous parvenons à montrer ce qu'a donné, aujourd'hui, ce facteur pression, et à faire pres- sentir ce (|u'il peut donner encore, notre but sera atteint. La subdivision de ce Rapport se trouve donnée par les sujels mêmes dont se sont occupés les chercheurs. Nous aurons é distinguer les travaux entrepris sur : i" La plasticité des corps solides; •2'* L'élasticité des corps solides; - 403 - 3° Les transformations allotropiques; /\° ^agglutination^ ou la soudure des solides; 5'' La diffusion des solides; 6" Les réactions chimiques dans les solides. 1. La plasticité des corps solides. — Tresca montra, le pre- mier ( * ), la possibilité de découvrir dans les corps solides, à l'aide de la pression, certaines propriétés regardées jusqu'alors comme caractéristiques de Tétat liquide. Il comprima, au moyen d'une presse hydraulique, des lames métalliques diverses, superposées dans un cylindre au-dessus d'un orifice pratiqué dans le fond. Il vit que le parallélisme des tranches ne se maintenait pas, mais que les métaux s'écoulaient par l'ori- fice, en forme de tubes emboîtés l'un dans l'autre. Quand la hau- teur du bloc jluant fut descendue en dessous d'une certaine limite, le jet écoulé devint creux et, finalement, il s'émietta. Il est superflu d'insister sur l'importance de ces faits pour la connaissance de la nature de l'état solide. L'ancienne définition de cet état doit être rejetée. Les corps solides ne forment pas un groupe particulier. Ils ne diffèrent des liquides que par un frottement intérieur (résistance au déplacement latéral, relatif, de deux molécules) plus grand. Tresca a conclu très exactement, « qu'une pression qui s'exerce en un point quelconque d'un solide se transmet également dans toute la masse et provoque un écoule- ment là où il y a le moins de résistance ». En d'autres termes, les lois de l'Hydrostatique et de l'Hydrodynamique sont applicables aux solides soumis à une forte pression. Il est bien entendu que cette faculté des corps solides, àe Jluer, varie beaucoup d'une substance à une autre. Il est des corps qui, comme le verre ou le quartz, refusent absolument de se mouler et ne passent môme pas par l'orifice du cjlindre de Tresca, ou bien ils le traversent en poudre plus ou moins fine. 2. L'élasticité des corps solides sous pression. — Un corps solide se déforme aussitôt qu'il subit l'action de forces mécaniques. (•) Comptes rendus, t. LIX, p. 754; j86J. Id., t. LX, p. SgS. Id.. l. LXIV, p. 809. Id., t. LWÏ, p. 263. In exlcDSo : Annales du Conservatoire des Arts et Métiers, t. VI, p. 1-62; i865. — 404 — Si la limite d^ élasticité du corps se trouve dépassée, la déforma- tion est permanente. L^applicalion journalière de ce fait au façon- nage de mille objets métalliques d'usage courant a contribué, pour une large part sans doute, à faire admettre, surtout parmi les techniciens, que les déformations permanentes pouvaient se pro- duire non seulement à la suite d'une traction, d'une flexion, d'une torsion, mais encore à la suite d'une compression uniforme, suffi- samment forte. On a cru, en somme, que l'état solide de la matière admettait une diminution permanente de volume, comme il admet un allongement ou un aplatissement permanent. Ce qui n'a pas pea contribué à soutenir cette croyance, c'est que les corps solides qui avaient eu à subir une forte compression, présentaient, le plus souvent, une densité plus élevée. On attribuait Paugmentation de densité non pas à un écrasement des vides que le corps solide pouvait avoir, mais bien à une condensation de la matière entraî- nant une modification plus ou moins profonde de sa dureté et de sa malléabilité. Des esprits plus hardis ont même regardé comme possible la transformation d'un corps simple donné en un autre plus dense à la suite d'une compression extrême. Par exemple, le soufre engendrerait le sélénium, l'arsenic se convertirait en anti- moine, etc. Les travaux de W. Spring (*) ont éclairé la question. Si Ton comprime les corps solides en vase clos, c'est-à-dire de manière à réaliser une compression hydrostatique, égale en tous sens, on constate que la diminution de volume provoquée par la pression n'est pas permanente quel que soit V e jf or t exercé. Il n'j a pas de limite à l'élasticité dans la diminution du volume ; il y a seulement, pour chaque pression donnée, une limite de compressibilité; mais quelle qu'ait été la diminution de volume pendant que s'exerce la pression, la matière reprend toujours, exactement, son volume primitif quand la pression cesse. Les solides ont donc une élasti- cité parfaite. La limite de l'élasticité n'apparaît que dans le cas de déplacements relatifs latéraux des particules de la matière solide. Voici, en résumé, comment ces faits ont été constatés : (') Bulletin de l'Acad. royale de Belgique, 3* série, t. VI, p. 607 cl sqit.: i883. — 405 — Les corps solides étaient introduits dans un petit cylindre d'acier dur; le diamètre extérieur de celui-ci était de 4*^*° et son diamètre intérieur seulement de 8"™. Ce cylindre était, en outre, frellé par un anneau de fer de 9^™ de diamètre. Un piston fer- mant bien s'enfonçait dans le cylindre par le jeu d'un levier chargé de poids connus, que l'on pouvait laisser descendre lente- ment à l'aide d'une vis. Les corps solides, dont la densité avait été déterminée au préa- lable, étaient soumis à une première compression durant environ trois semaines, après quoi leur densité était de nouveau déter- minée. On les introduisait encore une fois dans le compresseur et Ton constatait la diminution de leur volume, pendant la com- pression, par la descente de l'extrémité libre du bras de levier. Quand on enlevait les poids chargeant le levier celui-ci remontait à mesure : la matière comprimée reprenait donc son volume primitif. Le fait a été constaté d'ailleurs, avec toute certitude, à la suite de la détermination de la densité après la seconde compression. Voici un aperçu des résultats obtenus : avant la I- Substances comprimées. compression. 1. Plomb ïi,35oà i4,o 2. Étain 7,286 à 10 3. Bismuth 9,804 à i3,5 \. Antimoine ... . 6,676 à i5,5 5. Cadmium 8,64^ à 17 6. Aluminium 2,743 a 16,4 7. Zinc 7,142a 16 8. Sulfate «Je potassium.. 2,653 à 21 9. » d'ammonium.. i,773 à 20 10. Alun 1,641 à 18 Densités après la 1" la 2- compression. compression. ii,5oi à 14* 11,49^ à 16 7,292 à 10 7,296 à II 9,856 à i5 9,863 à i5 6,733 à i5 6,740 à 16 8,667 à 17 8,667 à 16 2,752 à 16 2,750 à 16 7,i53 à 16 7, i5o à 16 2,65i à 22 2,656 à 22 I ,700 à 12 1,760 à 22 1,629 à 19 1,634 à 18 Ce Tableau montre clairement que la petite diminution perma- nente du volume, entre la première et la seconde compression, afl'ecle surtout les métaux. Ceux-ci dissolvent, en effet, des gaz lorsqu'ils sont fondus et les abandonnent dans leur masse à Tétat — 406 — de bulles imperceptibles pendant la solidiGcation. Les sels cristal- lisés, bien limpides, comme le sulfate de potassium , n^oot, au contraire, accusé aucun changement permaoent de volume. On doit donc reconnaître que les solides se comportent, sous pression, comme les liquides et les gaz sous le rapport de Télas- ticité. Ils s'en distinguent parce qu'ils n'ont rien de Pexpansibilité des gaz et qu'il ne leur reste que peu de chose de la volatilité des liquides. Les expériences de Spring ont montré, toutefois, qu^à côté des corps infiniment élastiques, il y en a que la compression peut condenser d'une manière permanente. Pour ceux-là l'élasticité de compression hydrostatique n'est pas sans limite. Ces corps seul ceux qui présentent, à l'état solide, plusieurs états allotropique» caractérisés surtout par une différence notable dans leur den- sité. A l'aide de ces corps on peut observer, parfois, une dimi- nution permanente de volume. L'examen des conditions dans lesquelles ce résultat peut être atteint fera Tobjet du paragraphe suivant. 3. La transformation allotropique des corps solides. « — Beau- coup de corps jouissent de la propriété de cristalliser dans des formes différentes. On dit alors qu'ils sont polymorphes ou allô- tropes. Les lois qui régissent le passage d'un état à un autre rappellent les lois des cliangemenls des états d 'agrégat ion. C'e>i donc la température qui intervient comme facteur principal. Par exemple, le soufre cristallise dans la forme dite prismatique à une température supérieure à 95*^,6, tandis qu'à toute température inférieure à ce point, ce sera la variété dite octaédrique qui sera la seule stable. On le voit, il en est de ces changements comme de la fusion ou de Vébullilion, Au-dessus de o®, l'eau liquide est dans son état stable, tandis qu'au-dessous c'est la glace qui est seule stable; à o" même, les deux états peuvent coexister, au contact de la vapeur qu'ils émettent. La température à laquelle deux étals allotropiques peuvent se trouver en équilibre, comme Teau et la glace à o*', a été nommée le point de transformation» Comme le point d'ébullition, ou le point de fusion, celui-ci est une fonction de \di pression. La Thermodynamique donne la relation suivante, entre la variation de la température de transformation et la — i07 - pression, L - ^ — ^ ^ e "" j *5ë' / étant la chaleur latente de transformation; 5 et 7'? se transforme, dans les mêmes conditions, dans la variété cristalline plus dense. Après quelques jours, la densité de l'échantillon comprimé était devenue 4,9. Comme l'arsenic cristallin a pour densité 5,71, il est facile de calculer qu'après ce temps, un quart environ de la masse était transformé. Un résultat plus curieux est le suivant : Les chlorure, bromure et iodure de potassium solides n'étaient connus que sous un seul état. La compression a permis de décou- vrir qu'ils en ont deux. En effet, si l'on soumet à une pression de 10000 atmosphères, à la température ordinaire, les sels solides (•) Bull, de VAcad. roy, de Belgique^ a' série, t. XLIX, p. 323. Voir aussi : Bull, de l'Acad. roy, de Belgique, 3» série, t. V, p. 492; 1883. Id., 3« série, t. V, p. 229; i883. Id.y 3« série, t. VI, p. 5a3; i883. /cf., 3« série, t. XXVUI, p. 238; 1894. - ilO — obtenus à la suite d'un refroidissement lent de leur masse fondue, ils prennent à demeure un volume spécifique plus petit et passent à Télat cristallin. Ils étaient donc à Yétat vitreux après la solidification. La contraction du volume est telle que le bromure de potassium, par exemple, a une masse de aoo* de plus au litre après la compression {i^^^'-jo^ contre 2''6,5o5). En dehors de toute compression énergique, ces trois corps con- servent longtemps, sinon indéfiniment, leur état vitreux, La compression a donc renversé, en peu d'instants, un état d'équilibre instable. L'existence des sels halogènes du potassium, sous deux états différents, a été confirmée par J.-S. Stas (*) à l'occasion de ses Recherches sur le rapport proportionnel de V argent au chlorure de potassium. Ces transformations d'état sous l'influence de la pression pa- raissent montrer que la matière prend l'état qui correspond au volume qu'on l'oblige d'occuper. Dans les conditions ordinaires de pression, les corps solides se modifient et cristallisent parfois spontanément avec une rapidité très différente quand ils sont à l'état instable. Se trouvent-ils fortement comprimés? ils se modi- fieront avec une rapidité plus grande, la compression ne faisant qu'activer une transformation possible déjà par elle-même. Toutefois, il faut être très réservé dans Tapprécialion du rôle de la pression dans le cas présent. W. Spring a comprimé à ou- trance, mais sans aucun résultat, du sulfure noir de mercure^ dans l'espoir de le voir passer à la variété rouge cristalline. Le volume spécifique du sulfure noir est cependant de 9 pour 100 plus grand que celui du cinabre. Un insuccès semblable a accom- pagné la compression de V acide arsénié ux vitreux et du verre qui n'ont montré, ni l'un ni l'autre, aucun vestige de transformation, quelle qu'ait été la pression. M. Moissan (2) a été plus heureux dans la transformation du ca/'6o/îe dissous dans la fonte, en diamant, sous l'influence de la pression. Le résultat obtenu par l'éininent chimiste français est si connu que nous pouvons nous dispenser de tout détail à son sujet (•) Œuvres posthumes {Mém. in-4° de l'Académie de Belgique^ t. \LIX, p. 22). ■) Comptes renduSf t. CXV'I, p. ai8-22|; i8(j3. - 411 - et no pas rappeler les dispositions qui avaient été prises pour que la solidification de la fonte eût lieu sous forte pression. En somme, si la compression ne fait pas passer tous les corps solides, capables de plusieurs étais, à la modification la plus dense, il n'est pas moins vrai qu'elle ne produit une condensation pcrmunente de la matière que si celle-ci admet un état plus dense (voir l'objet du paragraphe précédent). Il peut donc être intéressant de poursuivre la compression des substances solides dans leur état instable ou elles sont assimilables à un état de surfusion ou de sursaturation. On pourra sans doute recueillir, surtout en faisant varier la température, des ren- seignements sur leur instabilité relative. O. Lehmann a con- staté ( * ), de son côté, qu'en aucun cas le pétrissage sous pression d'un corps cristallisé ne peut ramener celui-ci à l'état amorphe. Le problème inverse, celui de la transformation de l'état amorphe en un état cristallin, présente donc une perspective engageante si l'on juge par les quelques faits acquis jusqu'à présent. Peut-être ja-t-il lieu de rapprocher de ceux-ci les intéressantes observations que A. Villiers (*') a faites sur la transformation de sulfures amorphes en sulfures cristallisés pendant la congéla- tion du milieu dans lequel ils étaient suspendus. L'auteur dit lui-même qu'il n'est pas impossible que la compression produite pendant la congélation ait joué un rôle efficace. La cristallisation des corps solides a lieu d'ailleurs^ d'après les observations de W. Spring('), en dehors de la pression. Si l'on élève la température vers aSo**, on l'observe déjà, avec facilité, au moyen de poudres amorphes de sulfures de métaux. La plupart des sulfures donnent des cristaux microscopiques; d'autres, tels le sulfure d'argent, le sulfure d'antimoine, fournissent des cristaux visibles à l'œil nu. Il ne s'agit pas seulement ici d'une transfor- mation moléculaire d'une poudre amorphe, mais d'un véritable déplacement des molécules qui ont alimenté les cristaux. Tout (•) Zeitschrift fur Krystallo graphie y t. WII, p. 269; 1889, et Wiedemanns AnnaUrif t. XL, p. '403 ; 1H90. (•) iiuUetin de la Société chimique de Paris (3), t. XïII, p. 3ai-32/|; 1895. (^) Huit, de l*Acad. royale de Belgique, 3' série, t. XXX, p. 3ii-3i9; 1896. — 412 - n^est donc pas au repos dans un corps solide. A une certaine tem- pérature, les molécules ont une mobilité assez grande pour s'orienter et se grouper comme elles le font lors du passage de Tétat gazeux, ou liquide, à Tétat solide. Des essais faits à des tem- pératures différentes ont montré, en outre, que cette mobilité mo- léculaire n'est pas arrêtée à la température ordinaire : elle se manifeste seulement avec une plus grande lenteur; c'est ainsi qu'un échantillon de sulfure de bismuth a mis onze ans, à la température ordinaire, pour prendre l'état qu'une température de 265° réalise en quatre-vingt-dix heures. . Avant de terminer ce paragraphe, nous désirons faire remarquer encore que les transformations d'état, mentionnées ci-dessus, sont absolument différentes de la cristallisation lente que l'on a maintes fois observée, en dehors de toute pression, dans les corps amorphes humides. Celle-ci a été étudiée surtout pour Bûchner, Kuhlmann, Lehmann, Winkler (*). Ces physiciens ont montré comment une trace d'humidité, déposée à la surface du corps, peut entraîner sa modification. C'est que la variété amorphe est souvent plus soluble que la variété cristalline. La solution de l'état amorphe fonctionne alors, nécessairement, comme une solution sursaturée au contact d'un germe cristallin préexistant et lui fournit la matière nécessaire à son accroissement. 4. La soudure des corps solides par la compression. — Nous venons de voir qu'une forte compression révèle, chez la plupart des solides, des propriétés qui ont été regardées comme caracté- ristiques de l'état liquide : les solides s'écoulent et ils possèdent, comme les liquides, une élasticité sans limite lorsqu'ils sont soumis, dans leur état allotropique stable, à une compression hydrosladque. Il est intéressant de vérifier, à présent, si les so- lides partagent également la propriété des liquides de 5e co/i- fondre^ de se souder, dans les conditions normales de tempéra- ture, sitôt qu'ils se trouvent portés au contact physique réel. H n'est pas nécessaire d'insister sur l'importance de cette pro- (') Voir O. Lehmann, Molekulaiphysikj l. I, p. 72} et suiv. — 413 — priété pour la connaissance de la cohésion en général, ni de montrer les applications dont elle est susceptible (*). Les premiers essais dans cette voie ont été faits par W. Spring en 1878 C-^) et poursuivis, ensuite, en 1880 ('). Ils ont montré que la matière a effectivement la faculté de se souder à elle-même à Tétat solide, quand elle est soumise aune pression suffisamment forte; mais cette faculté varie, dans une large mesure, d'une sub- stance à une autre, au point qu'elle paraît entièrement effacée chez certains corps. La vérification eut lieu de la manière suivante : De la pondre fine de la substance à essayer était introduite dans le cylindre du compresseur, puis le piston était enfoncé lentement, à l'aide d'un levier chargé de poids, jusqu'à exercer une com- pression pouvant être évaluée à 20000 atmosphères, dans les cas extrêmes. Généralement il suffisait de 10000 atmosphères et même de moins. Le nombre de corps d'espèces différentes soumis à l'ex- périence a été de 83. En groupant les résultats on peut dire que tous les corps doués de la faculté de se déformer^ sous pression, sans se briser, se sont agglutinés aussi solidement que s^ils avaient été liquéfiés, tandis que ceux chez lesquels la malléabilité ne se révélait pas encore sous l'énorme pression qu'ils avaient à supporter^ ont été extraits du compresseur à rétat pulvérulent, comme ils y étaient entrés. Plus particulièrement, les métaux ont donné un résultat directe- ment en rapport avec leur malléabilité (*). La soudure était complète dans toutes les parties où le métal avait pu Jluer; par exemple, à la surface et dans les fentes du compresseur. Elle laissait à désirer dans la partie centrale du cylindre, où le pé- trissage n'avait pu avoir lieu au même degré qu'à la surface. Les sels, tels que les chlorures, bromures, iodures alcalins, les azo- (') Dans une lecture faite dans la séance publique de rAcadémie de Belgique, le 17 décembre dernier, W. Spring a montré les rapports de cette propriété avec la solidification de certaines roches. (2) Bull, de l'Acad. royale de Belgique^ 7* série, t. XLV, p. 746; 1878. (3) /d., 2- série, t. XLIX, p. ZiZ; 1880. (*) Ont été comprimés : le plomba le bismuth^ Vétairij le zi/ic, le cadmium, Vatuminium, le cuivre^ Vantimoine, le platine. — 414 — laies, sulfates, hyposulfites, les phosphates alcalins, se sontagglo- linés d'une manière remarquable. Us ont fourni des blocs dans lesquels la trace des grains primitifs avait disparu. Ils présentaient même, parfois, un commencement de transparence, preuve évi- dente de leur agglutination. Les sels des métaux lourds n'ont donné un résultat parfait qu'à la surface, là où la matière avait glissé le long de la paroi du cylindre. Il s'était formé, dans cette région, une croûte transparente vitreuse, rappelant tout à fait les surfaces de glissement que l'on rencontre dans les roches anciennes soulevées; le centre était aggloméré, mais il était resté grenu et plus ou moins friable. Enfin, les corps tels que le verre, la craie, Talumine, le carbone et un certain nombre de carbonates, n'ont montré que peu ou point de liaison : la poudre était restée coniplèlement meuble, ou bien elle avait formé une masse sans solidité. Le fait de l'agglutination des corps solides sous pression a été vérifié par Sir W. Roberts-Austen (*) et constaté aussi par Ch.-A. Fawsitt (-) qui paraît n'avoir pas eu connaissance des résultats obtenus avant lui. Nous ne pouvons omettre de rappeler le doute qui a été exprimé au sujet du rôle de la compression dans ces phénomènes. On a préféré voir la cause de ragglutination dans une élévation de la température provoquée par la compression, élévation de tempéra- turc qui aurait clé suffisante pour fondre les grains solides à leur surface C^). Il est à peine nécessaire de dire que cette vue est erronée. En efi'ct, ce ne sont pas les corps les plus fusibles qui se soudent toujours le mieux; ensuite, dans les conditions où se faisait la compression, Télévation de température était absolument négligeable ( *). (M licsul/s obtnincd in rcpeating the experiments of W. Spring {Phvsical Society, p. 23 1: London, 18S2). (-) Sc/iivcissen der Metalle bci niedrigen Temperaturen {Dingier^s poirt. Journal, l. CCXWII, p. /|.^j \ ( = ) Bull, de la Soc. geol. de France, t. XII, p. 233. (*) Pour s'en assurer, on a roniprimé de la phorone^qnx fond à 28*, en plaçant au-desNiis une ballelte de plomb. Si la matière avait fondu, la balIcUe de plomb aurait quand il a répété les expériences de Spring. hes petites quantités de sulfures de fer, de cuivre, de plomb, de bismuth qu'il a obtenues, l'ont porté à penser que ces combinaisons seraient dues à la chaleur que produit la combinaison, plutôt qu'à la pression elle-même. Il n'en est cependant pas ainsi, car, si l'on fait durer la pression pendant des mois, on observe que la sulfuration des métaux va en progressant toujours, alors que la chaleur ne se pro- duit qu'au premier instant de la compression. Lorsque, au contraire, Ii. ,o!'^rae spéciGque de la combinaison est plus grand que la somme des volumes des éléments, la pression ne produit aucun effet. Spring s'est assuré même qu'alors ell** agit sur le corps composé pour le résoudre en ses constituants. Il a pu décomposer V acétate double de cuivre et de calcium que Van't Hoir lui avait signalé comme se produisant avec dilatation - . Sous pression, le sel est devenu vert, de bleu qu'il était : l'acétate de cuivre ( vert >, l'acétate de calcium et l'eau de cristallisation. d'abord unis moléculaircment, se sont séparés. L,^hyclrate de tri- sulfure d'arsenic As-S^GH^O, préparé par Spring (') a aussi un volume spécifique plus grand que la somme des volumes de As^S'-i-GH-O; la diflérence comporte 4 pour loo. Il est décom- posé en peu d'instants par la pression : il s'écoule beaucoup d'eau (') Bull, de la Société géot. de France, t. XII, p. 235-236; i883. ( = ) DuU. de rAcad. roy. de Belgique, 3- série, t. XIII, p. 409; 1887. (') Id., t. XXX, p. 199-203; 189.1. - 427 - de la matière primilivement sèche el il demeure As^S' anhydre. Ces résultais ont élë confirmés, il y a quelques années, par Garey Lea (• ). En comprimant divers composés dans un appareil à vis et à levier, en état de produire une pression (calculée) de 70000 atmosphères, ou bien en broyant les substances, sous forte pression, dans un mortier en porcelaine, il constata qu'un certain nombre d'entre elles se décomposaient. Il y a lieu de citer le sulfate^ le salicylate d^ argent, Voxyde d^or, Voxyde de mer- cure. Il n'est cependant pas possible de comparer ces décomposi- tions avec le changement des volumes spécifiques, comme on Ta fait plus haut, parce que les données manquent, et parce que Tun des produits de la décomposition apparaît à Télat de gaz (cas des oxydes ). Plus concluantes sont les expériences de Clémandot (-) sur la compression de Tacier. Elles montrèrent que Ton peut pro- duire, par la compression, tous les degrés de dureté de l'acier, quand on chaufTe d'abord le métal au rouge et qu'on l'expose rnsuite à une forte pression, jusqu'à refroidissement complet, [^'explication de ce fait important est la suivante : au rouge, le carbone et le fer se combinent avec contraction de volume pour donner le métal dur (^). La décomposition de ce carbure, ou le recuit, est, inversement, accompagnée d'une dilatation. Si, par un moyen mécanique, on empêche cette dilatation, on conser- vera la combinaison, comme on la conserve par un refroidissement brusque (la trempe) qui fixe les molécules dans leur situation rela- tive. Cette explication découle des recherches de M. Lan sur les efTets de la compression sur la dureté de l'acier ( '). On conçoit sans peine, à présent, pourquoi la compression contrarie les réactions qui donnent lieu à un dégagement de gaz (voir plus haut), réactions dans lesquelles il s'agit surtout de la dissolution de métaux ou de carbonates dans les acides avec pro- duction d'un grand volume d'hydrogène ou d'anhydride carbo- nique. (') Zeitschrift fur anorg, Chemie,i. V, p. 33o, el l. M, p. 3^9; 1894. (-) Comptes rendus, t. XCIV, p. 703; 1882. (^) On sait que l'acier est plus cassant à chaud (rouge sombre) qu'à l'étal recuit. (') Comptes rendus, t. XCIV, p. 962; 1882. - 428 — Nous devons citer encore, comme se rattachant aux faits précé- dents, les résultats obtenus par Spring en comprimant des poudres humides (* ). Tous les corps qui donnent, avec l'eau, des solutions dont le volume spécifique est plus petit que le volume des consti- tuants, fournissent, sous pression^ des solutions que Ton peut qualifier de sursaturées par rapport à la pression atmosphérique ordinaire. Lorsque la pression vient à diminuer ou à cesser, la cristallisation a lieu et il se forme des blocs d'une grande solidité. C'est, en un mot, une sorte àe prise, comme celle du plâtre gâché avec l'eau. Au contraire, les corps dont la solution a un volume spécifique plus grand, ne donnent pas, sous pression, de masse compacte. C'est que la solubilité diminue, ici, avec la pression el que, pendant la détente, l'eau dissout de nouveau la matière qu'elle avait abandonnée (2). M. Le Chatelier a fait, de son côté, des ob- servations analogues . Il nous reste, enfin, à citer un fait qui démontre, une fois encore, que la matière à l'élat solide n'est pas privée de toute mobilité moléculaire. Quand on mêle deux solutions de sels différents, en état de fournir, par leur réaction réciproque, des produits qui restent dissous, il y a chaque fois arrêt de l'acte chimique avant l'épuise- ment complet des réactifs. On dit qu'il y a équilibre chimique entre les réactifs et leurs produits. Les lois de cet équilibre ont été données par Guldberg et Waage : elles montrent, en résumt», que l'arrêt de la réaction a lieu quand le rapport des produits des masses actives a atteint une même valeur, constante pour des couples déterminés de substances. Spring {^) s'est demandé si Cft arrêt de la réaction se produit encore quand, au lieu d'opérer à l'aide de solutions, on opère avec des corps solides. H a comprimé, â cet effet, d'abord, un mélange de sulfate de baryum et de carbo- nate de sodium, puis, inversement, un mélange de carbonate de baryum et de sulfate de sodium. Remarquons que le système BaSO* -h Na^CO' a un volume (') Zeitschrift fur phys. Chenue^ t. II, p. 532; 1888. {^) Jbid, p. 535. (^) Bull, de VAcad. roy, de Belgique, 3» série, t. X, p. 204 ; i885, cl Bull, de la Société chimique de Paris, t. XLVI, p. 399; 1886. - 429 - spécifique de 0,277 ^^ ^^ système inverse BaCO^-f- Na^SO* un volume de o, 293. D'après ce qui précède, il faudrait donc que le premier système ne donnât lieu à aucune réaction, tandis que le second devrait se transformer entièrement, avec le temps, dans le premier. L'expérience a montré qu'il n'en était cependant pas ainsi. L'un et l'autre système réagissent chimiquement, mais d^ un emanière limitée. Autant que l'on peut en juger, la limite est la même pour les deux cas; elle atteint environ 20 pour 100 de la réaction totale. Une estimation précise ne peut guère être faite, par suite de la difficulté de séparer les corps quantitativement sans altérer le résultat. Quand la température s'élèvej cette limite de 20 pour 100 se déplace. On se trouve donc bien en présence d'un fait qui a les caractères de Véquilibre chimique. Il serait difficile de l'expliquer sans attribuer à la matière solide la faculté de diffuser, sous pression, comme elle diffuse à l'état liquide. Conclusions. Il n'est pas possible de tirer des conclusions définitives des essais qui viennent d'être résumés : ils sont encore trop incomplets. Néanmoins, il peut ne pas être inutile d'effleurer les conclusions provisoires qui s'en dégagent. Il appartiendra à l'avenir de cor- riger ce qu'elles ont aujourd'hui d'erroné. 1° Vétal solide de la matière n'est pas un état réellement particulier; c'est plutôt un prolongement de l'état liquide, s'il est permis de s'exprimer ainsi. Une définition exacte de cet état ne peut encore être donnée. Dire des corps solides quUls consentent leur forme n'est pas toujours vrai ; les expériences de Tresca le prouvent bien. Dire d'eux qu'ils nont qu^une élasticité limitée est une définition insuffisante, car Spring a fait connaître un cas où l'élasticité des solides est sans limite. On a cru éviter toute difficulté en réservant le qualificatif ^o/frfe aux corps cristallisés, les corps amorphes étant alors regardés comme des liquides visqueux à Vextréme, Mais les travaux de O. Lehmann ont fait voir qu'il existe des cristaux fluides (*) .* la (') Wiedemann's Annalen, l. XL, p. 4oi; 1890. - 430 - nature d'un cristal n'étant pas influencée par un changement dans l'arrangement des molécules. Le réseau, ou le système de points dans lequel les molécules sont rangées, n'est que d'importance secondaire; il ne détermine pas, en première ligne, les propriétés physiques des corps. Mais si une définition rigoureuse n'est pas possible, on regar- dera utilement, en pratique, les corps solides comme caractérisés par une limite d'élasticité dans leurs déformations unilatérales (O. Lehmann). 2** Les solides ont la faculté de se souder quand ils sont au contact absolu. Cette faculté paraît subordonnée à deux condi- tions : d'abord, à un certain degré de malléabilité permettant au contact de s'établir, puis à la dijfusibilité. Entre les fragments, bien rapprochés, d'une barre métallique brisée, il se fait un tra- vail de réparation qui devient rapide à partir d'une certaine température. La faculté de se souder n'est pas particulière aux corps solides amorphes que l'on a assimilés aux corps surfondns; elle est partagée également par les cristaux. D'après O. Lehmann (*) des cristaux mous (oléate de potassium), mis au contact^ fusionnent en un seul cristal de structure et de forme normales. 3° Les solides peuvent exister, dans les conditions ordinaires de température et de pression, dans un état instable, rappelant les états de surfusion ou de sursaturation des liquides et des solu- tions. Un changement dans la température ou dans la pression peut provoquer une modification de cet état et réaliser l'état stable (généralement l'état cristallin ) sans liquéfaction préalable de la matière. Les molécules des solides peuvent encore se mou- voir dans les solides et s'adapter aux conditions extérieures. Il est à noter, toutefois, que le temps entre, ici, comme facteur capital. 4** Les corps solides ont la faculté de diffuser; mais cette faculté paraît subordonnée à une certaine affinité chimique et physique des matières en présence. Elle ne s'exerce que si les molécules des corps peuvent se remplacer réciproque- ment dans la région de contact des solides. Les dissolutions (') Zeitschriftfurphys. Chemie, t. XVIII, p. 91; 1895. — 431 - solides qui en résultent paraissent procéder de la même cause que la dissolution des liquides entre eux, ou que la dissolution d'un solide dans un liquide. 5° L'exercice de V affinité chimique paraît subordonnée aux conditions de volume imposées aux corps solides. Au moins en est-il ainsi pour les combinaisons moléculaires qui se résolvent dans leurs molécules constituantes quand elles ne trouvent plus la place nécessaire à leur existence. Au contraire, la formation de corps composés, depuis leurs éléments solides, a lieu d'autant plus aisément que la combinaison est accompagnée d'une diminution |)lus grande de volume; la matière tend à prendre la disposition atomique qui l'oblige au minimum d'effort, ou de lutte contre les forces extérieures, ou, en d'autres termes, elle s'adapte butl con- ditions dans lesquelles elle se trouve. — 432 - LES DÉFORMATIONS PASSAGÈRES DES SOLIDES, Par Ch.-Éd. GUILLAUME, PHYSICIEN AU BUREAU INTERNATIONAL DES POIDS ET MESURES. Entre les déformations parfaitement élastiques des solides et les changements permanents de forme, se trouvent, comme terme moyen, les déformations passagères, qui se produisent lentement et disparaissent de même. Il sembla, pendant longtemps, qu'une combinaison des théories de Télasticité et de la plasticité des corps solides en rendait suffi- samment compte; mais certains faits, vus plus nettement qu'autre- fois, s'accordent mal avec celte idée, tandis qu'une autre théorie les explique très simplement. C'est cette théorie nouvelle que je chercherai à mettre en lumière, après avoir rappelé brièvement les phénomènes qu elle relie. Je me bornerai d'ailleurs à en donner les grandes lignes et renverrai, pour le détail, à des mémoires récents (•). Le premier qui fut connu parmi les phénomènes de la nature de ceux dont nous allons nous occuper est la déformation thermique (') Je citerai notamment les recherches théoriques de M. Duhem et les tra- vaux expérimentaux entrepris à son instigation par M. G. Marchis et M. E. Lc- noble; ceux de M. Bouasse; les recherches théoriques et expérimentales de M. Brillouin. Un certain nombre de travaux expérimentaux seront mentionnés au cours de ce Rapport. - i33 - j)assagère du verre, découverte par le déplacement du zéro des thermomètres. Les résidus élastiques ne furent étudiés que plus lard et ultérieurement encore les variations de la résistivité des fils métalliques. Tous ces phénomènes avec Thystérèse magnétique, à laquelle sera consacré un Rapport spécial ('), présentent une allure analogue et semblent pouvoir admettre une même explica- lion. Certains cas particuliers nous donneront des indications très nettes sur Tidée qu'il convient de se faire de la cause de ces va- riations. DESCRIPTION DES PHÉNOliÈNES. C'est aux erreurs qu'elles introduisent, dans un grand nombre de mesures, que les modifications passagères des solides doivent l'élude très détaillée à laquelle elles ont été soumises. Les phéno- mènes dont il s'agit sont, en général, peu apparents, et auraient échappé sans doute pendant longtemps encore aux observations s'ils ne se produisaient précisément dans les organes essentiels de certains appareils de mesure, parmi les plus importants et les plus employés. Les déplacements de Téchelle des thermomètres, les change- ments de réquilibre des fils de torsion, les variations des étalons de résislance électrique, sont autant de défauts dont on cherche à se garantir le plus possible, et qui ont provoqué des recherches purement mélrologiques, dont le but était tout d'abord de les ré- duire à un minimum par un choix judicieux des matières employées dans la construction des instruments de mesure, puis d'éliminer autant que possible, par la combinaison des observations et un calcul approprié, le résidu qui n'avait pas pu être annulé. De ce côté, les publications sont nombreuses et contiennent un matériel d'observations considérable et généralement précis. Les travaux destinés à vérifier une théorie sont plus rares, et l'on ne peut citer que quelques mémoires dans lesquels les phénomènes des divers ordres sont comparés entre eux. La similitude des change- ments dont nous nous occupons nous permettra, lorsqu'un groupe ( ') Voir le Rapport de M. E. Warburg et l'Appendice de M. Van't Hoff, t. II. C. P., I. 28 — 434 — de phénomènes aura élé décrit complètement, de passer très rapidement sur tous les autres. Déformations thermiques du verre. — Une masse de verre ou de cristal, abandonnée à elle-même à la température ordinaire, se contracte lentement, en suivant, à température constante, une loi d'allure exponentielle; son volume tend ainsi constamment vers une limite déterminée, fonction de la température. Ce mouvement est d'autant plus rapide, et la contraction finale d'autant plus grande que la température est plus élevée; un effet qui est obtenu à une température déterminée ne se produit donc jamais complètement à une température plus basse, quelle que soit la durée de l'exposition. Lorsque le mouvement a cessé à une température déterminée ft, , il recommence à toute autre température 6,, mais l'allure des phé- nomènes est très différente suivant le sens de la différence 6| — 82. Si O2 est inférieur à 6|, la contraction se produit de nouveau et se poursuit jusqu'à une limite déterminée; lorsqu'on revient à 9,, la masse de verre reprend, au bout de quelque temps, le volume qu'elle possédait à la fin de sa première exposition à cette tem- pérature (*). Si, au contraire, 62 est supérieur à 0, le verre commence par se dilater, puis reprend son mouvement de con- traction pour atteindre une nouvelle limite. Revenant à 0|, on ob- serve une contraction lente; de telle sorte que le volume du verre sera moindre qu'après la première exposition à cette température. Le diagramme {fig^ i) montre, en fonction du temps, les va- riations de volume d'une masse de verre, exposée successivement aux températures 6i, ôa!^ (^17 P"is 0|, enfin Oj. La première défor- mation (contraction) se produit suivant la courbe OA ; puis, à 82, le verre se dilate rapidement et se contracte ensuite lentement; à 0|, il se contracte de nouveau; enfin, ramené à 0^, il reprend la même valeur qu'à la fin du premier recuit à cette température. Le signe adopté ici pour les ordonnées est motivé par le fait (') Dans cctle description du phénomène, on fait abstraction de la dilatation entièrement réversible; en d'autres termes, on suppose le corps ramené brusque- ment ^ une température de repère, o* par exemple, et l'observation du volume eiïectuée avant qu'il ait pu varier d'une quantité appréciable depuis le moment où cette température a été atteinte. — 435 — que Tobservation immédiate, qui est celle du zéro d'un thermo- mètre, donne des valeurs ascendantes dans la contraction. D'ail-» leurs, les déformations passagères et permanentes des aciers au nickel dont il sera question plus loin sont de signes contraires à celles du verre, et le diagramme les représenterait dans la con- vention ordinaire sur les signes. Fig. 1. Les déformations qui viennent d'être décrites sont, comme on le voit, de deux catégories distinctes; les unes sont permanentes (courbe OA et portion de la courbe AB après le minimum), les autres sont passagères (première partie de la courbe AB, courbes BC et CD). Le phénomène représenté par la courbe AB est dû à la superposition de deux phénomènes indiques respectivement ])ar la courbe AB'', analogue à CD, et la courbe AB', de même nature que OA. Pour les deux espèces de déformation, les marches augmentent en rapidité lorsque la température s'élève; pour les variations passagères, les courbes descendantes, correspondant à une éléva- tion de la température, sont plus rapides que les courbes ascen- dantes. Je ne m'occuperai que des variations passagères, seules observables lorsque le verre a été préalablement recuit à une tem- pérature élevée, et que la courbe OA a toute l'amplitude possible. La grandeur des variations passagères est, pour un même écart de température, une fonction de la composition du verre, et varie, d'un verre à l'autre, dans une proportion qui, pour les extrêmes, tîsl d'à peu près 5o à i. D'une manière générale, les verres d'une constitution simple, ne contenant qu'un alcali, éprouvent des va- riations de peu d'amplitude, tandis que les verres d'une compo- - 436 — sition analogue, mais avec des proportions comparables de soude et de potasse, se modifient jusqu'à lo ou i5 fois plus (*). Certains siiico-borates fabriqués à léna ont une variation particulièrement faible. Les variations passagères suivent des lois dont le caractère, en fonction du temps et de la température, dépend aussi de la composition du verre. Ces variations peuvent être représentées, à chaque température, par un réseau d'exponentielles dépendant de Técart positif ou négatif, entre Tétat initial et l'état final de la masse de verre. La série des états définitivement atteints forme, en fonction de la température, une courbe continue, bien étudiée pour diverses sortes de verres. La première relation entre les volumes définitifs du verre et la température a été découverte par M. Pernet sur des thermomètres en cristal allemand. Il trouva que la série des états définitifs est suffisamment représentée par le produit d'une constante par le carré de la température comptée à partir du zéro vulgaire. En étudiant plus lard des thermomètres en verre dur français, je trouvai, entre o° et loo**, une variation presque linéaire, avec une très faible courbure dans le sens d'une augmentation de Teflet à mesure de l'élévation de la température; le cristal dur donna une courbure plus accentuée, mais moins cependant que celle qui se- rait indiquée par la formule de M. Pernet. Enfin, nous trouvâmes indépendamment, M. Boltcher et moi, pour le verre d'iéna i6*", une faible courbure dans le sens opposé. La mesure de Tamplitude de la variation est généralemeni donnée en pratique par la différence des positions du zéro d'un thermomètre abandonné d'abord pendant longtemps à la tempé- rature de la glace fondante, puis chauffé à loo**. Les valeurs extrêmes ainsi trouvées sont de o,o'>. et 1,06 degré correspondant à des variations relatives de volume de 0,000 oo3 et 0,000 170. Les variations, pour diverses sortes de verre, sont généralemeni d'autant plus lentes qu'elles sont plus considérables. Ainsi le verre dur français, amené de 0° à loo**, prend, en quelques minutes son (') II. -F. VViKBE, Ucber den Einjluss der Zusammensctzung des Gfases au/ die Nachwirkungs-Erscheinungcn bei Thcrmometern {Académie de Berlin. 17 juillet 188^ et là novembre i885). — 437 - oial dëfinitif à celle lempéralure, landis que le crislal, donl la variation esl plus de qualre fois plus forte, exige près d*une heure pour atteindre Tétai de repos. Variations thermiques permanentes et passagères des aciers au nickel. — Les aciers au nickel se divisent, suivant leurs pro- priétés, en deux catégories bien distinctes : les uns peuvent possé- der, à la même température, des états absolument différents sui- vant le cjcle des températures ou des opérations mécaniques antérieurement subies; ce sont les aciers irréversibles. Les autres, dont la teneur en nickel est supérieure à 25 pour loo, n'existent, à une même température, qu'à des états très voisins, que des me- sures précises permettent seules de différencier. Ces aciers sont réversiblesj au moins en première approximation. Certains d'entre ces derniers sont moins dilatables que tous les corps connus, ce (jui m'a engagé à en faire une étude détSiillée. Ces aciers subissent à des degrés divers, des variations perma- nentes et passagères dont les lois générales sont identiques à celles qui ont été énoncées pour les verres. La Jig, i en donne aussi une image fidèle, à la condition de prendre, cette fois, les varia- lions positives dans le sens habituel. Un acier au nickel de cette catégorie s'allonge avec le temps, se raccourcit lorsqu'on l'amène à une température supérieure à celle à laquelle il vient de prendre son équilibre, s'allonge lentement lorsqu'il passe d'une tempéra- ture donnée à une autre plus basse. L'amplitude de la variation dépend essentiellement de la teneur en nickel; elle diminue lorsque la teneur augmente, et n'est plus aisément appréciable lorsque celle-ci dépasse sensiblement 4o pour lOO. Ce qui vient d'être dit s'applique aux barres forgées à chaud, et n'ajant subi, à froid, aucun travail mécanique. Mais les phéno- mènes se compliquent singulièrement dans les tiges préalablement soumises à un étirage. Prenons, comme exemple, une lige d'un alliage à 36 pour loo de nickel, étirée puis recuite à loo**. Elle ne présentera, dans les premières heures de l'opération, aucune différence notable par rapport à une barre simplement forgée: l'allongement se produira régulièremenl, avec une vitesse du même ordre ; mais, au bout d'un temps qui peut varier enlre dix et cent heures, suivant l'intensité — 438 - de l^élirage, la barre atteint une longueur maxima, et se raccourcit ensuite, revenant parfois sensiblement à la longueur initiale. Si, lorsque ce deuxième mouvement a cessé, on amène la barre à une température inférieure, par exemple à 5o®, elle recommence à s^allonger exactement comme Taurait fait une barre forcée, et peut rester pendant des semaines à cette température, comme aussi à toute température inférieure, sans que Ton observe la moindre trace d'une nouvelle contraction. En résumé, lorsqu'une barre étirée a subi un recuit complet à une température déter- minée, elle a été amenée, pour toute température inférieure, dans un état identique à celui d'une barre non étirée. Le retour à Tétat d'équilibre détruit par l'étirage ne devicoi aisément mesurable qu'à partir d'une certaine température mi- nima. Ainsi, je n'ai pas observé de contraction d'une barre fraîchement étirée, et maintenue pendant vingt-cinq jours à 4o'. Cette barre augmenta régulièrement de longueur, subissant le recuit correspondant à 4o®, avec les allongements qu'aurait mon- trés une barre simplement forgée à chaud. Amenée à loo®, elle subit d'abord le phénomène représenté par la portion AB de la courbe {Jig* i), puis se raccourcit régulièrement pendant une centaine d'heures. Des barres d'acier nickel à 44 pour loo, qui, à l'état foi^é, n'éprouvent pas de variations sensibles, ont présenté, à loo*. après un étirage à froid, un notable raccourcissement, mais nonl subi aucune variation ultérieure aux températures plus bas5e>. Il en a été de même de barres de nickel pur du commerce. Ces petites déformations passagères des aciers au nickel sont liées à des phénomènes beaucoup plus apparents, que je caracté- riserai en quelques mots : En se refroidissant, les aciers irréversibles passent graduelle- ment à l'étal magnétique en augmentant de volume. Ils perdent leur magnétisme lorqu'on les réchauffe, mais seulement à une température beaucoup plus élevée que celle de rapparilion du magnétisme. Les aciers réversibles, au contraire, deviennent magnétiques en se refroidissant, et perdent leur magnétisme sen- siblement dans la même mesure lorsqu'on les réchauffe. La première apparition du magnétisme est liée à une augmen- tation du volume des premiers et à un abaissement de la dilatation - 439 des seconds; à mesure que la rapidité d'apparition du magné- tisme devient plus grande, la dilatation s'abaisse davantage. La fig, 2 montre, par la courbe ED, la variation graduelle réversible Fig. 2. du magnétisme, et par la courbe ABC, la variation de volume, les températures étant portées en abscisses. La contraction naturelle serait donnée par AF. Mais, à ce phénomène purement thermique s'en superpose un autre, caractérisé par l'écart entre cette droite et la courbe BG. En d'autres termes, il se produit ici, comme dans les aciers irréversibles, un gonflement dû à une transformation moléculaire et qui, agissant en sens inverse de la variation pure- ment thermique, amène l'alliage dans la région des très faibles dilatabilités. Si le refroidissement est très lent, la transformation est plus complète, et la variation de volume se produit suivant la ligne BC(*). Il convient de remarquer que, toutes les fois qu'on observe une variation passagère, elle se produit dans un sens tel qu'elle augmente faiblement la déformation (élastique ou thermique) due à la première application de la force ou à la première variation de la température. Les aciers au nickel, qui semblent, à première (') Dans la théorie complète de ces anomalies de dilatation, il faudrait tenir compte à la fois de ce gonflement dû à la variation de l'état chimique, et de l'abaissement naturel de la dilatation par le simple fait du passage des consti- tuants de la variété non magnétique à la variété magnétique, découverte, pour le fer, par M. H. Le Ghalelier, et dont M. A. Le Chatclier a, le premier, révélé l'existence dans les aciers-nickel irréversibles. — 440 — vue, échapper à cette règle, y rentrent au contraire parfaitement, puisque le résidu provient du phénomène parasite grâce auquel la courbe de variation de volume BC ou BC s'écarte de celle que Ton observerait si l'alhage n'éprouvait aucune transformation. La stabilité de l'alliage est d'autant plus grande qu'on descend davantage au-dessous du point D. Or, ce point s'élève en même temps que la teneur en nickel, entre 25 et yo pour loo environ, pour redescendre jusqu'au point de transformation du nickel pur. A 27 pour 100, il est voisin des températures ordinaires et s'éfèvc d'environ 3o degrés par centième de nickel ajouté à l'alliage. C'est pour cette raison que la stabilité des aciers au nickel augmente avec la teneur, au moins jusqu'aux alliages à 45 pour 100, seuls étudiés jusqu'ici à ce point de vue. Variations élastiques et passagères de forme du verre. — Les résidus qui se produisent après des déformations élastiques ont été étudiés, en particulier, par Despretz, W. Weber, M. Boltzmann, MM. Cornu et Baille, M. F. Kohlrausch, J. Hopkinson et G. Wîe- (lemann, M. G. Weidmann. Je ne m'occuperai ici que des travaux relatifs au verre. J. Hopkinson (*), par exemple, a déterminé les déformations d'un fil de verre^ que l'on maintenait d'abord, pendant un temps déterminé^ dans un état de torsion constant, et dont on observait Fig.3. Oi tO 20 30 ^ &0 60 70 60 90 100 120 10 20 30 %0 &0 60 70 60 oni^uile la torsion résiduelle, h^ fig. 3 représente quelques-uns do (') J. lIorKiNSON, On a torsional strain which remains in a gtass fibre a/tvr release of twisting stress {Proc, Roy. Soc, t. \XVIII, p. i4H; 1878). - 441 - ses résultats. La courbe ascendante montre la grandeur de la dé- formation résiduelle, observée une minute après la suppression de l'effort, en fonction de la durée de cet effort prise comme abs- cisse. Les courbes descendantes montrent la disparition graduelle de la déformation dans deux expériences distinctes. Les ordonnées correspondent aux nombres directement observés, chaque division représentant sensiblement 79^ de la torsion primitive, qui était d'un tour entier; les temps sont exprimés en minutes. On voit que, pour une torsion préalable de deux heures, la torsion rési- duelle au bout d'une minute était peu inférieure à i pour 100; après dix heures de repos, elle était encore de 0,1 5 pour 100. Les expériences de M. G. Weidmann (') ont consisté essen- tiellement à fléchir des tiges de verre, et à observer la disparition graduelle de la flexion. La déformation primitive durait dix mi- nutes et l'observation des résidus de trois à quinze minutes. L'au- teur définit le résidu comme quotient de la déformation rési- duelle par la déformation primitive, la première étant observée au bout d'un temps déterminé après quePefforta été supprimé. Les lois qu'il énonce sont les suivantes : Le résidu est indépendant de la grandeur de la déformation; en d'autres termes, la déformation résiduelle est proportionnelle à la déformation primitive. Les résidus diminuent à mesure que la température s'élève (-). Les diverses sortes de verres se rangent, au point de vue des résidus élastiques, dans le même ordre que pour les résidus ther- miques. Gerte règle montre quelques exceptions apparentes, des verres, de propriétés très voisines il est vrai, occupant, dans ces deux séries, un ordre un peu différent. Mais, en dehors des erreurs de mesure, il faut tenir compte du fait que M. Weidmann a pris arbitrairement, comme indice du résidu thermique, celui que l'on observe entre o" et 100°, admettant que la mjirche du résidu avec (') G. Weidmann, Veber den Zusammenhang zwischen elastischer und thermischer Nachwirkung des Glases (IVied. Ann., t. XXIX, p. 214 ; 1886). C) Ce résultat est déduit seulement de deux couples d'expériences entre 3° et i6», et de trois minutes d'observations; il serait donc dangereux de le gé- néraliser. — 442 - la température est régie par les mêmes lois dans toutes les sortes de verres. On retrouve ici très évident le fait déjà énoncé pour les ré- sidus thermiques, qu'un verre à deux alcalis montre des défor- mations beaucoup plus considérables qu'un verre à un seul alcali. Cette observation est corroborée par la propriété remarquable des fils de quartz qui ne possèdent pas de résidus élastiques appré- ciables, comme M. Boys Ta indiqué le premier. Cependant, suivant une communication personnelle de M. Rubens, le quartz tenant du carbone en dissolution donne des résidus bien mesurables. Dans les expériences de M. Weidmann les résidus au premier instant ont varié entre o , oo i et o , o32, suivant la nature du verre. Ces résidus correspondent à une déformation primitive des fibres les plus fortement modifiées, que l'on peut évaluer à o ,0001 ou 0,0002, d'après les dimensions indiquées par l'Auteur pour son appareil. Ces déformations sont extrêmement petites, et, comme les valeurs moyennes de la déformation sont beaucoup plus faibles encore, elles correspondraient seulement aux changements de vo- lume produits dans le verre par une variation de la température de quelques degrés. Dans ces limites, il serait impossible, avec n'im- porle quelle espèce de verre, de mettre en évidence l'existence d'un terme quadratique dans l'expression des résidus, de telle sorte que la règle trouvée par M. Weidmann sur la proportion- nalité des résidus aux déformations primitives pour toutes les sortes de verres ne conduit pas nécessaircmeiit, ainsi qu'il le pense, à la conclusion qu'il existe, à ce point de vue, une différence essen- tielle entre les résidus élastiques et les résidus thermiques. Variations passagères de la résistivité des alliages. — On con- state, en général, que la résistivité d'un fil d'un nuHal pur ou d'un alliage préalablement tréfilé, varie avec le temps. Dans un grand nombre de cas, il semble cependant que l'on puisse, par un recuit convenable, amener le fil dans un état d'équilibre tel qu'il n'éprouve plus aucune variation à une température inférieure à celle du recuit. Mais certains alliages sont soustraits à cette règle; un fil recuit à une température déterminée recommence à varier à toute température inférieure, et ne prend, à chaque température, son équilibre définitif qu'après un temps plus ou moins long. — 443 — J'ai fait, par exemple, de nombreuses expériences sur divers fils de manganine, et retrouvé, dans les variations de leur résis- tance, toutes les particularités observées dans les variations du volume des verres ou des aciers au nickel en fonction du temps et de la température. Un recuit prolongé, à une température quelconque, augmente la résistivité de l'alliage^ En passant à une température plus élevée, on constate généralement une diminution de la résistivité bientôt suivie d'une augmentation. Si Ton revient à la température précé- dente, l'augmentation se produit de nouveau, mais la nouvelle variation s'effectue en sens inverse si l'on retourne à la deuxième température. En un mot, les variations rentrent parfaitement dans le diagramme y?^. i. De plus, les tensions qui ont été produites par l'étirage, et qui disparaissent définitivement par un premier recuit, sont analogues à celles qui produisent, dans l'acier nickel, les variations de longueur des barres étirées à froid. Remarque. — Les variations de volume à température et à pression constantes ou les variations de résistivité à température constante, laissent incertaines, entre deux limites déterminées, les valeurs de la dilatabilité, du module d'élasticité ou de la variation de résistivité avec la température. Si les observations, aux diverses valeurs de la variable indépendante (tem- pérature ou pression), pouvaient être faites en un temps infiniment court, on trouverait les valeurs minima de ladilatabilité ou du module de déformation du verre ou encore de la variation (positive) de la résistivité de la manga- nine, et les valeurs maxima de la dilatabilité des aciers au nickel. Une variation infiniment lente de la variable conduirait à l'autre valeur limite. Dans la réalité, on peut, sans trop de difficultés, obtenir des valeurs très rapprochées des limites. Aux températures ordinaires, ne dépassant pas 4oo ou 50°, les variations de volume du verre ou de l'acier nickel sont assez lentes, à température ascendante, pour qu'on puisse faire commodément une observation sans que le corps se soit éloigné sensiblement de son état initial. Si la température s'élève jusqu'à loo®^ la variation est trop rapide pour qu'une bonne observation soit possible. Mais si l'on débute à la température la plus élevée, on peut suivre commodément la variation à température descendante. La même remarque s'applique aux variations de résistivité de la manganine. Pour le module d'élasticité du verre, les incer- titudes, qui peuvent varier de 0,001 à o^ o3, disparaîtront en grande partie, dans une extrapolation pour le moment initial. Phosphorescence. — La modification dans l'équilibre d'un corps peut être obtenue non seulement par l'action d'une force ou d'une — 4U - lempérature, mais encore par d'autres causes. Les phénomènes de phosphorescence nous montrent que la lumière peut provoquer, dans certains corps, des modifications analogues. Une substance phosphorescente, frappée par la lumière excitatrice, rend, pendant un temps plus ou moins long, une lueur qui va en s'aflaiblissant suivant une loi de la nature d'une exponentielle. La rapidité de l'extinction dépend de la température et probablement de la pres- sion, et on sait qu'elle est fortement augmentée par l'action de certaines radiations, différentes des radiations excitatrices. Par exemple, les observations de E. Becquerel et de M. G. Le Bon ont mis hors de doute l'action extinctrice des radiations infra-rouges sur des substances excitées par les radiations de faible longueur d'onde. L'équilibre d'une substance phosphorescente dépend donc non seulement, comme celui des corps dont nous nous sommes occupés jusqu'ici, de la température et de la pression, mais du champ de radiation dans lequel il se trouve plongé. Lorsqu'il s'est mis en équilibre avec certaines radiations, il tend, dans tout autre champ, à revenir à un nouvel état d'équilibre, et sa modification nous est révélée par la lumière qu'il émet. La rapidité du retour à l'équi- libre dépend essentiellement des propriétés du champ nouveau. Résumé. — Les variations passagères de l'équilibre des solides, dues à des changements dans les circonstances extérieures, bien étudiées dans un petit nombre de cas typiques, dont plusieurs ne doivent ce privilège qu'à leur importance métrologique, consti- tuent probablement un groupe de phénomènes d'une grande généralité. Que la cause de la variation soit la température, la pression ou toute autre variable indépendante, et que la variation immédiatement observée se rapporte au volume, à la résistivilé électrique ou à toute autre propriété, les lois régissant les phéno- mènes semblent être sensiblement les mêmes dans tous les cas. Quelles que soient les petites variations qu'elles subissent dans le détail, elles possèdent toutes ce point commun, qu'une variation des conditions n'est pas suivie immédiatement de la totalité de l'action qu'elle entraîne et que, dans les deux sens du changement des variables, l'état définitif n'est atteint que progressivement. Il n'est pas inutile d'insister ici sur la différence essentielle qui — ^5 - existe entre ces phénomènes et les déformations permanentes proprement dites, dues à un écoulement de la matière solide. Ainsi, nous avons vu qu'une tige de métal peut montrer, suivant les cas, soit Tune, soit Tautre de ces déformations, soit les deux superposées. La tension due à la déformation mécanique perma- Dcnte et au glissement des molécules peut disparaître définitive- ment par le recuit; on la produit presque indifféremment dans les métaux purs ou les alliages écrouis. La variation que nous étu- dions ici n'a été observée que dans le verre ou certains alliages particuliers. En somme, le premier phénomène est de nature pure- ment physique, celui dont nous nous occupons semble plutôt lié à la constitution chimique des corps. ESSAI DE THÉORIE. Laissant de côté les modifications d'un caractère véritablement permanent, que le recuit fait disparaître et qui ne se manifestent plus par aucune variation avec le temps à des températures infé- rieures, je ne chercherai à expliquer ici que les variations liées à la nature chimique des corps. La considération d'un cas particulier va nous aider à expliquer l'ensemble de ces phénomènes. Nous avons vu que les déformations des aciers au nickel sont corrélatives des transformations magnétiques et que toute appa- rition du magnétisme est liée à une augmentation du volume mo- léculaire mo}'en. D'ailleurs, les transformations du fer et du nickel, qui se produisent sur un espace de température très restreint dans les métaux à l'état de pureté, s'étendent dans un intervalle dépassant souvent 200 degrés, dans les alliages réversibles ou irréversibles. On peut se faire, sur la nature de ces transformations, des idées diverses ; on peut penser, par exemple, que les alliages de fer et de nickel non magnétiques à des températures où chacun des compo- sants est magnétique, sont de véritables combinaisons chimiques, et que le passage à l'état magnétique est le signe d'une dissocia- lion. Mais cette idée fait probablement intervenir des phéno- mènes chimiques trop complets, et l'on peut, à l'exemple de M. Os- mond, de M. H. Le Ghatelier, de M. L. Dumas, penser que la - 446 - présence de l'un des métaux retarde simplement la transformation magnétique de l'autre, comme le fait, par exemple, le carbone dans le fer. Quel que soit, d'ailleurs, le mécanisme que l'on admette en définitive, comme l'apparition du magnétisme dans les métaux purs est liée sans doute à une polymérisation, il paraît certain que la transformation magnétique de l'alliage est due à \in phénomène de nature chimique, combinaison ou dissociation du ferro-nickel, ou simple polymérisation de l'un des composants, très fortement retardée par la présence d'un autre corps avec lequel il forme une solution solide. A toute température, un acier-nickel réversible tend ainsi vers un état d'équilibre toujours le même, quels que soient les états antérieurs, et caractérisé par une proportion définie des groupe- ments chimiques qui peuvent coexister, combinaisons véritables du fer et du nickel, ou simple polymérisation de l'un des compo- sants ou de tous les deux, dont le degré varie d'une quantité finie très petite pour toute variation finie très petite de la température. Il est remarquable que, dans ces alliages, l'équilibre soit instan- tanément réalisé à moins de i pour loo près dans la plupart des cas, la distance CC de \ajig, 2 étant, en pratique, à peu près dans ce rapport avec la distance FC. Ces considérations, qui semblent bien démontrer la nature chimique ou pseudo-chimique (de polymérisation) de la cause des résidus thermiques dans les aciers au nickel, s'appliquent avec autant de facilité aux résidus observés dans le verre. Ce corps est, ;i n'en pas douter, une solution solide réciproque d'un certain nombre de composés définis, dont la constitution est donnée par la com- position globale du verre et les conditions actuelles auxquelles il est soumis. Nous avons vu (ju'un verre de constitution chimique simple est à peu près dépourvu de résidus. Mais, lorsque sa consti- tu tien se complique, et surtout lorsque les deux alcalis principaux se trouvent en présence en quantité équivalente, les résidus devienneni très considérables. Or c'est précisément dans ces conditions que l'on devra s'attendre à une grande facilité d'échange entre les mo- lécules voisines assez complexes. On pourra même penser que des échanges auront lieu entre les parties combinées et les parties dis- soutes, et toute variation de cette nature, lente à cause de l'étal apparemment solide, pourra être liée à une variation de volume. — 4i7 — Nous avons vu que les résidus élastiques et thermiques dans les verres de difTérenles compositions sont liés par une complète ana- logie, et que la seule exception apparente relevée par M. Weid- mann s'explique par le fait que, dans les déformations élastiques, le changement de volume des fibres les plus tendues était extrê- mement faible. Quelques physiciens ont pensé pouvoir partir de cette remarque pour expliquer les résidus thermiques par des résidus élastiques. Mais des considérations élémentaires montrent que cette théorie est invraisemblable (*). On peut cependant retenir de cette obser- vation le fait que Tinstabilité de constitution du verre se manifeste pour tous les modes de déformation qu'on peut lui faire subir. Considérons une tige soumise à une flexion ; on observe tout d'abord une déformation purement élastique, puis une déforma- tion additionnelle qui tend rapidement vers une limite. Suppri- mons la force, la lige se redresse, en ne conservant d^abord que la déformation additionnelle qui, à son tour, disparaît complète- ment. Les théories anciennes, admettant un glissement graduel des molécules, n'expliquent ni rétablissement d'une limite, ni le retour parfait à la forme primitive. On devrait penser, au contraire, si cette idée était exacte, que les corps peuvent être parfaitement élastiques sans aucun résidu, ou plastiques admettant des glisse- ments sans aucun arrêt, et surtout sans retour en arrière lorsque la force a cessé d'agir. Supposons, au contraire, que la constitution chimique soit une fonction de la pression. Les fibres tendues ou comprimées de la tige de verre éprouveront des modifications chi- miques en sens inverse, et lorsque le nouvel état sera celui qui correspondra le mieux à la pression existante, le mouvement s'ar- rêtera. Lors de la suppression de la force, le retour lent en arrière sera dii au rétablissement des combinaisons primitives. Les mêmes raisonnements s'appliquent à toutes les variations résiduelles que nous avons rencontrées, et l'idée qui en découle peut s'exprimer en disant que tous les corps présentant des modifications passagères possèdent un équilibre chimique va- riable avec les circonstances extérieures, auquel ils arrivent (') Voir en parliculier, Cii.-Éd. Guillaume, Traité de Thermométrie, p. i43. — 448 — lentement lorsque ces circonstances se modifient, L*élat solide explique suffisamment la lenteur de ces variations. Les belles recherches résumées dans le Rapport de M. Spring ne laissent d'ailleurs aucun doute sur la possibilité des réactions chimiques dans les solides. On pourrait objecter à cette théorie le fait que des corps appa- remment purs (des fils de torsion, en argent par exemple) montrent des résidus appréciables. L'objection ne paraît cependant pas aussi grave qu'on pourrait êlre tenté de le croire. Tout d'abord, nous avons vu que de très faibles quantités d'impuretés modi- fient sensiblement les qualités élastiques d'un fil de quartz. En- suite l'analogie des phénomènes phosphorescents avec les résidus que nous étudions permet de reculer considérablement les limites de pureté nécessaire pour que tout résidu disparaisse, et il est bien improbable que ce degré de pureté ait été atteint dans les fils sur lesquels les résidus ont été observés. Enfin, si même la pureté chimique pouvait être admise, il resterait les équilibres de polymérisation faisant intervenir des molécules semblables, susceptibles de former, sous l'action des agents extérieurs, des groupes plus ou moins complexes, dont l'ensemble tend, en toutes circonstances, vers l'équilibre compa- tible avec les conditions actuelles. Celte dernière idée s'est montrée fructueuse dans les tentatives faites pour expliquer les anomalies de l'eau. Ici, les phénomènes semblent instantanément réversibles, ce que l'état liquide rend d'ailleurs très vraisemblable. Mais il n'est pas inutile de noter <|ue, si la durée de l'établissement était très courte, sans être pra- tiquement négligeable, les expériences faites jusqu'ici n'auraient pu révéler son existence. - ^9 - LA FUSION ET LA CRISTALLISATION D APRES LES RECHBRCIIES DE G. TAMMANN. Résumées par B. Weinberg, Priyat-Docent de Physique à l'Université d'Odessa. 1. La division des corps matériels en corps gazeux, liquides et solides et la distinction entre les états gazeux, liquide et solide d'une même substance ne perdront certainement jamais leur im- portance et leur valeur ni dans la vie journalière, ni même dans la Science, bien qu'il n'y ait là qu'un reste de la théorie des élé- ments des anciens et bien que, en toute rigueur, cette division et cette distinction ne soient pas conformes aux principes de la Science moderne. Les recherches de Cagnard de la Tour, d'Andrews, de M. Van der \\ aals et d'autres physiciens ont nettement montré la con- tinuité des états liquide et gazeux et, par cela même, la conti- nuité des liquides et des gaz, brillamment illustrée ensuite par les recherches de M. Amagatsurla compressibilité des liquides et des gaz sous fortes pressions. L'intérêt de ces recherches et la géné- ralité de leurs résultats ont vivement attiré l'attention de tout le monde et donné, môme aux savants les plus éminents, la tentation de trouver une continuité analogue entre l'état liquide et l'état solide. Quelques voix isolées seulement, celles, par exemple, de M. Tammann (*) et de M. Le Chatelier (2), se sont élevées contre celte opinion. ( ' ) Zeits. phys. Chem,, t. XXI, p. 33; 1896; t. XXVIII, p. 17, 18; 1899. Wied. Ann., l. LXII, p. 281, 283; 1897; l- LXVI, p. 496, ^98; t. LXVIII, p. 63o; 1899. (•) Ann. des Mines, t. XI, p. i3i, i36; 1897. C. P., I. 39 - ioO — 2. Arrêtons-nous d'abord à la dislinclion enlre les corps so- lides et liquides. Une distinction entre deux classes de corps ne peut être nettement établie que dans le cas où elle est fondée sur l'existence, dans ces deux classes, de qualités de nature différente. Si, en effet, il s'agit seulement d'une différence de degré entre les valeurs d'une même propriété, on pourra toujours s'attendre à voir une série continue de corps intermédiaires relier les échantil- lons types des deux classes. Au contraire, s'il existe, dans les deux classes, des qualités de nature différente, il y a nécessairement dis- continuité. Cetle discontinuité subsiste même quand les pro- priétés au moyen desquelles on établit la distinction peuvent être exprimées numériquement, si les valeurs numériques de ces pro- priétés varient d'une façon discontinue. Or les propriétés qu'on prend ordinairement pour base de la distinction entre les corps solides et li(|uides ne portent, à y re- garder de près, que sur des différences de degré. Telles sont, par exemple, la fluidité des liquides et la conservation de la forme des solides, celte distinction pouvant être aisément réduite aux diffé- rences de valeurs du coefficient de frottement inlérieur et du module de rigidité. On pourrait caractériser les corps liquides comme doués d'un coefficient de frottement inlérieur fini et d'un module de rigidllc égal à zéro, et les corps solides comme doués d'un coefficient de froUenient intérieur infiniment grand et d'un module de rigidité fini. Mais les expériences de ïresca et les re- cherches délalllces de M. Spring (') ont montré que, dans les corps doués d'un module de rigidité fini, le coefficient de frotte- ment inlérieur peut être grand sans èlre infini. D'autre part, les expériences de M. Schwedoff (^) ont fait voir qu'il existe des corps (solulions finhles de gélatine) doués d'un coefficient de frotte- mcnl intérieur médiocre et en même temps d'un module de rigidité fini, mais si (aihie ([u'ils sont tout à fait semblables à des liquides ordinaires. Tous ces faits prouvent que, si l'on prend pour base de la dis- tinction enlre les corps solides et liquides la difficulté ou la faci- lité de changer de forme d'une manière temporaire ou permanente (•) Voir le Rapport de M. Spring. (') Voir le Rapport de M. Schwedoff. - 451 — sous rinfliience d'une force mécanique, îl n'y a entre ces deux classes de corps qu'une difTérence de degré. 3. Celte conclusion peu consolante a conduit à prendre comme base de la division des corps matériels en corps solides et fluides Texislence ou l'absence d'une forme cristalline. Cette fois, la divi- sion serait absolument tranchée. Mais une pareille définition, exacte dans la grande majorité des cas, n'est pas cependant appli- cable à tous les corps homogènes connus. Ainsi, il existe, d'une part, un grand nombre de corps amorphes qui ont les propriétés des corps solides ordinaires. D'autre part, quehjues substances donnent, dans certaines conditions, des cris- taux fluides ou mous, comme les a appelés M. Lehmann ('); ce sont probablement des cristaux doués de modules de rigidllé et de coefficients de frotlemenl intérieur (2) particulièrement faibles eï, par conséquent, analogues aux solutions de gélatine étudiées par M. SchwedoflT. L'assimilation des termes cristallisé et solide équivaudrait donc à la suppression de ce dernier terme qui, dans la vie journa- lière, désigne essentiellement la propriété de changer difficilement de forme sous rinfiuence d'une force mécanique. Cette propriété sera toujours la base de la distinction entre les corps solides et liquides, mais il restera des cas douteux. i. Quant aux états fiuide et solide, on pourra toujours les dis- tinguer l'un de Tautre, même dans les cas peu typiques, où ces deux élals coexistent, c'est-à-dire 011 les conditions correspondent à un des points de la courbe de transformation de ces deux phases. Mais, si l'on a une phase isolée pour laquelle il v a doute, on ne peut définir son étal que si l'on sait l'histoire de cette phase à partir d'un instant où elle coexistait avec une autre phase. Néanmoins, la coexistence des deux phases peut être insuffi- sante comme base d'une distinction entre les deux états, si le lon"^ de la courbe de transformation, les discontinuités relatives aux différentes propriétés de ces deux phases A\m\n\xQnl ei s^ annulent simultanément. (') Wicd. Ann., t. XL, p. t^o\\ 1890. (') ScHEXCK, Zeits. phys. Ckeni., t. X\V, p. 337; t. XXVII, p. 1G7; i8y8. •^ 4^J2 - Dans ce cas, on pourrait passer de Tétai liquide à IVtal solide ou inversement d^une façon absolument continue. Un pareil ca«> >e présente pour les élats liquide et gazeux, ce qu'on peut aisément voir en jetant un coup d^œil sur le modèle de la surface thermoHw naraique idéale des volumes d'une substance quelconque (//V- i • Fig. I. La tcrra-^sc qui forme la |)arlie supi*rirurc et lu partio (lnii(t'*i< cri le surfiico rc|»n'*scnte 1rs volumes de la substance à IVl.ii ;:i- zrux on ft»ncli<»n ilr la pression I* et de la température ab^iiliic T La lerra"*"^!* qui sr irouve au-dessous de la précéiienle. cl un |-'u à ;::mi('Iic du milieu do la fi';ure, rt'présente la substance à IVt.it liquide; rllr reurontre la terrasse précédante et se confond j*«i ellr au poini critique; mais, dans le sens vertical, elle rn e*l *• - parée |):ir uin' sorte de trouée cylindrique perpeiidi«*ulaire J'i plan TIV i-l dont la projection ^ur et* plan est la courbe de> pri.«* >ion> de v.qteur. Si le point qui re|»résenle Tétai de la substance se déplace «urij surface d** manière à traverser la trouée (sa projection sur le pljn'li' traversant la eourlie des pressions), «>n obtiendra à ce moment ii rorvislrnrr dt"^ deux phases cl la discontinuité des propririr* Mais, si le point représentalil' passe sur la droite de la irouèe «-n — 453 - faisant le tour du point critique, alors les propriétés de la sub- stance varient d'une façon absolument continue et la définition de l'état devient impossible. Au point critique, la courbe des pressions de vapeur, ou, plus brièvement, la courbe de transformation AB ^fig* 2), qui est Fig. 2. régie par l'équation de Clapeyron-Carnot (0 :7p = t(^-^)> a un point d'arrêt B, parce que v — v^ et / s'annulent simulta- nément. Pour les états solide et liquide, une solution de continuité des propriétés et une coexistence des deux phases ne sont possibles que quand l'état solide est en même temps l'état cristallisé. Ce fait, qui est démontré (*) par un grand nombre d'observations diffé- rentes, prouve que les solides amorphes doivent être regardés comme des liquides surfondus doués d'une très grande viscosité. En étudiant la viscosité des liquides surfondus, M. Tammann a trouvé (2) qu'elle croît extrêmement vite avec l'abaissement de la température. Il a également établi et nettement exprimé (') les (*) Comparer Tammann, Wied, Ann., t. LXII, p. 285-286; 1897. Zeits. phys, Chem.y t. XXVIII, p. 17-19; 1899. Le Chatelier, Ann. des Mines, t. XI, p. i34- i36; 1897. O Zeits. phys. Chem., t. XXVIII, p. 17-32; 1899. (3) Zeits. phys. Chem., t. XXIII, p. 326-328; 1897; t- ^^V, p. 4^11-479; t. XXIX, p. 01-76; 1899. B0GOJAWLEN6KY, Ibid., t. XXVII, p. 5fi5-6oo; 1898. — 4U — conditions de la possibilité d'une grande surfusion d'un liquide (voir n" 5). Quand l'état solide de la substance coïncide avec l'état cristal- lisé, il existe une solution de continuité des propriétés, et les deux phases peuvent coexister. Par analogie avec les états liquide et gazeux, on pouvait présumer (') que, si l'on suivait la courbe de transformation, on arriverait à un point critique où cette disconti- nuité des propriétés aurait disparu. L'intérêt principal des re- cherches de M. Tammann sur la fusion et la cristallisation (-) réside dans la démonstration qu'un tel point critique n'existe pas,, et que la région de stabilité de Télat cristallisé est limitée de tous les côtés. A rintérieur de celte région, c'est l'état cristallisé qui est stable; à l'extérieur, c'est l'état amorphe (vilreux, liquide ou gazeux, sui- vant les valeurs du coefficient de frottement intérieur et de la oompressibilité). Le long de la courbe de transformation, les deux états peuvent coexister, mais il y a toujours une discontinuité plus ou moins prononcée dans quelques-unes des propriétés. Ainsi, non seulement les corps cristallisés sont nettement sépa- rés des corps amorphes, mais, d'après les recherches de M. Tam- mann, il y a une discontinuité absolument tranchée entre les états cristallisé et amorphe d'une même substance, contrairement aux suppositions faites par des savants de grande autorité, tels que M. Poynting, M. Planck, M. Ostwald. Si l'on considère la matière à un point de vue statique, la con- linuité entre les états cristallisé et amorphe est possible, mais à la condition que les propriétés veclorielles qui caractérisent l'étal cristallisé tendent, quand on s'aj)proche de l'état amorphe, à s'uniformiser dans toutes les directions. A un point de vue d\na- mi(jue, une continuilé entre les élats cristallisé et amorphe est absolument impossible, car (( Total cristallisé est un élat de mouvement ordonne (Zusland geordneter BcAvegung)] Télal (') Poynting, Pliil. Mag.. 5- série, t. \1I, p. 3j; 1887. Planck, Varies, ùber Thermodynamiky p. i8 et i5j; ivSi)-;. Ostwald, Lehrb. Ailgcm. Chcm., p. 373 et 38(); 1897. (2) Zeits. phys. Chcm., t. X.\I, p. 17-34: 1^97. Wied. Ann.. t. LXII, p. 28*»- 299; ï^Si>7: l. LWl, p. 473-498; 1898; t. LXMIl, p. 553-583, 6a9-(357; 1899. Ann. der Physik,X. I, p. 275-289; t. II, p. i-3i; 1900. — 435 - liquide et gazeux est uq état de mouvement extrêmement désor- donné [Zustand hôchsler Unordnung) (*) ». 5. Passons maintenant aux recherches expérimentales et théo- riques de M. Tammann. En étudiant les circonstances qui accompagnent le passage de l'état liquide à Tétat cristallisé, M. Tammann a établi les résultats suivants : i" La vitesse linéaire de cristallisation ne croît pas indéfiniment avec l'abaissement de la température; dans les substances où elle est grande, elle atteint bientôt une valeur maxima constante, la conserve dans un intervalle de 3o à 4o degrés et puis diminue; dans les substances douées d'une vitesse de cristallisation assez faible, cet intervalle est minime et le maximum très prononcé. 2*^ Les liquides surfondus ont un pouvoir de crislallisation spontanée que Ton peut considérer comme une des constantes physiques de la substance, et qui est aussi une fonction de la tem- pérature et de la pression. Ce pouvoir se manifeste par Tappari- tion spontanée de germes cristallins dont le nombre est (approxi- mativement) proportionnel au volume de la substance liquide et au temps pendant lequel elle est maintenue à la température, infé- rieure au point de fusion, pour laquelle on fait Tobservation. Si Ton fait rapidement passer la substance de cette température à une température plus élevée, et assez élevée pour que, d'une part, aucun germe nouveau ne puisse plus apparaître, et pour que, d'autre part, la vitesse de cristallisation devienne notable, alors les germes spontanément apparus à basse température donnent naissance à des agrégats sphériques de cristaux qui croissent avec le temps jusqu'à remplir tout le volume de la substance. Il suffit donc de compter le nombre de ces sphérules et de le réduire à l'unité de volume et à l'unité de temps d'exposition à la première température pour avoir la mesure du pouvoir de cristallisation spontanée de la substance à cette température. S"* Le pouvoir de crislallisation spontanée a un maximum bien prononcé; il est insignifiant pour des surfusions peu considérables et pour des surfusions très considérables. La température à (*) Tammann, Wied. Ann., t. LXII, p. 285; 1897. - i56 - laquelle a lieu ce maximum est ordinairement au-dessous de la lempéralure à laquelle correspond le maximum de la vitesse de cristallisation. Comme exemple, citons les données relatives au bélol (Ta- bleau I) : Tableau I. Vitesse Pouvoir de de cristalli- cristalli- t. Viscosité. t. sation. t. sation. 0 0 0 5o o,oi4 80,5 0,92 40 0 45 0,02I 78,0 i,o5 35 0 4o o,o36 76,0 1,00 3o I 35 0,095 74 /> 1 ,00 ^4 5 3o 0,157 73,5 0,98 20 8 25 0,64 72,5 0,95 16 40 20 2,65 68,0 0,86 12 28 i5 10,6 67,5 o,83 8 4 lO 46,0 66,1 0,80 4 3 5 219 65,2 o,5o 0 2 o 58o — 2 — 6 — 10 0 0 4° Si le liquide peut crislalliser sous diverses formes, la tem- pérature du pouvoir maximum de cristallisation spontanée est, en général, distincte pour chaque forme. La connaissance de ces tempérarures permet d'obtenir celle des formes cristallines de la substance que l'on désire. Ces résultats ont permis à M. ïammann de formuler les con- ditions de la possibilité d'une grande surfusion d'un liquide et de la stabilité de l'étal vitreux atteint : c'est la faible vitesse de cristallisation à la température du maximum du pouvoir de cris- lallisation spontanée. Dans ce cas. en abaissant rapidement la lempéralure de la substance très au-dessous de la température de ce maximum, on peut amener cette substance dans un étal où le pouvoir de cristallisation spontanée, ainsi que la vitesse de cris- tallisation, sont si petits que le processus de la cristallisation (de dévitrifualion) ne s'accomplirait qu'avec une extrême lenteur. M. Tammann exprime Topinion qu'un refroidissement énergique — 457 - produit, par exemple, par la rencontre de jets pulvérisés de la substance fondue et d'air liquide, pourrait amener chaque sub- stance dans un état vitreux et amorphe. 6. Résumons maintenant les résultats obtenus par M. Tammann relativement à la courbe de transformation de Tétat liquide dans Télat cristallisé. La marche de cette courbe obéit à Féquation dT T, , analogue à l'équation (i). Les conclusions remarquables que M. Tammann a su tirer de cette équation résultent toutes du fait que jamais les valeurs absolues de ret de i^' — i^" ne diminuent ou ne croissent simultanément le long de la courbe de transforma- tion. Cette circonstance est suffisante pour montrer que la courbe de transformation doit être fermée et que, par conséquent, la région de Tétat cristallisé est limitée. Pour préciser la marche de la courbe de transformation, M. Tammann a dû se renseigner sur le signe de la quantité -im' Comme les expériences des autres observateurs se rapportaient à un intervalle trop étroit de pressions ou même étaient contradic- toires, M. Tammann a poursuivi expérimentalement les courbes de transformation de 24 substances jusqu'aux pressions de 4ooo à 5ooo atmosphères en déterminant, par une méthode particulière, non pas la température de fusion qui correspond à une pression donnée, mais la pression de fusion qui correspond à une tempé- rature donnée. Cette méthode consiste dans l'observation de la marche de la pression après une compression ou une dilatation adiabatiques d'un système où coexistaient la phase liquide et la phase cristallisée. L'étude de ces données expérimentales, ainsi qu'une recherche théorique spéciale (*) ont montré que -jp^ ^st toujours négatif (ou plutôt d'un signe contraire à celui de r), c'est-à-dire que la concavité de la courbe de transformation est tournée vers l'axe des P. (') Ann. cier Physik, t. I, p. 275-289; 1900. — 458 — 7. Poursuivons mélhodiquemenl la marche de la courbe de transformalion. Elle commence au triple point A {Jig. 2) par ane branche AC le long de laquelle r' — r" diminue en même temps que /• croit, parce que ^ = c — c > o. En un point C, i'' — i'^ s'annule et /* alleint un maximum; U transformation de Tétat liquide en état solide ou, mieux, de l'étal amorphe en état cristallisé, s'y produit sans changement de vo- lume, mais avec un dégagement de chaleur. Il y a donc une solu- tion de continuité des propriétés, par exemple du coefficient dt* dilatation, comme cela se voit aisément sur le modèle de la surface des volumes (Ji^^- i) : là 011 disparaît la discontinuité entre la ter- rasse moyenne et la terrasse inférieure, en forme de semelle, qui représente l'élal cristallisé, Tisotherme a un point anguleux. M. Tammann a eu l'idée simple et heureuse de supposer que. lorsqu'on prolonge au delà du point C la courbe de transforma- tion, r' — i* continue de diminuer et, par conséquent, de\ient négatif : le volume de la phase liquide devient moindre que le volume de la phase solide, ce qui se traduit, sur le modèle, par un abaisscmcnl de la terrasse moyenne au-dessous de la terrasse inférieure. Le long de la branche CD correspondante de la courbe de transformalion, /* diminue (parce que la température diminue • et i' — i", toujours négatif, croît en valeur absolue. En un point D. /• s'annule cl, par conséquent, -r^ devient inHni; la tangente à L courbe de transformation devient parallèle à Taxe des T. M. Tammann a de nouveau supposé que, comme i' — i»', r. après s'être annulé, continue de décroître et dau'ent néi^atif. la branche consécutive de la courbe devant, en conséquence, avoir une marche semblable à DE. La terrasse de l'étal solide est donc entourée par la terrasse de Tétat liquide, ou plutôt vitreux, car, à des températures aussi basses, la viscosité doit être trc> grande. Le long de la branche DE, r est négatif et croît en valeur absolue; i' — (" étant aussi négatif, diminue et s^annule en un point E. Prolongée au delà de ce point, la courbe de transformation doil avoir une forme telle que EF, et aboutit à un second point triple F dans lequel peuvent coexister la phase cristallisée, la phase - 4d9 — amorphe-viireuse et la phase gazeuse. Le long de celle branche, /• resle négalif, mais v' — ^" est positif et croît, la terrasse de l'état vitreux s'élève peu à peu au-dessus de la terrasse de l'état cristallisé. Enfin, la courbe de transformation est complétée par la branche FGA, qui représente les pressions de vapeur saturée en présence des cristaux. 8. Mentionnons encore que la surface de notre modèle ne re- présente que les phases stables. Les phases mélastables ou instables seraient représentées parles points des prolongemenls imaginaires de ces tiois terrasses au delà des bords des trouées qui les sé- parent. Ainsi, la vapeur sursaturante serait représentée par un prolongement de la terrasse supérieure au-dessus de la terrasse moyenne, le liquide surchauffé par un prolongement de la terrasse moyenne au-dessous de la terrasse supérieure, et enfin le liquide surfondu par un prolongement de la terrasse moyenne au-dessus ou au-dessous de la terrasse inférieure, suivant que Ton est à gauche ou à droite des points G, E. Ce prolongement imaginaire de la terrasse nioyenne, qui repré- sente le liquide surfondu, étant continué suffisamment loin, doit aboutir à la partie de terrasse moyenne qui représente l'état vi- treux. Toute cette région imaginaire de la surface, qui représente la substance amorphe, mais instable, peut être divisée en deux parties par une surface cylindrique qui a pour génératrice une ligne GKD appelée par M. Tammann ligne critique. Le long de cette ligne, /• = o, c'est-à-dire la transformation de l'élat amorphe instable en état cristallisé stable, quoique étant accompagnée par un changement de volume, se produit sans effet calorifique. Comme, pour les points de la région GKDEF, /• est négatif, l'élat amorphe n'y correspond plus à un liquide surfondu, mais à un liquide surchauffé qui se transforme plus ou moins lentement dans l'étal stable crislallisé. 9. Énumérons les principales conclusions auxquelles conduit la forme de la courbe de transformation, telle que l'a tracée M. Tam- mann. — 460 - 1° Pour chaque substance, il existe une tempéralure limite au delà de laquelle Télat cristallisé esl instable, quelle que soit la pression. 2^ Pour chaque substance, il existe une pression limite au delà de laquelle l'état cristallisé est instable, quelle que soit la tempé- rature. 3** Si Taxe des P ne coupe pas la courbe de transformation, la substance a, pour chaque pression, deux points de fusion ou, mieux, deux points de transformation de l'état amorphe en état cristal- lisé. Au premier point de fusion, la cristallisation a lieu à la suite d'un abaissement de température et esl accompagnée par un déga- gement de chaleur; au second point de fusion, la cristallisation e>t produite par une élévation de température et accompagnée par une absorption de chaleur. 4° Si l'axe des P ne coupe pas la courbe de transformation, il existe une température au-dessous de laquelle l'étal cristallisé est instable, quelle que soit la pression. 10. Les points de la courbe de transformation, C, E, D, qui correspondent aux températures limites et à la pression limite mentionnées plus haut, se distinguent nettement du point critique. En effet, aux points C et E la chaleur de fusion n'est pas nulle, cl la transformation se produit d'un façon discontinue; mentionnons. par exemple, la vitesse de refroidissement. Au point D, la tran>- formalion se produit sans effet calorifique, mais avec un chan'^e- ment de volume. Si l'on réunit les points où les volumes des phases amorphe ei crislalliscc sont égaux, on ohlienlune ligne CE que M. Tammann a appelée ii^'/ie neutre des volumes et qui n'est que la projeclion sur le plan ÏV de Tinterseclion de la surface représentant IVtal cristallisé et de la surface représentant Tétat amorphe, la seconde surface étant étendue aux volumes instables. Le point K d'inter- section de la ligne critique et de la ligne neutre des volumes a quelques propriétés du point critique, parce que i^*' — ç^*^ et r s'y annulent siniullanément. Ce point R serait un véritable point cri- tique, s'il était rinterseclion de toutes les lignes neutres relatives aux différentes propriétés de la substance, c'est-à-dire des pro- — 461 - jcctions des intersections des nappes de la surface thermodyna- mique d'une propriété quelconque qui se rapportent à l'état cristallisé et à l'état amorphe. Une pareille intersection de toutes les lignes neutres en un même point est d'autant plus invraisemblable que chaque surface thermodynamique étant à une nappe pour une propriété scalaire ( volume, chaleur spécifique), est à trois nappes pour une propriété vectorielle (indice de réfraction, conductibilités thermique et électrique, viscosité, compressibilité, rigidité, constante diélec- trique, perméabilité magnétique). Dans le cas même où toutes ces surfaces se couperaient en un même point, ce point ne serait pas analogue au point critique des phases liquide et gazeuse, car il serait un point stable isolé et, par conséquent, il ne serait acces- sible, pour la phase amorphe, qu'à travers une région d'instabilité. il. Comme le pouvoir de cristallisation spontanée et la vitesse de cristallisation sont très faibles pour des températures suffisam- ment éloignées de la courbe de transformation, une surfusion assez intense peut amener une substance dans l'état amorphe qui, quoique instable, ne se transformera dans l'état correspondant cristallisé et stable qu'avec une extrême lenteur. Une surfusion encore plus grande peut faire de cet état amorphe un état stable, de sorte que la région de l'état cristallisé sera complètement évitée. D'autre part, par un abaissement de température assez considé- rable, on peut amener un cristal dans un état où l'état cristallisé sera instable, mais la transformation en état amorphe et stable, la V itri/i cation de ce cr'istaX surrefroidi, s'effectuera avec une lenteur encore plus grande que la dévitrification du corps amorphe sur- chauffé dont il était question plus haut. Toutes ces circonstances sont déjà des obstacles naturels à la constatation d'un second point de fusion d'une substance, mais la difficulté de cette constatation est beaucoup augmentée par le fait que les courbes de transformation de la plupart des substances étu- diées par M. Tammann sont compliquées par l'apparition de plu- sieurs branches qui se rapportent à différentes modifications allo- tropiques de la substance étudiée. On voit ainsi, encore une fois, que l'allotropie est probablement une propriété très générale de la matière, contrairement à l'opinion scientifique jadis admise. — iC2 - 12. Tout ce que M. Tammann a établi relativement aux courbes de transformation de l'état amorphe en état cristallisé se rapporte, en toute rigueur, aux courbes de transformation d'une modifica- tion allotropique en une autre. Pour ces dernières courbes, M. Tammann a réussi récemment (*) à réaliser les deux points de transformation à pression constante. Aux pressions qui surpassent 2400 kilogrammes-poids par cen- limùtre carré et à — 80®, la glace ordinaire, la glace I, comme la désigne M. Tammann, se transforme dans une autre variété cris- talline de la î^lacc, la glace II, qui est plus dense que l'eau. D'autre part, au\ températures comprises entre — 60** et — 20", on obtient, à partir de la glace ordinaire, par une grande augmen- tation de la pression, encore une autre variété, la'glace III, égale- ment plus dense que l'eau. Les courbes de transformation de la glace II et de la glace III CI) glace I sont dirigées en sens inverse, comme on le voit par la fi'^ , 3, où ces courbes sont représentées par les lignes EH et DI, Fig. 3. Glace II ou III î"" et par les données du Tableau II. Ces deux courbes ont des points ou -yp- =r 00 et ou, par conséquent, /• = o, alors que néanmoins le ebangeinont de volume qui accompagne ces transformations est considérable, — o^"'*,i() pour i? d'eau, et varie peu le long de ces courbes. (') Ann. dcr Phys., t. II, p. i-3i ; 1900. — 463 - Tablrau II. Pression de transformalioD de la glace I t. en j;lace II. en glace III. o — 1?. 2200 — -24 *i'23o — '\o ITLl') — 34 9/2 J2 — \o 2223 43 22 3 J — 5o 2 1 25 27. 3o — 60 2o5'» 2236 70 ■ 2000 9.'>"20 4 • • » I • • o •- l*R Ainsi, a chaque pression comprise entre 22^0 el 2202 -^^ — - pour kg la glace II, et comprise entre 2200 el 2255 — ^ pour la glace III, correspondent deu\ températures de transformation de ces modi- fications en glace ordinaire. Les autres courbes de la Jig, 3 sont la courbe des pressions de vapeur, BC, et les courbes de fusion de la glace 1, BD, de la glace IF, EG, et de la glace III, DF. Si nous ajoutons que M. Tammann a découvert, chez beaucoup Je substances, des variétés cristallines nouvelles qui ne se carac- térisent encore que par leurs courbes de transformation, nous avons tout le droit de croire que la statique des solides sous fortes pressions, dont s'est occupé M. Tammann, promet à la Science des découvertes non moins intéressantes et non moins suggestives ([ue leur dvnamique dans les conditions où M. Springl'a explorée. — 464 — CRISTALLISATION À TEMPÉRATURE CONSTANTE, Par J.-H. Va^tHOFF, PROFESSEUR A L' UNIVERSITÉ DE BERLIN. Introduction. Dans une série de Mémoires qui ont paru ou paraîtront dans les Comptes rendus de V Académie de Berlin, nous avons poursuivi. en collaboralion avec MM. Me^erhoffer, Kenrick, Donnan. Saunders, Eslreicher, Rosbierski, Williams, Dawson, Chiara- viglio, Wilson, Armstrong et von Euler-Chelpin, Tëlude de la crislalllsalion des solutions salines. Noire objet principal consistait dans Tétude des conditions de formation des dépôts salins maritimes. Mais nous avons cru devoir élar<;ir notre point de vue et traiter le problème d'une manière assez générale pour que noire travail pût servir de guide dans toute question analo<^ue, quels que fussent la nature particulière et le nombre des composes dissous. Mais ainsi posé le problème est si étendu qu'il nous a fallu le diviser. Nous nous sommes attaqués en premier lieu aux phéno- mènes se produisant à température constante. Nous avons choisi 4- î>'V* pour celle température, parce que cette température, infé- rieure il est vrai à celle qui régnait pendant la formation des dé- pôts naturels, est facilement réalisable. Il fallait ensuite étudier riufluence de la température : notre but final était d^ailleurs d*éta- - 465 - blir la marche des phénomènes à une température supérieure à la température de formation des dépôts naturels, afin d'embrasser tout ce qui pouvait être utile dans les applications à la Géologie. Ajoutons encore que Ton trouvera dans cette étude plus d'une vue nouvelle touchant les sels que 1 industrie exploite dans les dépôts salins maritimes. Dans ce qui suit, nous exposerons la première partie de notre travail, c'est-à-dire ce qui concerne la cristallisation à la tempé- rature de 25'. Cette question est surtout du terrain de la Chimie : elle n'est [)as, toutefois, sans intérêt pour le physicien, car le pro- blème des dissolutions rentre dans le domaine commun aux deux sciences. Pour traiter le sujet dans sa généralité et d'une façon mélho- dicpie, nous considérerons des dissolutions de plus en plus com- plexes, c'est-à-dire renfermant un nombre de plus en plus grand de sel dissous, en laissant de côté, cependant, les dissolutions renfermant un sel unique. A notre point de vue particulier, nous porterons surtout notre attention sur les sels maritimes; d'autant plus qu'il est possible, par un heureux hasard, de représenter clairement dans leur ensemble, par des constructions graphiques, les phénomènes les plus complexes que nous rencontrerons dans ce cas. Mais, auparavant, il convient de rappeler les quelques notions générales, d'ordre théorique, qui m'ont guidé. I. — Notions générales. Étant donnée une solution initiale décomposition déterminée, la marche de la cristallisation dépend de la nature des substances qui peuvent se former ainsi que de leur degré de solubilité. On admet généralement que le degré de solubilité détermine l'ordre dans lequel les dépôts se forment et aussi la quantité de ces dé pots. Or, en y regardant de plus près, il est aisé de voir que l'ordre dans lequel se succèdent les dépôts peut être renversé à volonté. Il suffit de diminuer la proportion des éléments peu so- lubles dans la dissolution primitive. Caria solubilité qui détermine la quantité du dépôt n'est pas la solubilité dans le dissolvant pur, mais cette solubilité souvent fortement modifiée par la présence C. P., 1. 3o - 466 — des autres subslances dissoutes. Ce critérium n'est donc pas suf- fisant : il convient d'en chercher un meilleur, permettant de fixer qualitativement d'abord la marche de la cristallisation et d'établir ensuite des théorèmes susceptibles de fournir aussi une représen- tation quantitative de ces phénomènes. A. — Étude qualitative de la cristallisation. Il suffit, pour établir qualitativement la marche de la cristallisa- lion, d'une considération simple qui s'interprète aisément dans les constructions graphiques. Il faut considérer le phénomène comme inverse du phénomène de l'évaporation. Soit une solution en contact avec les sels A, B, C, ... et saturée par rapport à ces sels, mais contenant encore des composés de nature quelconque. En ajoutant de l'eau et en même temps de nouvelles quantités des sels A, B, C, . . ., de manière à les maintenir en excès, on peut toujours obtenir, quel que soit le point de départ, une dissolution qui soit saturée seulement par rapport aux sels A, B, C, .... L'évaporation correspond à une transformation qui fait varier la composition en sens inverse de la transformation que nous venons de décrire. Nous pouvons admettre que la composition de la dis- solution varie suivant une fonction linéaire, ce qui simplifiera les calculs sans nuire à l'exaclltude du résultat final. B. — Dissolutions de composition invariable. Nous avons fixé parce qui précède l'allure de la cristallisation : il faut mainlenant déterminer les points fixes, indépendants des conditions initiales, par lesquels passera l'état de la dissolution. Cela fait, on pourra calculer la quantité de ce sel qui se dépose quand la dissolution est amenée par l'évaporation à l'état que caractérisent ces points fixes. Les points fixes dont il s'agit sont définis par la condition que le nombre des sels en présence soit égal au nombre nécessaire et suffisant pour obtenir la dissolution considérée. En effet, d'après la îu)^le des i>liases, la composition d'une dissolution est indépen- dante des masses relatives des composants, si le nombre des phases dépasse d'une unité celui des composants. Or, dans le cas particu- lier qui nous occupe, l'une des phases est constituée par la disse- - iG7 - liilion, une autre par sa vapeur saturante, les phases restantes par les sels non dissous : les composants sont l'eau et les composés salins nécessaires et suffisants; d'où résulte la proposition énoncée. Ce principe posé, il faut, parmi les combinaisons possibles, caractériser celles qui se forment réellement. Ce sont les expé- riences de cristallisation directe, ainsi que la théorie électroly- tique des dissolutions diluées qui peuvent nous renseigner à cet égard. La théorie nous apprend, en effet, que la saturation relative à un sel donné est caractérisée par une valeur constante du produit des nombres des ions en dissolution; ce produit est déterminé par la solubilité du sel. II. — Marche des expériences. r^a partie expérimentale de ces recherches consiste dans des dé- terminations de solubilité. Ces déterminations sont aisées quand les dissolutions ne renferment qu'un ou deux sels. Mais, dans les cas plus compliqués que nous avons à considérer, ces mesures se heurtent à plusieurs difficultés, ce qui nécessite des expériences de contrôle. L'étude de la pression de vapeur et de la cristallisation directe est précieuse à cet égard. Sans entrer dans ces détails, nous nous bornerons à décrire la détermination de la solubilité. La dissolution est contenue dans une éprouvette c^-lindrique plongée dans un thermostat d'Oswald; elle est en contact avec un excès des sels dont on veut la saturer et est agitée au moyen d'un agitateur hélicoïdal. Quand on juge la saturation obtenue, on pré- lève un échantillon de la dissolution, dans une pipette de Landolt, en la filtrant sur un tampon de coton. Ce qui importe surtout, c'est d'étie assuré que la saturation est réellement obtenue; car le dosage indispensable du chlore, de l'acide sulfurique, de la po- tasse, de la soude, de la magnésie, de la chaux est une opération laborieuse. Aussi s'épargne-t-on beaucoup de peine et de perte de temps en préparant tout d'abord une dissolution à peu près sa- turée et de composition connue. On maintient cette dissolution en contact avec des masses connues des sels en excès, tout en agitant. A des intervalles de temps égaux et connus, on détermine la masse spécifique de la dissolution ou sa teneur en chlore. Quand — 468 — Tétai stationnaire est atteint, on ajoute ane nouvelle quantité connue de sels, et l'on répèle les expériences de contrôle. Finale- ment, on doit vériBer par une analyse qu'aucun des sels n^a dis- paru en lolalilé. Celle dernière vérificalion conduil souvent à de graves désillusions ; car la composition du liquide est fréquemment altérée par des transformations entre les sels solides tout à fait inattendues, quoique calculables. Ajoutons que, dans certains cas, l'équilibre s'établit avec une lenteur extrême, et qu'il se forme souvent aussi des composés nouveaux. Toutes ces circonstances créent de nombreuses difficultés à vaincre, difficultés hors de pro- portion avec les résultats assez simples qu'on déduit de ces déler- iiiinations. ÏII. — Résultats. Pour procéder du simple au compliqué, nous traiterons succes- sivement les cas suivants : A. Deux composés, sels de même base ou de même acide; B. Trois composés, sulfales et chlorures de potassium et de magnésium; C. Quatre composés, soude ajoutée aux précédents en se bor- nant à considérer la saturation par rapport au chlorure de sodium ; D. Cinq composés, chaux en plus des précédents; dissolutions salines maritimes. A. — Deux composés, sels de même acide ou de même base. D'après ce qui précède, les dissolutions renfermant deux sels de même base ou de même acide auront une composition indépen- dante des masses relatives des sels en excès. La fig, i reproduit un (llairramme relatif aux dissolutions des chlorures de sodium et de potassium, qui permet de se faire une idée de la marche de la crislallisalion. Kn représentant la concentration par le nombre de molécules de sel contenues dans looo molécules d'eau, ce diagramme donne les chiffres suivants : Saturation relative à KCI. NaCI. A. NaCI III o B. KGl o 88 C. NaCI et KGl 89 39 - 469 - La marche de la cristallisation s'en déduit d'apros le principe énoncé plus haut. Quand on évapore une dissolution de concen- tration c, non saturée par conséquent, sa composition s'écarte de plus en plus de celle de Peau pure (point O); à partir du point r, il se dépose du chlorure de potassium. Puis la composition s'éloigne de celle qui correspond à une dissolution de chlorure de potassium seul (point B), devient celle qui répond au point C, à Fig. i. Fig. 2. K,SOi» partir duquel les deux chlorures se déposent simultanément jus- qu'à Tévaporation complète. Les deux flèches dirigées vers C figurent ainsi Tensemble du phénomène. Les conditions se compliquent si les deux sels sont susceptibles de réagir l'un sur l'autre, en donnant un composé nouveau, sel double ou h^'drate inférieur. Prenons, par exemple, du sulfate de potassium et du sulfate de magnésium, qui donnent par leur com- binaison la schœnite MgK2(SO»)2, ÔH^O. La diagramme de W fig, 2 nous fournit les données suffisantes pour l'étude de ce cas. Sattration relative à MgSO*. K'SO». A. MgS0S7n«0 58 o B. K«SO* o 12 G. MgS0S7H«0 et schœnite. 38 i4 D. K*SO* et schœniic 11 16 La marche de la cristallisation est indiquée par les flèches, di- — 470 — rigées de A vers AC cl de B vers BD. Sur la ligne CD, le mouve- ment se produit en sens opposé, à partir du point virtuel a, qui représente une dissolution saturée relativement à la schœnite seule. Or, comme on le voit sur la figure, cette dissolution est sursaturée par rapport au sulfate de potassium, ce qui n^empéche pas d'en faire usage dans la construction. Remarquons encore que le point C est le point limite que toute dissolution atteint enfin en donnant un mélange de schœnite et de sulfate de magnésium. Considérons enfin le cas où Tun des deux sels, en solution con- centrée, est susceptible de déshvdrater l'autre, ce qui se présente, par exemple, avec le chlorure et le sulfate de magnésium. Le sul- fate renfermant d'abord -j molécules d'eau se transforme succes- sivement en sel à 6, à 5 et en sel à 4 molécules d'eau (/?^. 3). Saturation relative à : MgSO*. MgC!-. A. MgS0S7H*0 58 o h. MgCl2,6H*0 o io8 C. MgSOS7H50 et M-SOSGH^O... i5 73 D. MgSO%GH«0 et MgS0^5H»0... 9 84,5 E. M-S0s3H*0 et MgS0S4H«0... 7,> 84, :V F. MgSOS4HiO etMgCl*,6inO.... 5,5 101, 5 Suivant notre principe, le point F correspond à l'évaporalion Fij;. M9C12 MgSO» complète, laissant le mélange de chlorure de magnésium et de sulfate à 4 molécules d'eau. ~ 47J — B. — Prksk.nge de trois composés : sulfvtes et chlorures de potassium ET DE UAGNÉSIUM. J'avais étudié ce cas en collaboration avec M. Lœwenherz, mais sans tenir compte des hydrates de sulfate de magnésium alors inconnus (à savoir les hydrates à 5 et 4 molécules deau) et de la formation de la léonite (S0*)2Mg, R-^, 4 '1^0- E" effet, d'après les travaux de M. van der Heide, il n'v avait pas lieu de prévoir cette formation à 25" et ce composé ne se forme pas, en général, dans ces conditions, à moins qu'où ne l'y ait introduit. Toutefois, nous devrons compléter ultérieurement nos recherches sur ce point. La fig, 4 permet de se faire une idée des résultats obtenus et de la marche de la cristallisation qu'on peut réaliser à aS* en opérant Fig. 1. sur une dissolution quelconque renfermant les sulfates et les chlo- rures de magnésium et de potassium. En apparence nous avons affaire à qua'.re composés salins ; mais il est facile de voir qu'on peut toujours les réduire à trois : car trois analyses suffisent pour connaître la composition de la disso- — 472 - lulion, à savoir un dosage du chlore, un dosage de l'acide sulfurique et un dosage de la magnésie. Il faut donc maintenant faire un dia- gramme dans Tespace, rapporté à trois axes rectangulaires. Le choix de ces axes n'est pas indifférent, si Ton veut obtenir une vue nette de l'ensemble des phénomènes. Nous avons pris d'abord deux axes rectangulaires AC et BD situés dans un plan horizontal. Les nombres de molécules de KCl, K^SO*, MgSO*, MgCl* sont portés respectivement sur OA, OB, OC etOD, en prenant comme unités les quantités équivalentes(R- CP pourle chlorure de potas- sium). Enfin, sur un troisième axe perpendiculaire en O aux deux autres, on porte le nombre total des molécules dissoutes. La fig, 4 reproduit une projection horizontale de ce diagramme. projection qui possède à peu près les mêmes avantages que le dia- gramme lui-même. Les données numériques sont les suivantes : Saturation relative à : K=C1=. K*SO*. MgSO*. MfCI^ A. KCl 44 « B. SO*K« » la C. MgS0%7H*0 « >» 58 D. MgC|ï,(>HîO- « I. » io8 . KCl et K«SO» 4^ F. K»SO* et schœnitc r G. MgSOSjir-O et schœnitc H. Mj;S0S7lP0 etMgS0*,6H»0 » 1. MgCl«, 611=0 et MgSOSGHîQ >. K. Mî:C|î, 6IP0 et carnallite i L. KCl et carnallilc 5,5 . KCl, S0»K2. schienitc 25 N. KCl, MgSO-, 7II2O, schœnitc 9 1». KCl, MgSOSjIPO, MgSO*. 6H3 0 8 Q. KCl, camallile, MgSOSeU^O 4,5 R. MgCl2,6IPO, carnallite, MgSOSôIPO. 2 C^omme en le voit, la fig. 4 comprend toutes les combinaisons deux à deux citées plus haut, dans les lignes AEB, BFGC, CHJD et DRLA, mais de plus nous avons maintenant pour chaque sel son domaine de saturation, soit : 'l^ 1* * 16 2* 14 38 . » i5 :3 M 14 104 »» j* 10 > » » ri ^ W 1 1 ■>i •• 16 0 - I 5 <^i w i3,3 -0 » 12 99 — i73 - 1. KCI AEMNPQL 2. K«SO^ EMFB 3. Schœnite FMNG i. MgS0*,7lI»0 GNPHG ,j. MgSOsr)H«0 HJRQP G. MgGl«,6IP0 JRKD 7. Garnallltc KRQL La figure représente encore la marche qualitative et la marche quantitative de la cristallisation. En effet, appliquons toujours notre principe fondamental. Les quatre points E, G, J et K sont les limites des régions correspon- dant à la présence de deux sels : ce sont les points de départ des courbes qui figurent la variation de composition de la dissolution pendant l'évaporation. Ces courbes EMNPQR, GNPQR, IR, RR aboutissent toutes au point R. Ce point R représente Tétat de la dissolution finale, déposant par évaporation le chlorure de magné- sium, la carnallite elle sulfate de magnésium à 6 molécules d'eau. Considérons, par exemple, une dissolution non saturée quel- conque : le point représentatif s'éloignera du point O, puis péné- trera dans une des régions que détermine la construction gra- phique et qu'on trouve immédiatement sur le diagramme : ce sera celle du sulfate de potassium. Ce sel se séparera : le point représen- tatif se déplacera vers la région opposée à R, qui correspond à la sa- turation par le sulfate de potassium. Si Ton rencontre la ligne FM, on la traversera; la schœnite se déposera et c'est elle maintenant qui déterminera la direction ultérieure du déplacement. Si l'on tombe sur EM, on suivra cette courbe jusqu'en R, et tout ce qui se passera ensuite est prévu. Dans ce cas, nous avons vérifié l'exactitude de ces prévisions, en pesant directement les dépôts obtenus par l'évaporation. G. — Quatre composés : sulfatb et chlorure de potassium en présence DU CHLORURE DE SODIUM EN EXCÈS. Quand il y a plus de trois composés en présence, la représenta- tion graphique devient impossible, puisqu'on ne dispose que de trois dimensions. D'autre part, le problème devient tellement compliqué, dans ce cas, qu'il est à peu près impossible de le — 474 — traiter sans le secours des constructions graphiques. Aussi nous sommes-nous bornas à envisager la saturation par rapport au sel marin, circonstance qui est réalisée dans toutes les formations marines. Le problème n'est alors guère plus compliqué que le précédent. hdijig. 5 est la projection horizontale d'un diagramme construit dans le système d'axes défini dans le paragraphe précédent. Fiy L'axe OA se rapporte au chlorure de magnésium, OB au chlorure de potassium, et dans la somme des molécules on ne lient pas compte du sodium. Par suite, le point O représente la dissolution saturée de chlorure de sodium : le point C, situé dans le plan ho- rizontal, représente la dissolution saturée de chlorure et de sul- fate de sodium : le point B et le point A sont les projections des points qui figurent les dissolutions saturées de chlorure de sodium et de chlorure de potassium ou de chlorure de sodium et de chlo- rure de magnésium. — 475 - Ici encore chaque sel a son domaine de saturation (le chlorure de sodium étant toujours supposé en excès). 1. Sylvine (KCI) BFPQRSE 2. Glaséiile K3Na(S0*)« FPUIG 3. Schœnite PQYU 4. SOvM-,4HîO MVWN 5. SO'»M-,5H20 i/rVM 0. SO^Mg,6H20 KZRSTL 7. Reichardlite S04M-,7H20 JXZK 8. Léonile QRZXY 9. Thénardite NaîSO* CGJH 10. Astrakhanile (S0*)îMgNa«,4H«0... HJXYUl 11. Bischoffite MgGlS6H20 ADWN 12. Carnallile SEDVVVT En toute rigueur, il faudrait introduire encore un composé, in- termédiaire entre le sulfate de magnésium à 4 molécules d'eau et la kiesérite, sulfate de magnésium à i molécule d'eau. Mais son domaine à 25° est si restreint qu'on peut le négliger. Nous ne donnons pas la liste des solubilités, car nous avons là encore quelques points à vérifier; nous remarquerons seulement que la marche de la cristallisation se présente de nouveau sous une forme très simple. Entre chaque système des points A, B et C qui correspondent à la saturation pour deux sels, se trouve un point limite (D, F, N) où aboutit toute dissolution de concentration intermédiaire. Ces trois points seront encore Torigine des courbes que suivra la cristallisation, au moins pour la plus grande part, et qu'en der- nière ligne elle suivra exclusivement. Ce sont les courbes DW, NWetFPQRSTVW qui toutes trois aboutissent au point W. Ce point W correspond à l'évaporation complète provoquant le dépôt du sel marin, de la carnallite et du sulfate de magnésium à 4 mo- lécules d'eau (ou plutôt de l'hydrate intermédiaire entre celui-ci et la kiesérite). D. — Cinq composés : les précédents plus la chaux, solutions salines MARITIMES. Pour terminer notre étude de la cristallisation à 25", il faut ajouter aux dissolutions considérées jusqu'ici la chaux, qui se — 476 — trouve toujours dans les eaux marines. L'introduction de la chaux ne complique pas beaucoup le problème, grâce à cette circonstance qu'en présence des sulfates, les sels de chaux n'ont qu'une solu- bilité très faible. En gros, les résultats précédemment obtenus subsistent. La seule question nouvelle est de savoir sous quelle forme la chaux se dépose d'une dissolution donnée. D'après mes recherches, il faut tenir compte des quatre formes suivantes : 1. Le gypse CaSOS^IPO. 2. i^e «emihydrale CaSO*,|^H*0 (intermédiaire entre le gypse et l'anhydrite). 3. La glaubérite CaNa2(S0*)V 4. La syngénite CaK»{SO^)«, H^O. Le diagramme de \^ fig. 6 représente alors tout le phénomène. Fi g. 6. 11 ne diffère du diagramme fig, 5 que par les traits doubles qui figurent le domaine de saturation des divers composés calciques. La marche de la cristallisation resie la même et Ton peut voir, en — 477 — outre, quel sera celui des quatre sels de chaux qui accompagnera les différents dépôts. Ainsi dans les dépôts maritimes, on rencontrera les combinai- sons suivantes : 1. Le gypse GaS0^,2H*0 accompagnera : a. La carnallite; b la sylvine; c le sulfate de magnésium. 2. Le semihydrate CaSOSyH^O accompagnera : a. La carnallite; b la bischoffite; c le sulfate de magnésium. 3. La glaubérite GaNa*(SO*)' accompagnera : a. L'astrakhanite; b la thénardite; c le sulfate de magnésium. 4. La syngénite GaK*(SO*)', H*0 accompagnera : a. L'astrakhanite; b la léonite; c la schœnite; d la glasérite; e la sylvine; ^ le sulfate de magnésium. — 478 LA RIGIDITÉ DES LIQUIDES. Par Th. SCHWEDOFF, PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ D'ODESSA, RECTEUR DE l'UNIVERSITÉ. L'ensemble des propriétés physiques de la matière obligeait depuis longtemps les physiciens à réduire l'intervalle qui sépare l'état solide de l'état liquide. La partie principale de cette tâche a été accomplie par les expériences de ïresca et surtout par les importants travaux de M. Spring. Grâce aux recherches de ces sa- vants, on sait que les solides, lorsqu'ils sont placés dans les condi- tions convenables de la pression et du temps, s'écoulent à travers les orifices, transmettent les pressions dans tous les sens, diffusent et se dissolvent l'un dans l'aulre, se combinent chimiquement entre eux, et, en général, se comportent comme des liquides véri- tables. Pour réduire encore plus l'inlervalle entre les deux étals des corps, il restait à démontrer que les liquides aussi, malgré l'ex- trême mobilité de leurs particules, recèlent les vestiges de la pro- priété qui caractérise le mieux les solides et qui se nomme la ri- gidilé. La pren]ière tentative dans cette direction est due à iNLixwell (*). On sait que les corps transparents rigides, tels que le verre, par exemple, déformés par un eflTort, acquièrent les propriétés pola. risanles d'un spath. Il était à présumer que les liquides pussent (') Maxwell, Ann. de Pogg.,i. I; 187'!. - 479 - révéler les traces des mêmes propriétés s'ils sont tant soit peu ri- gides. Voici la mélhode dont s'est servi Maxwell : Une couche du liquide à étudier est enfermée entre deux parois cylindriques, centrées sur le même axe. La paroi intérieure peut être mise en rotation, ce qui imprime au liquide une déformation permanente de cisaillement. Un rayon de lumière polarisée tra- verse la couche dans sa longueur, parallèlement à Taxe de rota- tion. Ce rayon est mis à Textinction par un nicol, avant la rota- tion. On constate que la lumière reparaît dès que le liquide entre en déformation permanente. Des expériences analogues ont été répétées par Kundt (') et par M. de Metz (^) avec le même succès. On s'attendait à ce que la propriété de polariser la lumière dépendît de la viscosité du liquide, la viscosité élant considérée comme une propriété qui rapproche les liquides des solides. Mais l'expérience n'a pas con- firmé celte prévision. Le baume de Canada, la solution de géla- tine, l'huile de ricin ou d'olive possèdent au plus haut degré la propriété de polariser la lumière pendant la déforniation ; tandis que la glycérine, le sirop de sucre, la solution de gomme ara- bique en sont parfaitement privés, quoique leur viscosité puisse être 4o^ fois plus grande que celle des liquides qui précèdent. A vrai dire, ce que nous révèle cette expérience optique, c'est plutôt l'élasticité de l'éther lumineux, enfermé entre les molé- cules des liquides. Quant à la matière pondérable, le seul moyen pour en mettre en évidence la rigidité, c'est d'examiner, par les procédés mécaniques, la réaction dont est capable un corps maté- riel soumis à une déformation. C'est pour celte raison que je me suis adressé à la balance de torsion (s) pour essayer les liquides au point de vue de leur rigidité. Un vase cylindrique en verre, chargé de grenaille, est suspendu à un (il d'acier à l'intérieur d'un autre vase. L'espace annulaire entre les deux parois est rempli du liquide à étudier. Quand on imprime une torsion 2 au fil, en agissant sur son extrémité supé- (') KuNDT, Wied. Ann.y t. XIII, p. no; 1881. C') Dr Metz, Jbid., t. XXXV, p. 497; 1888. (*) ScuwEDOFF, Journal de Physique, 2* série, t. VIII, p. 34 1 ; 18 — 480 - rieure, le cvlindre suspendu au fil éprouve un déplacement angu- laire et imprime au liquide une torsion co. Si le liquide est privé de toute trace de rigidité, c'est son frottement seul qui réagira contre Télasticité du fil, et la rotation du cj^liadre intérieur de- viendra de plus en plus lente, tant que le fil sera tordu, c'esl- à-dire tant que Tangle (o ne deviendra pas égal à 8. D'ailleurs, on peut arrêter la déformation du liquide à tout instant, en détor- dant complètement le fil. En revanche, si le liquide est rigide, c'est-à-dire s'il est capable de réagir contre Teflort à l'état statique, tout en conser^aot sa figure déformée, il doit arriver un moment où la réaction du li- quide tordu fera équilibre au couple de torsion du fil. Celle fois, le vase intérieur doit rester en repos, malgré la force élastique du fil, et si Ton détord celui-ci complètement, ce sera le liquide qui tendra à se détordre, a reprendre sa figure primitive, comme uo ressort, et entraînera après lui le cvlindre, en tordant le fil en sens inverse. L'expérience nous montre que c'est justement ce dernier cas que nous offre la solution de gélatine, quelque grande que soit >a dilution. Par contre, la glycérine et le sirop de sucre, que j'ai étu- diés aussi, ne réagissent contre l'effort que par leur frottement, el n'arrivent au repos qu'au momeqt où la torsion du iil n'existe plus. La théorie de la méthode, que je viens d'indiquer, nous con- duit à la relation suivante : E = rt — , tu où 0 et (o représentent respectivement les angles de torsion du CI et du liquide au moment de l'équilibre; a est une constante qui dépend des dimensions de l'appareil; E est le module de ri^'idilè du liquide en question. Pour mesurer les deux angles simultanément, je me suis servi du dispositif suivant : Deux miroirs, dont l'un est solidaire du cylindre intérieur et l'autre du bout supérieur du fil de torsion, réfléchissent sénaré- ment les rayons parlant d'une échelle divisée. Les deux ravons réfléchis sont reçus dans une lunette, où ils forment deux ima<^es superposées Tune à l'autre et au réticule de la lunette. — 481 — Voici les résultats auxquels je suis arrivé pour une solution de gélatine qui contenait 56 de cette matière sur i'»' d'eau, et à une température qui variait entre i8° et 20° C. : 1° Le module E de rigidité du liquide est égal à o,535 djne par centimètre carré. Cela veut dire que la rigidité de ce liquide est I trillion 84o billions de fois plus faible que celle de l'acier. 2® L'élasticité du liquide est parfaite si la déformation ne dé- passe pas une certaine limite \ et ne dure qu'un moment. 3" Si la déformation réelle ou effective s dépasse la limite A et dure un certain temps^ le liquide ne revient plus à sa figure pri- mitive, quand on supprime l'effort. Dans ce cas il reste une défor- mation/7?5/rf^g//e p. 4" Le ressort F du liquide, ou sa réaction contre l'effort, est proportionnel non pas à la déformation effective e, mais bien à la différence e — p, que nous appellerons déformation acti\^e a. Donc, on a (1) «=:£— p; F = Ea = E(£ — p). 5** Si l'on maintient £ constante, p augmente avec le temps, avec une vitesse qui est proportionnelle à l'excès de a sur X. On a où ^ est le coefficient de proportionnalité qui désigne la vitesse d'augmentation de p, quand la différence (a — \) est égale à Tunité. C'est la vitesse de relaxation. 6° Puisque p augmente avec le temps, F doit diminuer, selon l'équation (i). C'est le phénomène de relaxation ou d'affaiblisse- ment du ressort. Ainsi, l'expérience nous montre qu'aux limites extrêmes de la cohésion se retrouvent les mêmes phénomènes qui accompagnent la déformation d'un corps solide, d'un ressort d'acier, par exemple. En traitant ces résultats par l'analyse mathématique, on arrive à l'équation (3) p = (s-X)(i-e-PO, C. P., I. :^i — 482 — où e est la base des logarithmes népériens, t la durée de la dé- formation effective e; p, X, ^ ont la signification indiquée plus haut. Les formules (i) et (3) nous montrent qu'avec le temps le res- sort du liquide déformé tend asjmptotiquement vers la valeur limite F = sX, c'est-à-dire vers la valeur qu'il aurait eue à la limite de Télaslicité parfaite. Nous désignerons cette valeur limite du ressort par y*. Nous retrouvons ici le fait connu pour les ressorts d'acier : on ne gagne rien en énergie potentielle d'un ressort en le forçant au delà de sa limite d'élasticité. A la longue, cette énergie tombera à sa valeur limite. Le reste se traduira en travail perdu ou en cha- leur. La connaissance des relations qui existent entre Tefforl, la dé- formation et le temps nous permet d'aborder une autre question, posée aussi par Maxwell, la question du rapport entre le frot- tement intérieur d'un liquide et sa rigidité. Imaginons un cube liquide et admettons qu'il éprouve une dé- formation effective ou réelle dt. Soient dt la durée de cette défor- mation et r la vitesse, que nous supposerons constante. Pendant le même temps dt^ il se produira une déformation résiduelle rfo. Le ressort du liquide, qui est égal à l'effort ^F, doit être propor- tionnel à la différence dt — ^p, ou bien à la déformation active (Ya, selon l'équation (i). En désii;nant par K le module de rigi- dité, on a (.i ) dV = Edj. ^ \l{di — dz). En \orlu (les équations (i), (>.) et (3), on a On a. en oiilrc. En substituant toutes ces expressions dans (4) et en intégrant, on ohlient ( .) ) £ = — •- log ( h -i- y ^ — r - 1 -f- coiist. - 483 - La constante d^intëgration est délermiaée par la condition pour £ = o, on a F = o. Par conséquent, l'équation (5) devient ..■=;(B.-V)(,-.-?.). Supposons maintenant que la dérormation du liquide soit en- tretenue continuellement, comme c'est le cas dans les expériences sur le frottement des liquides. Alors £ tend vers Tinfini, et Téqua- lion devient ^ - fi l - ^ - -,;(p.*!/). d'où Ton tire définitivement F _ E / V "" fi "^ V * Or le quotient -> de Teffort par la vitesse, n'est autre chose que le coefficient du frottement intérieur r^. Donc, on a L'analyse de cette formule nous conduit aux conséquences sui- vantes : i" La viscosité d'un liquide dépend du module E de sa rigidité, de la limite / de son ressort, de la vitesse ^ de sa relaxation et enfin de la vitesse ç de sa déformation. :>/• La viscosité d'un liquide ne reste pas constante : elle peut varier avec la vitesse de sa déformation. W La variation de la viscosité est d'autant plus sensible que la limi'e de l'élasticité est plus considérable. La viscosité ne reste constante que pour les liquides qui n'offrent pas de traces d'élas- ticité par cisaillement. 4' Même quand /:= o et quand la rigidité E est inaccessible à la mesure directe, le liquide peut être très visqueux, si la vitesse de relaxation est très petite. 5*^ l*ar contre, un liquide peut présenter une grande fluidité. - 484 - tout en ayant un module de rigidilé mesurable; cela se produit lorsque la vitesse de relaxation est très grande. La conséquence, déduite de noire théorie, montrant que le coefficient du frottement intérieur peut dépendre de la vitesse de déformation, est assez inattendue pour exiger une preuve expé- rimentale. Dans ce but, j'ai mesuré le coefficient de frollemenl pour la glycérine, dont la limite d'élasticité rigide est nulle, et pour la solution de gélatine, dont la limite y est appréciable. H s'est révélé, qu'en effet, le coefficient t, ne varie pas, pour la gly- cérine, de j^y même quand la vitesse v varie dans le rapport de 260 à 1. Par contre, la solution de gélatine présente cette parti- cularité que sa viscosité peut devenir six fois plus grande quand la vitesse r tombe à ^ de sa valeur primitive. Il s'ensuit que l'étude du coefficient de frottement aux diffé- rentes vitesses de déformation nous offre encore un moyen pour déceler les traces de la rigidité dans les liquides. Pour compléter mon Rapport sur ce chapitre de la Plivsique, je m'arrêterai encore sur un phénomène optique observé par Kundl. au cours de ses expériences sur la rigidité des liquides. On sait qu'un cube de verre, déformé par cisaillement, décom- pose la lumière naturelle en deux faisceaux, polarisés à anHe droit, et dont les plans de polarisation sont inclinés de 45* sur le plan de cisaillement, ou bien par rapporta la normale N à ce plan. Ce fait est conforme à la théorie de l'élasticité des coips solides, d'après laquelle Taxe de la tension maxima doit former avec la normale N un an^^le déterminé que nous désignerons par i et qui est égal à 45" dans les solides. Les ex|)ériences de Kundt ont justifié cette conséquence aus?i pour certains liquides, comme Ihuile d'olive, le baume de Ca- nada, etc. Mais d'au 1res liquides présentent celte particularité, que l'angle i v diffère considérablement de 4^*** Psir exemple, pour le collodion A = 6^. Il s'ensuit que, ou bien les plans de polarisa- tion ne coïncident pas toujours avec les axes de la déformation élastique, ce qui serait en contradiction avec nos connaissances sur le mécanisme de la double réfraction, ou bien il existe des cas non prévus par la théorie et pour lesquels l'angle 'i^ dépasse 45''. - 483 - J^ai montré (*) que c'est justement ce dernier cas que nous présentent les liquides rigides. En effet, la théorie actuelle de l'élasticilé n'a en vue que les corps solides parfaitement élastiques, dont la limite de ténacité est extrêmement petite, et dont la déformation résiduelle est nulle. Pour cette raison, la théorie suppose que les déformations des corps restent infiniment petites et que l'eflort est proportionnel à la déformation que le corps avait éprouvée. Par contre, les li- knites de ténacité des liquides sont énormes, c'est-à-dire qu'une déformation même infinie ne les casse pas; en outre, le ressort du liquide déformé s'aflfaiblit rapidement et est proportionnel à la différence £ — p, c'est-à-dire à la déformation active a, laquelle peut être très considérable. Si l'on écarte, pour les liquides, les res- trictions introduites dans la théorie des solides, on arrive au ré- sultat que l'angle ^j formé par l'axe de tension maximum avec la normale au plan de cisaillement, est déterminé par l'équation (7) lang'2'^-^— ^ OÙ a est la déformation active du liquide. Il en résulte que A n'est égal à 45** que pour a = o, ce qui a lieu approximativement dans les corps solides. On tire de l'équation (^) (8) a = tang'2'^ En vertu des équations (i), (6) et (8), on a tang2y d'où l'on tire définitivement (9) E= T)Piang2'^. Les quantités rj, Çy à sont accessibles aux mesures directes. Donc, la formule (9) nous offre encore un moyen de déterminer (') ScHWF.DOFF, Journal de Physique, 3« série, t. I, p. 49; 1892. — 486 - la rig;îdîté des liquides. Par exemple, les expériences de Kuodt sur le coUodion nous fournissent les données suivantes : ^ = 65", lang^/ = i ,68, r, = o,36. Quant à la vitesse de cisaillement v, on peut présumer, diaprés les conditions de Texpérience, qu'elle était égale à !25oo. En substituant ces nombres dans (9), on a E = ')4a dynes par centimètre carré. Cela veut dire que le collodion qui a servi aux expériences de Kundt était 200 millions de fois moins rigide que Tacier. — 487 — SUR LES PHÉNOMÈNES CAPILLAIRES, Par g. van der MENSBRUGGHE, PROFESSEUR A L'UNIVERSITÊ DE GAXD. Propriétés d'un liquide isolé. Parfaile élasticité des liquides, — Les liquides sont 1res peu compressibles, comme Tout démontré les expériences des acadé- miciens de Florence, celles de Canton, de Perkins, d'CErsted, de Desprelz, de Colladon et Sturm, de Regnault, etc.; mais quel que soit le degré de compression, ils reprennent leur volume primitif dès que l'excès de pression est annulé ; les liquides jouissent donc d'une élasticité parfaite. Nous pouvons conclure de là que, dans le cas de l'équilibre au sein d'une masse liquide, la force de com- pression, qui tend à rapprocher les molécules, est égale à la force élastique développée entre elles; en outre, ces deux forces sont les mêmes dans toutes les directions autour d'un point idéal situé enlre deux molécules quelconques. On ne peut les regarder comme incompressibles en pratique, — La compressibilité si faible des liquides permel-elle de les re- garder comme incompressibles en pratique? On l'a cru, et on le croit encore généralement aujourd'hui. Et pourtant cette hypo- thèse conduit : i® à la nécessité de négliger toutes les réactions dues à l'élasticité, et développées par les divers degrés de com- pression ; ces réactions peuvent parfois donner lieu à des efl'ets mécaniques considérables; 2? à l'impossibilité de rien connaître quant à la constitution des liquides. Celle-ci est-elle la même à différentes profondeurs et à la surface? Dans l'incertitude à cet égard, plusieurs savants (parmi lesquels Laplace et Gauss) ont — 48S - supposé une conslilulion identique partout-, d'autres, comme le physicien allemand Hagen, ont admis une couche superficielle plus dense qu'à l'intérieur; pour d'autres encore, par exemple pour Poisson, la densité du liquide est moindre à la surface qu'au sein de la masse. Dans les pages suivantes, nous nous proposons d'examiner suc- cessivement les preuves et conséquences de l'élasticité des li- quides développée soit par compression, soit par traction, les propriétés de la couche de contact d'un solide et d'un liquide, les propriétés de la surface commune à deux liquides soumis à leur affinité mutuelle, une théorie nouvelle de l'étalement des liquides, la formation spontanée des émulsions, et enfin quelques phénomènes produits par l'écoulement d'un liquide dans un autre. PreuK'es de la grande élasticité des liquides par compres^ sion. — On peut se demander d'abord si, pour produire des effets mécaniques, l'élasticité d'un liquide doit être développée par des efforts énormes. Le contraire est prouvé par de nombreuses expé- riences : citons, par exemple, une goutte d'eau qui tombe sur une pierre ou même dans l'eau ; un corps solide qui vient frapper un liquide; une bulle de savon très mince qui éclate avec une sorte d'explosion; une éprouvette remplie d'eau qui, tombant de i 5*^^™ à 20*^"* seulement de hauteur sur un corps élastique, provoque la projection d'une file de globules liquides. Voici un fait que nous avons observé nous-même en 1897 • "^ j^^ d'eau ascendant, lancé par un orifice de i™" de diamètre sous une pression de 38*^", à une hauteur de 27"^™, projette latéralement des gouttelettes de plus en plus nombreuses jusqu'à se convertir en une gerbe de sphérules retombant autour de l'orifice. Mais si l'air est graduel- lement raréfié autour de l'appareil placé dans un grand cylindre approprié, le jet consente la même hauteur et ne montre plus (le projection latérale de gouttelettes; c'est que la compression de Teau, produite d'abord par l'action combinée de la pesanteur, de la tension superficielle et de la pression atmosphérique, est de- venue trop faible pour faire jaillir des particules liquides après (]ue la pression de l'air ambiant a été suffisamment diminuée. Naturellement, il se produit des effets plus intenses, par - 489 — exemple quand une veine liquide est lancée sous une pression de plusieurs atmosphères : au lieu de former un cylindre continu et transparent, le liquide s*éparpille vivement autour de Taxe du jet. Voici une expérience peu connue, mais bien digne de Inatten- tion des ingénieurs qui ont Thabitude de regarder Teau comme incompressible; elle a été faite en 1862 par M. J. Saurel, actuel- lement major d'artillerie à Gand; je reproduis textuellement son récit : Je m'étais avisé de vouloir remonter en chaloupe le courant que la levée des barrages occasionnait au pont des Chaudronniers, à Gand. Cette levée se faisait le samedi, mais alors la chute était trop forte, et je savais par expérience qu'il fallait attendre au moins deux jours pour effectuer le passage; c'est ce qui explique que j'ai retenu le jour (un lundi) de ma pe- tite aventure. Mon embarcation avait de 6" à 7™ de longueur sur i™,75 de plus grande largeur; elle était bien taillée à l'avant et bien dépouillée à l'arrière. J'y étais seul, et je manœuvrais à la godille (une seule rame à l'arrière agis- sant en queue de poisson). L'avant de la chaloupe s'élevait donc fortement et l'arrière plongeait. A cette époque, les culées du pont des Chaudron- niers étaient raccordées en amont aux côtés du cours d'eau par deux larges surfaces courbes; aujourd'hui ce raccordement est obtenu par deux plans verticaux obliques. Les dimensions de l'ouverture sont restées à peu près ce qu'elles étaient alors (8*" de longueur du pont et 9™ de lar- geur). J'étais parvenu à faire dépasser par l'extrémité de ma chaloupe de i" environ l'entrée du pont, lorsque je m'aperçus que le courant me lais- sait parfaitement immobile dans l'axe du pont. Je suis resté là près d'un quart d'heure, puis, après m'ètre fait dériver, j'ai répété l'expérience à plusieurs reprises. Ce fait, assurément bien surprenant^ était dû, sans doute, à ce que Teau sous le pont était plus fortement comprimée que les couches de même profondeur en amont et en aval, et qu'ainsi la résultante des pressions d'arrière, estimées parallèlement à Taxe du courant, était devenue égale à la pression résultante analogue de l'avant. Les exemples précédents rendent bien manifeste l'élasticité dé- veloppée dans les \\(\\\\à^?> par compression. Est-il possible éga- lement d'y faire naître de l'élasticité par traction? C'est une question qu'on a coutume de passer simplement sous silence, ou — 490 — bien de résoudre par la négative. Il est donc très utile de rap- porter quelques faits qui mettent cette possibilité hors de doute. Preuves de l'élasticité des liquides par traction. — a. On sait depuis longtemps qu'après avoir soumis du mercure à une ébullition prolongée, dans un très long tube barométrique, on peut redresser celui-ci sans que le mercure quitte la portion supé- rieure; dans ces conditions, le liquide reste parfois suspendue une hauteur dc'ible ou même triple de celle qui correspond à la pression ordinaire de l'air; la traction éprouvée alors par le mer- cure est d'autant plus forte qu'il est plus rapproché de rcxtrémilé fermée du tube. p. En 1842, Joseph Plateau a indiqué le moyen de faire le vide à l'aide de la force centrifuge du mercure contenu dans un grand lube en U, mobile autour d'un axe vertical. J'ai pu constater ré- cemment que du mercure renfermé dans le tube ouvert aux deux bouts ne se sépare près de l'axe de rotation] qu'après avoir éprouvé une traction d'une atmosphère et demie. y. En 1843, Fr. Donny a démontré, par des expériences deve- nues classiques, que la cohésion des molécules de l'acide sulfu- rique et leur adhérence au verre sont'assez grandes pour soutenii- une colonne de i'",25 de hauteur. Dans la masse liquide ainsi suspendue, il règne alors une force élastique de traction qui va en croissant jusqu'au sommet du tube. 5. En i85o, M. Berlhelot a publié la curieuse expérience sui- vante : Dans un tube présentant un long effilement, on introduit assez d'eau pour que le liquide chaufTé à environ 3o® remplisse complètement le tube et l'effilcment; on laisse alors Tappareil se refroidir de quelques degrés, de manière qu'une petite colonne d'air occupe le bout de relfileuïent, et l'on ferme celui-ci. Cela fait, on chaufle de nouveau le liquide, jusqu'à ce que tout l'air entré dans l'appareil soit dissous dansTeau; on arrête alors aussitôt l'action de la chaleur. Dès ce moment, la température du licjuide peut s'abaisser graduellement sans qu'il cesse de remplir toute la capacité intérieure du tube. Ainsi s'est produit un étal d'extension mécanique très notable, que l'illustre chimiste français a estimé à j^ du volume total pour l'eau et à ~ pour l'alcool. e. Joseph Plateau n'avait pas signale l'élasticité de traction - 491 - développée dans le mercure soumis à la force centrifuge ; c'est ce qui a été fait vers 1877 par le physicien anglais Osborne Rey- noldi et, en 1886, par M. A.Worlhinglon. Voici la description de leur appareil : Sur une forte planchette en bois est fixé un tube en U contenant le liquide bien débarrassé de lont gaz; on fait passer la planchette sur l'axe d'un tour, de manière qu'elle puisse lourner autour de cet axe perpendiculaire à son plan; un contre- poids convenable sert à maintenir le centre de gravilé du système sur Taxe. Par le mouvement de rolalion du tube, chaque couche liquide sera soumise à une force centrifuge d'autant plus grande que la couche est plus éloignée de l'axe, et comme toutes les couches liquides s'attirent en vertu de leur cohésion, il est évident que la traction maxima s'exercera sur la portion la plus rapprochée de l'axe. Ce procédé a permis à Osborne Reynolds de soumettre Teau à une traction d'environ 5 atmosphères; M. Worthington a pu réaliser une traction de 7"*"*, 9 avec l'alcool, et de 1 1'^"*,8 avec l'acide sulfurique concentré. s. En 189:4 ('), M. Worthington a déterminé pour l'alcool, non seulement l'extension en volume de ce liquide, mais encore la grandeur de la force élastique de traction correspondaute. Pour ces observations, le liquide est contenu dans un réservoir en verre très solide et rempli à peu près entièrement à la température ambiante ; le petit espace non occupé par le liquide renferme seu- lement sa vapeur. Pour mesurer la force de traction du liquide à chaque ins^nt, on avait introduit d'avance dans le réservoir ci-dessus un vase de forme ellipsoïdale rempli de mercure et pourvu d'une lige tubu- laire de très petit diamètre intérieur et graduée. Ce vase avait été soumis à des pressions allant jusqu'à 60 atmosphères, et les niveaux correspondants du mercure avaient été mar(|ués sur la lige. L'élévation du mercure élait due à la diminution de capacité du vase qui s'éloigne de la forme sphérique à mesure que la pres- sion atmosphérique extérieure augmente. Réciproquement, il se rapproche de cette forme sous l'influence d'une traction crois- sante exercée par le liquide du réservoir contre les parois du va^e (') Phil. Trans. 0/ ihe Royal Society of London, vol. CLWXIII, A, p. 355. — 492 - intérieur. L'habile physicien anglais a pu constater ainsi que les changements de volume d'une masse liquide sont les mêmes pour des variations de pression positives ou négatives jusqu'à 17 atmo- sphères. y\. En 18990, nous avons pu réaliser l'équilibre entre deux colonnes de liquides différents et soumises l'une et l'autre à un état de traction. A cet effet, nous nous sommes procuré un cylindre en verre de o'",5o de longueur, de o"*,io de diamètre et à bords parfaitement dressés; un couvercle approprié permettait de fermer hermétiquement le cylindre à l'un des bouts. Nous avons préparé un siphon dont les branches avaient respective- ment pour longueurs o™,48 et o™,o8 sans compter les petites por- tions terminales pliées à angle droit et ayant au plus 4™"* ou 5"" de diamètre intérieur. Nous avons alors rempli le siphon d'eau distillée qui avait été soumise à une longue ébullition dans le vide, et les deux bouts ont été bouchés de manière à ne laisser aucune bulle d'air; après quelques heures, pendant lesquelles la couche d'air adhérente à la paroi intérieure était absorbée par l'eau, nous avons remplacé par aspiration la colonne liquide par une nouvelle colonne d'eau bouillie. Les deux bouts étant bouchés, celui de la courte branche a été plongé dans du mercure et celui de la longue branche dans de l'eau distillée. C'est alors seulement que nous avons pu retirer les deux parties plongées, introduire tout Tappareil dans le cylindre et appliquer le couvercle avec les soins nécessaires. Nous avoqs obtenu ainsi une colonne d'eau maintenue en équilibre par une colonne de mercure, mais chacune d'elles était soumise à une pression moindre que la pression atmosphérique. En procédant ensuite à la raréfaction graduelle de Tair dans le cylindre, nous avons pu constater que l'équilibre entre les deux colonnes s'est parfaitement maintenu; en tenant compte de la pression de la vapeur d'eau, nous avons trouvé finalement que la pression intérieure estimée en colonne de mercure n'était pas même égale au quart de la hauteur de la colonne mercurielle. S. Faut-il ajouter d'autres faits encore à l'ensemble des expé- riences si démonstratives que je viens de décrire? Je pourrais dire (') Buii. de l'Acad. roy. de Belgique, t. WWII, p. 558. - 493 - qu'une veine liquide, lombant librement sous l'action delà pesan- teur, est constituée par des molécules dont deux quelconques, situées sur une même verticale, tendent constamment à s'écarter entre elles, et qu'ainsi la veine tout entière est soumise à une force élastique de traction très notable. Voilà pourquoi les causes les plus léj^ères suffisent pour faire vibrer les veines liquides; c'est pour la même raison qu'une masse liquide s'écoulant par une fente circulaire pratiquée au fond d'un vase n'est jamais cylin- drique, mais a la forme d'un sac fermé allant en se rétrécissant à partir de l'ouverture circulaire jusque dans le voisinage de l'axe de figrure. 'O*^ Conséquence des faits exposés plus haut. — L'ensemble des faits que je viens de rappeler et qui démontre clairement, selon moi, le développement de l'élasticité des liquides non seulement par compression, mais encore par traction, m'autorise, je pense, à déclarer qu'on ne peut pas regarder toujours les liquides comme incompressibles en pratique; on ne peut pas davantage regarder a priori les liquides comme ajant une constitution uniforme partout, car cela reviendrait à annuler les forces élastiques qui résultent des divers degrés de compression réalisés dans les liquides. Enfin et surtout on ne peut pas supposer en équilibre, dans toutes ses parties, une masse liquide soumise à ses seules forces intérieures ou sollicitée en outre par des forces extérieures telles que la pesanteur : pareille hypothèse est contraire au fait indéniable de Tévaporation. Dans un liquide de même densité partout, ^équilibre est impossible. — Guidé par ces considérations, nous avons été amené à rompre complètement avec les théories classiques de la capillarité, fondées toutes sur l'hypothèse de l'équilibre des licpiides. Dans la théorie que nous proposons, nous examinons si, pour un liquide supposé partout de même densité, le degré de compression des diverses parties est le même dans chacune d'elles et, par conséquent, s'il en est également de même de la force élastique développée par la compression. A cet efiel, imaginons la sphère d'attraction moléculaire de rayon r égal au plus à ol^,o5 à la température ordinaire, sphère ajant pour centre une molécule intérieure O {^fig- i) dont la dis- tance à la surface est égale ou un peu supérieure à r; une molé- cule quelconque a de la petite masse sphérique sera attirée par O avec la force a^, et attirera de même O avec une force égale et contraire O^'; il en serait absolument de même de la molécule a, située sur le prolongement de aO, à une distance Oai = Oa; nous aurions ainsi quatre forces égales dont deux sont appliquées en O et s'enlre-délruisent, tandis que les deux autres a^â, a, pi tendent à rapprocher entre elles les molécules comprises entre a et a,. Fig. 3. En faisant de même pour toutes les molécules contenues dans la sphère et choisies par couples, tels(|ue a et a,, nous pourrons con- clure qu'aulour de la molécule O se produira, en détinilive, un étal de cohésion tel que, pour em[)êcher tout rapprochemont plus mar- qué des molécules, il faudra nécessairement une force élastique, que nous nommerons F. Il faut reinar(|ucr qu'une molécule quel- conque k prise extérieurement à la sphère ne peut en rien changer Tétai de cohésion intérieure; car, si k attire une particule de la sphère, réciproquement cette particule attire k avec une force précisénicnl é|^ale; on suppose d'ailleurs la cohésion la même par- tout, abstraction faite de la pesanteur. H est évident que, si la molécule centrale considérée est à une distance quelconque h du niveau, nous devrons, en toute rigueur, tenir compte de la pression AS due au poids de la colonne liquide de hauteur A, de section égale à Tunité et de densité o; il s'ensuit - 495 - que la cohésion auloiir de la molécule en question sera plus grande que près de la surface libre, et la force élastique correspondante sera égale à F -f- AS. , Voyons maintenant comment les choses se passent pour une molécule O' (^fig* 2) située dans la couche superficielle d'épais- seur /*. La sphère d'attraclion correspondante comprendra néces- sairement alors deux parties, Tune A plongée dans Fair, l'autre plongée dans le liquide; dans cette dernière, imaginons le seg- ment A' égal à A, et par un plan mené par O' parallèlement à la surface libre, divisons le reste de la sphère en deux segments égaux mnpq ei mnp' q' \ décomposons maintenant le liquide qu'ils comprennent en couples de particules telles que c et c', détermi- nées par la condition O'c = O'c'; leurs actions réciproques don- neront lieu à un certain état de cohésion qui sera renforcé par l'in- fluence du liquide du segment A', dont chaque particule attire la molécule O' et se trouve attirée par elle avec une force égale. D'après cela, la compression autour de O' sera moindre qu'autour de O, parce que l'eflet du segment gazeux A est négligeable; par conséquent la force élastique nécessaire pour empêcher une com- pression nouvelle sera moindre que F. Pour une molécule plus rapprochée encore de la surface libre, le segment gazeux A de- viendra plus grand, et la force élastique développée autour de la molécule considérée sera plus faible encore; elle atteindra évi- demment son minimum pour une molécule O" {fig-^) située à la surface même. Il suit de Tensemble de ces raisonnements, que la masse liquide supposée pesante et de densité uniforme no peut absolument pas être en équilibre; en eflet, dans toute la portion inférieure à la couche superficielle d'épaisseur /*, la force élastique va en croissant de haut en bas, et cela proportionnellement à la profondeur de l'élément considéré; conséqueninient, dans cette même masse, la densité, au lieu de demeurer uniformément la même partout, ira au contraire en augmentant, de quantités extrêmement petites sans doute, mais suffisantes pour que la force élastique devienne capable de produire des eflTets mécaniques considérables. Passons à la couche superficielle même, où la force élastique nécessaire pour contre-balancer l'elTet des attractions des mole- - 496 - cules va en diminuant depuis la première couche sous-jacenle jusqu'au niveau. Or rappelons-nous que les altraclions molécu- laires sont extrêmement intenses et que, d'après ce qui précède, la différence des forces élastiques de deux tranches de même épais- seur va constamment en croissant de l'intérieur vers la surface libre ; nous pourrons conclure de là que les molécules de la couche superficielle iront en s'écartant entre elles d'autant plus qu'elles sont plus près de la surface libre. Conséquences du raisonnement qui précède : tension super- Jicielle et é^aporation, — De là découlent deux conséquences très importantes : en premier lieu, dans le sens tangentiel à la sur- face, les écarts entre les molécules de la couche superficielle d'épaisseur r doivent donner naissance à des forces de Iraction élémentaires dont l'intégrale constitue précisément la tension su- perficielle totale, rendue manifesie par les expériences les plus diverses. Si la surface est courbe, la tension uniforme T devra, en vertu d'un principe de statique, faire naître une pression nor- male T (^ -h ^]> R et R' étant les rayons de courbure princi- paux. En second lien, dans le sens normal à la surface, les écarts mo- léculaires provoquent une tendance des particules liquides à quitter la surface libre; cette tendance est encore favorisée par la circonstance suivante : Si, d'une part, le travail développé par les lorces élastiques des diverses tranches de la couche superficielle doit y produire un refroidissement, d'autre part, la chaleur com- nniniquée par les couches voisines et par le milieu ambiant tend sans i cssc à rétablir l'équilibre de température; voilà pourquoi des particules de la tranche libre se séparent continuellement de la surface libre pour se ré[)andre dans Tair; ainsi se renouvelle sans discontinuité la couche superficielle. Ce raisonnement bien simple fait voir que, dans rimmense laboratoire de la nature, non seulement les eaux des rivières, des fleuves et des mers, mais en- core, par réciprocité, les vapeurs répandues dans l'atmosphère, constituent une source inépuisable d'énergie tant potentielle que cinétique. ISe nous attardons pas à décrire quelques preuves cxpérimen- — 497 — talcs de la tension superficielle, généralement admise aujourd'hui, mais demeurée si mystérieuse pendant des siècles. Rappelons toutefois que c'est par les difTérences entre les tensions superfi- cielles de divers liquides que nous avons pu expliquer les faits suivants : i° l'étalement si rapide des huiles sur Teau pure; 2° la rotation des parcelles de camphre sur de Teau à surface fraîche, et l'arrêt subit de ces parcelles par l'extension de la moindre couche grasse sur le liquide-, 3** la propriété que possède une mince couche d'huile d'empêcher le glissement des couches d'eau les unes sur les autres, et le déferlement des vagues de la mer; c'est cette propriété qui est déjà utilisée par bien des navigateurs, soit pendant une tempête, soit pour l'abord plus facile des côtes et des phares. Résistance spéciale à la surface des grands cours d^eau. — Nous allons maintenant nous appuyer sur les deux conséquences énoncées plus haut, savoir: l'existence de la tension superficielle et l'évaporation continue d'un liquide, pour expliquer une ré- sistance spéciale constatée par les ingénieurs à la surface des grands cours d'eau (* ). Nous avons vu que la couche libre d'un liquide est soumise à une infinité de tensions élémentaires distribuées sur une épaisseur d'environ oH-, o5 à la température ordinaire (2); pour l'eau pure, la somme de ces tensions est égale à 7"'^, 5 par millimètre de lon- gueur; il suit de là que toutes les portions superficielles ont une tendance à se contracter, d'où doit résulter évidemment une ré- sistance au mouvement de chacune d'elles dans une direction quel- conque, l^our avoir une idée de cette résistance, calculons la \itesse avec laquelle une couche liquide de 1"*"*' de surface libre et de o{*,o5 d'épaisseur se contracterait si la cohésion des tranches voisines n'y mettait obstacle. Le travail à cfTectuer pour augmenter la surface de l'eau de 1*"™', ou son énergie potentielle, sera évi- ( ' ) DuU. de rAcad. royale de Belgique, t. X\I, p. 327, 1891 ; voir aussi le Compte rendu du quatrième Congrès scientifique international des Catho- liques, à Kribourg (Suisse), 1897. (*) D'après les recherches récentes de plusieurs physiciens, le rayon r est bien moin'Ire encore. S'il en est réellement ainsi, l'explication qui va suivre serait encore plus probante. C. P.,I. 3i — 498 - demment de 7,5 milligrammes-millimètres. Pour avoir maintenant l'énergie cinétique équivalente au double de ce travail, il suffit de multiplier la masse de la couche par le carré de la vitesse; en prenant pour masse spécifique i, qui est certainement plus grand que la valeur moyenne réelle, nous trouvons = 2x7,3, d ou p = 1000^3043 =54,2 • 9810X20000 ' r ■* ggç » g^ç Telle serait donc, abstraction faite de toute cause perturbatrice, la vitesse de retrait de la tranche extrêmement mince qui est le siège de la force contractile; en réalité, les couches voisines s'op- posent énergicjuement à ce retrait; mais, en revanche, elles sont elles-mêmes relardées dans leur marche. Toutefois, ce retard ne serait guère sensible dans le mouvement des eaux d'un fleuve, s'il se produisait toujours dans les mêmes conditions, et s'il était tou- jours dû à la même couche liquide dont la masse est évidemment négligeable à côté de celle des eaux courantes. Mais les choses sont loin de se passer ainsi : la couche libre n'ajanl que of^, o5 d'épaisseur est constamment soumise à l'évapo- ration ; or chacune des Iranches dont se compose cette couche est immédiatement remplacée par une autre, et celle-ci par la sui- vanle, et ainsi de suile, jusqu'à la dernière, laquelle est remplacée par une tranche venant de Tinlérieyr et qui, dès lors, acquiert une énergie polentielle qu'elle n'avait pas d'abord; seulement le gain se trouve compensé par une perte d'énergie cinétique; de là des rclards consécutifs qui ajoutent sans cesse leurs eflels à ceux qui les ont précédrs. Actuellement, si l'on songe qu'une couche d'eau ayant 1"*"* seu- lement d'épaisseur contient au moins 20000 couches élémentaires capables d'effectuer ensemble, par millimètre carré, un travail de I 5o gra mm es- mi II i ni êtres; si, d'autre part, on considère que Teau pure el exposée à l'air libre s'évapore en moyenne à raison de i>T'" au moins par jour, on concevra sans peine la production d'un régime dans le(|uel la surface libre se meut avec une vitesse moindre que les couches inférieures jusqu'à une profondeur où la résistance signalée plus haut n'est plus sensible et où se réalise le maximum de vitesse. L'ensemble des faits observés par les difle- renls ingénieurs, et surtout par les deux officiers des Ltals-Unis - 499 - Iliimphre^s et Abbot, nous a paru offrir un accord salisfaisant avec notre explication. Dans les considérations précédentes, nous avons déduit de la noiion du rayon sensible des actions moléculaires la production nt'^cessaire d'une couche superficielle où les molécules sont de plus en plus écartées entre elles, grâce à la prédominance de la force élastique qui règne à l'intérieur de la masse. Cette couche superficielle a donc nécessairement une épaisseur plus grande que le rayon d'activité, mais nous ne savons pas dans quel rapport. Nos raisonnements s'appliquent aussi bien aux solides qu'aux liquides; nous pouvons donc dire que solides et liquides pr<'- «onlenl, à leur surface libre, des couches où la densité décroît très nipidement de l'intérieur vers le milieu ambiant. Ainsi s'expliquent bien simplement, d'après nous, les expériences si belles de mon savunt collègue et ami M. Spring sur la soudure de deux parties de même section d'un cylindre métallique soumises à une tempé- rature de beaucoup inférieure au point de fusion. Propriétés de la couche de contact d'un solide et d'un liquide. Si les physiciens sont d'accord pour affirmer que les solides attirent plus ou moins les particules des liquides amenés en con- tact avec eux, il n'en est plus de même quand il s'agit de définir les propriétés de la couche de contact d'un liquide et d'un solide. Ce désaccord provient, du moins en partie, de ce que l'on regarde les distances intermoléculaires comme invariables pour une tem- pérature donnée, aussi bien dans les solides que dans les liquides; iiir)si, par exemple, pour expliquer la forme du ménisque liquide au voisinage d'un solide, on admet que la constitution des corps en présence est la même, pour chacun d'eux, à l'intérieur qu'à la surlace, et l'on suppose gratuitement que tout dépend des actions supportées par la seule molécule placée à l'intersection du niveau et (lu solide; mais n'y a-t-il pas une infinité d'autres molécules qui, elles aussi, sont attirées à la fois parle solide et par le liquide? En outre, est-on en droit de regarder la couche de contact comme n'rlant ni plus ni moins condensée qu'une portion prise à Tinté- — 500 — En 1875 (*), j'ai cru pouvoir appliquer la théorie de Gaass à la recherche de la force qui règne dans celle couche de contact, elj« suis arrivé aux conclusions suivantes : 1® La surface de contact d^un solide et d'un liquide possède une tension chaque fois que rattraclion F du liquide pour lui-même est supérieure à la double attraction F' du liquide pour le solide (cas du verre et du mercure pur). 2** Si rallraclion F' est supérieure à F, la surface commuDe aux deux corps est soumise à une force en vertu de laquelle le liquide tend à couvrir une surface de plus en plus grande du so- lide, c'est-à-dire à une force d'extension qui dépasse la len>ion superficielle. C'est le cas de la cassure fraîche d^'un morceau de verre plongé en partie dans l'eau distillée ; aussitôt celle-ci mouille toute la surface de la cassure. 3** Si Tatlraction F' est égale à F, la force d'extension devient égale à la tension ; c'est ce qui se réalise lorsqu'un liquide est amené en contact avec une couche du même liquide adhérente à une paroi solide. 4"* Enfin, si F' est compris entre F et |F, il y a toujours une force d'extension E dans la surface commune, mais elle est moindre que la tension; dans ce cas, Tangle du bord i est donné paria for- mule Fcost = E. En 1877, M. Quincke est revenu sur la question (-<: d*app^5 lui, si Ton refroidit jusqu'à la congélation une petite lentille d'eau en équilibre sur Thuile, la surface commune aux deu\ corps aura des propriétés semblables, que l'eau soit à TéLat liquide ou à l'état solide, et celle surface sera donc douée d'une tension superficielle comme la surface de contact de Thuile et de l'eau. Le savant phvsicien allemand a cru pouvoir généraliser celte déduction en énonçant les propositions suivantes : u A la surface de contact d'un liquide a et d'un corps solide 1. il faul admettre une tension superficielle - comme à la surface limite entre deux liquides. ( ' ) Bull, de i'Acad. royale de Belgique, t. XL; 1875. (•; U'iid. Ann., t. 11, p. i45. _ 501 — » Celte tension sera la même dans le liquide et dans le solide, pourvu que les molécules se trouvent dans le voisinage immédiat de la limite géométrique des deux corps. Dans les substances so- lides dont les particules se déplacent difficilement les unes par rapport aux autres, on ne pourra observer la tension que dans des circonstances spéciales; celle de la couche liquide de contact se constatera plus aisément. » Si l'on appelle 6 l'angle aigu formé par les normales dirigées vers rintérieur à la surface d'un solide et à celle d*un liquide amené en contact, on a, pour l'équilibre, cose = ^^:^^', a, étant la tension du solide, a, 2 celle de la surface commune et 7.2 la tension du liquide. » Jamin admet toujours une tension à la surface de contact d'un solide et d'un liquide; selon A. Terquem, cette surface est douée d'une tension positive, nulle ou négative; mais l'auteur ne précise pas les différents cas. En 1886 ('), j'ai tâché de déduire du principe de l'attraction moléculaire l'existence et la nature de la force qui règne à la surface commune d'un solide et d'un liquide; les conclusions aux- quelles j'ai été conduit sont les mêmes que celles de mon travail de 1875. En 1888 (^), M. Quincke a repris encore une fois la question ; pour prouver l'existence d'une tension à la surface commune d'un solide et d'un liquide, il décrit l'expérience suivante : à la surface plane du mercure contenu dans un verre de montre de 8*^"* à 10^°* de diamètre, surface préalablement recouverte d'une couche extrê- mement mince d'huile, on dépose une goutte de solution de géla- tine; aussitôt cette goutte se transforme en une lentille d'autant plus large que la couche huileuse est plus mince. On abandonne alors la petite masse de gélatine à elle-même; après l'évaporalion de l'eau à la face supérieure de la lentille, il reste une lamelle solide d'environ S*^"" de diamètre et dont la périphérie forme une (') Bull, de l'Acad. royale de Belgique^ t. XI; 1875. (^) Wied. Ann., t. XXXV, p. 56i. — Î502 - courbe sinusoïdale appartenant à une surface cvlîndrique vcrllcak et relice au milieu par des stries radiales; si la lamelle est fort mince, elle montre, au bord, de nombreuses petiles fentes cl. parallèlement au contour, des anneaux colorés de Newlun qui accusent une épaisseur allant en croissant vers le centre. L'auteur cite encore, à Tappui de sa théorie, les fails suivants : Tandis que riiuile d'olive est chassée de la surface de verre par Tessence de térébenthine, Thuile de colza n'est pas chassée d*unc paroi de verre par le chloroforme, ni de la surface de contact avec du blanc d*œuf solide par de Teau de savon. En i889(*), j'ai décrit de nouvelles expériences, d'ailleurs fort simples, qui m'ont permis de bien préciser le mode d'aclioo de Ij force qui règne à la surface de contact d'un solide et d'un liquide. Si le solide ne se laisse pas pénétrer par le liquide, tout en êlant mouillé par lui (par exemple dans le cas du verre et de l'eau), c'est le liquide qui tend à recouvrir une portion aussi étendue que pos- sible de la surface du solide, sans que celle-ci augmente par elle* même. Lorsque, au contraire, le solide est assez poreux pour per- mettre au liquide de s'engager dans les intervalles compris entre les |)artirules, Taccroissement de surface mouillée eniraîne oof augmentation de volume du corps; c'est ainsi que la longueur cl la largeur d'une bande de papier augmentent quand celle-ci e»i plongée dans IVau. J'ai pu constater que mon explication s'appliquait non seulenieni à mes propres expériences, mais encore aux faits observé» par mon éminent collègue M. (^>uincke. Examinons, par exemple, le cas de la lamelle formée par un li(|uide contenant en solution une matière solide; Févaporation continue de ce liquide permettra aux particules solides d'obéir de mieux en mieux à leur cohè^ioo. qui ne ctmsiiluc nullement une tension su|>erficielle, car tilt s'exerce aussi bien à Tintérieur que dans le voisinage de la sur* (ace limite. Quand la concentration est devenue assez forte, la la- melle peut être considérée comme sollicitée en haul par la lensiop de la surfai c liquide libre, et au contact de la partie solidifiée a%fc le li(|uide, par la force d'extension correspondante. CV«t la lutte ( ' ) liuUetin de l'Académie royale de Belgique, t. XVII, p. 5iK — 503 — enlre ces deux tendances opposées qui est la cause des sinuosités du hord de la lamelle, de sa compression dans le sens radial, et de ses solutions de continuité ; enfin, si, après que la surface supé- rieure est devenue solide, on détache la lamelle de son support, elle devient convexe du côté encore mouillé, absolument comme le fait un timbre-poste dont on a mouillé la face gommée. Sur la propriété caractéristique de la surface commune à deux liquides soumis à leur affinité mutuelle. Si deux liquides i et 2 sont amenés en contact, on comprend que la surface de séparation considérée comme appartenant au li(|uide 1 ne sera plus soumise à une force contractile F,, comme si ce liquide était libre, mais bien à une force F, — F, 2, F|2 étant une force due à Taction mutuelle de 2 sur i; de même la sur- face commune regardée comme appartenant au liquide 2 sera sollicitée par une force Fo — F, 2, Fj étant la tension de la surface libre du liquide 2; la force totale exercée sur la surface de sépa- ration sera donc égale à F, -+- F2 — 2Fi2. Celte valeur ne diffère de la force qui règne à la surface com- mune à un solide et à un liquide que par Tabsence du terme relatif au solide seul; c'est qu'un pareil corps, bien que pourvu d'une couche superficielle où la densité va en décroissant vers le milieu ambiant, n'est pas constitué par des particules suffisamment mo- biles pour qu'elles déterminent une tension appréciable. Lorsque l'action mutuelle entre les deux liquides est* très faible, comme, par exemple, dans le cas de l'eau et de l'huile d'olive, le trinôme F, -j- F2 — 2F, 2 est nécessairement positif et représente une force agissant sur la surface commune absolument comme F^ ou F2 agirait sur la surface libre de l'un ou de l'autre liquide pour la rendre aussi petite que possible. Mais il j a des cas nombreux où les deux liquides en présence ont une véritable affinité l'un pour l'autre, par exemple l'eau et l'éther ou l'alcool, Téther et l'huile, l'huile et la potasse ou la «oude, etc. Voyons comment il faut interpréter alors la valeur du trinôme ci-dessus. Supposons donc que les liquides 1 et 2 aient enlre eux une affinité telle que 2F|2 soit supérieur à la force — 504 — F| -h F2 des tensions superficielles des deux substances ; dès lors le trinôme F| -h F2 — 2F|2 est négatif, et la force agissant le long de la surface commune, au lieu de rendre celle-ci aussi petite que possible, a, au contraire, une tendance opposée. En effet, soient ma, aé, bm' {fig. 4) trois éléments consécutifs Fig. \. .f S' d^une section normale à la surface de contact des deux liquides: si celle-ci est plane et soumise à une tension, c'est-à-dire si F| -h F2>> 2F,2, ab sera sollicité par deux forces a/", bf\ qui empêchent a d'arriver en coïncidence avec 6; si la surface est courbe, la résultante de deux forces élémentaires sera dirigée vers le centre de courbure et agira pour diminuer la surface autant que possible {fig^ 5). Mais si F, -f- F2< 2F4 2, rélémenl ab Fig. 5. sera soumis à Faction de deux forces dirigées en sens contraire des deux premières et la surface tendra à s'accroître; si elle est convexe, elle subira une traction normale dans le sens opposé au rayon de courbure {Jig^ 6). Le trinôme F| 4- Fo — '-iF,2 repré- sente donc alors unQ force d'extension. Fi;;, n. Voici quelques faits à Tappui de celte interprétation : Si Ton dépose une goutte d'élhcr sur une couche d'eau, on constate deux effets simultanés, savoir : un étalement très rapide de Télher sur l'eau, et puis des trépidations extrêmement vives dans le voisina^'t* de la portion où a eu lieu le dépôt de la goutte; ces trépidations sont tellement fortes que parfois le fond du vase est mis à nii. — 505 - Si, à l'exemple de M. Quincke, od fait arriver très lentement, à travers un fil de verre creux, un filet extrêmement mince d'alcool à la surface limite d'une bulle d'air placée dans Teau sous un plan de verre {^fig* 7), la tension de l'eau se trouve subitement rem- 3 placée par une force d'extension dont l'effet concourt avec la pres- sion de la partie supérieure de la bulle pour agiter brusquement celle-ci et même la tirer vers le bas, si la pression hydrostatique exercée sur elle n'est pas grande. Une masse liquide 1res petite, entourée d'un autre liquide qui n'exerce sur elle qu'une action chimique négligeable, est soumise à une tension et prend la forme sphérique; mais si l'un des liquides contient des traces d'une substance pouvant déterminer une action chimique en un point de la surface limite, aussitôt la tension y est remplacée par une force d'extension plus ou moins énergique et la sphérule se déplace du côté du point influencé, où se montre une excroissance qui se maintient aussi longtemps que dure l'ac- tion chimique. Si Faction est très lente, elle produit des courants partant précisément du point influencé. Théorie nouvelle de V étalement des liquides les uns sur les autres. — La condition nécessaire de Tétalement d'un liquide sur un autre a été donnée pour la première fois en i865 par M. Ma- rangoni, puis, presque simultanément, par M. Liidlge, M. Quincke et par moi ; pour ces quatre observateurs, la surface commune à deux liquides est toujours soumise à une force contractile positive ou nulle. De cette façon, pour qu'un liquide 2 de tension Fj s'étale sur un liquide i de tension F|, il suffit, d'après eux. que la force F, soit supérieure à la somme F2-+-F,F étant la force con- tractile de la surface commune aux deux substances. Mais il est évident qu'en regardant a priori la force F comme positive dans - 506 — tous les cas, on exclut de la théorie une infinité de phénomèoes où cette même force est en réalité négative. Pour échapper à une hypothèse quelconque sur le signe de F,, il suffit de substituer à celte force la valeur indiquée plus haut et d'écrire : F^ >► Fj-f- F, + F2 — 2Fi2, inégalité qui se ramène à F|2>F2. Si c'est le liquide i qui doit s'étaler sur le liquide 2. il faut que F42>>F, ; on conclut de là la proposition suivante : Pour qiiUin liquide s^ étale sur un autre y il faut et il suffit que Inaction mutuelle des deux substances soit supérieure à la tension du liquide déposé sur Vautre. La théorie que nous avons exposée en 1869 el 1873 s'applique aux cas où F est positif, par exemple dans le cas de Feau pure et de rhuile d'olive, de lin, de colza, de navette, etc., el dans celui du mercure très pur el de Teau ou d'une huile quelconque. Mais si Taffinilé entre les deux liquides est suffisamment grande pour donner lieu à un corps nouveau, on a nécessairement F|2l> F4 et F|2>>F2; des lors on pourra réaliser non seulement TexpausioD du liquide de plus faible tension sur celui qui a la plus grande force contractile, mais encore, abstraction faite de causes pertur- batrices, Tétalcment du dernier liquide sur Tautre. En i8yo (*), nous avons soumis la déduction précédente à des expériences directes : une première série d'observations a été faite avec une solution de soude caustique à o,a5 pour 100 et avec diflerentes huiles; nous avons observé chaque fois Fétalement de riiuile emplovée sur la solution sodique; puis nous avons essavé l'expérience inverse, c'esl-à-dlre l'expansion de la soude sur l'huile. Nous nous sommes servi généralement de simples verres de montre contenant le liquide où devait s'opérer Fétalement. Rappelons les résultats obtenus avec l'huile d'olive : Amenée en très petite quantité sur la surface sodique, Thuile s'étale subitement, suivant toute l'étendue superficielle libre: pres(|ue aussitôt après l'expansion, la lamelle se contracte el offre une ouverture circulaire qui grandit el déforme la figure qui se change ensuite eu lentille; mais bientôt l'étalement se produit de nouveau, amenant une nouvelle rupture suivie de Tapparilion (•) Bulletin de r Académie royale de Belgique, t. XX, p. 253. — 507 — d\ine autre lentille, et ainsi de suite jusqu'à quatre ou cinq fois consécutives. Ces faits, qu'il nous eût été impossible d'expliquer lors de nos premiers travaux, découlent bien simplement de nos vues actuelles : la grande valeur de la force F|2 due à l'affinité des deux substances rend le trinôme F, -h F2 — '^Fi2 négatif; voilà pourquoi l'étale- ment s'opère non seulement en vertu de la tension F| de la solu- tion de soude, mais encore par la force d'extension développée dans la couche de contact; ainsi la condition donnée par les pre- miers observateurs, savoir F^ >> F2-i- F, doit être remplacée par celle autre : F,-f-F>F2. Or, la tension F^ de la solution de soude est déjà à elle seule double de la tension F2 de l'huile d'olive; le concours de F doit donc rendre l'expansion extrême- mer;t rapide; mais il se développe alors, dans toute la lamelle si vivement étirée, une force élastique de traction d'autant plus in- lense que l'étalement a été plus brusque : de là, si la goutte dé- posée est assez grosse, le mouvement de reirait de la lame; avec une simple gouttelette, l'expansion combinée avec la force élas- tique qui en résulte divise l'huile en une infinité de minimes len- lilles séparées. L'étalement peut se répéter cinq ou six fois de suite, précisément à cause du contact réitéré de l'huile avec de nouvelles traces de soude; si, en un point d'une lame déjà pro- duite, il y a une nouvelle action chimique, aussitôt il s'y montre une ouverture qui va en grandissant. Si, inversement, on effectue le dépôt d'une quantité très petite de solution de soude à la surface de l'huile d'olive, la gouttelette tombe en partie au fond, mais en même temps une minime portion s'étale suivant une figure plus ou moins régulière; après Texpan- sion, celle-ci revient sur elle-même en affectant des bords plus ou moins dentelés et, après évaporalion, laisse de faibles traces de savon. L'expérience peut être répétée un grand nombre de fois, malgré les impuretés répandues sur l'huile; mais l'étendue des lamelles produites va en diminuant. Dans cette première série d'expériences, nous avons obtenu des résultats du même genre avec les huiles de lin, d'amande douce, de sésame, de foie de morue, etc. Deux autres séries d'observations, dans lesquelles la soude était remplacée par la potasse caustique et par l'ammoniaque, ont confirmé l'explication précédente. — 508 — Formation spontanée des émulsions, — Pour abréger, nous passerons sous silence les expériences que nous avons faites sur la transformation d'une gouttelette d'un liquide déposée sur un autre liquide moins dense, et nous tâcherons d'expliquer la for- mation spontanée des émulsions (* ). En 1878, M. J. Gad a observé qu'une goutte d'huile pouvait, par son simple contact avec des liquides alcalins et sans ébranle- ment mécanique extérieur, former l'émulsion la plus parfaite, du moment où elle contient des acides gras libres. Dans ces conditions, on voit partir de la goutte une matière laiteuse qui s'avance dans le liquide ambiant; la goutte offre une série de filaments latéraux et montre des variations de forme et des mouvements tout à fait semblables à ceux des amibes ; il s'en détache des gouttelettes contribuant de leur côté au développement de l'émulsion. D'après l'auteur, les phénomènes sont dus au savon formé plus ou moins vite à la surface de l'huile grasse, partout où les acides dissous dans l'huile touchent le liquide alcalin; de là résultent des courants et des déformations de la goutte capables d'en détacher des portions non encore enveloppées d'une couche de savon; si le développement de celle-ci n'a pas lieu en tous les points de la surface de la goutte, il se manifeste des mouvements amiboïdes. Mon éminent collègue M. G. Quincke (2) regarde de simples courants de diffusion comme incapables de produire les mouve- ments signalés par M. Gad, et croit que l'étalement de la solution de savon suffil pour donner lieu à des mouvements de rotation à l'intérieur de l'huile et du liquide ambiant et pour séparer un grand nombre de sphérules d'huile. A notre lour, nous ne pouvons comprendre comment l'élale- ment d'un liquide serait capable de provoquer non seulement des déformations, mais encore des déchirements, et cela périodique- ment, alors que la tension à la surface de contact de l'eau cl de l'huile est si faible cl, par conséquent, impuissante à exercer des effets mécaniques très prononcés. C'est pourquoi nous propo- sons l'explication suivante : En chaque point de la surface de sé- paration des deux liquides où a lieu une action chimique, la tension (') Bulletin de l'Académie royale de Belgique^ t. XXI, p. l\io\ 1891. (^) PJlùger's Archiv fUr die gesammte Physiologie, t. \1\, 1879. — 509 — se Irouve subitement remplacée par une force d'extension, laquelle détermine non plus une pression, mais une traction d'autant plus vive que la courbure de la goutte est plus prononcée, el un mou- vement rapide de retrait des portions voisines du point en ques- tion. Immédiatement après que l'action chimique a cessé, ces eflfets s'arrêtent pour se manifester encore au moment d'une nou- velle action due à l'affinité des deux liquides. De celte manière on peut aisément rendre compte de toutes les particularités observées par M. Gad. Ce qui confirme pleinement notre ihéorie, ce sont les expé- riences faites en 1879 par E. Briicke, et en 1889 par M. Bùtschli sur la structure du protoplasme; seulement cet observateur croit pouvoir adopter l'explication de Quincke. Transformation d'un liquide s'écoulant par un tube très effilé dans un autre liquide. On sait qu'un cylindre liquide très effilé constitue, d'après un théorème de Joseph Plateau, une figure instable et se transforme en une série de sphérules isolées, pourvu que la couche superfi- cielle du cylindre soit soumise à une force contractile; voilà pour- quoi l'on ne peut réaliser à l'air libre un cylindre liquide dont la longueur dépasse le contour de la section droite; à peine formée, la figure se modifie, parce que la surface lend vers un minimum. Mais les choses se passent tout autrement lorsque la couche suj)erficielle limitant le cylindre fort allongé est soumise, non plus à une tension, mais à une force d'extension; c'est ce qui a lieu, par exemple, lorsqu'un petit filament est réalisé au sein d'un autre liquide ayant une affinité suffisante pour la substance con- stituant le filament; dans ce cas, la surface terminale inférieure se meut comme si elle obéissait à une force de traction qui allonge de plus en plus le filament à mesure que la courbure devient plus forte; de là un ou plusieurs filaments qui vont en se développant de plus en plus et donnent lieu à la diffusion de l'un des liquides dans l'autre, dans le cas où il ne se produit pas de corps solide. J'ai fait de nombreuses expériences pour vérifier cette conclu- sion; pour abréger, je n'en citerai qu'une seule : Dans une éprou- 510 - velte contenant de Teau distillée, amenons la portion terminale très effilée de la longue branche d'un siphon capillaire {^fig- 8) Fig. 8. rempli d'eau distillée, tandis que la courte branche est plongée dans une solution concentrée de soude caustique. Le siphon débite d'abord l'eau distillée qui a servi à l'amorcer; elle remonte un peu le long du verre, prend la forme d'une outre allongée et finit par dessiner un petit sphéroïde; elle se détache alors et des- cend sous forme sphérique; c'est que jusqu'à ce moment la sur- face de contact de Teau et de l'huile est soumise à une force contractile. Après un certain temps, c'est la solution sodique qui se pré- sente à l'orifice inférieur du siphon; il se produit alors des sphé- rules qui s'allongent et forment une chaîne continue {fig^ 9); les Fig- 0- Fig. 10. renflements et étranglements une fois dessinés ne changent plus d'aspect jusqu'au fond de l'éprouvette. Mais bientôt après se pré- sente une particularité fort curieuse * c'est le développement gra- duel d'un filament c}^lindrique creux qui continue le siphon capil- - 511 - laire ; le filament s'allonge très lentement, et le liquide qui apparaît à son extrémité y dessine une sphérule qui s'allonge et devient un des éléments de la chaîne dont il a déjà été question {Jîg. lo). Le moindre choc détache ce filament du tube ; l'écoulement se produit alors à l'extrémité du siphon et donne lieu à un nouveau filament. Nous considérons une pareille formation comme une des preuves les plus frappantes et les plus nettes de la force d'exten- sion qui règne à la surface de contact de deux liquides soumis à leur affinité mutuelle. Ici se termine la tâche que nous nous étions imposée; nous serions heureux si l'un ou l'autre des points principaux que nous avons examinés pouvait provoquer des recherches nouvelles sur les propriétés si importantes et parfois encore si mystérieuses des h'quides. - 512 - LA DIFFUSION DES GAZ SANS PAROI POREUSE DÉPEND-ELLE DE LA CONCENTRATION? Par Marcel BRILLOUIN, MAITRE DE CONFÉRENCES A L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE. 1. Le transport de matière par diffusion dans un mélange de deux gaz, non homogène, mais de pression totale et de lem- piTalure uniformes se fait suivant une loi tout à fait analogue à la loi de conduclihilih'' pour la chaleur. La masse du gaz i, qui traverse Tunité de surface en une seconde, est proportionnelle à la dérivée normale de la pression de ce gaz, toutes choses égales d'ailleurs, l^e coefficient de proportionnalité est le produit d'un facteur qu'on appelle le coefficient de diffusion D, par la den- sité (*) du gaz I sous la pression unitaire à la température de Pex|)érience. Celte définition se traduit par les équations 0,, p\ sont la pression et la densité du gaz i au point considéré. U\ est la composante de la vitesse du gaz normale à la surface traversée. (') Densité par rapport à l'eau, comme dans toute la suite. - 313 — -^ est la dérivée de la pression du gaz i dans celte même direc- tion normale. Le coefficient de diffusion D, ainsi défini, peut dépendre encore de toutes les propriétés du mélange dans la région voisine, de la pression totale P, de la température absolue B, des pressions par- tielles/>i, /?2, c'est-à-dire de la constitution du mélange; peut-être même de la dérivée -p-i = — -t^) lorsque celle-ci n'est pas infi- niment petite. C'est à Texpérience qu'il appartiendra de décider. 2. Toutefois, il importe de remarquer que la comparaison de la diffusion de la matière gazeuse avec la diffusion de la chaleur dans les métaux est un peu arbitraire. La matière a de Tinertie, ce qui la distingue de la chaleur. En fait, l'équation (l) est une équation de mouvement, entre une force motrice — -~- appliquée au gaz i et une résistance^* w^, supposée proportionnelle à la vilesse du gaz 1 ; on n'a pas écrit de terme dépendant de l'accélération; en toute rigueur, cette équation est donc inapplicable, même à l'état permanent; car la pression du gaz i varie rapidement d'un point à l'autre dans toutes les expériences, et un débit uniforme ptih dans un tube cylindrique correspond à des vitesses en raison in- verse de la pression en chaque point, par conséquent à une accé- lération colossale d'un bout à l'autre du tube, «, pouvant croître de zéro à l'extrémité où le gaz i est pur, jusqu'à l'infini, à l'autre bout du tube où le gaz 2 est pur. J'ai examiné celte influence de l'inertie au moyen des équations complètes proposées par Stefan et par Maxwell, et montré ses con- séquences théoriques (*). En fait, avec les coefficients de diffusion réels de tous nos mélanges, cette influence paraît presque inacces- sible à nos moyens d'investigation si l'ensemble du gaz est en repos, ou à peu près. Il faut bien remarquer toutefois que, pour des gaz d'inégale densité, la diffusion sous pression uniforme déplace le centre de gravité du mélange gazeux; sous pression uniforme, chaque élé- (') Marcel Brillouin, Théorie de la diffusion des gaz sans paroi pot eu se ; propagation du son dans les mélanges {Ann, de Chim. et de Phys., déc. 1899). C. P., I. 33 — 514 - menl de volume du mélange non liomogène a une cerlaîne quanlité de mouvement. Un second point important à noter, c'est que la notion même de pression propre à l'un des gaz, dans le mélange, n'est simple et nette que si les gaz obéissent à la loi de Dalton, si la pression du mélange est égale à la somme des pressions des gaz composants occupant séparément le même volume à la même lempéralure. 3. Dans les expériences, on rencontrera deux difficultés extrê- mement sérieuses provenant de l'extrême mobilité du mélange gazeux dans son ensemble sous les moindres forces extérieures, sous les moindres inégalités de pression totale, et de la très grande résistance que chacun des gaz oppose aux mouvements indépen- dants de l'autre. Insistons sur ce point : un liquide acquiert, d'après la règle de Torricclli, une vitesse de i*" par seconde lorsqu'il s'écoule par un orifice en mince paroi sous l'influence d'une diflerence de pression mesurée par une hauteur de 5*^"' du même liquide; cette évaluation est applicable, au moins comme ordre de grandeur, à récoulemenl du gaz. Ainsi, de l'air acquerrait cette vitesse de i™ par seconde sous l'influence d'un excès de pression de ^eo^ooo d^atmosphcre. D'autre pari, pour faire difl'user de l'hydrogène dans l'air, cha- cun d'eux étant à la pression d'une demi-atmosphère, avec la même vitesse relative de i™ par seconde, il faudrait que la chute de pres- sion de rhjdrogène atteignît -jo atmosphères par centimètre de longueur environ; sous la pression totale d'une atmosphère, il faudrait trouver l'air pur d'un côté à -^ de millimètre (70?^) et riiydroj;rno pur de l'autre coté à la même dislance. Pour obtenir la vitesse de difl'usion de i^™ par seconde, il fau- drait trouver l'hydrogène pur à i*^™, 4 d'un côté, Tair pur à i*^™,4 de Taulrr colé. Or, une vitesse d'ensemble de i*^" par seconde serait produite par un excès de pression dû à o'^"\ooo5 de hauteur du même gaz, ou, ce (]ui revient au même, par une diflerence de lempéralure de 0,14 dei;ré entre deux colonnes de gaz de i*^™ de hauteur. C.es nombres monlrent quel degré extraordinaire d'uniformité de pression et de lempéralure il faul obtenir pour pouvoir afiir- mer qu'on réalise la difl'usion pure. — 515 - 4. De ces remarques il résulle donc que Tétude de la diffusion libre à une température autre que celle de la salle d'expériences sera extrêmement difficile. En fait, les remarquables expériences de von Obcrmajer n'ont pu élre exécutées qu'entre — 21°, 5 et -|-5i°. Elles ont confirmé ce que Tétude de la viscosité a appris avec beaucoup plus de précision, à savoir que les propriétés des gaz sont intermédiaires entre celles du milieu constitué par de petites balles élastiques dures (théorie cinétique i)ure) et celles du milieu formé de points matériels qui se repoussent en raison inverse de la cinquième puissance de la distance (théorie dynamique de Maxwell). La loi de la pression a été contrôlée d'abord par Loschmidt, puis, pour les vapeurs, par Winkelmann, et n'est pas douteuse. On a donc Pour l'acide carbonique et l'air à la température ordinaire, n est à peine inférieur à 2 (1^97); pour les gaz éloignés de leur point critique, n parait élre égal à 1,75. 5. A la température de la salle, l'uniformité de pression dans chaque tranche horizontale est réalisée sans peine; les troubles au cours de la diffusion à l'air libre sont extrêmement minimes; j'ai pu enregistrer, par l'emploi du manomètre ïœpler, la diffusion de l'acide carbonique et celle de l'acide sulfureux à l'air libre, sans difficulté. Les petits accidents que l'on remarque sur la courbe ont tous une cause connue et notée au moment même : ferme- ture brusque d'une porte à un étage inférieur; mouvements de l'opérateur dans la salle, etc. 6. En dehors de ces accidents irréguliers, on remarque sur la courbe un mouvement brusque et considérable au début de la dif- fusion. Il se produit, du côté du gaz le plus dense, une diminution de pression qui paraît brusque et qui s'éteint en cinq ou six se- condes, dix au plus. Toutes les précautions, dans le détail des- quelles je ne peux pas entrer ici, tous les changements de mon- tage de l'appareil n'ont rien changé au résultat. Le sens du résultat est celui qui correspond à l'inertie des gaz {Jig. i).^ — 516 — Sans entrer ici dans une discussion détaillée, je constate donc qu'une variation brusque de pression équivalente à 4*^" ou 5*"°* de hauteur de gaz se produit au moment de la mise en contact des deux gaz dont la pression était la même, et cela malgré toute l'attention portée sur ce point particulier. Fig. I. 7. Ce trouble initial est très facile à mettre en évidence par une cx[)éricncc de cours. Dans une cuve de verre, à faces parallèles, on mol une coupelle d'éther; on ferme en appliquant une lame de j;Iace sur les bords rodés de la cuve. Enfin on projette Tonibre du iSul sur un écran voisin. De quelque façon et avec quebjue soin (|ue l'on ouvre la cuve, des tourbillons ou des ondes planes, rendus manifestes d.ins l'ombre par la diflTorcnce d'indice de l'air et de Téther, prennent naissance au moment de l'ouverture et descen- dent lentement dans toute la cuve. Les enrouiements sont extrêmement beaux lorsqu'on soulève la pla(|ue (loiicoment à Faide d'une crémaillère; ils sont beaucoup moins marques lorsqu'on fait glisser lentement la plaque dans son propre plan. 8. \'A\ rôsiinié, il est impossible, avec quelque soin (|ue Ton oprre, (Touvrir la communicalion enlre les deux gaz sans produire (les nu)uveinenis d'ensemble du gaz (|ui équivalent à un trouble ronsidt'rahle dans le début de la dllfusion; ce trouble, qui paraît liés diflioile à analyser, peut être considéré en gros comme pro- duisant une erreur très notable dans Torigine du temps et une — 517 - erreur sur la composition initiale. C'est la discussion des expé- riences qui nous renseignera à ce sujet. Discussion des expériences de M. Waitz (> ). 9. Les expériences les plus importantes à ce point de vue sont celles de M. Waiiz, extrêmement soignées et étudiées dans tous leurs détails. La diffusion de l'air dans l'acide carbonique a été suivie par le changement d'indice du mélange à lo"^"*,©, 20*", i et 35*^"*, 2 du plan de l'orifice (méthode optique interférentielle). La cuve rectangulaire de 5o*^™,3 de hauteur, 5o*^™,3 de longueur et 7*^",i de largeur, est ouverte par soulèvement d'un couvercle, avec de très ingénieuses précautions pour éviter (disons pour atténuer) les troubles à l'origine. M. Waitz a publié les résultats détaillés de ses mesures et en a discuté les moyennes. Admettant, comme tous les observateurs l'ont fait jusqu'à présent, qucTorigine du temps est bien définie et que l'ouverture se fait sans trouble, il a calculé pour chaque pro- fondeur le coefficient de diffusion, supposé constant, au moyen des formules connues. . , A la profondeurs de lo*^*" jusqu'à moitié de la diffusion, à celle de 20*^™ jusqu'au tiers, la formule relative au vase indéfini est suffisante : P -M-''- i^-M Le premier membre représente la proportion d'air que la diffu- sion a fait pénétrer jusqu'à la profondeur jc, à l'époque t. Au delà de ces limites, à 10*^"* et presque dès le début et à 20*^'" pour la pro- fondeur de 35*^™, l'influence du fond se fait sentir et il faut em- ployer le développement en série : —^ = i > sin e 1 II 10. Le résultat de ces calculs, un peu déconcertant, mais en (') Wied. Ann.y t. WII, p. 201; 1882. - 518 - parlie conforme aux vues particulières de M. O.-E. Meyer sur la théorie de la diffusion, a été le suivant : Le coefficient de diffusion a été trouvé variable avec le temps, beaucoup plus grand (o,i8) au début de la diffusion (surtout à lo*"") qu'à la fin (o,i5). Supposant donc le coefficient variable avec la composition du mélange, M. Waitz en a représenté les va- leurs en fonction de la pression partielle de Tair dans le mélange. Chaque profondeur (lo*^"', ao*^", Sd""") donne un coefficient dif- férent pour la même composition ! A la vérité, le calcul, fait en partant d'une intégrale qui sup- pose le coefficient constant, n'est pas valable si celui-ci est va- riable; l'équation à intégrer dans le cas du coefficient constant, devient, dans le cas du coeffi- cient variable, ôt OjT \ ôx I et si D ne dépend de x que par/?,, ôX) /àpiY ôt ôx* ôp \ôx ) a. M. Ilausmaniger (*), sur le conseil de M. Bollzmann, a repris le calcul des expériences de M. Waitz, au moyen d'une inté- grale de l'équation corrigée, dont M. Bollzmann a indi(|ué la forme dans le cas où le fond du vase est sans influence appréciable. Quatre observations consécutives déterminent le coefïicicnt de diffusion correspondant. Si l'hypolhrse que le coefficient d«'pond de la composition du mélange était exacte, nous devrions trouver la même valeur pour la même composition au moyen des observa- tions faites à différentes distances de l'orifice, et, pour une mrmc distance, par les deux modes de calcul numérique différents nue M. Ilausmaniger a cmplovés. Voici ([uclques nombres ((^. G. S.) (•) Wien. Sitz. Bcr., t. LWWI, p. 1073 i-'^So. — 519 — pour des compositions comprises entre o et o,i d*air dans l'acide carbonique : •^•n j (a) o,i88 0,188 0,189 0,180 0,177 0,175 I (p) o,a33 o,2i3 0,207 0,193 0,188 o,i85 20 (a) 0,157 o,i58 o,i56 o,i55 o,i55 0.164 35,4 {^) 0,161 o,i63 0,159 o,i58 o,i54 o,i52 On voit que les nombres d'une nxême colonne sont loin d'être égaux. L'hjpolhèse que le coefficient de diffusion est une fonction dé- terminée de la concentration n'est donc pas justifiée. Il est, notamment, tout à fait singulier d'être conduit à une variation extrêmement rapide pour l'introduction d'un vingtième d'air, et très lente pour les dix-neuf autres vingtièmes. 12. M. Wailz et M. Hausmaniger n*ont fait porter leurs cal- culs que sur les nombres moyens pour chaque distance; mais M. Waitz a publié les nombres directement observés dans chaque série, et il est facile de s'assurer que les valeurs du début, calcu- lées au moyen des séries individuelles, seraient tout à fait incohé- rentes. Ces séries sont-elles donc mauvaises? Nous allons voir, au contraire, qu'elles sont excellentes et décisives. Pour les comparer, je transcris (voir Appendice, p. 028) les Tableaux de M. Waitz, en marquant : 1° Le rang de la frange observée (c'est-à-dire la composition du mélange); 2** L'époque moyenne à laquelle celte frange est observée; ce sont les nombres mêmes qui ont servi aux calculs de M. Waitz et de M. Hausmaniger; 3"* Au lieu de noter les époques d'observation de cette même frange dans chaque série, je note l'excès de cette époque par rap- port à la moyenne. Aussitôt apparaît le résultat essentiel que voici ; Les résultats de chaque série particulière coïncideront avec la moyenne par un changement de l'origine du temps. Ce fait saule aux yeux si l'on irace les courbes à grande échelle. Il n'y a pas - 520 - d'irrégularités au cours de chaque expérience, il n'y en a qu^au début. Or toute irrégularité de manœuvre à Touverture du cou- vercle a nécessairement pour effet d'accélérer le mélange; ce trouble une fols passé, la diffusion se poursuivra à peu près comme si Ton avait ouvert, sans trouble, un peu plus tôt qu'en réalité. A toutes les époques observées dans une même série il faudra ajouter, pour tenir compte de ce trouble initial, une con- stante positive. C'est là une erreur que la moyenne n'élimine pas, car elle ne peut jamais être négative. Cette correction de l'origine du temps pouvant varier de 8 à lo secondes d'une expérience à une autre, il n'y a aucune raison de supposer qu'elle était nulle dans la série la plus favorisée, et si nous sommes conduits à lui donner une valeur de i5 à 20 secondes, nous n'aurons pas à nous en étonner. 13. Voyons donc si un simple changement de l'origine du temps suffirait, dans le cas d'un coefficient de diffusion constant, à représenter tous les résultats. Sur les courbes, on voit de suite que la tangente au point d'in- flexion est extrêmement bien déterminée; c'est elle qui détermi- nera le coefficient de diffusion à introduire dans le calcul. Pour les deux profondeurs lo*"", 20*^"*, i, l'influence du fond étant alors négligeable, on a, à toute époque, (i, au point d'inflexion, y-V '=GL.' On a, en ce point d'inflexion, d'après les tables de HourI, Le point do ronconlrc, bien drlerininc, de la tan^^eule au point — 521 - d'inflexion, avec l'axe des temps, est l'époque 14. De ces données on déduit que le point d'inflexion doit se rencontrer entre la lo*' et la 1 1® frange, plus près de la lo*; ce qui est conforme aux observations à lo^" et à 20*^™,!. Les dlff^érences successives donnent, sans ambiguïté : A lo'^™ : 6,0 à 6,0-25 sec. par frange. A ao'", I : 9.3,8 à 24 » de part et d'autre du point d'inflexion. Le nombre total de franges par substitution d'air à l'acide car- bonique étant, à lo*"", laS, 72, et, à 20*^"*, i, 122,86, dans les con- ditions des expériences, la tangente au point d'inflexion donne ~ =0,9250.6,025.123,72 = 690, d'où p- = 0,9250.24. 122,86 =2705. D'=o,t448 à 0,145 (lo^-"; 756™'",6; 16°, 8). ^"=0,1479 à 0,1491 (2o^",i; 753'"-,2; i7%5). La réduction de D' à la température et à la pression de D" le fait passer à 0,146. L'abscisse de la tangente au point d'inflexion, tirée de son incli- naison observée et des éjjoques observées du passage des franges 8, q, 10, II, 12, est : A 0,1 sec. près pour la distance lo*^*", 38, o sec, A 0,5 sec. près » 20''™, i, 188,0 sec. Les valeurs théoriques tirées de la formule (2), qui suppose D constant, en y introduisant les valeurs de x^ : D fournies par l'in- clinaison observée de la tangente £tu point d'inflexion donnent, pour les mêmes abscisses, 62,7 et 207 sec. A 10*^"*, le trouble initial équivaut à une avance de diff'usion de 32,7 — 38 = 14,7 sec; pour la moyenne des expériences, elle varie, suivant les séries, de 10 à 18 sec. A 20*^'", I , le trouble initial équivaut à une avance de difl'usion de — 522 — 207 — i88 ^ ig sec; pour la moyenne des expériences, elle varie suivant les séries de i5 à 24 sec. Ces aisances de diffusion me paraissent tout àjait vraisem- blables. 15. Les valeurs du cofficient de diffusion tirées de la pente au point d'inflexion (c'est-à-dire de la 5* à la 16® frange) sont encore un peu différentes d'une série à Taulre; il faut en découvrir la raison. On admet dans l'intégration que, dès le début de la diflusion, la pression de Tacide carbonique tombe à zéro dans le plan même de Torifice, au-dessous duquel on compte les distances lo**™ et 20^"*, I. C'est évidemment là une condition irréalisable; soit que l'acide carbonique s'échappe en se dilï'usant dans l'atmosphère libre, soit qu'il s'écoule le long du bord du vase (comme fait la vapeur d'élher), les surfaces d'égale concentration ne peuvent pas être jusqu'à l'orifice des plans horizontaux dans un vase de 7*^™ de large sur 5o*" de long. Dans le plan de l'orifice, la pression de l'acide carbonique n'est certainement ni nulle ni uniforme. En admettant que tout soit déjà régularisé à la profondeur de 10*^", la diffusion s'y produira comme s'il y avait, à quelques milli- mètres au-dessus de l'orifice réel, un orifice fictif satisfaisant aux conditions théoriques. La hauteur e de cet orifice fictif, telle que les deux séries à (10 + e)*^" et à (20,1 H- e)^"* conduisent au même coefficient de diffusion, est donnée par l'équation _/lO-4-£\2 , /?.0,l-f-£\* Celte hauteur est de o*^'",2i, et donne pour valeur commune du coefficient de diffusion D =T o,i59. (753°"",^; 17", 5). Cette addition de o*^*",2i pour un orifice de 7''™ sur 00"^ est bien plus petite qu^on n^ aurait pu s'y attendre. Ramené à 751'"™, 5 et 19°, o (pression et température adoptées par M. Wailz pour ses comparaisons), ce coefficient devient D = o,ij4 (751'"'", G; 19"), (j*à i5* frange). - 523 — Le nombre 0,04807 (heure, mètre) obtenu par M. von Ober- mayer à 760™™, 0°, réduit en C.G.S., devient 0,1849, et ramené à 75i°°>,6 et 19° est o, i55. Un tel accord est tout à fait satisfaisant. 16. Lorsque la diffusion dure depuis longtemps, on peut sup- poser que rinfluence du trouble initial est considérablement atté- nuée; mais l'erreur d'origine des profondeurs subsiste. Les diffusions limites, calculées par M. Waitz au moyen des formules ordinaires, d'après les observations faites après huit ou dix minutes de diffusion, doivent donc donner a peu près la même valeur de D que ci-dessus, mais avec une influence de la profon- deur. M. Waitz trouve, en effet (76 1™"*, 6 et 19"), lo*"" (5o" à 70® frange) 0,i5i3 ao'^", I (îS" à 60^ frange) 0,1 538 35'"",2 (20" à 60" frange) o,r577 Faisons la correction d'orifice o^"", 21 trouvée au dernier para- graphe; il vient o,i5i3(i-i- 0,042) = 0,1576, o, i538(i -h 0,021 ) = o, 1570, o, ï 577(1 -i- 0,012) = o, 1593. La correction d^ orifice déduite des ^^-lo^ J ranges convient donc également pour la diffusion avancée. 17. On remarquera toutefois que la valeur 0,157 à o, 169 dif- fère un peu de 0,1 54; et aussi que les expériences à 35*^™, 2 ne cadrent pas très bien avec les deux autres groupes. En outre, l'examen détaillé de ces expériences à 35*^", 2 montre une allure singulière; l'inflexion se produit plus tard que ne l'in- diquerait la théorie; la portion sensiblement rectiligne de la courbe est quatre ou cinq fois trop longue. Rappelons que le faisceau lumineux qui sert à l'étude de la diffusion ne passe pas au milieu de la largeur, 7*^™, du vase, mais tout près d'une des parois. C'est ce qui nous explique que la cor- rection de profondeur soit si petite. Les surfaces d'égale concentralion au voisinage de l'orifice sont - 524 — nécessairement plus hautes au milieu du vase que sur les bords, pour que la diffusion latérale de Tacide carbonique dans l'atmo- sphère soit possible. Pour 7^"* de largeur, un excès de hauteur de quelques millimètres au milieu est bien probable. Alors la pression d'ensemble du gaz est, à toute profondeur, plus grande au milieu du vase que le long des parois; en consé- quence il doit se superposer à la diffusion un mouvement d'en- semble descendant au milieu de la largeur, ascendant le long de chacune des deux parois. Ce courant accélère nécessairement le mélange et conduite un coefficient de diffusion apparent trop grand (o , 1 57 à o , 1 59 >> o , 1 54 ), avec un excès d'autant plus marqué que la couche étudiée est plus profonde, puisque la diffusion propre y est moins rapide (o, iSg >> o, 167). S'il y a quelque chose d'é- tonnant {voir p. 5i4), c'est que ce trouble n'ait pas acquis plus d'importance dans le vase très large nécessaire pour l'emploi de la méthode optique de M. Waitz. 18. Pour achever cette étude, il reste à s'assurer que le relard de 14,7 secondes convient bien à toute la diffusion depuis le début, pour la distance lo*'"'. Adoptant la valeur o:*^ : D = 690 fournie par la tangente au point d'inflexion, la formule 1 P '^=^-j= p^Vr. permet de calculer l'époque théorique t du passage d'une frange quelcon(iuc. On trouve ainsi, en secondes, Nunicn) de la frange. 1. 2. 3. 4. 5. G.~ 7. 8. 9. 10. ICpoqiic calciiléo 49/^ '*9/* ^^^^o 7),*i 82,2 88,3 y>,2 101,0 ïo(),9 10$, 1 Kpcxiiie o1)S(M'm''C. . . . 3a, o ^Lo jj.a ()0,o G6,j 73,1 79.7 86,2 9*1,2 9^.^ Avance de dillusion.. 17,2 i(),> i').9 i5,3 i5,7 i),4 i^»^ i4,8 14,7 11,9 Ainsi ravance est peuL-ctre un peu plus grande pour les pre- miers centièmes d'air substitués à l'acide carboni(|ue que pendant tout le reste de la diffusion. Encore n est-ce pas certain, car fécart de :^ secondes sur la première frnnge ne correspond ([u'à une erreur de ttj^ de frange, (|ui n'a rien d'impossible. — 325 — L'accord est tout aussi bon pour la seconde série. Toutes les particularités ^ non pas des moyennes, mais des expériences isolées de M, Waitz, s^ expliquent par une avance de diffusion de quelques secondes due au mode d^ ouverture, et un relèvement de 2™™ de V orifice pour la diffusion externe. Expériences de M. von Obermayer (*). 19. M. von Obermayer, qui a poursuivi pendant plusieurs années ses recherches sur la diffusion des gaz, dans des appareils très variés, par la pénible méthode de l'analyse chimique, a, lui aussi, rencontré des variations du coefficient de diffusion avec la durée de l'expérience. N'ayant pas réussi à les éliminer par des modi- fications de technique, lui aussi les a regardées comme réelles. Mais, chose singulière, tandis que le début de la diffusion parait accéléré dans les expériences de M. Wailz, il paraît retardé dans les expériences de M. von Obermayer. Voici quelques valeurs de D (heure, mètre) : (L). Acide carbonique dans Vair, MoN'cnne. min 10 0,0473 0,0467 0,0467 0,0464 0,0408 i5 0,0474 0,0477 'f ff 0,0475 40-45 o,o485 o,o48î 0,0477 " 0,0481 60 0,0489 0.0483 o,o483 // 0,0485 (S). Acide carbonique dans Vair. Moyenne, h m o.3o 0,0472 0,0464 o,o468 0,0470 0,0468 1. o 0,0475 o,o483 o,o48i AT 0,0479 2. o 0,0484 0,0486 // // 0,0484 •.>..3o.. 0,0491 0,0487 1/ rr 0,0489 3. o f // // f 0,0484 On remarquera, en outre, qu'il s'agit de variations relatives beau-- coup moindres que les variations apparentes de M. Waitz. Les différents gaz ont montré de grandes inégalités; aucune conclusion ferme n'est proposée par M. von Obermayer au sujet de la cause de ce phénomène. (') Wien, Sitz. Ber., t. LXXXI, 1880; t. L\X\V, 1883; t. LWWII, iSS3. — 526 — 20. Je n'enirerai pas ici dans le détail de la discussion des causes d'erreur de ces expériences. Je me bornerai à des indica- tions qualitatives. Toutes les expériences de M. von Obermajer sont faites en vase clos. Dans les expériences marquées (L), faites par la méthode de Loschmidl, les deux gaz occupent, au début de Texpérience, l'un un tube d'acier cylindrique, l'autre un tube d'acier semblable et la lumière du robinet d'acier qui permet de définir le début et la fin de la difl'usion; la lumière, de même diamètre que le tube, contient environ un douzième de la masse totale de l'un des gaz. L'ouverture se faisait en tournant le robinet très lentement (4 à 6 sec. pour le quart de tour), de manière à éviter tout remous. Mais alors le début de l'expérience est très différent du début théorique, la diffusion se fait peu à peu par la petite ouverture lentement accrue, et quand l'ouverture est enfin complète, au lieu de deux gaz purs avec une surface de discontinuité, il j a une couche de transition déjà établie. Quelque incertains que soient les essais de théorie du robinet, ils confirment cette manière de voir et per- mettent d'expliquer le petit écart de -^ entre les expériences courtes et lon«:ucs. 'o^ 21. Dans les expériences marquées S, le gaz lourd est contenu dans un tube cylindrique; l'autre traverse avec une vitesse uni- forme la très large lumière tangentielle d'un robinet s|)écial con- tenu dans une boîte de capacité notable. Le courant lèche ainsi l'ouverture du tube, et l'on suppose dans la théorie que, dès le début, la ])ression du gaz lourd est annulée à l'orifice du tube par le passage du courant qui entraîne tout. M. von Oberniayer a cru varier assez les conditions de l'expé- rience ])our être certain que cette condition est bien remplie. Il est facile de s'assurer qu'il n'en est rien. Le débit du gaz léger n'a jamais dé|)assé lo*' à l'heure (ordinairement 3*'' à 5'*') à travers une lumière de robinet de 2""' ou 3*'"'. Cela fait moins de 1*^™ par seconde (ordinairement o^'", 2 à o*^™, 5 par seconde). Or, à l'orifice, si la pression du gaz lourd était nulle, sa vitesse par diffusion serait infinie; le gaz doit donc se répandre dans tout l'espace libre autour du robinet. — 327 — La théorie de la diffusion dans un courant gazeux cylindrique est facile; le gaz extérieur pénètre dans le courant et le remonte d^autant plus profondément que celui-ci est moins rapide. Ce n'est donc pas à l'orifice ouvert par le robinet, mais bien plus haut en arrière, à l'entrée étroite du gaz léger dans la chambre du robinet, que le courant, environ cent fois plus rapide, oppose une résis- tance insurmontable à la diffusion rétrograde du gaz lourd. Or la capacité de cette chambre, où la diffusion se continue en dehors du tube, est d'environ les trois quarts de celle du tube. C'est donc seulement après quelques minutes que le débit par diffusion sera assez ralenti pour que rcntraînement par le courant de gaz léger soit à peu près complet et que les conditions de la formule théo- rique de calcul soient sensiblement satisfaites. Au début, la diffu- sion se fait certainement, malgré le courant, à peu près comme si le gaz léger était en repos, c'est-à-dire, comme dans la méthode de Loschmidt, environ deux fois moins vile que ne le suppose la formule de calcul adoptée. D'ailleurs, l'emploi d'un robinet manœuvré doucement évite toute espèce de remous et l'accélération apparente qui en résul- terait. Ai^ec les appareils de M. von Obermajer, la diffusion ini- tiale est nécessairement trop lente. Conclusion. Les excellentes expériences de M. Waitz et de M. von Oher- mayer ne donnent aucune raison de penser que le coefficient de diffusion de deux gaz dépende de la proportion des gaz dans le mélange ou de toute autre circonstance autre que la température et la pression totale uniformes du mélange. Les écarts, d'ailleurs de sens opposé, signalés par ces deux expé- rimenlateurs sont facilement ex|)liqués par la construction de leurs appareils et leur mode opératoire. On peut même s'étonner que les expériences puissent être rendues aussi régulières. Je réserve pour une publication plus étendue l'exposé des pro- blèmes particuliers que suggère la discussion des expériences de M. von Obermajer, ainsi que la critique des vues théoriques de M. O.-E. Mej'er, qui me paraissent inexactes. Seul, le mode de — 528 raisonnement de Maxwell, qu'on peut d'ailleurs étendre à une loi d'action moléculaire quelconque, me paraît vraiment rigoureux. APPENDICE. Tableau des temps écoulés depuis l'origine de la diffusion Jusqu'au passage des franges successives dans toutes les expériences faites par M. Waitz à laprofondeur de lo''™. Numéro de la frange. Moyenne. I-M. Il - M. III -M. IV -M. V-M. VI- :^ m s -j- -H _ _ -f- _ 1 0.32 5 I 3 4 1 0 43 5 0 3 3 I 0 'J'2,I 4,9 -0,6 2,1 2,1 «,9 •,ï ï .oo 5,0 0,0 3,0 2,0 1,0 1,0 6,5 5,5 -0,5 2,5 2,5 1,0 t>,5 i3,i 5.9 -0,6 2,6 2,1 0,9 »,« 19,7 5,8 — »,7 a, 7 ' »7 0,8 >,7 26,2 5,8 -1,2 3,2 >,2 0,8 I , Ji 32,2 5,8 — 1,2 a, 7 1,2 0,8 »,a 38,2 5,8 -1,2 2,7 1,2 0,8 >,^ 11 44,3 5,7 -1,3 2,3 1,3 0,7 1,3 5o,3 5,7 -1,3 2,3 1,3 0,7 1,3 56,6 5,0 — »,» 2,6 1,6 1,4 1,0 2. 2,6 5,9 -1,6 2,6 1,6 1,4 t,0 9,0 6,0 — 1,0 2,5 2,0 1,0 i,^ i5,o 6,0 -1,0 2,0 2,5 1,0 1,5 21,7 5,3 -0:7 2,2 »,7 0,8 ' ,7 28,2 5,8 — 1,2 2,2 1,7 0,8 1 ,2 34,7 5,3 — 1,7 2,2 «,7 1,3 * , / 41,4 5,0 — I , î ',9 ',9 1,1 1,4 ^1 48,5 5,5 -.,5 2,5 1,5 0,5 1,5 55,4 0,1 -1,4 •^,4 1,4 0,6 1,4 3. 2,5 5,5 — 1,5 2,5 1,5 1,0 1 ,0 10,2 5,8 -1,7 •^,7 »,'^ 0,8 1,2 17,7 5,8 -»,7 2,7 1,2 0,8 <»w •>.5,3 ',7 -1,3 2,8 0,8 0,7 l/i 33,1 5,4 —2,1 2,1 1,1 0,9 1,1 41,3 5,2 -1,3 2,3 0,8 0,7 1,3 49,8 5,,, -2,3 .,8 1,3 1,2 0,8 58,5 5,5 -'^ , ^ 2,0 1,5 1,5 1 ,0 M. — 529 — Numéro de la frange. Moyenne. I-M. Il - M. III- M. IV- M. V - M. VI- J m s -+- -+- _ -+- _ 31 4. 7,o 5,î —2,0 2,0 1,5 1,0 1,0 l6,9. 5,8 —2,2 2,2 1,2 1,3 1 ,7 25,7 5,4 -2,2 2,2 0,7 .,3 ',7 35,3 5,7 -2,3 2,3 1,3 ' ,7 1,3 45,2 5,8 — ï,^ 2,2 2,2 1,3 1,2 55,4 5,6 -1,4 1,9 1,4 0,6 ',4 5. 6,1 4,9 ' ) * 2,1 1,6 1,4 1,6 ÏG,7 5,3 —1,7 1,7 1,7 1,3 ',7 27'9 5,1 —1,9 i,î 1,4 i," 1 , •\ 39,7 5,3 —1,7 1 , 7 1,7 0,8 0,7 41 5i,7 5,3 — 1,7 ■>.,i 2,2 ■2,3 1,7 6. 4,9 5,8 1 î7 3,2 2,2 1,8 0,7 17,0 6,0 —2,0 3,0 2,0 2,0 1,0 3o,5 5,5 -1,5 3,0 1,5 .,5 1,0 44,4 5,6 -1,4 2,9 1,4 1,6 >,4 58,7 5,8 — ï,7 2,7 1,7 1,8 ',7 7.13,2 5,8 — i,a 2,7 1,2 1,8 ï,7 28,6 5,4 -1,6 2,6 1,1 2,4 1,6 44,6 5,4 -1,6 9., 6 1,6 1,9 1,6 8. 0,9 6,1 -0,9 2,9 1,9 r,6 ',9 51 8.18,2 5,8 — 1,2 2,8 2,2 2,8 2,2 36,2 5,3 — 1,2 2,2 1,2 2,8 3,2 55,0 5,0 — 1,0 3,0 1,0 3,0 3,0 9-i4,3 4,7 -1,3 ■2,3 1,3 3,7 3,3 34,5 4,5 -1,5 2,5 1,5 3,5 2,5 55,3 4,7 -2,3 ■2,3 1,3 3,7 2,3 10.17,3 4,7 -0,3 2,3 1,3 »,7 2,3 40,8 5,2 -0,8 3,8 0,8 3,2 2,8 II. 5,1 5,4 —0,1 4,' 2,1 2,9 2,1 3 0,5 5,5 -0,5 3,5 2,5 2,5 1,5 61 55,0 // -hr,o 3,0 2,0 4,0 0,0 12.23,2 // -0,2 3, a 0,2 2,8 -f-0,8 52,6 // -0,6 3,6 0,6 3,4 ->,4 13.23, 4 // -^-0,6 3,4 1,4 2,6 + 1,6 55,4 // -f-0,4 4,2 1,4 2,6 +3,6 14.29,0 ff 0,0 5,0 2,0 3,0 -4-4,0 i3. 4,2 // -1,2 6,.2 0,2 2,8 +4,8 4-2, 4 r/ -0,4 4,4 -+-0,8 2,6 -HI-,6 16.22,8 // -1,8 3,8 -0,8 4,2 -1-2,2 17. 4,0 // —2,0 4,0 —1,0 4,0 -4-3,0 C. P.,i. 34 - 530 - avani 7^4)8 7ô5,i 760, -2 768,4 756,5 754,9 après 755.0 755,5 760,0 758,4 756,i 754,5 (avanl... . i6",8 l6^8 i6%5 i6",6 i6%4 i6%6 ( après 17"? I î7°)0 16**, 9 16**, 9 i6**, 8 16*^,9 Observations. — Les différences sont remarquablement régulières ju5- qu'â la 6o* frange. L'irrégularité des différences relatives aux dix dernières franges pro- vient manifestement de deux causes : i** l'arrêt de la première série, qui avait une différence régulière de H- 5,5; de ce fait la moyenne inscrite devient trop faible de 1,1 à partir de la 6ï* frange; 2" en outre, les diffé- rences successives pour la moyenne '25,5;25,3; 25,4; ^5,5; 28,0; 29,4; 29,8; 32; 35,2; 38,2; 40,4 ; 4*j^ présentent des irrégularités de mémo ordre; il est à présumer que les lectures ont été un peu incertaines. Il faut remarquer, d'ailleurs, que dans cet intervalle 2 secondes de temps correspondent à j^ de frange, et n'ont rien d'inadmissible. - 531 OSMOSE- PAROIS SEMI-PERMÉABLES; Par Jean PERRIN, CHARGÉ DU COURS DE CHIMIE PHYSIQUE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS. 1. Si l'on plonge dans de Teau pure la partie inférieure d'un lube vertical, ouvert en haut, fermé en bas par une vessie, et contenant de Talcool pur, on peut déceler au bout de très peu de temps la présence d'alcool dans le liquide extérieur au tube et la présence d'eau dans le liquide intérieur {Jig* i). De la matière Fi;2 D a traversé la paroi pourtant exempte de trous qui séparait les deux liquides : on dit qu'il j a eu osmose. Un nombre immense de phénomènes semblables ont élé obser- vés; en particulier, l'osmose s'est révélée comme ayant une im- portance capitale dans le fonctionnement des organismes. C'est par voie d'osmose^ par exemple, que s'effectuent la respiration. - 532 - la nutrition, les diflerentes sécrétions. Tout progrès dans la con- naissance des lois de l'osmose pourra donc avoir, indépendam- ment de son intérêt théorique, une importance pratique énorme. En fail, malgré de très nombreuses recherches sur lesquelles l'oubli s'est justement fait, aucun progrès sérieux ne fut réalisé jusqu'au moment où la notion de paroi semi-perméable s'intro- duisit dans la Science (*). Aussi convient-il tout d'abord d'éclair - cir cette notion. 2. Revenons à l'exemple donné précédemment et voyons com- ment s'effectue le passage de l'alcool et de l'eau au travers de la membrane qui les sépare. On s'aperçoit tout de suite qu'au début l'eau |)énètrc dans le vase plein d'alcool beaucoup plus vite que l'alcool n'en sort; le niveau liquide s'élève donc à l'intérieur de ce vase^ la pression n'est, dès lors, plus la même de part et d'autre de la membrane de séparation; elle est devenue plus grande du côté (le l'alcool, en sorte que la membrane se gonfle vers l'extérieur. Poursuivons l'observation; la pression d'origine osmotique ainsi développée dans le vase continue d'abord à croître, passe par un maximum, puis décroît et tend enfin vers zéro en même temps que le liquide extérieur devient identique au liquide inté- rieur; après quoi, naturellement, le système reste en équilibre. Il importe de remarquer qu'aucun des états antérieurs ne représente un état d'é(|ui libre. Nous pouvons imaginer (ju'on réalise une paroi qui laisserait passer l'eau encore plus facilement et l'alcool plus difficilement, en sorU; <|uc, par exemple, il faudrait attendre plusieurs jours avaut lie pouvoir déceler avec certitude la présence d'alcool dans le li(|uiilo exti'rieur. Mnlin, passant en quelque sorte à la limite, nous pouvons ima- j;iner une paroi qui, laissant toujours passer l'eau, apporterait un obstacle insurmontable au passage de Talcool. Nous allons voir (]ue de telles parois peuvent être réalisées. On les appelle parois semi-pcrnicables. Une question se pose aussitôt : A quel moment (M t.os beaux Iravaux (te Graliain sur la s^^paralion par dialyse des matières 0(>lli»Y.lalos pouvcnl eux-in(>mos ôlrc considérés comme ayant mis en cvidenceunc oorlainc classe de parois somi-pcrmoabies. — 533 — Tosmose, qui se produit au travers d'une semblable paroi, cessera- t-elle? Tout à Theure elle se poursuivait jusqu'à ce que les deux liquides séparés par la paroi fussent devenus identiques. Mais cette identification n'est plus possible si Talcool ne peut sortir de .la cellule; d'autre part, on ne peut guère admettre que de l'eau enlre indéfiniment dans la cellule; à quel moment cessera-t-elle d'y entrer? Quelle sera la valeur limite de la pression alors at- teinte? Enfin l'état du système sera-t-il alors un état d'équilibre, de façon de l'eau sorte de la cellule si l'on dépasse artificiel- lement cette valeur limite? La réponse va nous être donnée par les expériences mêmes qui prouvent Texistence de parois semi-perméables. Nous allons rap- peler ces expériences. 3. Parois semi-perméables en milieu gazeux, — Dans le cas des gaz, plus simple que celui des liquides, on possède au moins un exemple remarquablement net de paroi semi-perméable. Le platine, perméable à l'hydrogène dès qu'il est chauffé au-dessus du rouge, reste rigoureusement imperméable à l'oxygène ou à l'azote. Quand deux masses gazeuses contenant de l'hydrogène sont séparées par une cloison de platine Incandescent, l'hydro- gène traverse la paroi dans un sens tel que les concentrations (*) de l'hydrogène, de part et d'autre de la paroi, tendent à s'égaliser, l'osmose s'arrêtant seulement quand ces concenlralions sont égales, la pression totale s'étant, par suite, accrue du côté vers lequel l'hydrogène a passé. Le platine incandescent est donc bien une paroi semi-per- méable, paroi vraiment parfaite, au degré actuel de précision possible, ainsi qu'il résulte d'expériences de M. Villard. Si, par exemple, on porte au rouge un petit tube creux de platine, fermé à un bout, et soudé par son extrémité ouverte à une ampoule de verre emplie d'hydrogène pur, cet hydrogène passe dans l'atmosphère et l'ampoule se vide graduellement, devenant succes- sivement ampoule de Geissier et de Crookes jusqu'à ce qu'enfin la décharge électrique refuse d'y passer, la pression dans l'am- poule s'étant ainsi certainement abaissée au-dessous du dix-mil- (') Masse par unité de volume. - 534 - lîonième d'amosphère. Ainsi, pour une différence de pression inférieure à celle valeur, IMijdrogène sort encore du tube, alors que l'oxvgéne et l'azote extérieurs ne rentrent absolument pas, car, s*ils rentraient, la décharge éleclrique pourrait passer (*). On doit encore à M. Villard d'avoir signalé une autre substance, le quartz, qui, chauffée au-dessus du rouge, se comporte comme le platine, laissant passer Thydrogéne à l'exclusion de tout autre gaz étudié (2). Citons enfin un exemple très suggestif de paroi semi-perméable donné par M. Nernst (^), qui, sans conduire à une réalisation aussi rigoureuse que dans le cas précédent, a le grand avantage de se prêtera une généralisation méthodique. Fermons par une vessie mouillée une cellule pleine d'air à la pression atmosphérique et plongeons cette cellule, supposée munie d'un manomètre, dans du gaz ammoniac, également sous la pression atmosphérique. La vessie peut être considérée comme servant seulement à donner une cerlaine rigidité à une pellicule d'eau séparant les deux gaz. Dès lors, en raison de sa grande solubilité dans l'eau, de grandes quantités de gaz ammoniac seront entrées dans la cellule avant qu'il en soit sorti une portion appréciable d'oxygène ou d'azote (|ui sont très peu solublcs dans l'eau. L'entrée du gaz ammoniac dans la cellule s'arrêtera d'ailleurs aussitôt que les concentrations de ce gaz à l'exléricur et à l'intérieur seront les mêmes, en sorte (|ue la pression dans la cellule sera devenue sensiblement égale à deux atmosphères, ce que l'expérience vérifie. Sans qu'il y ait lieu d'insister davantage, cet exemple montre comment il semble légitime d'admettre qu'en s'aidantderecherclies méthotli(|iies sur la solubilité des gaz dans les liquides on puisse arriver à réaliser une paroi perméable à un gaz A choisi quelconque et imperméable à un autre gaz B également quelconque. (') Uôciproquomoul. quaiul ou chaullV le plaline ilans la llamme il'un brûleur lUinson, uù se Irmive loiijvuirs de rhyilroi;ène libre, cet hydrogène rentre. M. Vil- huil a uliliNO eetle double propiiélé pour la régulation de la pression dans le> tubes de (".rookes {d^/n/ttcs rc/uius. t. C\\\ I, p. i ji3: iS«)8 ). ( • ) 11 est évuleinmenl reniar»juable que l'IiNdrouène se comporte de la même manière \is v\-\is du t|uarl/ et du platine. Cela tient-il à sa faible masse molé- culaire ? (■') t/iiorttischc C/u'fnie. p. iv»î. — 535 — L'osmose au travers d'une telle paroi s'arrêtera d'ailleurs des que le gaz A possédera la même concentration des deux côtés de la paroi, sans qu'on ait à se préoccuper de la concentration des autres gaz. Cette règle serait probablement vérifiée au même degré de rigueur que la loi du mélange des gaz. Nous allons voir qu'elle n'est plus du tout exacte dans le cas des mélanges liquides. 4. Parois semi-perméables en milieu liquide, — On doit à des biologistes d'avoir montré que de telles parois peuvent exister, soit qu'on les trouve toutes réalisées dans la nature, soit qu'on ait à les réaliser artificiellement. Citons d'abord les beaux travaux par lesquels on a établi que le protoplasme des cellules vivantes est limité par une membrane facilement perméable à l'eau et à certaines substances, mais tout à fait imperméable pour d'autres substances, d'ailleurs variables suivant la nature des cellules. Depuis longtemps, on avait constaté que le protoplasme des cellules se contracte quand on le place dans des solutions salines concentrées. De Vries supposa que ces contractions pouvaient être dues à un phénomène d'osmose. De même, si l'on plonge dans l'alcool un gobelet plein d'eau pure et fermé par une vessie, cette dernière se creuse en même temps que de l'eau sort du gobelet. Seulement, dans ce cas, si l'on attend assez longtemps, la vessie finit par revenir à sa position initiale; au contraire, le protoplasme contracté ne reprend pas son volume initial ; pour qu'il le reprenne, il faut, par exemple, remettre les cellules dans la solution d'où on les a retirées. Faute de points de repère, la contraction ne se constate pas tou- jours facilement, surtout quand elle est faible. 11 faudrait avoir un dessin donnant le contour primitif du protoplasme. Le dessin est tout réalisé quand on opère avec des cellules végétales. En efiet, chaque cellule végétale sécrète une cloison de cellulose rigide qui marque le contour du protoplasme. Cette cloison, qui sert de support à la cellule, se comporte comme un feutrage grossier et laisse passer absolument toutes les substances en dissolution. Plaçons une pareille cellule dans une solution saline concentrée. Si le protoplasme est enveloppé d'une membrane perméable à l'eau, imperméable au sel, de Teau abandonnera par osmose le — 536 — protoplasme qui se rétractera, entraînant avec lui celte membrane, et laissera un vide, tel que ABMC {fig^ 2), le séparant de la cloi- son de cellulose. Fig. 2. 11 y aura ru plasmolyse de la cellule (* ). La plasmolyse est forte quand on place les cellules étudiées dans une solution très con- centrée; en diminuant graduellement cette concentration, on voit la plasmolyse diminuer, enfin s'annuler pour une concenlralion qu'on peut facilement déterminer à -^^ près : la solution est alors dite isotonique avec les cellules étudiées. Qu'arrive-t-il si Ton diminue encore la concentration? On pré- voit que le passage de l'eau par osmose doit changer de sens : la cellule va se gonfler au lieu de se contracter; si, enfin, la concen- tration devient assez faible, le gonflement pourra être assez grand pour rompre la paroi de la cellule et répandre son contenu dans le liquide. C'est ce que l'expérience vérifie de la manière la plus nette, comme l'a montré Hamburger, dans ses études sur les globules rouges du sang (^). Prenons du sang défibriné : c'est à peu de chose près une solu- tion de sel marin sensiblement incolore (comme on peut s'en assurer par une filtration), tenant en suspension des globules rouges. Si nous mettons une goutte de ce sang dans une solution (') Crs pli('nomènrs de plasmolyse signalés par de Vries sur les cellules du Tradescantia ciiscolor (Iridécs), puis reproduits avec dilVérenles liacléries, ont égalenicnl été reproduits avec des cellules animales par M. Mouton, qui a éludiô à ce point de >ue les aniil)es enkystés : la paroi du kyste sert, comme la cclluto5r, à donner le contour initial du protoplasme. (La plasmolyse se fait, d'ailleurs, beaucoup plus vile qu'avec les cellules du Tradescantia, ce qui donne aux re- cherclies plus de facilité cl plus de ceitiludc.'» ( Comptes rendus, t. CXW, p. '|0-; i8(,8.) (^) Zcitschr. phys. Cheniie, t. M, p. Sig; 1890. — 537 — de sel marin qui ne soit pas moins concentrée, il ne se produit rien : la solution reste incolore; mais, si l'on met une goutte de sang dans une solution de sel marin très peu concentrée ou dans de l'eau pure, les globules se distendent, éclatent, le principe colo- rant rouge qu'ils renferment se répand dans l'eau, où il est so- luble, en sorte que l'on a obtenu un liquide coloré en rouge qui reste coloré même après filtration (*). On est bien forcé d'admettre, après cette expérience, que chaque globule rouge es! enveloppé d'une membrane perméable à l'eau et tout à fait imj3erméable au principe colorant contenu dans le globule : si, en effet, elle lui était perméable, ce principe, qui est soluble dans l'eau, comme le montre la dernière expérience, la co- lorerait nécessairement. Nous saisissons du même coup sur le vif un procédé par lequel une cellule peut conserver à son intérieur un principe pourtant soluble dans l'eau, au moyen d'une paroi semi-perméable dont elle fait un moyen de défense contre les variations de composition du milieu extérieur. Ce fait paraît très général. Citons encore, sans insister, dans le même ordre d'idées, les expériences de Biichner sur la fermenta- tion de l'eau sucrée en présence des globules de levure de bière. Cette fermentation comprend deux stades : le sucre se transforme d'abord en glucose et lévulose, puis ces matières se transforment à leur tour en alcool et gaz carbonique. On savait déjà que la première partie de cette fermentation, dédoublement en glucose et lévulose, se produisait sous l'action d'une diastase, la sucrase, sécrétée par la levure. Toute tentative faite pour rechercher, dans le milieu où baignaient les globules, un autre principe provoquant la seconde réaction était restée infructueuse. Biichner eut l'idée de chercher dans le globule de levure lui-même; et en effet, après avoir broyé ces globules, il eut la satisfaction d'en extraire un liquide qui, après filtration au (îltre Pasteur, avait la propriété de provoquer la transformation du glu- cose en alcool et acide carbonique. La diastase alors agissante. (') Si, comme il paraît vraisemblable, la paroi qui limite le protoplasma est liquide, la rupture se produirait par amincissement de la paroi, comme il arrive pour une bulle de savon trop gonflée, et pour les mêmes raisons. — 538 - \diZymase, se trouvait donc, avant le brojage des globules, séparée de l'exlérieur par une paroi imperméable. Rappelons enfin que, dans le même ordre d'idées, Rocb a réussi, par un écrasement méthodique des bacilles de la tuberculose, à en extraire une substance soluble, et cependant qu'on ne peut extraire de la solution où vivent les bacilles, ce qui entraîne encore l'exis- tence d'une paroi semi-perméable appropriée à cette substance. Ces exemples, dont le nombre va sans cesse en croissant, suffi- sent déjà à montrer que la nature réalise spontanément des parois semi-perméables extrêmement variées et que ces parois jouent dans les difl'érents organismes un rôle très important. o. Parois semi-perméables artificielles. — Il n'en est pas moins très désirable de pouvoir réaliser artificiellement de sem- blables parois, pour pouvoir opérer avec des récipients plus grands que les cellules et par suite plus maniables, et surtout pour pou- voir mesurer les pressions développées au moment où l'équilibre s'établit. Il seiait également désirable de ne pas se borner aux solutions aqueuses. On ne peut malheureusement citer jusqu'ici qu'une seule tentative qui ait complètement réussi, tentative due aux botanistes ïraube et PfefTer : le premier ayant indiqué des substances pouvant jouer le rôle de parois semi-perméables et le second ayant réussi à leur donner une rigidité assez grande pour permettre des mesures de pression. L'observation fondamentale de ïraube peut être résumée comme il suit : Si l'on amène une solution de sulfate de cuivre au conlacl avec une solution de ferrocyanure de potassium, en évitant d'agiter, on voit se former une peau très délicate de ferrocyanurc de cuivre, peau qui laisse facilement passer l'eau, mais qui ne laisse passer que très difficilement la plupart des autres sels, comme ïraube le montra par des expériences (|u'il est inutile de rapporter ici. 11 s'agissait trempêchcr les déplacements de cette peau de ferro- cyanurc, même pour des dilTérences de pression considérables. Pfefi'er y arrisa en provoquant la formation du précipité à Tinté- rieur des c;mau\ extrêmement étroits qui sillonnent la porcelaine poreuse, comme on peut le faire en plongeant dans une solution de sulfate de cuivre un vase de pile empli d'une solution de ferro- - 539 - cyanure. Après de nombreux, et pénibles eflTorts il put réaliser ainsi des cellules artificielles capables de supporter de fortes diffé- rences de pression sans déplacement du ferrocyanure précipité dans les canaux. Par le moyen de mastiquages, on peut assez facilement munir une telle cellule d'un petit manomètre à air comprimé, puis remplir exactement d'une solution quelconque. Si alors on la plonge dans l'eau distillée, on pourra reprendre avec précision l'expérience représentée schématiquement par la fig, I. Supposons par exemple qu'on opère avec de l'eau sucrée. On constate que la pression monte dans la cellule : il entre donc de l'eau; même après plusieurs jours, on ne peut déceler aucune trace de sucre à l'extérieur; il ne sort donc pas de sucre: La paroi est donc bien une paroi semi-perméable. Après quelque temps l'excès de la pression du liquide intérieur sur celle du liquide extérieur prend une valeur limite. C'est cette valeur limite qui définit ce qu'on nomme idi pression osmotiqae. Par exemple avec une solution contenant 6 pour loo de sucre, à la température ordinaire, l'excès de pression du liquide intérieur est de 4 atmosphères : on dira que la pression osmotique de la solution est égale à 4 atmosphères. Elevons la température : la pression osmotique grandit; réta- blissons la température initiale : la pression osmoti(|ue se met à décroître et reprend exactement sa valeur initiale. C'est là un fait très important, montrant qu'il s'agit bien d'un équilibre véritable. 6. Bref, les expériences de PfefTer peuvent être résumées parle schéma suivant {^fig* 3) : Fis. 3. A Un corps de pompe cylindrique porte en A V, fi\ée à sa paroi, une plaque de porcelaine poreuse imprégnée de ferrocyanure de cuivre. Entre cette plaque et le piston mobile Q se trouve de l'eau sucrée L; de même entre la placjue A et le piston mobile Q' se trouve de l'eau pure L'. Soit de plus/?' la pression qui agit sur le — 540 - piston Q', c'est-à-dire la pression de l'eau pure. Alors, sauf pour une pression/? bien déterminée, le piston Q ne restera pas immo- bile : si la pression qui agit sur lui est inférieure à/?, il se meut de gauche à droite et de Teau passe dans le même sens; si celle pression est supérieure à /? il se meut de droite à gauche. Cette différence (p — p')=zP^ qui caractérise l'équilibre entre les deux pistons, est la pression osmotique de Ceau sucrée. II n'j a rien là de mystérieux, mais seulement l'expression d'un fait expérimental parfaitement précis. C'est en discutant le méca- nisme par lequel s'établit la pression osmotique, en cherchant par exemple si celte pression est due à une attraction du dissolvant sur le corps dissous, ou à une action directe des molécules de ce dernier, qu'on a fait naître des obscurités étrangères à la question. Une telle discussion peut être regardée comme utile ou comme inutile, mais elle ne doit, en aucun cas, entraîner d'incertitude sur la définition de la pression osmotique. Ainsi, quand on dit que la pression osmotique d'une solution est P, il doit être bien entendu que cette expression résume une expérience analogue à la précédente, soit que cette expérience ail été faite réellement, soit qu'on la considère seulement comme possible. 7. Il est en efiet nécessaire d'énoncer avec franchise un pos- tulat, un principe, si l'on préfère, qui intervient de façon plus ou moins explicite dans les démonstrations des lois les plus im- portantes de la Chimie physique. Ce postulat est le suivant : Étant donné un mélange homogène contenant les corps A et B supposés quelconques, on aura toujours le droit de raisonner comme si V on pouvait réaliser une paroi perméable à A et im- perméable ù B, au sens qui a été précisé plus haut. Si Ton songe au petit nombre de parois semi-perméables eflTec- tivement réalisées, ce postulat pourra paraître hasardé. Mais son énoncé ne contient aucune obscurité. Comme pour tous les pos- tulats directement invérifiables, on se préoccupe de savoir si l'ex- périence est en accord avec les conclusions qui en résultent: disons de suite que, jusqu'à présent, si loin qu'on ail poussé l'ap- plication de ce principe, on ne s'est jamais heurté à aucune con- - 341 — iradiclion, en sorte qu'il a déjà fait ses preuves comme outil de recherche. 8. Théorie de Nernst, — On peut, du reste, suivant la très iniporlanle observation de M. Nernst (*), justifier cette générali- sation en rapportant, comme dans le cas des gaz, l'origine de la perméabilité élective à une question de plus ou moins grande solu- bilité. Pour fixer les idées, M. Nernst a indiqué le modèle suivant de paroi semi-perméable en milieu liquide : Une cellule, munie d'un manomètre et fermée à sa partie infé- rieure par une vessie mouillée, est remplie par un mélange d'éther et de benzène; on la plonge dans del'éther (saturé d'eau), on voit aussitôt la pression monter : il se réalise une pression osmotique. L'explication est simple. Le benzène est pratiquement insoluble dans l'eau : il restera donc à l'intérieur de la cellule ; au contraire, l'éther soluble dans la pellicule d'eau portée par la vessie pourra entrer dans la cellule et y causer un accroissement de pression. Mais, si l'on voit bien ainsi que Vélhev peut entrer dans la cel- lule, on ne voit pas qu'il doit y entrer, ni surtout à quel moment il cessera d'y entrer. Si la perméabilité de la paroi entrait seule enjeu, il pourrait tout aussi bien sortir qu'entrer. Pour compléter le raisonnement, M. Nernst utilise une heu- reuse généralisation qui lui est également due. De même que la tension de vapeur d'un liquide s'abaisse quand on y dissout un corps quelconque, de même la concentration de dissolution d'un corps C dans un corps R devient plus faible quand on dissout dans le corps C un troisième corps C^ Par exemple, l'éther addi- tionné de benzène est moins soluble dans l'eau que l'éther pur. Cela posé, soit AA, BB (/ig* 4) u"e portion, ayant pour épais- seur AB, de la paroi semi-perméable qui sépare l'éther S et Téther S additionné de benzène, S et 2 étant primitivement sous la même pression. Soient, sous cette pression, c la concentration de dissolution de l'éther dans la matière qui forme la paroi et c' la concentration de dissolution de l'éther additionné de benzène dans la même (' ) Zeitschr. phys, Chemie, t. VI, p. 3;; 1890. — 542 — matière. Nécessaireiiienl on a, d'après la remarque précédente, c'< c. Soient a, a' deux points infiniment voisins de la surface de sépa- ration AA et de même, p, P' deux points infînimenl voisins de BB. Fig. 4. II ne peut pas y avoir équilibre, sans quoi la concenlralion de Téther dissous dans un même dissolvant, la paroi, à ce moment liomoj^rne, serait c en ol' et c' en ^' . On voit donc, par un raisonne- ment analogue à celui qui sert pour expliquer la distillation, que de Télher dojt passer de la droite vers la gauche, en sorte que la pression dans la cellule S doit grandir (*), puisque le benzène, insoluble dans la paroi, ne peut la traverser. Cette théorie des parois semi-perméables paraît bien élre la nlu> satisfaisante. Elle a, de plus, le très grand avantage de suirgéror uu moyen défini pour la recliercbc méthodique de parois semi-per- méables. ,Te crois cependant devoir rappeler la théorie suivanl laquelle ces parois fonctionneraient comme des cribles, lais-anl passer les petites molécules et arrêtant les autres. Il n'est, uiv.inl : Ln /)ression osmotique d'une solution est /'ucrro.s- (loin' à It'-nnui smu'nf fie pi-(.'.uiv.inl : La /)ression osmotique ^ »...^ -v^t €€ 5). Fig. 5. Soit S une substance quelconque existant dans le mélange. Imaginons qu'une partie de la paroi de l'enceinte soit perméable au corps S, imperméable aux autres composants du mélange, et que cette paroi forme le fond AB d'un corps de pompe où se trouve un piston mobile. Pour une certaine pression, le piston demeure immobile; si l'on diminue infiniment peu cette pression, le piston se déplacera; une certaine quantité de matière S traversera le fond du cylindre; elle a été séparée du mélange d'une manière réver- sible. Réciproquement, on peut la faire pénétrer dans le mélange par voie réversible. On conçoit ainsi comment, au moyen de parois semi-perméables, on peut effectuer réversiblement des séparations et des mélanges. D'autre part, il est aisé de calculer le travail extérieur correspondant. Il pourra donc être particulièrement Jacile d^ appliquer le principe de Carnot, Au moyen de raison- nements de ce genre qu'il n'y a pas lieu de détailler ici, on calcule aisément, sans être gêné [par le paradoxe de Gibbs, le potentiel thermodynamique et l'entropie des mélanges de gaz ou de matières dissoutes. Mais, surtout, il y a lieu de signaler dans ce sens les belles démonstrations par lesquelles Van't Holf a réussi à fonder aur la Thermodynamique l'édilice entier de la statique chimique, établissant d'une manière rigoureuse la loi de l'équilibre chi- mique à température constante, déjà énoncée par Guldberg et Waage, et montrant, le premier, comment les variations de tem- pérature influent sur la position de l'équilibre. C. P., I. 35 — 546 — LA THÉORIE CINÉTIQUE DES GAZ PRINCIPE DE CARNOT, Par Gabriel LIPPMANN, MEMBRE DE L'iNSTITUT. 1. Les plicnomèncs de la chaleur peuvent-ils se ramener à une explication mécanique? Celte hypothèse se concilierait facilement avec le j)rincipc de l'équivalence, mais non avec le principe de Carnol. En efTel, d'après ce dernier principe, on ne peut pas pro- duire de travail extérieur ni d'élévation de température aux dé- pens de \i\ chaleur contenue dans un corps ou dans un système de corps quand la température j est uniforme et constante. Au con- traire, si la chaleur contenue dans le système y existait en partie à l'élat de mouvement moléculaire, on conçoit toujours que Ton pourrait, par des liaisons mécanicjues convenables, avoir prise sur les mouvements molécidaires pour leur emprunter une pelile por- tion de leur éner^nc, ce qui serait contraire au principe de Carnol. Serait-il possible, en efî'et, d'avoir prise sur les mouvements mo- léculaires de manière à leur emprunter de la force vive? C'est là la question. Nous allons essayer de l'examiner en considérant le cas des gaz, où l'hypothèse cinétique a quelque précision. — 547 — 2. On se souvient que Maxwell a pensé à un conflit possible enirc la théorie cinétique des gaz et le principe deCarnot. On lit dans sa Tlieory of heat (page 3o8) : Restrictions au second principe de lv Thermodynamique. — Avant de conclure, je désire appeler l'attenlion sur un aspect de la théorie molécu- laire qui mérite considération. Un des faits les mieux établis en Thermodynamique, c'est que dans un système entouré d'une enveloppe qui ne permet ni changement de vo- lume ni passage de chaleur, et maintenu ainsi à une température et à une pression uniformes, il est impossible de produire aucune inégalité de tem- pérature ou de pression sans dépenser du travail. Tel est le second principe de la Thermodynamique, et il demeure cer- tainement vrai tant que nous ne considérons que les corps pris en masse" et que nous ne pouvons ni apercevoir ni manier les molécules qui les constituent. Mais concevons un être dont les facultés soient tellement aiguisées qu'il puisse suivre chacune des molécules dans sa course; cet être, dont les attributs demeureraient finis comme les nôtres, serait ca- pable de faire ce qui nous est impossible dans le présent. Car nous avons vu les molécules dans un vase rempli d'air à température uniforme se mouvant avec des vitesses qui varient d'une molécule à l'autre : la vi- tesse moyenne a seule une valeur sensiblement uniforme quand on consi- dère au hasard un nombre de molécules suffisamment grand. Or supposons que ce vase soit partage en deux portions A et B, par une cloison percée d'un petit trou, et qu'un être capable de voir les mo- lécules une à une, ouvre et ferme ce trou à propos, de manière à per- mettre aux molécules à grande vites!*e de passer seules de A en B, cl in- versement de ne laisser passer de B en A que les molécules à moindre vitesse. Il pourra ainsi élever la température de B et abaisser celle de A sans dépenser du travail, ce qui est contraire au second principe de la Thermodynamique. On le voit, Maxwell discute la question sans conclure à nnQ con- tradiction. Ce qu'il appelle restriction ne mérite guère ce nom; car on n'a jamais prétendu étendre le second principe aux molé- cules : en particulier, on ne sait comment définir la température d'une molécule. D'autre part, on ne peut concéder au petit démon de Maxwell, en admettant son intervention, l'usage du petit trou qui ne laisserait passer qu'une molécule d'air à la fois. Un pareil Irou aurait des dimensions voisines de celles des méats intermoléculaires dont sont criblées les parois étanclies du vase; ces parois sont étanclies, donc un méat inlermoléculaire - 548 — n'est pas une ouverture. Pour la même raison, on ne peut conce- voir Texislence d'une vanne, d'un clapet, d'un rocliet, ou d'un autre organe mécanique propre à capter une molécule, et avant des dimensions moléculaires; ces organes n'auraient que la forme d'une molécule ou d'un groupe de quelques molécules. En résumé, si Ton admet l'existence de molécules, il faut renoncer a imaginer des organes de forme donnée et en même temps de dimensions moléculaires. Aussi dans ce qui suit ne ferons-nous intervenir que des mécanismes de dimensions visibles, et de con- struction réalisable. 3. Les molécules d'un gaz, si petites qu'elles soient, sont douées de propriétés magnétiques et électriques; elles enUaînent donc dans leur mouvement des lignes de force qui coupent tout l'espace et qui permettent d'avoir prise à distance sur chaque mo- lécule. [j'oxygène est un gaz magnétique. Un vase plein d'oxygriie, à température constante, est placé dans un champ magnétique. A l'in- térieur du vase, disposons un circuit métallique fermé : petit anneau de cuivre, lame traversée d'un trou, ou bien feuille d'or battu accidentellement percée d'une piqûre microscopique. Le» molé- cules gazeuses magnétiques qui entrent dans l'espace Equ'enloure le circuit produisent dans le métal des courants induits. Il est vrai que, pendant que n molécules entrent dans l'espace E, n' molécules en sortent, et que la différence n — n' est seule efficace. Mais celle différence n'est pas nulle. 11 y a donc couranls induits, cl par consé(|uent élévation de température du circuit; ce qui est incom- patible avec le principe de Carnot. On peut décrire la même expérience sous une autre forme : La densité du gaz conlenu en E subit, en vertu du mouvemenl des molécules, des fluctuations pclilescl rapides; le nombre des li»^ nés de force magnélic|uc qui traversent le circuit subit les mêmes iluc- tualions, d'où courants d'induction et échauffement. Rappelons qu'on a construit pour l'industrie des génératrices de courant alternatif, où des masses de fer doux se déplacenl de- vant des bobines induites fixes voisines d'aimants également fixes : ici les masses de fer doux sont remplacées par les molécules d'un gaz magnétique. - 549 - 4. Les gaz ont un pouvoir diélectrique proportionnel à la pres- sion, ou à la masse par unité de volume. Soit un condensateur à lame gazeuse formé de deux armatures métalliques communiquant avec les pôles çl'ui^e pile. D'après la théorie cinétique des gaz le nombre des molécules gazeuses qui constituent la lame diélectrique n'est pas rigoureuse- ment constant; donc le pouvoir diélectrique de cette lame, la capacité du condensateur et sa charge subissent des fluctuations correspondantes. Il se produit donc, dans la partie métallique du système, des courants électriques et, par suite, un échaulfement incompatible avec le principe de Carnot. 5. Dans un petit volume gazeux il entre n molécules, pendant que n' molécules en sortent dans le même temps. Il faut bien remarquer que, conformément au théorème de BernouUi, dont les partisans de la théorie cinétique des gaz font usage, lorsque n -\- n' tend vers Tinfini, n tend vers n\ en ce sens que le rapport — tend vers Inanité; mais la difl'érence n — n' ne tend pas vers zéro. En d'autres termes le quotient :—, tend vers zéro, alors que le nu- mérateur n — n' reste fini, et va même en croissant. Or c'est cette diflerence n — n' qui intervient seule dans nos raisonnements. Il suffit qu'elle soit finie pour qu'il y ait contradiction entre la théorie cinétique des gaz et le principe de Carnot. Les élévations de température dues au mouvement moléculaire seraient assurément trop faibles pour être accusées par le ther- momètre. Mais elles sont une conséquence nécessaire de la théo- rie cinétique, et elles sont incompatibles avec le principe de Carnot. Leur petitesse ne supprime pas la contradiction. Lors- qu'on exprime par l'analyse les principes de la Thermodyna- mique, on introduit bien dans les équations des variations infini- ment petites de la température. Il semble donc, d'après ce qui précède, que les phénomènes de la chaleur ne se ramènent pas à une explication mécanique. Sans doute, le principe de l'équivalence s'interprète facilement par la théorie mécanique de la chaleur; il s'exprime par une relation — 550 — linéaire enlre une quantilé de chaleur et une quantité d'énergie mécanique. Mais il ne s'ensuit pas nécessairement que ces deux quantités soient de même nature. Les longueurs, les masses et les temps entrent à la fois dans les équations de la Mécanique céleste et n'en demeurent pas moins irréductibles. De même, on ne peut confondre l'énergie potentielle, qui ne dépend pas du temps, avec la force vive qui en dépend. Les équations de la Physique ne sont pas des relations analytiques : ce sont des relations quantita- tives enlre grandeurs qualitativement irréductibles. Il en est sans doute de même des équations de la Thermodynamique. - 551 STATIQUE EXPÉRIMENTALE DES FLUIDES (fluides non mélangés); Par E.-H. AMAGAT, CORRESPONDANT DE L'iNSTITUT DE FRANCE, EXAMINATEUR D'ADMISSION A L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE. On peut appeler Statiqiœ des /lu ides V ensemble des lois expri- mant les relations qui existent, pour ces corps, entre la pression, le volume et la température. On conçoit une relation (p(p, /?, ^) = o qui résumerait ces lois; cette relation devrait englober Tétat liquide et l'état gazeux, la continuité de ces deux états est donc un point fondamental; cependant, le point critique devant être l'objet d'un Rapport spécial (^), je n'insisterai pas sur la mémorable décou- verte d'Andrews. Expérimentalement les recherches se ramènent à l'étude des dilatation's et des compressibilités; à l'époque où parut le Mémoire d'Andrews (1869), Tétude des dilatations n'avait été faite que sous des pressions voisines de la pression normale, celle des compressibilités n'avait été tentée qu'à la température am- biante et dans des limites très restreintes de pression, si ce n'est cependant dans les expériences bien connues de Natterer, contem- poraines de celles de Regnault et fort remarquables pour l'époque à laquelle elles ont été faites. Le travail d'Andrews faisait connaître quelques isothermes de l'acide carbonique entre 10° et 48** et sous des pressions ne dépassant pas 1 10 atmosphères : ces limites étaient suffisantes pour englober l'étude des phénomènes relatifs à la con- tinuité des deux états, mais trop restreinles pour montrer Ten- semble des lois et faire prévoir les limites vers lesquelles elles (') Voir le Happorl de M. Malhias. - 552 — tendent quand la matière est de plus en'^plus condensée; elles auraient permis cependant de découvrir le fait du minimum de< produits />(^, qui du reste pour la température ambiante résultait déjà des tableaux de Natterer relatifs à Tazote et à Voxy^rne. Il fallait donc reculer de beaucoup les limites de pression et de température; c'est alors que les difficultés expérimentales deviennent d'un tout autre ordre. Tant que l'on ne dépasse pa* la limite des pressions auxquelles peuvent résister les liges des piézomètres de verre supportant la pression intérieure seule, c'est- à-dire quelques centaines d'atmosphères (4oo atmosphères ou 45o atmosphères), des dispositifs analogues à ceux employés autre- fois par Colladon ou plus récemment par M. Cailletet et d'autres expérimentateurs, peuvent suffire; la lecture des volumes mémf à des températures assez élevées se fait directement sur la lige cl pour la même raison les pressions peuvent être mesurées au moveo d'un manomètre à gaz. Mais, pour des pressions supérieures, les méthodes expérimentales doivent être complètement modifiées : les manomètres à gaz ne peuvent plus être employés; on ne peut songer évidemment pour les travaux courants à rinslallation de colonnes de mercure de hauteurs exagérées comme celle installée en 1877 par M. Cailletet au puits de la Butte aux Cailler, ou celle au moyen de laquelle j'ai moi-même déterminé (1879), dans le puits Verpillcux, les données relatives à l'azote jusqu'à 43o atmo- sphères, en vue du calcul des manomètres à gaz; les manomètre^ fondés sur la déformation des solides ne présentent aucune garantie, ou sont à graduation purement empirique; enfin l'appa- reil rationnel imaginé par Gally-Cazalat et connu sous le nom de nianonirtre de Des^oJ/'e^ n'avait jamais fonctionné régulièrement. lorsque j'ai construit sur le même principe (1886) l'appareil à pis- tons libres et licjuidcs visqueux généralement employé aujourd'hui j)our le contrôle et la mesure des hautes pressions; j'en ai moi- même fait usage jusqu'à 3ooo et quelques centaines d*atmosphère«. mais il peut fonctionner régulièrement et avec exactitude jusque sous des pressions notablement supérieures. Si le problème de la mesure des pressions peut être considéré comme résolu d'une façon très satisfaisante, il faut bien recon- naître que celui de la mesure des volumes l'a été avec moins de succès, tout au moins en ce qui concerne la facilité des opérations: — 553 — dans le cas des gaz, en particulier, cette mesure comporte encore de grandes difficultés. Je n'insisterai pas sur ce point qui m'entraî- nerait à des détails hors de propos ici, et je laisserai de côté doré- navant tout ce qui touche à la partie purement expérimentale du sujet. Données expérimentales actuelles. — Je ne m'attarderai pas aux travaux de date ancienne quelle qu'ait été leur importance à leur époque, même à ceux de Regnault et de Natterer, et je ne ferai que rappeler les noms de : Mariotte, Boyle, Muschenbrœk, Priestley, Aimé, Gaj-Lussac, Rudberg, Magnus, OErsted et Swendsen, Despretz, Dulong, Petit, Arago, Pouillet, pour ne citer que les plus connus, ou les plus illustres; je passerai de suite aux recherches plus récentes desquelles est sorti l'ensemble des lois constituant ce que l'on peut appeler la Statique expérimentale des fluides; pour la raison que j*ai dite, je ne reviendrai pas sur le travail d'Andrews, et j'observerai du reste qu'une partie notable des travaux importants publiés sur ce sujet dans ces dernières années sont relatifs à l'état de saturation et au point critique qui sont en dehors de mon sujet; tels sont, par exemple, un certain nombre de recherches dues à M. Cailletet et à M. Mathias. MM. W. Ramsay et S. Young ont publié depuis une quinzaine d'années un ensemble de réseaux d'isothermes relatifs à un certain nombre de corps liquides à la température ordinaire, comme l'alcool, l'éther, certains carbures d'hydrogène, mais dans des limites de température permettant d'englober le point critique et une notable partie de la courbe de saturation ; quoique les limites de pressions ne dépassent pas loo ou i5o atmosphères, ces résul- tats n'en sont pas moins d'une très grande importance, notamment au point de vue de l'étude des états correspondants dans la région de la courbe de saturation et du point critique; le dernier travail de M. S. Young (iSgS) sur l'isopentane est sous ce rapport parti- culièrement intéressant. On doit à M. Witkowski (1891) des isothermes de l'air entre o^ et — i35^ et jusqu'à 200 atmosphères, d'autant plus intéressantes que les expériences aux basses températures font presque complè- tement défaut. Je rappellerai encore l'ensemble des recherches de M. Battelli — 554 — et celles de M. Grimaldi relalives à l'élher; celles de M. Roth sur un certain nombre de gaz, celles de M. Janssen, enfin celles de M. Cantone, de M. Sajotschewski, de M. Avenarius, de RIM. Vi- centini et Pagliani, de MM. Ronigen et Schneider relatives à la compressibilité des liquides; j'ai moi-même étudié vers 1877 '^ compressibilité d'un grand nombre de liquides jusqu'à loo**; enfin, mais dans un ordre d'idées s'éloignant assez de mon sujet, je rap- pellerai encore un ensemble très soigné d'expériences sur les gaz dues à M. Leduc et les recherches si précises, exécutées par M. P. Chappuis, au Bureau international des Poids et Mesures. Dans ces travaux, les limites supérieures des pressions sont malheureusement, en général, fort restreintes; l'étude des hautes pressions n'a été abordée jusqu'ici, que je sache, que par M. Tait, M. Barus, M. Cailletet, par moi, et autrefois par Natterer. M. Tait (1888) n'a étudié que l'eau; on lui doit un travail considé- rable sur ce liquide, mais dans des limites très restreintes de tem- pérature. M. Cailletet (1870-1872) a expérimenté sur un certain nombre de liquides et de gaz jusque vers 700 atmosphères, mais seulement à la température ambiante. M. Barus (1892), dans un travail important, a reculé la limite des pressions jusqu'à i5oo atmo- sphères et celle des températures jusqu'à 3io°^ mais il n'a opéré que sur les liquides proprement dits. Enfin Natterer (i854), qui avait atteint des pressions qu'il évaluait à 2800 atmosphères, n'a opéré qu'à la température ambiante. On voit donc que ces travaux, quelle que soit leur importance, ne permettaient point d'arriver à l'ensemble des lois générales, mais seulement d'examiner des points particuliers; il était donc néces- saire d'entreprendre l'étude d'un certain nombre de corps (liquides et gaz) dans des limites de tempéralure et de pression permettant d'embrasser les difTérentos ))hases des phénomènes et d'arriver ainsi aux lois en comparant entre eux, non seulement les résultats relatifs aux mêmes corps, mais encore ceux relatifs à des corps différents qui, quoique étudiés dans les mêmes limites de tempéra- ture et de |)ression, se trouvent cependant dans des conditions très différentes par rapport à leurs points critiques; ces recherches constituent une partie d'un piogramme beaucoup plus étendu que je m'étais proposé il y a déjà de longues années; j'ai du cesser mes expériences il y a dix ans, mais j'étais déjà en possession de nom- - 555 - breuses données expérimentales que j'ai publiées depuis sous forme de réseaux d'isolhermes relatifs aux principaux gaz et à un grand nombre de liquides; les derniers de ces réseaux (i8g3), qui sont les plus étendus, ont les uns zéro et 5o° pour limites des tem- pératures et 3ooo atmosphères pour limite supérieure des pressions, les autres zéro et 200" ou 260" pour limites de température, la limite supérieure des pressions était de 1000 atmosphères; ceux de l'acide carbonique et de Téthylène sont les plus intéressants parce qu'ils englobent le point critique. L'ensemble des résultats est en général d'accord pour les parties communes avec ceux des travaux récents que j'ai rappelés plus haut, sauf cependant sur quelques points relativement auxquels il est inutile d'insister. • LOIS ET RESULTATS GENERAUX. La Jig, I montre le réseau de l'acide carbonique et \di Jîg, 2 quelques isothermes de l'azote et de l'hydrogène; ces trois typegij dont l'acide carbonique et l'hydrogène sont les extrêmes, suffisent pour montrer l'ensemble des phénomènes. On remarquera d'abord la forme du lieu des points pour lesquels l'ordonnée pv est mi- nima et qui divise le réseau en deux régions dans chacune des- quelles l'écart de la loi de Mariolte est de signe contraire; on voit que l'abscisse de ces points passe par un maximum : ce fait a été confirmé pour l'air par l'ensemble des isothermes inférieures dues à M. Wilkowski et de celles supérieures à zéro que j'ai données pour le même gaz. On peut prévoir sans hésitation la forme qu'auraient les isothermes inférieures de l'hydrogène, d'après celles de l'air, de l'acide carbonique et de l'éthylène, et, de même, les isothermes connues de l'hydrogène font prévoir ce que seraient celles de l'acide carbonique à des températures extrême- ment élevées; j'ai, du reste, montré, dans un travail à part, que même à 3oo° et 820° les isothermes de Tacide carbonique et de l'air ne sont pas encore dans le cas de celles (connues) de l'hydrogène, dont le coefficient angulaire est positif sous toutes les pressions; pourl'air, le minimum de/?(^a sensiblement disparu, celui de l'acide carbonique est seulement devenu à peine sensible. Ce n'est cer- ~ 556 — laincmenl qu'à des températures beaucoup plus élevées, que l'acide Fig. i. -I — * 1^ > i i ïfc ïti mT carbonique se comporterail comme le fuit l'hydrogène à U tempe- rature ordinaire. En résumé, on se figure parraitemenl, d*aprè» — 557 — les considérations qui précèdent, ce que serait Tensemble d'un réseau complet, je veux dire entre des limites de température et de pression extrêmement étendues. Fig. 2. 1 — ,.<>' ffydrQgètie et nzoïe. n| Attn.? 30 m tflOfl t30ft "-n — m^ 33(H} Wt La Jig. 3, limitée à 25o atmosphères, montre mieux certains détails : la petite courbe ponctuée est la courbe de saturation ; les parties rectilignes verticales des isothermes correspondent aux parties horizontales du diagramme d'Andrews, les abscisses cor- respondantes sont les pressions maxima; la grande courbe ponctuée est le lieu du minimum des produits /?r. A partir d'une distance du lieu des ordonnées minima, d'au- tant plus petite que la température est plus basse, les isothermes paraissent se transformer en un faisceau de lignes presque droites-, dans mes premiers réseaux (1879 à 1881), qui étaient limités à 4oo atmosphères, ces lignes m'avaient paru pouvoir être considérées comme droites, et ce n'est qu'en reculant de beaucoup - 558 - Fig. 3. la limite des pressions qu'elles onl monlré une courbure faible. — 559 - mais certaine; j'ai dû alors renoncer à un résultai aussi simple que séduisant. Il est facile de voir que le coefficient angulaire des isothermes rectilignes eût été la valeur du volume sous une pres- sion infinie et Ton se trouvait conduit à une notion très simple du covolume dont la détermination ne présentait plus aucune difficulté. Du coefficient de pression. Toute droite menée par l'origine est une ligne d'égal volume; il est facile de constater que les segments interceptés sur une de ces lignes par les isothermes successives sont à peu près pro- portionnels aux différences de température de ces isothermes; par exemple, pour l'acide carbonique entre o" et loo'', là où les isothermes sont espacées de lo en lo degrés, les segments successifs diffèrent peu d'être égaux entre eux (sauf, bien entendu, à tra- vers l'aire de la courbe de liquéfaction). Si cette proportion- nalité était rigoureuse, il en résulterait que, à volume constant, l'augmentation de pression serait proportionnelle à l'accroisse- ment (le température, c'est-à-dire que le coefficient de pression -^ serait fonction du volume seul : c'est le résultat que j'avais déduit de mes premiers réseaux pour les gaz. M. S. Young et M. Barus ont retrouvé depuis la même loi pour les liquides, mais il résulte des nombres mêmes donnés par ces physiciens et aussi de l'ensemble de mes derniers réseaux, qu'on ne peut pour le moment considérer celle loi que comme approxi- mative, quoique les variations qu'elle subit soient généralement faibles. J'ai fait remarquer que ces variations paraissent changer de signe au voisinage de la ligne de liquéfaction suivant que la ligne d'égal volume considérée correspond à un volume plus grand ou plus petit que le volume criti(|ue, et, dans tous les cas, parais- sent disparaître quand la température s'élève; d'après M. S. Young, ces remarques seraient confirmées par ses dernières expériences, notamment par les résultats de son beau travail sur l'isopentane. J'ai encore eu l'occasion d'examiner ce point récemment, il m'a semblé que les variations en question n'auraient, dans tous les cas, probablement lieu qu'au voisinage immédiat de la courbe de liquéfaction; encore pourrait-il se faire qu'elles soient dues à des — 560 - erreurs systématiques tenant à la complication connue des phéno- mènes dans ces conditions; c'est un point qu'il y aurait le plus grand intérêt à élucider complètement; si j'insiste, c'est que la constance du coefficient de pression pour un volume donné serait un fait absolument fondamental. On peut résumer dans les énoncés suivants nos connaissances actuelles sur la statique expérimentale des fluides; plusieurs des lois résultent immédiatement de la simple inspection des réseaux, les autres ont été déduites de l'ensemble de Tableaux convena- blement disposés. I** La pression correspondant au minimum du produit pv pour les isothermes successi\'es, croit d'abord avec la tempéra- ture, passe par un maximum, puis décroît, — La courbe ponc- tuée, lieu des points correspondants, converge probablement vers l'ordonnée initiale, la température croissant; les minima dispa- raissent en même temps et les isothermes aflectent, à partir d'une température suffisante, la disposition qu'ont celles de l'hydrogène dès la température ordinaire. 2° Les isothermes dans les limites de pression et de tempéra- ture atteintes, conservent une courbure faible mais certaine; cela a lieu pour tous les gaz et les liquides étudiés. Rien ne peut faire prévoir s'il existe une direction asymptotique. Lois de compressibilité. Le coefficient de compressibilité n'est guère utilisé que dans les calculs relatifs aux liquides proprement dits, comme l'eau, rélber, Talcool, le sulfure de carbone, clc, c'est-à-dire dont la teninéra- turc reste inférieure à la température critique et qui ont suiji la liquéfaction. [V Pour ces corps : Le coefficient de compressibilité diminue continuellement, quand la pression croit et augmente sous toutes les pressions avec la température. Mais les lois que suit ce même coefficient, dans tout l'ensemble d'un réseau, sont beaucoup plus compliquées; elles peuvent se résumer ainsi : — 561 — 4" Pour une pression donnée inférieure à la pression cri- tique, la température allant en croissant, le coefficient de compressibilité augmente jusqvià ce que la température atteigne celle de la saturation [le corps est alors liquide), il subit un accroissement brusque quand le corps a passé à l'état de vapeur saturée, puis diminue continuellement et de moins en moins rapidement. Si la pression est supérieure à la pression critique, les mêmes variations ont lieu, sauf le saut brusque accompagnant le changement d^état. Ce coefficient passe alors simplement par un maximum qui a lieu à une température d'autant plus élevée que la pression est plus forte. 5** Pour une température donnée, inférieure à la tempéra- ture critique, la pression allant en croissant, le coeffiicient de compressibilité décroît, passe par un minimum, puis crott jusqu'à ce qu'on atteigne la pression maxima {le corps est alors gazeux)] il subit alors une diminution brusque y quand le corps a passé à l'état de liquide saturé, puis décroît indéfini- ment et de moins en moins rapidement. Si la température est supérieure à la température critique, les mêmes variations ont lieu sauf le saut brusque accompa- gnant le changement d'état, le coefficient passe alors simple- ment par un minimum, puis par un maximum. Le maximum dans les deux cas a lieu, avant le point cri- tiquCy en arrivant à saturation; il est d' autant plus prononcé qu'on approche plus de ce point pour lequel sa valeur passe par l'infini; après quoi les deux séries de maxima paraissent continuer à se confondre en s' effaçant graduellement. De ces deux lois résulte évidemment l'énoncé précédent (3) relatif au cas des liquides proprement dits. Lois de dilatation sous pression constante. 6" Cour une pression donnée inférieure à la pression cri- tique, la température allant en croissant, le coefficient de dilatation sous pression constante va en croissant jusqu'à ce qu'on atteigne la température de saturation; il subit alors C. P., I. 36 - 562 - une augmentation brusque^ quand le corps a passé de Vétat de liquide saturé à celui de vapeur saturée, puis diminue indéfiniment et de plus en plus lentement. Si la pression est supérieure à la pression critique, Vaug- mentation brusque est simplement supprimée, et le coefficient passe par un maximum, qui est égala V infini sous la pression critique et devient de moins en moins prononcé, la pression continuant à croître. 7° Pour une température donnée, inférieure à la tempéra- turc critique, le coefficient de dilatation sous pression con- stante croit avec la pression jusqu^à la pression maxima, il subit alors une diminution brusque, quand le corps a passé de l'état de vapeur saturée à celui de liquide saturé, et décroît ensuite indéfiniment et de plus en plus lentement. Si la température est supérieure à la température critique, la variation brusque est supprimée et le coefficient passe sim- plement par un maximum, infini pour la température critique et de moins en moins prononcé quand on s'éloigne de celle-ci. Les deux séries de maxima ont donc lieu, avant le point critique, quand on arrive à saturation; ils paraissent continuer ensuite à être confondus et ont lieu sous des pressions un peu inférieures à celles qui correspondent au minima des pn^ duits pv. Il y a lieu de considérer aussi les variations du coeffiricnt V : '^ dt ce coefficient suit des lois tout à fait analogues à celles du cciefti- cirnt de compressibilité; par exemple : 8*' Pour des températures inférieures à la température cri- tiffitr, -j- décroît d'abord y puis croît ensuite jusqu'à la pression maj'imd, subit une diminution brusque avec le changement d'état et diminue ensuite indéfiniment, etr. On r('niar(|nera la (liflréronce avec la loi correspondante reLli^r au cocfli(-i(*nl de dilatation; il y a alors accroissement continu ^aii» pa>scr par un niiiiinniin, soit juscjuVi la tension ma\ima, soit ju«> (|u an niaxiniuni, si la température est supérieure à la tempéra- lure crili(|ne. (/• .1 partir d'une température, d'autant moins éle%'ée que - 563 - la pression est plus faible, V augmentation de volume devient sensiblement proportionnelle à V accroissement de la tempé- rature; le volume, par suite, des^ient sensiblement propor- tionnel à la température absolue diminuée dUine constante qui décroît avec la pression et devient nulle pour les gaz parfaits. Lois de dilatation sous volume constant. lo" Le coefficient de dilatation sous volume constant pour une température donnée, croit d^ abord avec la pression, passe par un maximum d^ autant moins prononcé que la tempéra- ture est plus élevée, puis décroît. Pour l'hydrogène, ce coeffi- cient, après son maximum, repasse par la valeur qu!il a sous tes faibles pressions; cela a lieu lorsque la fonction • dt P' nulle pour les gaz parfaits, s'annule elle-même de nouveau après avoir passé par un maximum {voir plus loin Pression intérieure). Le même fait doit se reproduire pour les autres fluides, mais je n'ai pu le vérifier, parce que l'évolution suffisante de la fonc- tion qui précède n'a lieu dans les limites de pressions atteintes que pour l'hydrogène. w"" Le coefficient de pression croît rapidement quand le volume décroît. 12"* Le coefficient de pression varie peu avec la température pour un volume donné (pour ces variations, qui dans tous les cas disparaissent à une température suffisante, ou pour une tempé- rature donnée sous une pression suffisante, voir les remarques faites ci-dessus). Par suite, sous volume constant (et au degré d^ approxima- tion dépendant des susdites variations), la pression est propor- tionnelle à la température diminuée dUine constante^ fonction du volume seul, croissant quand celui-ci diminue, et qui est nul dans le cas des gaz parfaits. Au même degré d'approximation, le coefficient de dilatation — 564 — sous volume constant est évidemment, pour un volume donné, en raison inverse de la pression. L'eau fait exception à quelques-unes des lois qui précèdent; c'est la conséquence de l'existence du maximum de densité; sauf ce cas, ces lois englobent les états liquide et gazeux et montrent qu'on ne peut réellement établir un critérium de distinction entre ces deux étals. Par exemple, dans la région qui est à droite du lieu des ordonnées minima, il n'y a aucune variation brusque, aucune distinction possible entre le fluide pris à des températures auxquelles il a subi la liquéfaction et, par suite, serait, sous ce rapport, un liquide dans l'acception ordinaire du mot, et le même fluide considéré à des températures supérieures à celle du point critique; les valeurs des différents coefficients, celles des densités, deviennent du même ordre de grandeur pour les gaz proprement dits, comme l'azote, l'oxygène, l'hydrogène ou l'acide carbonique, et pour les liquides proprement dits, comme l'alcool, l'éther, le sulfure de carbone ou l'eau. C'est ce que montrent les quelques résultats que j'ai réunis dans le Tableau suivant : Densités à o" rapportées à Veau à ^''^ Pressions. Hydrogène. Oxygène. Azote. Air. Alcool. Eau. atm I 0,000089 0,00143 o,oorA56 0,001293 0,80686 <>, 99987 100 o,oo83'26 o,i543 0,19.67 o,i328 0,81409 1,00494 1000 o,o5i59 0,8237 0,6067 0,6468 0,86326 1,04589 2000 0,07434 i,oi56 0,7354 0,8016 0,9^893 1,08246 3ooo 0,0978 i,i?v7 o,8386 0,8973 0,96470 i,ii3o7 Coefficients de compressibilité à o". aiiu atm De I à 100. 0,009993 0,010007 0,010000 0,010008 0,0000919 o,oooo5ii 100 1000. 0,000932 0,000879 0,000879 o, 000883 0,0000634 0,0000435 1000 ^ooo. o,ooo3o8 0,000188 0,000196 0,000197 0,0000417 o,oooo338 2000 3ooo. 0,000172 0,000099 0,000099 0,000106 o,oooo3o7 0.00002-5 Coefficients de dilatation sous pression constante. ()<> à 15% 4. 0" à 15". O" à 1G\ 0° à 15°, 7. 0° à •20^ O- à 20*, 4. Atm I o,oo366 0,00367 0,00367 0,00367 0,001080 o,oooo8i:{ 100 o,oo362 o,oo538 0,00446 0,00478 o,ooioO| o.oooioi 1000 (>,oo.>.oo (),oo236 0,00193 0,00206 0,000719 0,0002— 2000 0,00102 0,00164 o,ooi33 0,00116 0,000609 o,Oi>o36i 3ooo 0,00128 0,00134 0,00098 0,00110 o,ooo535 o,oo4o3 — 365 — C'est dans la région de la liquéfaction et du point critique que les lois atteignent leur plus grande complication, elles vont en se simplifiant dès qu'on s'écarte de ces conditions, soit en diluant de plus en plus la matière de manière à se rapprocher de Tëtat idéal de gaz parfait, et les lois tendent alors vers leurs formes les plus simples, soit, au contraire, en condensant la matière de plus en plus. On remarquera du reste que les lois paraissent converger vers des formes limites simples, soit qu'à pression constante l'on abaisse ou Ton élève de plus en plus la température, soit qu'à température constante l'on diminue ou l'on accroisse de plus en plus la pression. Les lois, vers lesquelles on tend en augmentant de plus en plus la pression, redeviennent, en général à une constante près, celles de la matière très diluée, c'est-à-dire des gaz parfaits. Ainsi, par exemple (lois 9 et 12), les variations de volume sous pres- sion constante et de pression sous volume constant redeviennent, comme dans le cas des gaz parfaits, proportionnelles aux variations de température, avec cette différence, dans le cas actuel, que les volumes sont proportionnels aux températures absolues diminuées d'une constante fonction de la pression et diminuant avec elle, et que les pressions à volume constant sont proportionnelles aux températures diminuées d'une constante fonction du volume et diminuant quand celui-ci croît, de telle sorte que les constantes deviennent, dans les deux cas, nulles pour les gaz parfaits. Il n'est pas sans intérêt de rappeler que ces conditions limites, avant la notion des états correspondants, étaient surtout celles dans les- quelles il eût pu paraître naturel de comparer certaines propriétés des corps, celles notamment qui devaient servir à leur classement; j'aurai plus loin l'occasion de revenir sur ce point. Cas particulier de l'eau. — L'eau fait exception aux lois qui précèdent; ce fait est corrélatif de l'existence du maximum de densité. Depuis longtemps les recherches de Grassi , puis de MM. Rontgen et Schneider avaient montré que le coefficient de compressibilité de l'eau décroît quand la température augmente; en particulier, MM. Pagliani etVicentini (i884) avaient montré qu'à partir d'une — 566 - certaine température, cette décroissance s'arrête et que le coeffi- cient passe par un minimum. Pour étudier Tensemble de la question, j'ai déterminé (1892- 1893) les éléments d'un grand nombre d'isothermes de Teau dans des limites étendues de température et jusque sous la pression de 3ooo atmosphères. Sans entrer dans aucun détail, je dirai seulement que la plupart des lois énoncées plus haut sont renversées dans des limites de température et de pression dépendant de chacune d'elles; ainsi, non seulement le coefficient de compressibilité décroît quand la température croît, mais encore le coefficient de dilatation sous pression constante augmente avec la pression, le coefficient de pression pour un volume donné varie rapidement avec la tempé- rature, etc.; cependant, comme pour les autres liquides, le coeffi- cient de compressibilité diminue toujours quand la pression croît; il en est de même du coefficient angulaire des isothermes. Entre o** et 10", les isothermes s'enlre-croisent sous des angles tels qu'il est pres(|ue impossible de les tracer; \^Jig, 4 montre seulement les positions relatives des points d'intersection et non la forme réelle des courbes. Il résulte de là un étranglement du réseau (on a pris ici pour coordonnées les volumes et les pressions) qui, la pression croissant, va ensuite en s'élargissant contrairement a ce qui a lieu pour les autres liquides. D'une façon générale, toutes les anomalies particulit^res à Teau vont en disparaissant graduellement quand on élève la température ou la pression; c'est ce (|ue montre \^ fig- 5 où l'on a tracé, pour en faire la comparaison, les réseaux de l'éther et de l'eau entre o** et 5o", jusque sous la pression de 3ooo atmosphères. On voit que l'épanouissement en sens contraire du réseau de Teau a disj aru vers 3ooo alniosphères; sous des pressions plus fortes, ce réseau irait en se resserrant comme celui des autres liquides; on peut ré- sumer ainsi ce retour aux lois ordinaires : A 100" e/ vers 3ooo at- mosphères^ les anomalies ont disparu; pour les lois ijui aillent été remersées, ou l'ordre normal est rétabli ou tout au moins le remersement n\*xiste plus, et l ordre normal peut être pré\'u sans incertitude. La température sous laquelle le coefficient de dilatation change — 567 — de signe diminue quand la pression augmente; par suite, la iem- Fig. 4. pératuredu maximum de densité rétrograde. Le fait avait déjà — 568 - été mis en évidence par MM. Van der Waals et Puschl, par M. Tait Fig. 5. et par MM. Marshall, Smitt et Osmond. D'après mes recherches, — 569 - celte rétrogradation a atteint o® et l'a même un peu dépassé sous la pression de 197 atmosphères, et la température du maximum de densité est : o atm De 3,3 sous la pression de 4i»6 » 2,0 » 93,3 » 0,6 » 144,9 Entre o",6et 4"? 'a rétrogradation moyenne est doncdeo,o235 degré par atmosphère. La relation ^{pvt) = o. De nombreuses formules ont été proposées pour représenter la relation qui existe entre le volume, la pression et la température; parmi les plus anciennes je rappellerai seulement celles de Rankine, de Recknagel et de Hirn ; ce dernier savant paraît avoir introduit le premier, dans ces relations, la notion du covolume. Van der Waals a proposé la formule bien connue : {p-^^)(^-b) = Rr, qui Ta conduit aux résultats que chacun sait et sur lesquels je reviendrai plus loin. La relation suivante, proposée par Clausius, (^-îv^)(«'-*)=«T' se distingue de la précédente par l'introduction de la température et d'un coefficient de plus dans le terme dit pression interne. Ces relations ne satisfont aux données expérimentales que dans des limites, de pression surtout, assez restreintes, ainsi que Tout montré notamment M. Riecke, M. Raveau, M. D. Rerthelot. M. Sarrau, à qui l'on doit un travail important sur ces questions, a modifié la formule de Clausius en mettant la pression intérieure sous la forme > il est arrivé ainsi à représenter d'une façon beaucoup plus satisfaisante les premiers réseaux que j'avais publiés en 1881. — 570 - M. Battelli a adopté pour le même terme la forme gri — dans son travail sur la vapeur d'éther. J'ai moi-même déduit de mes premiers réseaux une formule qui contient celle de Van der Waals comme cas particulier. Dans un important travail sur la théorie cinétique des gaz, Tait a-été conduit à la forme suivante : pv qui représente d'une façon très satisfaisante certaines isothermes de mon dernier réseau de l'acide carbonique pour lesquelles il a fait la vérification. J'ai cherché tout récemment à établir une formule dans laquelle la pression intérieure serait représentée par la fonction (T-^ — p\ qui m'a paru bien répondre au sens qu'il est naturel d'attribuer à ce terme, puisqu'elle est le quotient du travail intérieur par la va- riation de volume. Cette fonction, contrairement à ce qui arrive en général avec les précédentes qui conservent des valeurs posi- tives, passe par un maximum quand le volume décroît, s'annule et finit par atteindre des valeurs négatives rapidement croissantes; elle m'a conduit à une formule dont le covolume est lui-inénie fonction du volume et qui pour rhvdrogène satisfait d'une façon remarquable aux données expérimentales jusqu^à 3ooo atmo- sphères; mais la partie connue du réseau de Tlndrogène est un cas particulièrement simple et jusqu'à présent je ne suis pas arrivé à représenter aussi facilement, de celte façon, les autres réseaux; c'est un travail que je reprendrai. M. le capitaine H. Moulin, suivant une voie toute diflerente, a été conduit plus rcceminent à une formule dont le terme corres- pondant à la pression intérieure présente des variations analogues à celles de la fonction ci-dessus. Enfin j'ai également tenté de n^présenter le même terme par la fonction ^ ^ — qui, si certaines hypothèses sur la constitution (les fluides étaient vérifiées, devrait èlre équivalente à (T-^ — p\ et qui du reste passe par des variations analogues; j'ai été conduit — 571 - ainsi à la formule suivante : V ,^a-^mis>-b)-^^]T' Vp-\ ^ ; - )v = KÏ, dans laquelle le covolume paraît tout d^abord avoir disparu, mais reparaît en réalité dans le terme ^ comme il est facile de s'en assurer. Celte relation m'a permis de représenter le réseau complet de Tacide carbonique jusqu'à looo atmosphères d'une façon égale- ment satisfaisante dans toutes ses parties, y compris même la courbe de saturation. D'autres formules ont été proposées dans des travaux du plus haut intérêt par M. Tait, par M. Bolzmann, et aussi par M. Sutherland, M. Rose-Innes, M. P. -A. Guye, M. Jâgeret d'au 1res savants; mais la nature même de ces travaux est en dehors de mon but; pour la même raison je n'insisterai pas sur les formules qui précèdent, je remarquerai seulement qu'au point de vue du nombre des coeffi- cients dans le cas où il est supérieur à trois et de ce qui en résulte relativement à la possibilité d'une réduite, il n'y a rien à conclure de relations dans lesquelles l'empirisme a encore une si large part; du reste un certain nombre de ces coefficients pourraient être communs, sinon à tous les fluides, du moins à certains groupes, pour chacun desquels il pourrait alors exister une réduite; mais dans l'état actuel de nos connaissances une pareille question ne paraît guère susceptible d'être traitée avec succès. La réduite de Van der Waals et les états correspondants. La nécessité d'établir dans des états comparables les relations qui existent entre les propriétés des divers corps, s'est présentée depuis longtemps à l'esprit des physiciens ; c'est ainsi que Dalton, par exemple, avait énoncé cette règle : a Les liquides ont des pres- sions de vapeur égales à des températures également éloignées de leurs points d'ébullition » ou bien encore que Despretz avait for- mulé celle-ci : « Le quotient de la chaleur latente par le volume spécifique de la vapeur saturée est le même pour tous les corps - 572 — aux températures correspondant aux mêmes pressions de vapeur »; la loi de Kopp relative aux matières organiques, celle de Trouton touchant les chaleurs latentes, celle de During et d'autres encore répondent de même à Tidée d'états comparables. Parmi ces états, celui de gaz parfait s'est naturellement présenté comme mieux défini; de même, enfin, celui d'extrême condensation, ainsi que je l'ai déjà remarqué à propos des lois limites, aurait pu être uti- lisé dans le même but. La notion des états correspondants, due à Van der Waals, se présente aujourd'hui comme la solution ration- nelle de ces tentatives plus ou moins heureuses, les états compa- rables sont devenus les états correspondants. Prise en elle-même, la formule de Van der Waals ne présente aucune supériorité sur les autres formules proposées, elle ne satis- fait même aux données expérimentales que dans des limites assez restreintes, toute son importance est dans les idées fécondes qu'en a fait jaillir le génie de son auteur. Le résultat fondamental énoncé par Van der W^aals est celui-ci : Si la pression, le volume et la température sont estimés en prenant pour unités les quantités critiques, les constantes spé- ciales à chaque corps disparaissent de son équation, qui se réduit à la forme (/'+^) (3" -0 = 87; cette relation est dite la réduite de Van der IVaals; elle est la même pour tous les fluides. Les états correspondants, pour plusieurs corps, sont ceux pour lesquels les valeurs numériques de/?, ^ et ^ exprimées en prenant pour unités les données critiques, c'est-à-dire les valeurs de/?, t- et t de la réduite, sont égales. M. L. Natanson a montré le premier (1889) qu'on arrive encore à une réduite, la même pour tous les corps, si les unités choisies se rapportent à des états correspondants quelconques. Ce fait important a été de nouveau signalé depuis à la suite de considé- rations différentes par M. Curie et par M. Meslin ; enfin, j'ai été moi-même conduit à la même généralisation en suivant une tout autre direction. La formule de Van der Waals n'étant pas l'expression absolue - 373 — des faits expérimentaux, les résultats qui précèdent se présentent tout d'abord comme la propriété purement algébrique d'une rela- tion entre trois variables, contenant le même nombre de coeffi- cients; rien ne prouve a priori que la relation qui satisferait strictement aux données expérimentales jouirait de la même propriété; aussi, Van der Waals et après lui un grand nombre de physiciens ont-ils entrepris à ce sujet de nombreuses vérifications. On peut distinguer ici entre les lois qui sont les conséquences immédiates de la réduite et dans lesquelles n'interviennent que les trois variables p^ i>, /, et d'autres relations très intéressantes rela- tives aux divers coefficients de la Physique et de la Thermodyna- mique. Au premier groupe de ces lois appartiennent les suivantes qui ont été énoncées par Van der Waals et qu'il a vérifiées autant que cela pouvait se faire avec les données expérimentales très res- treintes que la Science possédait alors : Si, pour différents corps, la température absolue est la même fraction de la température critique absolue, la pres- sion de la vapeur saturée est aussi^ pour eux, la même frac- tion de la pression critique. Si pour différents corps la température absolue est la même fraction de la température critique absolue, le volume^ tant de la vapeur saturée que du liquide, est la même fraction du volume critique, Lorsqu^on a construit pour différents corps la courbe limite {courbe de saturation) en prenant la pression et les volumes de façon que les points culminants coïncident^ les courbes coïncident entièrement. Ajoutons encore à ces lois, la suivante énoncée parWroblewski (1888): A des températures correspondantes les pressions pour les- quelles le produit pv est minimum sont proportionnelles, pour différents gaz, aux pressions critiques respectives. Ces vérifications ne portent que sur une partie très restreinte des isothermes; depuis, de nouveaux résultats expénmentaux ont permis des essais beaucoup plus étendus. - 574 — La notion de la réduite peut se traduire aussi : « Les unités étant choisies comme il a été spécifié plus haut, l'isotherme d'une tem- pérature donnée est la même pour tous les corps; l'identité d'iso- thermes calculées dans ces conditions constituera la vérification »; c'est la marche qui a été suivie par M. Natanson, le premier, je crois, en 1889. La difficulté est ici de connaître avec certitude les données relatives à des points correspondants; en réalité, il fau- drait faire varier systématiquement ces données et procéder à une suite de tâtonnements à peu près impraticables. La méthode suivante que j'ai employée en 1896 élimine ces diffi- cultés, elle est indépendante de la connaissance de points corres- pondants, ainsi que de la forme de l'équation caractéristique, et fait concourir simultanément à la vérification l'ensemble de données expérimentales comprises dans des limites quelconques de température, de volume et de pression. Eu égard à la généralité de cette méthode et aux applications qui peuvent en être faites, on me permettra de l'exposer rapidement. On peut formuler comme il suil les conséquences de la réduite de Van der Waals, si celle-ci correspond à une réalité : Si les réseaux d'isothermes de deux substances quelconques ont été construits à une même échelle, les valeurs numériques des volumes et des pressions étant estimées en prenant pour unités les constantes critiques, les deux réseaux devront coïncider; c'est-à-dire que leur superposition devra présenter, quant à l'ordre et à la forme des isothermes, l'apparence d'un réseau unique. Par suite, étant donnés les réseaux de deux substances, tracés à des échelles quelconqueSy comme un changement d^ unités revient à un changement d^ échelle sur les axes des coordonnées y on devra toujours pouvoir rendre i un des réseaux semblable à l'autre par une extension ou un raccourcissement suivant C un des axes; il sujfira alors d'agrandir ou de dimi- nuer ce réseau tout en le conservant semblable ù lui-même, pour que la coïncidence avec le premier puisse avoir lieit. Les essais de coïncidence ont élé faits avec de très petits réseaux photographiques transparents sur verre (de i*'™ à u*'™ de - 575 — côté). Od projelait Tun de ces réseaux sur l'autre, en même temps qu'on produisait la contraction de cette projection suivant un axe en faisant tourner le réseau projeté autour de l'autre axe et qu*on en modifiait les dimensions en faisant varier sa distance à l'objectif de projection; la coïncidence était appréciée au moyen d'un oculaire convenablement disposé. La petitesse des réseaux permettait d'opérer sensiblement en lumière parallèle. J^es échelles portées par les axes des réseaux permettaient de reproduire gra- phiquement l'ensemble de la superposition, qu'on pourrait du reste photographier directement. La fig. 6 montre la superposition des réseaux complets de l'acide carbonique et de l'éthylène^ on voit que l'ensemble est réellement celui du réseau d'un gaz unique. Malheureusement ces deux réseaux sont les seuls contenant le point critique que l'on possède dans des limites aussi étendues de pression. Dans des limites plus restreintes, \di Jig. -j montre la superpo- sition du réseau de l'acide carbonique, avec ceux de l'éther (de 5o" à i8o") dû à MM. W. Ramsay et S. Young, et de l'air (de o*" à — 145'*) dû à M. Witkowski. Malheureusement, pour Tair et l'éther, les limites de pression sont très restreintes; cela est d'au- tant plus regrettable que la différence considérable des tempé- ratures critiques (de — i4o® à -t-igS") rendait la comparaison particulièrement intéressante. On voit que la coïncidence de la partie commune aux trois réseaux est satisfaisante, mais il ne faut pas se dissimuler qu'elle est plus facile à réaliser ici que si les parties quasi-rectilignes étaient beaucoup plus prolongées, quoique, pour l'acide carbonique et l'éther, ces parties d'isothermes (à peine amorcées pour Tair) paraissent bien s'engager dans la même direction. Je remarquerai, en passant, que la méthode se prête facilement à la détermination des constantes critiques (comme cas particu- lier) de l'un des corps pour lesquels la coïncidence des réseaux a lieu, si, pour l'autre, ces constantes sont connues, puisque les points critiques coïncident pendant la superposition ; j'ai fourni ainsi une détermination des constantes critiques de l'air, de l'éther et de Tèthylène, mais je n'insiste pas sur ce point, pour ne point sortir de mon programme. — 576 — M. Raveau a proposé une modification ingénieuse à la méthode Fig. 6. q:^-m que je viens d'exposer : il a remarqué que les changements d'unités - 577 - rF:ATM. ITHEB50 |P.ATM ..AIR 5!0" lôjr lop tft- AiK 0' i:>ja l^[ii Etats Co^REspùyBAy^s Acide QaBotfr^LE .„AlB..rT,ETHER P. ATM cr c:. I»., I. ht 104 lÛQ IH — 578 — conespondanl à une conlraclion ou une extension sur chaque axe, se Uaduisaient, si au lieu de prendre les volumes et les pressions on prenait leurs logarithmes pour construire les réseaux, par l'addition d'une longueur constante sur chacun de ces axes. Par suite, les réseaux ainsi construits devront pouvoir être amenés à la coïncidence par une simple translation de l'un d'eux parallèle- ment aux axes. Le seul reproche qu'on puisse faire à cette manière d'opérer, c'est que sa sensibilité se trouve très inégalement répartie dans les différentes régions des réseaux. Cependant, en comparant les réseaux de l'acide carbonique et de l'éthvlène, M. Raveau est arrivé, notamment pour les constantes critiques de ce dernier gaz, à des résultats identiques à ceux auxquels j'avais moi-même été conduit. Tout récemment, de nouvelles et intéressantes recherches sur les états correspondants ont été tentées; elles sont dues principa- lement à M. S. Young et à M. Mathias; ces recherches sont sur- tout relatives aux phénomènes dépendant de l'état de saturation et à la loi du diamètre rccliligne de MM. Cailletet et Mathias. C'est un point en dehors de mon programme, ainsi que je l'ai déjà (lit. Il résulte de l'ensemble de ces recherches, tout d'abord que l'étude des phénomènes de saturation présente de très grosses dif- ficultés, ce qui était facile à ])révoir; ensuite, que les lois des états correspondants n'auraient pas le degré de généralité qu'on leur avait tout d'abord attribué; ces lois ne sont satisfaites que pour des groupes de corps. Du reste, ces questions sont encore trop peu avancées pour que j'insiste à leur sujet, le cadre de ce Rap- j)ort m'imposant de rester dans les grandes lignes et les généra- lités; je supposerai donc dans la suite qu'il 'sagit de groupes de corps pour lesquels il y a une réduite, c'est-à-dire dont les réseaux peuvent être amenés à la coïncidence. Il me reste maintenant à examiner Tensemble des lois de corres- pondance dans lesquelles interviennent non seulement les trois variables /?, (>, l, mais encore les divers coeflicients de la Physique et de la Thermodynamique, et qui sont une forme très intéressante de la loi des états correspondants. M. Van der Waals a énoncé, et vérifié avec les données dont il disposait, les lois suivantes : « Les coefficients de dilatation des corps à des états carres- — 579 — pondants sont inversement proportionnels à la température critique absolue, » « A des températures et des pressions correspondantes les coefficients de compressibilité sont inversement proportionnels à la température critique. » « }x, étant la chaleur latente moléculaire, ï, la température critique absolue et T la température absolue, on a la relation ^ = F ( ™- )» F étant une même fonction pour tous les corps, » M. G. Darzens a montré qu'on avait également la relation ^-=F(-IV T ^ U J M. S. Young a énoncé la loi qui suit : (( A des températures correspondantes ^ le produit de la pres- sion d^ une vapeur saturée par son volume spécifique, divisé par la température absolue, donne un quotient, le même pour les différents corps. » Je suis moi-même arrivé sans aucune hypothèse à la loi sui- vante dont celle de M. S. Young est un cas particulier : (( Pour tous les corps pris dans des états correspondants le quotient ~r est constant^ v étant le volume moléculaire. » Enfin je rappellerai encore le résultat suivant dû à M. Darzens ( 1 896): (( La différence de V entropie moléculaire entre deux états A e/ B est la même pour tous les corps de constitutions molé- culaires semblables, si on la compare dans des états corres- pondants. » Toutes ces lois, et d'autres encore, ont été déduites de la notion des états correspondants au moyen d'artifices particuliers plus ou moins compliqués, quelquefois d'hypothèses ou de lois approxi- matives; j'ai pensé qu'il devait exister une règle générale permet- tant de les écrire toutes pour ainsi dire a priori et sans tâton- nements; la considération des propriétés les plus simples des fonctions homogènes m'a conduit (1897) ^ "^^ solution très simple de la question : Soient C=f(pçt) et C' = f{p'i^'t') — 580 - les valeurs du même coefficient pour deux points correspondants quelconques de deux corps suivant la loi des états correspon- dants. Soient, de même, (^i=APi^iti) et C\=/{p\v\f\) les mêmes coefficients pour deux autres points correspondants quelconques, les points critiques par exemple, el soient p'^v" t' les dimensions de / qui est homogène; j'arrive sans difficulté aux relations que voici : ... C ^ Ci ^ fip^t) ^ /{p.i^t,) ^ ^ C' C'i. fip'i^'t') f{p\v\t\)' On pourra du reste modifier ces relations en tenant compte de la suivante déjà indiquée plus haut : mais alors les lois auxquelles on arrivera se rapporteront aux corps pris en quantités moléculaires, puisque v et v' sont ici les volumes moléculaires. Par exemple : La chaleur latente de vaporisation a pour dimensions /?r: on aura donc 1 _ p^ _ Zl!!i. ^' p'^'~ p\'\' Si Ton tient compte de (B), on pourra écrire \\ - T - t; ' )v| et \\ étant les chaleurs latentes moléculaires. Cette double relation contient évidemment, réunies, la loi do Van der Waais énoncée ci-dessus cl la modification de M. Dar- zcns. Le coefficient de dilatation sous volume constant (a) a pour dimension T~'. On pourra donc écrire, en tenant comj)te de (B), a _ ^ _ T.' — '^J. — Z'^' — !hlL a' ~ a\ ~" T ~ T, "" pv ~ pi^i ' - 581 — La première de ces égalités est la loi ci-dessus de Van der Waals. Le coefficient de dilatation sous volume constant (P) a les mêmes dimensions que (a); on arrivera donc au même résultat et Ton aura la loi a, ~ Pi' Une relation analogue existe entre tous les coefficients de mêmes dimensions. Le coefficient de compressibilité cubique (jx) a pour dimension />"'. On aura donc ui u, pi p Tiç\ Tt' d'où la loi ci-dessus de Van der Waals. On trouverait sans plus de difficultés les lois relatives aux coef- ficients /et h de la Thermodynamique, aux coefficients dépression, aux coefficients angulaires des isothermes, etc., etc. Les quantités de chaleur dont les variations ne sont point dif- férentielles exactes, et par suite ne sont point exprimables en fonction de pi^t^ ne pourront donc point être traitées de la même manière, mais il n'en sera pas ainsi de l'entropie; on conçoit donc la possibilité de la loi ci-dessus de M. Darzens; la même remarque s'applique à la différence des deux chaleurs spécifiques (C — c), qui est une fonction de/?, ç^, t de dimensions -^* On aura donc dans ce cas C-c C, — c, pv T C-c' ~~ c; -c\ T /)V' Ainsi, /?o///' des points correspondants les différences (C — c) des deux chaleurs spécifiques sont égales. Enfin il résulte de deux formules bien connues de la Thermo- dynamique que les variations de ces chaleurs spécifiques à tempé- rature constante, dont ces formules donnent les dimensions, sont aussi régies par des lois de correspondance si on les considère entre des limites qui soient des étals correspondants, comme dans le cas de la loi énoncée par M. Darzens pour l'entropie, etc., etc. — S82 - En résumé, les relations A et B, ci-dessus, permettent d'écrire a priori et sous toutes leurs formes les lois de correspondance que suivent les divers coefficients, pour les groupes de corps dont les réseaux sont superposables, c'est-à-dire pour lesquels il existe une réduite. Quant à la généralité de la loi de Van der Waals, la nécessité de former des groupes n'enlève rien à son importance ; elle devient un instrument de classement dont les services feront sans doute oublier ce qu'avait de séduisant le caractère de simplicité et de généralité de la loi qu'on avait d'abord entrevue, je pourrais même dire souhaitée; l'œuvre de Van der Waals conserve donc toute son importance et sa fécondité. Les lois de correspondance, notamment sous les formes où elles s'appliquent aux divers coefficients, sont comme le complément de celles que suivent ces mêmes coefficients considérés en eux- mêmes; les premières sont pour ainsi dire les lois suivant les- quelles les secondes s'adaptent aux différents corps; les deux points de vue se complètent; il m'a donc paru naturel de ne pas les séparer; voilà pourquoi j'ai cru pouvoir les réunir sous le titre de Statique expérimentale des fluides, les plaçant du reste en dehors de toute hypothèse et de toute théorie, et ne les considé- ant que comme un ensemble de lois purement expérimentales. — 583 — STATIQUE DES FLUIDES (MÉLAN&ES); Par J.-D. Van der WAALS, SECRÉTAIRE GENERAL DE L'aCADÉMIE DES SCIENCES D'AMSTERDAM- Les mélanges* L'hypothèse consistant à regarder les lluides comme composés d'un grand nombre de particules mobiles invariables, douées d'é- lendue et d'une attraction qui ne s'exerce qu'à de très petites dislances, a conduit à des résultais qui semblent, en général, con- formes à l'expérience. Elle explique l'état liquide comme la conséquence d'un plus grand rapprochement des molécules, et montre qu'il n'est pas nécessaire d'admettre dans l'état liquide des molécules plus complexes que dans l'étal gazeux. Elle ne nie pas la possibilité d'exceptions. D'accord avec la théorie qui suppose l'existence de substances composées, à l'état gazeux, de molécules en partie simples et en partie complexes (dissociation ou asso- ciation), elle entrevoit l'existence possible de substances consti- tuées, à l'élat liquide, par des molécules plus complexes qu'à l'état, gazeux. Mais elle amène à croire que les lois mêmes régissant ces cas plus compliqués ne pourront être prévues, si l'on ne connaît d'avance les lois qui régissent le cas le plus simple. Elle admet donc l'existence de substances normales et de substances anormales, et montre que la première de ces catégories doit obéir à la loi des étals correspondants. Cette même hypothèse a naturellement conduit à envisager les mélanges, môme à l'état liquide, comme composés de mole- - 584 — cules invariables. En acceptant cette supposition, on ne nie pas qu'il y ait des exceptions. Les mélanges dont un des composants est une substance anormale et a fortiori les mélanges composés de deux substances anormales feront exception. En outre il peut exister une action chimique entre les deux substances, ou l'une d'elles peut subir la dissociation éleclroljtique. Dans tous ces cas les lois qui régissent les phénomènes seront autres que dans ceux où riijpothèse est satisfaite. Mais même dans ces cas plus compliqués les lois ne pourront être prévues si Ton ne connaît pas les lois qui régissent le cas plus simple; on a donc le droit de croire qu'une théorie qui présuppose l'invariabilité des molé- cules d'un mélange, même dans l'état liquide, doit présenter un grand intérêt. En 1889, j'ai exposé une telle théorie sous le litre: Théorie moléculaire d\ine substance composée de deux ma- tières différentes ( ' ). Comme j'avais l'intention d'y revenir après avoir examiné de plus près les différents phénomènes qui rentrent dans ce sujet; je ne l'ai traitée que d'une manière trop succincte, ce qui a certainement nui à sa clarté. Plus lard j'en ai examiné plusieurs chapitres plus en détail (-), et actuellement une étude détaillée, accompagnée d'une discussion des expériences entre- prises pour vérifier les résultats obtenus, est en voie de publica- tion. Elle paraîtra comme tome 11 de mon travail Ueber die Con- tinuitàt des gasformigen und des Jliissigen Zustandes, Pour en vérifier les résultats il a fallu faire de nouvelles expt'riences, car la plupart des expériences sur les mélanges entreprises jusqu'ici ou bien avaient été faites avec des substances anormales, ou bien portaient sur d'autres cas d'exception. Par exemple, dans un grand nombre de cas, l'une des matières mélangées était l'eau, qu'on a reconnue maintenant comme une des substances le plusfortemenl anormales, et l'on y avait dissous des sels, des acides, des bases, (|ui subissent la dissociation élcclrolylique. C'est à rinilialive de M. Kanierlingh Onnes que sont principa- lement dues les expériences qui ont mis en état de juger l'exacti- tude des conclusions auxquelles la théorie moléculaire conduit. Et, quoiqu'il faille encore beaucoup plus d'expériences avant de (' ) Verslagen der Koninidijk Akademie te Amsterdam^ passim. (*) Voir Archives née ri. ^ t. WIV cl suiv. — 585 - pouvoir porter un jugement définitif sur toutes les lois qui en découlent dans les circonstances les plus diverses, on peut affirmer déjà que les principales prévisions de la théorie sont exactes. Parmi ces prévisions de la théorie on peut signaler les phénomènes critiques des mélanges et la condensation rétrograde. Et c'est en prenant cette théorie pour guide quç je me propose d'écrire ce Rapport sur les mélanges. Les phases homogènes. S'il ne s'agissait que de phases homogènes d'un mélange, la théorie entière se bornerait à la connaissance de la relation entre la pression, le volume, la température et la quantité des deux composants. Soient Mj et Ma les masses moléculaires des deux matières mélangées et M,(i — x) et Ma^ les masses des substances qui composent le mélange; on peut dire qu'on a un nombre égal de molécules, quelle que soit la valeur de x^ qui doit naturellement être comprise entre o et i. Soient/? la pression, v le volume de la quantité M, (i — x) -^ M^^, qu'on peut nommer le volume moléculaire, T la température; il suffirait donc de con- naître la fonction /? = cp(r,a7, T). Pour cette fonction j'ai admis la formule : (^-^:)<' Par des considérations relevant de la théorie cinétique, on établit cette formule en trouvant pour ax et hx les valeurs : bx=^ ^i(i — a?)' -1-2612^(1 — x) -\- hix^. Les constantes a,, b\ sont celles qui entrent' dans l'équation caractéristique de la substance que l'on regarde comme la première composante, de même «o et 62 sont les constantes de l'autre com- posante. Le terme 2a, 2^(1 — ^) provient de l'attraction des molécules hétérogènes. La constante 612 a la signification suivante ; De même que b^ représente la moitié du volume d'un nombre de sphères égal au nombre des molécules, en attribuante ces sphères — 1586 — un rayon égal à la dislance des centres au moment du contact. U valeur de 612 est la moitié du volume si Ton attribue à cessplirir^ un rayon égal à la distance des centres des molécules hétérogènes au moment du choc. La valeur de bt serait donc quatre fois le voIudm- total des molécules, si routes les molécules étaient de la premicn* espace, en prenant pour unité le volume apparent du gaz -d U pression et à la température normales. Mais la valeur de b^ est moindre. Si Ton a x = ^, on trouve 4 • * 1 • bi-^ h» . t^ . , , Ai - /*• ce qui serait égal a > si i on pouvait admettre 6^12= Les calculs seraient plus simples si Ton pouvait poser bx" biii — x) -r- btx, mais la théorie ne le |)ermet qu^à titre d'approximation. Quant 4 la valeur do a 12, M. Daniel Berthelot a pensé qu'elle sera toujours égale à ^V/, ^/2- Si les attractions moléculaires avaient le carac- 1ère de Taltraclion universelle, qui ne dépend que des masses H des distances, on serait peut-être autorisé à poser r/^r:^ ^'i^':- Mais les attractions moléculaires semblent dépendre, en outre, d'autres qualités de la matière, et il me semble plus prudent dr garder le symbole ^/«^ jusqu'à ce que les expériences mettent en état de décider si 11^2 i> nit'langes ne dépendraient (|ue des propriétés des compo>anls à rélal isolé. MM. Kuencn, \'erschalVell et (^uint ont entrepris une sérir d<' mesures pour mettre à 1 épreuve Téquation (/-^-:^)u'-^x.= MHT. M. Kuenen a examiné des mélanges, rn diverses proportiim^». de <:02 et CIPCI, M. \ erschiilFcIt des mélanges de CO' et 11% et M. (^uint des mélanges de OMI** et CJII. Ils ont comprimé, à dillerentes températures constantes, des mélanges dont la quan- tité et la composition étaient connues, à Taide de lu pompe - 587 - Gailletet. Les pressions variaient de 20 à 3o atmosphères jusqu'à (les pressions où Thomogénéilé cesse, et, en plusieurs cas, même jusqu'aux pressions où Thomogénéité est de nouveau rétablie. Un examen des résultats de leurs expériences montre que la formule donnée peut représenter leurs mesures. II subsiste seulement des divergences de l'ordre de celles qui restent quand on examine une substance simple, et qui sont dues à la circonslance que la loi de variabilité de a et de 6 n'est pas encore connue. Mais le fait que la valeur de «^ et celle de bx doivent être représentées par une for- mule du second degré résulte nettement de leurs mesures. Kuenen et Quint ont pu déterminer les valeurs de «i, «3, «12, 6|, 62» et 6,2- La valeur àe bs^ a été trouvée plus petite que -^ — ^- Mais il serait désirable que des recherches semblables fussent étendues à quantité d'autres mélanges. Des recherches d'un aulre ordre encore viennent de mettre en évidence l'exactitude de la forme admise pour ajc et bx* Les den- sités des gaz, qui, suivant la règle d'Avogadro, doivent être pro- portionnelles aux masses moléculaires, et, pour un mélange, pro- portionnelles aux masses moléculaires moyennes, ne sont pas celles que Ton trouve par l'expérience. Ce seraient les densités que l'on trouverait si l'on pouvait les déterminer sous une pres- sion nulle. Les densités déterminées sous une pression égale à I atmosphère et à o" doivent être divisées par (1 -f-^/i)(i — bx) pour trouver les densités théoriques. Les recherches de savants français, notamment de M. Daniel Berthelol, ont montré (|uo seulement quand on prend pour ax — bx une formule du second degré en x^ les nombres obtenus pour les densités moyennes sont en bon accord. Une manière indirecte de vérifier la formule donnée, c'est de la comparer aux lois approximatives établies pour un mélange, et de voir si les écarts concordent avec ceux qu'indique la formule. La première loi approximative, qui est déjà de date ancienne, ii été donnée par Dalton et pourrait être exprimée de la manière suivante : La pression d^ un mélange est la somme des pressions que les composants exerceraient s^ils étaient seuls dans le volume donné, La formule indique que la marche de (/?,-i-/;2 — p), qu'on peut nommer Vécart de la loi de Dalton, suit la marche de — 388 — l'écarl de la loi de Boyle pour une substance simple. Au-dessous d'une cerlaine pression elle est d'abord positive; elle s'accroît avec la diminution du volume, atteint un maximum, puis descend jusqu'à zéro, pour devenir négative sous de plus grandes pres- sions, la valeur négative croissant jusqu'à l'infini. Celle marche de l'écart de la loi de Dalton a déjà été remarquée par M. Mar- gules, en discutant les expériences de M. Andrews. Une deuxième loi approximative a été énoncée par M. Amagal : Les composants d^ un mélange occupent le volume qu'ils occu- peraient s'ils étaient seuls sous la pression et à la température du mélange. Cela revient à supposer que, si deux substances se mélangent sous pression constante, il n'y aura pas de contrac- tion du volume. La formule donne pour [^' — v, (i — x^ — <'2«'*]i qu'on peut nommer Y écart de la loi d^Amagat, la valeur lv=x(i^x)\ — (6, L 1 -t- a f '^l^i,)\ Cette valeur est indépendante delà pression, mais ce n'est qu'une valeur approximative. Comme «i -h ^o — 2<7|i et b\ -h- b^— i>-^i2 sont probablement toujours positives, on peut dire que, au-des- sous d'une certaine température, la contraction est négative. Elle estconstante, mais le rapport de la contraction du volume du mé- lange s'accroît naturellement avec la pression. Une discussion |)lus exacte montre cependant qu'elle n'est pas absolument con- stante, et si la pression est très élevée, ou la densité très grande, elle change de signe et l'on a alors une véritable contraction. On pourrait encore donner une troisième loi approximative sous la forme suivante : Un composant d'un mélange exerce la même pression quil exercerait si les molécules de l'autre composant étaient rem- placées par des molécules du premier composant. Si Ton nomme />| la pression dans le cas où les molécules sont de première espèce, ct/^o la pression dans le cas opposé, Técart de celte loi approximative peut être mis sous la formule p—pi{i — T)—p2.v. Les recherches de M. ^ erschaiTell et de M. Quint permettent d'apprécier la valeur de l'écart. Ils ont eu soin de déterminer. — 589 — pour les différentes valeurs de x^ les volumes qui contiennent un nombre égal de molécules, et pour des pressions qui ne sont pas trop élevées, leurs mesures confirment les prévisions de la théorie, qui, sous de faibles pressions, donne la valeur de éffale à Pour de faibles pressions, cette troisième loi approximative s'accorde avec celle d'Amagat. Remarquons, avant de terminer cet aperçu des propriétés des phases homogènes d'un mélange, qu'elles seront soumises à la loi des états correspondants. On devra donc prendre, pour données critiques d'un mélange à composition donnée, celles qui, comme pour une substance simple, correspondent au point pour lequel la valeur de ( -,- ) et celle de ( -r-^ ) sont égales à zéro. Malheu- leusement, ce point ne peut être réalisé, sauf dans un cas fort exceptionnel. En discutant les propriétés des phases coexistantes, nous verrons qu'une telle phase homogène est en équilibre in- stable, et se divise en deux phases distinctes. L'expérience ne peut donc pas faire connaître les valeurs de pc^ Vc et T^ pour un mélange de composition donnée. Le calcul donne leurs valeurs, comme pour une substance simple, par les formules .,.= 3... MRT..= Ag e. ,..= ±f|. Jusqu'ici aucune tentative n'a été faite pour contrôler cette conséquence de la formule. Toutes les phases homogènes, données par la formule caracté- ristique d'un mélange, sont des états en équilibre. Mais, comme l'équilibre peut être stable ou instable, et comme des équilibres instables ne peuvent jamais se réaliser, il restera à discuter ce qui adviendra dans ces cas d'équilibre instable. Nous verrons qu'alors le mélange se divisera en deux, peut-être en trois phases distinctes. Ces phases coexistantes n'auront ni la même densité, ni la même composition. Mais ce seront des phases - 590 — entièrement déterminées, dès que la température et la pression seront données. La pression ne dépend pas de la quantité rela- tive de ces phases, c'est-à-dire qu'on peutajouter à une des phases présentes, ou la diminuer sans influer sur la valeur de la pression. L'équation caractéristique des mélanges, comme celle d'une sub- stance simple, a été établie sur des considérations cinétiques, ap- partenant au domaine de la Mécanique. La Thermodynamique propre n'y a contribué en rien. Par sa nature, elle ne s'occupe pas de la nature des corps qui sont soumis à ses lois. Donc ces lois ne pourront jamais faire connaître comment les corps sont con- stitués. Cette Thermodynamique, qui ne donne des lois que pour le cas d'équilibre, et que, pour cette raison, on ferait mieux de nommer Tliermostatique , est donc impuissante à faire connaître l'équation caractéristique, mais elle intervient pour déterminer les propriétés des phases coexistantes. A la rigueur, on pourrait s'en dispenser. On pourrait établir les propriétés des phases coexis- tantes aussi par des considérations cinétiques. Mais cette méthode nous écarterait trop des méthodes ordinaires, et, du moins pour le présent, elle ne possède pas le degré de rigueur des méthodes thermodynamiques. C'est en appliquant les propriétés de la fonction ({; =r^ e — T|7i, l'énergie libre, au mélange en équilibre qu'on trouve le plus aisément les propriétés des phases coexis- tantes. Les symboles 'i, s, Tj et d'autres que nous rencontrerons dans la suite sont empruntés au travail de M. Willard Gibbs : On the equilibvium of hetcrogeneous substances. Ce travail, quoique connu tardivement, a exercé une influence toujours grandissante sur la connaissance des propriétés de l'équilibre coexistant. Les phases coexistantes* Lue discussion approfondie des conditions d'équilibre d'un mé- lange qui n'est pas soumis à des forces extérieures démontre que, en premier lieu, la distribution doit être telle qu'on puisse la con- sidérer comme une juxtaposition de phases homogènes. C'est- à-dire, dans chaque partie, quelque peu d'étendue qu'elle ail, les molécules doivent être distribuées selon les chances de la probabi- lité, et les vitesses des molécules selon la loi de Maxwell. M. Boltz- - 591 - mann, à qui nous devons des recherches savantes sur ce sujet, désigne celte condition sous le nom de ungeordnet, qu'on pour- rait traduire par sans arrangement régulier. En second Heu, la force vive moyenne de chaque molécule doit être la même, c'est- à-dire que la température de chaque partie du vase qui renferme le mélange doit être la même. Ces conditions étant remplies, la matière s'arrangera dans un volume donné, de telle sorte que la somme totale de l'énergie libre ait une valeur minima. 11 résulte de cette condition d'équilibre qu'une surface géométrique qui, pour une température donnée, représente l'énergie libre d'une quantité M, (i — x) -^ M2X, remplissant en phase homogène un volume i^, peut servir pour élucider toutes les questions concernant le nombre et les qualités des phases dans lesquelles la substance se divisera. Un point de celle surface, au voisinage immédiat duquel la surface est située au-dessus du plan langent, représente une phase stable, tandis qu'un point au voisinage duquel la surface, dans quelques directions, se trouve au-dessous du plan tangent, repré- sente une phase instable et, par conséquent, irréalisable. Dans le premier cas, la surface est convexo-convexe, vue d'en bas; dans l'autre cas, convexo-concave. Un point où la surface est convexo- convexe, mais dont le plan langent coupe la surface dans d'autres points, situés à plus grande dislance, représente bien une phase stable, mais dont la stabilité n'est pas absolue. La limite des phases dont la stabilité est absolue se trouve dans les points dont' le plan tangent touche la surface encore en un autre point. La droite qui réunit les deux points de contact représente les cas dans lesquels le mélange s'est divisé en deux phases coexistantes. Si l'on ajoute à la surface représentant l'énergie libre des phases homogènes la surface réglée formée par les intersections succes- sives d'un plan qu'on fait rouler sur celte surface et qui, par con- séquent, repose sur la courbe connodale, on peut se rendre compte de tous les phénomènes de condensation d'un mélange. Tout ce qu'il faut donc connaître, pour construire cette sur- face, est la valeur de if, exprimée en fonction de v et x. On la déduit de l'équation difTérentielle — 592 qui mène à 2k est la suivante : Imaginons une quantité infiniment petite de la deuxième phase à côté d'une quan- tité finie de la première phase, et supposons qu'elle se dissolve dans la première phase, de sorte qu'on n'ait qu'une seule phase homogène qu^on ramène à la pression et à la température qui ré- gnaient avant l'opération; il y aura, en général, une variation de volume; i'ai représente la diminution du volume pour une quan- tité nioléculaire de la deuxième phase. Le symbole iV2\ représente la chaleur qui sera libérée dans cette opération, également pour une quantité moléculaire. Quant à l'expression symbolique \-[-\) ? qui est égale à (d^y \ d^^ ):rl elle est positive si la surface au point i est convexo-convexe, c'est-à-dire si la phase i est stable. Si la surface ^ n'a qu'un seul pli, tous les points de la connodale sont naturellement situés sur la partie convexo-convexe et en ces points (^-4) sera positif. Nous reviendrons plus loin sur la complication produite par la présence d'un second pli, que la surface présente dans le cas où le mélange peut se diviser en deux phases liquides. I. A température constante, l'équation différentielle se réduit à .,,rf/, = (a:,-a:.)(g)^^rfx., - 596 — d'où résulte la règle suivante : p augmentera avec x^i si r^i et x>i — x^ sont de même signe, et diminuera si v^x et x^ — x, sont de signes opposés, et p aura une valeur maxima ou minima dans le cas de l'égalité de a:» et x^^. Une discussion approfondie montre que, pour les phases qui sont situées sur la branche de la connodale, qui se trouve du côté des petits volumes, v^^ est toujours positif; au contraire, v^x est négatif pour les phases qu'on peut regarder comme des vapeurs. Si le pli ne s'étend pas jusqu'au bord opposé de la surface, la valeur de v on obtient ^ I — x^ I — x^ I — Xi-+- kxi Pour 0:2= Oj p aura la valeur de la pression de la vapeur saturée du premier composant; désignons-la par /?a. Pour ^2= i , /> aura la valeur de la pression de la vapeur saturée de l'autre composant; désignons-la par /?^. On trouve d'abord C=^pa et puis pi, = P^y d'où ressort _ PaPb — 600 - En éliminaat x^ on obtient pour la relation p =f{x^ ) p =Pa{\ — 3C^)-^pbX^, De sorte que la représentation graphique de p=/(^i) est une ligne droite, et celle àe p ^=f(x2) une hyperbole. M. Hartmann, qui pour des mélanges de GO2 et CH3 Cl a déterminé les valeurs de p, Xi et X2 et aussi celles de i^i et (^2 à la température de 9*", 5, donne en effet des représentations de la pression qui, pour la phase liquide, diffèrent fort peu d'une ligne droite, et qui, pour la phase gazeuse, ressemblent à une hyperbole. Mais la température de 9°, 5, principalement pour CO2, n'est pas assez basse pour qu'on puisse regarder la phase gazeuse comme un gaz parfait. On peut supposer qu'à des températures moins élevées la ressemblance eût été plus parfaite. 3** Les solutions diluées. — Pour des phases liquides , coexis- tantes avec des phases gazeuses, on peut également écrire, tant que V2 est très grand, MRT dp = (Xi — Xi) Kdxl/pT pdxi Mais (-7-7) ne se réduit pas à — r En eénéral il faut y \dx\/pl ^ 37,(1— Xi) ^ J ajouter une valeur qu'on peut représenter par \-r^) » |Jl représen- tant la valeur de pv — MRT \o^{v — bx) ^* Mais dans le cas de X ou de (i — - x) extrêmement petit, la valeur de — ; sur- passe tellement en grandeur la valeur de \-f^) * qu'on peut poser pour les solutions diluées I dp Xi — Xi p dxi " J7i(i — arj) Soit Xi infiniment petit, on aura : P \^i I Les courbes/? =y(X| ) pourront donc faire connaître par la valeur de -J— la valeur du rapport de --• Aj-i *^^ Xi - 60i — Dans le cas d'un corps en solution non volatil on a ^2 = o et par conséquent i dp _ 1 p dxi ~ \ — xi' c'est la loi connue pour déterminer le poids moléculaire par la diminution de la pression. 4° Le cas dev2\ = 0. — Les courbes/? = f^i^x^) elp =f 2(^X2) s'étendent, pour des valeurs de T au-dessous des valeurs de T^^ et de ï^,, depuis x ^^ o^ jusqu'à :r = i , au moins en général, tant que le mélange considéré ne possède pas de température critique en dehors des valeurs de T^ et de T^ . Elles ont au commencement la valeur pa et se terminent par la valeur pi,. Mais si la valeur de ï est intermédiaire entre T^^ et T^^, elles n'embrassent plus toute la largeur des x^ et forment alors une courbe unique. A cette température, le pli se termine sur la surface ^^ et ne s'étend plus jusqu'à la valeur x=: i. Dans le point de la conno- dale qui possède la plus grande valeur de ;r, on a (^21 = 0- Ce point, n'étant pas le point de plissement, est conjugué à un nœud situé à quelque distance, de sorte que Xi et x.2 diffèrent. On a de p'"'(g)„>»- Par conséquent la valeur de -^ en ce point est infinie. Cela veut dire que la courbe p =z f(^x) a en ce point une tangente perpendiculaire à Taxe des x. Les courbes p =zfÇx) pour les températures différentes for- ment une surface qu'on pourrait nommer sur/ace de saturation d^ un mélange, M. Duhem la désigne sous le nom de surface de rosée. IL L'équation différentielle pour x = constante, — La sur- face de saturation est une surface à deux nappes. Les points de la nappe inférieure représentent des phases de vapeurs qui peu- vent coexister avec des phases liquides, représentées par des points de la nappe supérieure. La droite qui réunit ces phases coexistantes est parallèle à l'axe des x. L'intersection de cette surface avec les plans (p^x = o) et (/?, X ^= i) représente la pression de la vapeur saturée soit du pre- mier composant, soit de l'autre. Ces deux nappes se toucheront, - 602 - si la pression à température constante possède un maximum, etU marche des x de la courbe, suivant laquelle ces nappes se toucheol dans ce cas, a été discutée dans une des pages précédentes. Ima- ginons une section de cette surface perpendiculaire à l'axe des x. Elle aura deux branches distinctes, la branche inférieure repré- sentant les vapeurs, la branche supérieure les liquides. La ma- nière suivant laquelle ces deux branches se réunissent pour ne former qu^une seule courbe est fort simple. La branche supérieure monte d'abord avec la température, mais à une certaine tempéra- ture elle passe par un maximum, puis elle redescend pour s'unir à la branche inférieure ; et à une température déterminée, elle u une tangente verticale. Cette température maxima, au-dessus de laquelle le mélange, défini par la valeur particulière de Vx qu'on a choisie, ne possède plus les phases coexistantes, est la tempé- rature critique, du moins si Ton définit la température critique comme la température au-dessus de laquelle la substance reste toujours homogène. Nous reviendrons sur ce point. Il est peut-être superflu de démontrer ce que nous venons de dire quant à la manière dont les deux branches se réunissent. En effet, la discussion des courbes p=zf(^x) suffit pour déterminer la surface et, par conséquent, toutes les intersections de la surface. Cependant il est utile de faire voir comment on démontre direc- tement les particularités que nous avons indiquées plus haul. L*é(jualion différentielle se réduit en prenant dx ~ - o, à -C^)... T " Or, on démontre que, représentant un point de la surface inférieur»* par l'indice i, les valeurs de fji et W2\ sont toutes les deux néga- lives. De sorte que \-fn) est toujours positi\e. Cependant, i-j, peut s'approcher de zéro, sans (jue tv^i puisse acquérir cette valeur. Si i'21 est égal à zéro, on a ( -— ) = ac. Représentant un |>oint df la nappe supérieure par Tindice i , on a d'abord les valeurs de ij, et iVj, toutes les deux [lositivcs, mais à une certaine tempéra- ture iï'ai e>»l é^al à zéro, pour devenir négatif à de plus hautes lem- péraluro. Il n'est pas |)OSsible, sans dépasser l'espace accordé i cet apciTU, de mettre en lumière la manière suivant laquelle cc< - 603 - propriétés peuvent être démontrées, ni même de mentionner les antres points importants de la courbe discutée. III. V équation différenlielle pour p = constante, — L'équa- tion se réduit alors à : Nous ne nous occuperons pas des applications nombreuses de cette formule. Pour l'élévation du point d'ébullition d'un liquide- par la dissolution d'un composant non volatil, elle donne MrdT MRT ^ T {i-xO '' en supposant que la valeur de x soit fort petite. Le s}^mbole r représente la chaleur latente pour l'unité de masse. Comme la valeur de MR en calories est approximativement égale à 2, on trouve valeur connue des lois limites. Les phénomènes critiques d'un mélange. Posons, pour fixer les idées, T^.^^ T^, et imaginons la surface ^ pour une température précisément égale à T^.^. Alors le pli qui sépare les phases liquides des phases de vapeur s'étend à travers la surface entière, depuis x = o jusqu'à x = i. La projection de la connodale touchera droite :r = i au point critique de la substance 2. Ce point sera le point de plissement du pli. Que la température s'élève au-dessus de T^^, alors la conno- dale se rétrécit et n'atteint plus le bord(*). La figure ci-après donne, dans ce cas, la projection de la conno- dale. Mais le point de contact R diffère du point de plissement, que nous avons supposé dévié vers les petits volumes. On démontre de la manière suivante que le point de plissement P ne puisse pas se trouver en R, sauf dans un cas fort exceptionnel. (') Nous supposons qu'il n'y a pas de minimam pour la température critique. — 604 En suivant la connodale depuis A jusqu'à P la pression s'accroît toujours. Cest également le cas en suivant la connodale depuis B Fig. I. jusqu'à P. Donc la pression en P est maxima : c'est la nature même d'un point de plissement que la pression dans un point situé à gauche est égale à la pression dans un point situé à droite. La pression en P doit donc être maxima ou minima. Nous aurions le dernier cas, si nous avions fait dévier P vers les volumes gazeux. Nommons la longueur d'un élément de la connodale ds; nous pouvons poser, dans un point de plissement, -j- = o. Si le point P dp d^^ _ àv^ s'identifiait avec R, on pourrait donc poser ^ ou — Or, un point pour lequel yj = o représente une phase instable, parce que la stabilité exige le signe --devant servir dans le cas d'un point de plissement. Les cas dans lesquels -— = o n'est pas en contradiction avec cette condition de stabilité sont : i° —^ =: ao; 2° (j-^) =^ o. La - 605 - valeur de -r—^ ^:= 00 est donnée par x := o et a: = i, c'est-à-dire par les substances simples. Et nous aurons le cas -r-J- =0, quand même dans le voisinage immédiat de la température cri- tique il y aurait un mélange pour lequel œt = X2* H résulte de la différence entre la situation des points P et R que les propriétés critiques, qui pour une substance simple se trouvent réunies dans un point, seront réparties pour un mélange donné à deux états de la matière qui peuvent différer de beaucoup, c'est-à-dire à deux états de la matière dont la température et la pression peuvent être fort différentes. La première propriété du point critique d'une substance simple consiste dans l'homogénéité à cette température et aux tempé- ratures supérieures, mais cette homogénéité cessera dès que la tem- pérature s'abaissera même d'une quantité infiniment petite. Et le mélange, représenté par la valeur de x pour le point R, possède cette propriété à la température que nous avons supposée et à la valeur du volume que R représente. La seconde propriété du point critique d'une substance simple consiste en ce qu'on peut considérer la phase critique comme la limite des phases coexistantes à plus basse température, qui se rapprochent indéfiniment quand on élève la température, pour devenir identiques, de sorte que le ménisque capillaire disparaît pour Télat critique. La phase représentée par R ne possède pas cette seconde propriété, car elle pourrait coexister avec une autre phase que nous avons représentée par R'. Imaginons que la tem- pérature s'abaisse infiniment peu ; la phase homogène se changera en deux phases hétérogènes dont les qualités différeront non comme pour une substance simple, infiniment peu, mais en deux phases qui ont une tout autre composition et une tout autre densité. C'est la phase représentée par P qui possédera cette seconde propriété du point critique à la température pour laquelle nous avons dessiné la connodale. Dès qu'on abaisse la tempé- rature, et aussi dès qu'on abaisse la pression, nous avons deux phases distinctes, mais dont les qualités diffèrent infiniment peu. Le mélange, dont la valeur de x peut être représentée par Xp^ ne possède cependant pas la première propriété du point critique. Pour des pressions inférieures à celles de la phase en P, elle pré- — 606 — sente deux phases hétérogènes. Pour donner la première propriété de l'état critique à ce mélange il faudrait naturellement élever la température, mais alors la seconde propriété passe à des mélanges dont la valeur de x est plus petite. Donc on peut parler de deux températures critiques pour un mélange déterminé. On en a em- prunté les noms aux propriétés mathématiques des points P et R. On les nomme température critique du point de plissement et température critique du point de contact. Pour un même mé- lange la première est inférieure à l'autre. 11 est des cas où la différence entre ces deux températures cri- tiques est fort minime. Il y a même un cas où la différence est nulle. C'est le cas où les points P et R coïncident, que nous avons déjà traité (page 597) en discutant la condition pour laquelle ^Ti = a:t à la température critique, et que nous avons aussi traité (page 6o5) comme le cas où la valeur de -^—^ = — -p est égale à zéro. Alors, non seulement les deux températures coïncident, mais elles coïncident aussi avec la température critique d'un mé- lange qui aurait les propriétés d'une substance simple, tempé- rature qui, comme pour une substance simple, est définie par la valeur de la fonction —• Nous avons déjà conclu que ce cas peut être réalisé si la fonction j^ possède un minimum. Les expé- riences de M. Kuenen et de M. Quint ont montré, ce que Ton pou- vait d'ailleurs prévoir a priori, que, pour de tels mélanges depuis .r :== G jusqu'à :r = i , les deux températures diffèrent peu. Mais il y a des cas où la différence entre les deux températures est consi- dérable, et l'on peut présumer que ce sera toujours le cas si les températures des deux composants diffèrent beaucoup. Mais alors aussi elles seront toutes les deux de beaucoup supérieures à la tem- pérature critique telle qu'elle serait définie par la valeur de —^ - La condensation rétrograde. Pour comprendre les phénomènes de lu condensation, il faut comprendre clairement la sii^nification d'un point de la droite qui unit deux nœuds d'une connodalc. Un tel point indique que la quantité moléculaire n'est pas en phase homogène, mais qu'elle - 607 - s'est divisée en deux phases dont les qualités sont représentées par les extrémités de la droite. Ces phases ne renferment pas cha- cune la quantité moléculaire. Posons que la phase 2 renferme y molécules et que la phase i en renferme i — y; alors le volume (^ et la valeur a: du point choisi doivent satisfaire aux relations On en conclut que les longueurs des portions de la droite depuis le point donné jusqu'aux extrémités donnent, par leur raison in- verse, les quantités des phases coexistantes. Qu'on se représente un mélange pour lequel ^ (voir la figure de la page 6o4) en phase homogène gazeuse, et dont on di- minue le volume d'une manière continue et en tenant la tempéra- ture constante. Dès que le volume atteint la région hétérogène, une nouvelle phase plus dense se montre; c'est cette phase qui est re- présentée par l'autre extrémité de la droite qui part du point où le mélange entre dans cette région. En comprimant le mélange, les deux phases coexistantes seront données par d'autres droites et différeront donc des paires précédentes. Et pour toutes les valeurs choisies de ^ < ^p la quantité de la phase plus dense croîtra con- tinuellement jusqu'au point où le mélange quittera la région hété- rogène, et, à la limite, la phase plus dense aura naturellement la composition que la phase gazeuse possédait lorsqu'elle était homo- gène. C'est la condensation comme on l'observe ordinairement et que nous nommerons condensation normale. Prenons main- tenant une valeur de x plus grande que Xp, telle que l'on ait xp volumes. Pour des mélanges dont la valeur de x est telle tjue Xi»' /^x ' ^ .r^, il s'agit donc également de condensation rétrograde. Mais alors c'est une phase moins dense qui naît rapidement pour disparaître insensiblement. On distingue les deux condensation^ rétrogrades par les symboles rcl et rcll. La théorie démontre qu*ou devra rencontrer rc II dans les mélanges qui ont une température criti(|ue minima, pour toutes les valeurs de x situées entre celle qui possède ce minimum et celle pour laquelle le mélange se comporte comme une substance simple. Pour les autres valeurs de x, on — 609 - a rcl. Maïs les deux températures critiques sont, dans ce cas, tellement rapprochées que M. Ruenen n'a pu réussir à observer la Condensation rcll qu'à force de soins multipliés. On peut citer une grande quantité d'observations^ qui doivent trouver leur explication dans les propriétés de la figure que nous venons de discuter. Les expériences de M. Cailletet et d'autres physiciens pour rendre un mélange homogène, la tentative de M. Kundt pour faire disparaître le ménisque d'un liquide par la pression d'un gaz non liquéfiable, les expériences de M. Villard pour faire dissoudre des liquides dans un gaz comprimé, et beau- coup d'autres, rentrent dans ce cadre. Dans toutes ces expé- riences, le point de plissement joue un rôle important, mais qu'on a malheureusement presque toujours ignoré ou méconnu. Les courbes critiques. Qu'on se représente deux axes, l'axe des T et l'axe des /?, et que l'on figure par un point la température et la pression, soit du point de plissement, soit du point de contact, le lieu géométrique de ces points pour toutes les valeurs de x, depuis œ = o jusqu'à X =:\y forme la courbe critique soit pour le point de plissement, soit pour le point de contact. Les extrémités de ces courbes repré- sentent les données critiques des composantes. La théorie démontre que ce sont des courbes qui ne possèdent pas de discontinuité. Ce sont des courbes différentes qui n'ont aucun point en commun, sauf dans le cas d'un mélange ayant les propriétés d'une substance simple et dans le cas d'une température minima. Alors elles se touchent dans ces points. On peut les envi- sager comme des projections de courbes situées sur la surface de saturation. Ainsi la courbe critique du point de plissement est une partie du contour apparent de cette surface, quant au plan (/?, T). La courbe critique du point de contact peut être envisagée comme la projection sur le plan (/?, T) du contour apparent quant au plan (T, x). Nous passerons sous silence d'autres particularités et nous renverrons aux recherches expérimentales de MM. Kuenen, Quint et Caubet, et aux recherches théoriques qui ont paru sur ce sujet dans les Comptes rendus de V Académie des Sciences d^ Amsterdam. Nous aurions tort de passer sous silence les tra- G. P., I. 3() - 610 — vaux théoriques intéressants de M. Duhem. Mais M. Duhem, en n'admettant pas de formule déterminée pour Téquation caracté- ristique d'un mélange, ne peut s'occuper que de ce qui résulte de l'application de la Thermodynamique, et quelques-uns des résul- tats auxquels il arrive diffèrent des nôtres, du moins dans leur énoncé original. Les mélanges de substances anormales. Nous avons supposé jusqu'ici que toutes les phases représentées par la connodale du pli qui sépare l'état gazeux de l'état liquide sont des phases stables, et il en est ainsi quand la surface ^ ne présente que ce seul pli que nous nommerons dans la suite pli transversal. Dès le commencement, cependant, la théorie avait entrevu la possibilité que cette surface, dans sa forme la plus compliquée, présentât encore un autre pli dont la direction prin- cipale pourrait être regardée comme parallèle à Taxe des v et que nous nommerons pli longitudinal. Dès que le mélange à l'étal liquide se sépare en deux couches liquides, le pli longitudinal prend une telle extension qu'il croise la connodale des phases liquides du pli transversal. En suivant la connodale des phases liquides du pli transversal, on rencontre, dans ce cas, d*abord un des points d'intersection avec une des branches de la connodale du pli longitudinal, puis un point d'intersection avec une des branches de la spinodale de ce pli, puis des phases instables et enfin les points d'intersection avec les deux autres branches de la spinodale et de la connodale du second pli. Toutes les propriétés d'un mélange de substances qui ne sont que partiellement miscibles, soit en présence de leur vapeur, soit sous de hautes pressions, sont rendues claires par l'étude des propriétés mathé- matiques d'une telle complication. Les trois phases coexistantes, deux liquides et une vapeur, résultent de la circonstance qu'on peut appliquer, contre la surface, un plan tangent qui la touche en trois points. Les deux phases liquides, sous de plus haules pressions, sont représentées par la connodale du pli longitudinal. Mais, dans ces derniers temps, la question s'est posée de savoir si jamais la surface tj>, pour des mélanges de substances normales, peut présenter le second pli, c'est-à-dire si jamais les mélanges - 611 - de substances normales peuvent, dans la phase liquide, posséder la propriété d'une solubilité partielle. On n'a rencontré cette pro- priété qu'en opérant avec des mélanges de substances dont une au moins est reconnue comme anormale. Il est vrai que, dans la formule de la surface 'i, pour des mé- langes de substances normales, on peut attribuer aux six para- mètres a et 6 qui y entrent et à la température des valeurs telles que le second pli s'y présente; et M. Korteweg a pu suivre, dans une étude sur la surface ^, dans le cas de symétrie, les transfor- mations successives de ce pli quand on élève la température. Mais alors la question posée se réduit à la suivante ; Les relations entre les paramètres, nécessaires pour trouver le second pli sur la sur- face pour des mélanges de substances normales, se présentent- elles réellement dans la nature, ou sont-ce simplement des rela- tions mathématiques qui n'ont pas de sens physique? La question est encore ouverte, et des recherches ultérieures devront l'élucider. Mais supposons, ce qui paraît vraisemblable, que le cas de solubilité partielle ne survienne que dans les mé- langes de substances anormales. Alors il faudra remarquer, dès le commencement, que la formule de ^ pour un tel mélange n'est pas connue. Avant de pouvoir la fixer, il faudrait avoir une notion claire du groupement moléculaire dans les substances dites anormales. Renferment-elles des molécules doubles ou triples, comme on admet pour l'explicalion des phénomènes de dissocia- tion dans la phase gazeuse de substances telles que AzO^, l'acide acétique, etc.? Ou est-ce une tout autre complexité qu'on a en vue quand on parle de liquides anormaux? Non seulement la for- mule caractéristique dépendra des différents modes de groupe- ment moléculaire, mais aussi la partie de la valeur de à qui ne dépend pas de l'équation caractéristique variera. Mais, quoique l'é- quation de la surface, dans ces cas d'exception, ne soit pas connue, tout porte à présumer que la surface i, dans ces cas, ne présen- tera pas d'autre complexité que celle qui résulte de la présence du pli longitudinal. Dans ces cas, où la notion du nombre des molécules disparaît en quelque sorte, il vaut mieux construire la surface de l'équilibre pour l'unité de masse. Le mélange se com- pose de I — X grammes du premier composant et de x grammes de l'autre. — 612 — L'équation difTérentielIe des phases coexistantes peut alors garder la forme donnée, mais v^t 6t iV2^ se rapporteront alors non à la masse moléculaire, mais à l'unité de masse. Seulement, la vâ- -T^) sera autre, sans perdre pourtant la propriété d'être positive pour une phase stable, et d'être négative pour un phase instable. On a donc de nouveau, à température constante. En appliquant cette formule aux phases liquides du pli trans- versal, on trouve -^ = o pour les points d'intersection avec la spinodale du pli longitudinal. La courbe /? =y(jri) complète possède donc un maximum et un minimum pour la pression, qui pourtant ne peuvent être réa- lisés, les phases liquides qui peuvent coexister a^ant des compo- sitions en dehors de celles-ci. En élevant la température, ces compositions, savoir celles des phases coexistantes et celles pour lesquelles la pression est maxima et minima, se rapprocheront et, à une température donnée, elles se seront réunies dans une seule valeur. Depuis cette température, le pli transversal aura repris la forme simple qu'il possède dans le cas normal. Ce sont les phénomènes étudiés par MiM. Alexeïef, Natanson, Kolhmund et d'autres savants. La température à laquelle le pli transversal reprend sa forme simple est celle qu'on nomme température critique du nirlans^r complet. Mais, ù cette température, le pli longitudinal n'a pas disparu «It* la surface. Si Ton élève la température, le pli se déplace; il se rô- Irécit et, à la température de mélange complet, il est en voie do (piiller la région occupée par le pli transversal. A celte tempéra- ture, les connodalcs des deux plis se touchent. Pour le pli tran>- verbal on a, pour le point tangent, -^ -- o, sans que les phases liquide et ga/eusc aient nécessairement la même composition. A de plus hautes températures, nous trouvons deux plis isolés dont les connodalcs n'ont aucun point commun. Le pli longitudinal qui s'est retiré vers les petits volumes peut être retrouvé en éle- - G13 — V ant la pression. M. Van derLee a réussî non seulement à détruire rhomogénéîté en élevant la pression, en opérant avec un mélange d'eau et de phénol au-dessus de la température critique, mais encore à déterminer la relation entre l'accroissement de la pres- sion et Télévation de la température nécessaires pour tenir la solution précisément sur la limite de l'homogénéité. On peut, dans ce cas aussi, parler d'une courbe critique, en représentant la tem- pérature et la pression du point de plissement. Les deux plis devant être regardés comme entièrement distincts, la courbe critique du second pli est entièrement différente de celle du pli transversal. Cette remarque peut être utile pour distinguer le vrai pli longitudinal de certaines complications du pli transversal, qui peuvent avoir l'apparence de plis longitudinaux et qu'on ren- contre de même dans les mélanges de substances anormales. Nous en citerons comme exemples les complications que MM. Kuenen et Hobson ont rencontrées dans leurs recherches sur les mélanges d'éthane et de quelques alcools, et qui rentrent peut-être dans le même cadre que les recherches de M. Alexeïef sur les mélanges dont la solubilité décroît avec la température. Quant aux phénomènes critiques entre liquide et vapeur d'un mélange de substances anormales, ils sont fort peu connus. Nous n'avons, à leur sujet, que quelques indications. Il en résulte que, pour arriver à les élucider, il est nécessaire de s'appuyer sur deux propriétés essentielles des plis : i® un point de plissement sera quelquefois irréalisable. Nous en avons un exemple dans le point de plissement du pli longitudinal, qui ne pouvait se montrer qu'à des températures supérieures à celle à laquelle il sortait de la région du pli transversal; 2" deux plis apparemment différents, qui n'ont plus aucune partie de la surface en commun, peuvent avoir la propriété que le lieu géométrique des points de plis- sement ne forme qu'une seule courbe ne possédant aucune dis- continuité. Nous en avons déjà rencontré un exemple sur lequel nous n'avons pas encore attiré l'attention dans le phénomène qui se produit quand un mélange possède une température critique mi- nima. Alors le pli transversal se subdivise en deux plis dont les points de plissement coïncident. A des températures supérieures, les plis embrassent des parties de la surface qui sont entièrement en dehors Tune de l'autre. - 6!i — Ces considérations nous anlorisenl à compléler, par un prolon- gement théorique, la courbe critique dont MM. Kuenen et Hobson ont pu déterminer une partie dans leurs recherches sur les mé- langes d'éthane et d'alcools. Dans ces recherches, ils n'ont pu réaliser les points de plissement pour une série de valeurs de r comprises entre deux valeurs x' et ar^, différentes pour les divers alcools. En complétant de la manière la plus simple la courbe trouvée expérimentalement, on voit qu'il faut admettre, pour la température critique de ces mélanges, une valeur maxima et «m* valeur minima. C'est précisément cette circonstance qui, étant entièrement en contradiction avec les propriétés de mélanges de substances normales, et avec les conclusions de la théorie pour ces mélanges, a attiré l'attention sur le fait que les mélange» mentionnés sont des mélanges dont un des composants est anor- mal. Elle a donc, d'une manière inattendue, donné un appui à l'opinion émise pour la première fois par M. Lelifeldt, que la solubilité partielle ne se trouve que dans les mélanges de sub- stances anormales. Les recherches entreprises pour vérifier cer- taines conséquences de la cause de cette solubilité plus ou moins restreinte ne sont pas encore terminées. Nous avons, dans notre Rapport, principalement dans la partie qui traite des mélanges de substances anormales, émis des idées qui, du moins pour le présent, ne sont pas inattaquables. C'est que nous crojons que le but d'un tel rapport n*est pas seulement de mettre en lumière ce qui est définitivement acquis à la Science, mais qu'il doit également servir à montrer ce qui a encore besoin de vérification. En remplissant cette partie de notre tâche, nous pensons atteindre notre but en montrant comment les mêmes principes, qui ont permis d'élucider ce qui est clair aujourd'hui, peuvent servir, par extension, à faire comprendre ce qui est obscur encore. Cl» - LES MÉTHODES DÉTERMINATION DES CONSTANTES CRITJQUES, ET LES RÉSULTATS QU'ELLES ONT FOURNIS: Par É. MATUIAS, rnOKE88EUU A LA FACULTÉ DKS SCIENCES DB L'UNIVERSITK DE TOULOUSE. Dans la question de la délerminalion des constantes critiques, il y a lieu, évidemment, de considérer à part le cas des corps homogènes et celui\les mélanges. PRKSiièRK Partik. - CORPS HOMOGÈNES. La première question qui s'impose est la définition des con- stantes critiques, Tobjet de ce Rapport n^ayant de sens qu'autant que cette définition sera claire et précise. Les expériences de MM. W. Ramsaj, Battelli, Amagat ont montré que la forme générale des courbes isothermes (tracées dans le plan des /?, v) est bien celle qui a été donnée par Andrews dans le cas de Tacide carbonique ; les isothermes d'Andrews représentent donc très vraisemblablement le cas général des corps homogènes. Dès lors, la température critique est définie comme la température de Tisotherme unique, qui présente un point d'in- flexion à tangente horizontale; la pression critique et le volume critique sont les deux coordonnées de ce point d'inflexion. La considération de la courbe de saturation permet encore de dire que la pression critique est la pression de la vapeur saturée lorsque la température est la température critique et que le volume - 616 — critique (') est la limite commune vers laquelle tendent les vo- lumes spécifiques du liquide saturé et de la vapeur saturée lorsque la température tend vers sa valeur critique. Le point critique d'un corps homogène est l'état défini parle point d'inflexion K à tangente horizontale (qui est aussi le som- met de la courbe de saturation AKA'), c'est-à-dire celui dans lequel le corps est à la température critique sous la pression cri- tique et, par conséquent, avec la densité critique {fig* i). Fig. I. Je passerai en revue les méthodes expérimentales de détermi- nation des constantes critiques en considérant successivement celles qui donnent d'emblée les trois constantes critiques, celles (jui n'en donnent que deux et, enfin, celles qui n'en donnent qu'une seule. J'examinerai ensuite la détermination de ces mêmes constantes fondée sur l'çxistence de formules particulières qui relient les constantes critiques à d'autres éléments accessibles à l'expérience. I. — Méthodes donnant les trois constantes critiques d'un corps homogène. Selon que l'on définit le point critique par le point d'inflexion à tangente horizontale ou par le sommet de la courbe de saturation, on aboutit à des méthodes expérimentales absolument difl'érentes. (') Le volume critique est l'inverse de l.i densité critique. — 617 — parce que, dans le premier cas, on utilise presque exclusivement les propriétés de la matière à l'état gazeux, tandis que le second cas intéresse seulement l'état de saturation de la matière. — La méthode qui correspond à ce second cas a été employée avec succès dans ces derniers temps par M. S. Young et ses élèves, d'une part, d'autre part par M. Amagal dans le cas de l'acide car- bonique (*). Expérimentalement, il suffît de mesurer des densités de liquide et de vapeur saturée, ainsi que la pression de la vapeur saturée sur un corps parfaitement défini et rigoureusement pur. A température constante, on observe dans un tube gradué et ca- libré les volumes respectifs du liquide et de la vapeur saturée; connaissant la masse totale de fluide introduite dans l'appareil, on a ainsi une première relation entre les deux sortes de densités à la température constante considérée. On en obtient une seconde en vaporisant un volume connu de liquide et déterminant le volume de vapeur saturée qui prend naissance; on a ainsi immédiatement le rapport des deux densités et, par suite, deux relations entre les deux densités qui per- mettent de les calculer avec précision. Cette mélhodea été proposée à peu près simultanément, à quelques variations près, par M. Ama- gat et par M. Mathias ; elle a, en fait, été appliquée pour la première fois par M. Amagat et les résultats ainsi obtenus ont été publiés en 1892 par ce physicien. Ces mesures de densités, dont le cri- térium d'exactitude est la vérification de la loi du diamètre rec- tiligne (-), peuvent atteindre un haut degré de précision, ainsi qu'en témoignent les travaux de M. S. Young, qui sont des mo- dèles d'exactitude et de conscience scientifique. Ce qui est capital dans la méthode fondée sur l'état de satura- tion, c'est la détermination de la température critique, car, cet élément connu, les deux autres s'en déduisent immédiatement. On peut la déterminer graphiquement ou par Texpérience. La méthode graphique consiste à construire la courbe des den- sités, après avoir poussé la mesure de ces quantités jusqu'à 2 ou (•) Il convient également de citer les travaux de Nadejdine et de Sajotchewski, exécutés avec le dispositif d'Avenarius, mais dont la précision est moindre que celle des expériences de M. S. Young. (^) Dans l'hypothèse que la masse moléculaire de la substance considérée ne dépend pas de la température, comme cela arrive pour l'eau et les alcools. " «18 — 3 dixièmes de degré de la température critique, et à raccorder le» deux courbes, ce qui peut se faire avec beaucoup de précision (• ». ij*intersection de ia courbe de raccordement avec le diamètre rec- tiligne détermine à la fois la température critique et la densité critique; quant à la pression critique, elle sera déterminée gra- phiquement au mo^en de la courbe des pressions de vapeur satu- rée extrapolée jusqu^à la température critique, ou par le calcul au moyen d'une formule représentant bien les pressions mesurées. M. S. Young préfère déterminer la température critique de la ma- nière suivante : Il s'arrange de façon que la masse connue de fluide sur laquelle il opère occupe son volume critique (^). Il porte alor» la température à im degré tel que le ménisque, devenu plat et indistinct, vienne de disparaître ; si une très légère détente ne donne qu'un nuage, on est un peu au-dessus de la température critique ; si elle redonne le ménisque, on est à la température critique ou un peu au-dessous. On fait successivement des rssais à des températures constantes qui diffèrent entre elles dr ipielques centièmes de degré, et, dans la pensée de M. S. Young. on détermine ainsi la température critique à quelques centièmo V..'\\. \MAViATf Journ. de l'hjs., S' MTic, I. 1. 1>. nyn iH<|i. Il (\»u%icai *. •^<»ÎJ)- (') Des expérirnrc?» prrliiiiinairrs de mes de isée par la densité critique, donae «o« volume critique. — 619 — d'Andrews; on obllenl ainsi un réseau d'isothermes qui peut embrasser un intervalle de température considérable, mais qui, en général, ne contient pas l'isotherme critique. On utilise alors l'ensemble des mesures pour le calcul des coefficients d'une équation caractéristique (») /(^,i^, /)r=o d'où l'on déduira, après coup^ les constantes critiques, soit par la méthode de M. Sarrau et la résolution des trois équations simultanées soit en identifiant l'équation /(/?, Vy t) = o, lorsquelle est du troisième degré en v et mise sous la forme avec l'équation (i* — cp)^ = o, dans laquelle cp désigne le volume critique. Le calcul d'une équation caractéristique a toutefois l'inconvé- nient d'introduire entre les constantes critiques une relation né- cessaire fiPci tV, te) = 0 qui tient à la forme même de l'équation adoptée et qui peut être plus ou moins éloignée de la vérité. C'est ainsi que l'équation de Van der Waais donne, pour exprimer la densité critique, une relation tout à fait inexacte (Nadejdine) ; à ce point de vue, l'équa- tion de Clausius donne des résultats meilleurs. Toutefois, de nou- velles recherches sont nécessaires pour libérer les physiciens des incertitudes provenant de leur ignorance de la véritable forme de l'équation caractéristique des corps (-). En résumé, la méthode d' Andrews, en tant que méthode de détermination des constantes critiques, est beaucoup plus pénible et beaucoup moins directe que la méthode fondée exclusivement sur les propriétés des fluides saturés; cela tient à ce que, dans l'étude de la compressibilité des gaz et des liquides, les constantes critiques n'interviennent, pour ainsi dire, qu'accidentellement, ( ' ) Voir le Rapport de M. Amagat, p. 569. (^) La thèse de M. Max Reinganum, ainsi que les travaux récents de M. D. Herthelot et de M'°* Kristine Meyer, marquent un progrès sensible dans cet ordre d'idées. - 620 — tandis qu'elles s'imposent dans l'étude de la courbe de saturation dont elles définissent le point le plus remarquable : le sommet. Les deux méthodes ont cela de commun qu'elles exigent impé- rieusement qu'on opère sur un corps chimiquement pur (* ) et qu'on utilise des étuves ou des bains à température rigoureuse- ment constante. Il est nécessaire de tenir compte, dans de sem- blables éludes, des remarques de M. Gouy relatives à l'action de la pesanteur, qui est notable au voisinage du point critique, et de disposer horizontalement, si faire se peut, les tubes divisés dans lesquels on étudie le fluide à température constante. 11 est intéressant, lorsque cela est possible, de constater Tidentité des constantes critiques extraites de l'équation caractéristique qui représente l'allure des isothermes les plus éloignées de l'état de saturation avec celles que fournit l'étude exclusive de l'étal de sa- turation. Une telle vérification a pu être faite dans le cas de Facide carbonique, la température et la pression critiques de ce gaz cal- culées par M. Tait (^) sur le réseau publiéparM. Amagat, en 1891, au mojen de l'équation caractéristique pv= RT^i-i- — — V étant pour ainsi dire identiques avec celles que M. Amagat a ob- tenues en 1892 au moyen des états saturés C^). Nous venons de voir que l'obtention des constantes critiquer au moyen d'un réseau d'isothermes est une opération qui exige des calculs longs et pénibles et dont le résultat participe de Fim- perfection de l'équation caractéristique employée pour fiiire ce calcul. Il serait beaucoup plus simple d'y arriver par un procédé (') La détermination des constanles critiques des corps dont la température critique est voisine du point d'ébullition du mercure est évidemment un peu faussée par la présence des vapeurs de mercure. H est tout à fait nécessaire d'en tenir compte dans la mesure des pressions de vapeur saturée et, par suite» de la pression critique; cependant, M. S. Young a imaginé un dipositif qui élimine complètement cette cause d'erreur et qui permet d*étudier des corps à tempéra- ture criti(|ue très élevée, tels queSnCM et C^Cl*. ( = ) Tait, Trans. of the Hoy. Soc. 0/ Edinburgh. t. XXWI, 11' Parlio. p. 257; avril 1891. Le volume critique n'est donné que par une limite supérieure et une limite inférieure dont il est, à la vérité, sensiblement équidistant. (^) Amagat, Journ» de Phys., 3* série, t. II, p. 992; 1892. - 621 - purement mécanique; c'est ce que M. Amagat a essayé défaire comme conséquence de sa vérification, en bloc, de la loi des étals correspondants ('). Étant donnés deux réseaux d^isolhermes appar- tenant à deux corps différents, on peut toujours rendre l'un d'eux semblable à l'autre par une extension ou un raccourcissement sui- vant Tun des axes de coordonnées ; dès lors, il suffira de l'agrandir ou de le diminuer en le laissant semblable à lui-même pour que sa coïncidence avec le second puisse avoir lieu. En fait, M. Amagat a obtenu des superpositions de courbes fort remarquables. Si la superposition des réseaux était rigoureuse, on en déduirait immé- diatement les constantes critiques de l'un des corps, connaissant celles du second ; les constantes critiques de l'acide carbonique pouvant être considérées comme bien connues, il suffirait de com- parer les réseaux d'isothermes de tous les corps à celui de l'acide carbonique pour avoir ainsi leurs constantes critiques indépen- damment de toute équation caractéristique. J'ai eu l'occasion de démontrer que, la superposition des réseaux d'isothermes n'étant qu'approximative, cette méthode peut fournir des con- stantes critiques erronées. En limitant son application aux corps d'un même groupe, cette méthode regagne aussitôt en précision ce qu'elle perd en commodité et l'on ne fait que reculer la diffi- culté, car on ne sait pas a priori à quel groupe un corps appar- tient. La nécessité de ranger les corps en groupes (^) dans l'intérieur de chacun desquels les lois des états correspondants sont véri- fiées à un haut degré d'approximation montre que les propriétés d'un fluide donné ne sont pas déterminées par les seules con- stantes critiques de ce fluide; il faut y adjoindre d'autres para- mètres spécifiques. La considération du diamètre recliligne en met immédiatement un en évidence, c'est le coefficient angu- laire a de ce diamètre qui varie d'un corps à Tautre, ou encore la quantité a généralement voisine de l'unité et définie par e a = — a — , A (' ) Pour ce qui concerne les états correspondants, voir le Rapport de M. Ama- gat, p. .'371. (-) E. Mathias, Sur la densité critique, p. 9 {Ann. de Toulouse^ 1892). — 62i — B et A étant la température critique absolue et la densîlé crl- lique. M.D.Berthelot a proposé récemment (*) d'adjoindre un second paramètre qui n'est autre que le volume minimum réduit U/». Ces considérations sont pleinement confirmées par le travail de jyjme Kristlne Meyer (-) qui montre que l'on vérifie remarquable- ment les lois des élats correspondants sur les corps les mieux étu- diés à la condition de prendre pour les températures absolues et les volumes des zéros particuliers variables d'un corps à l'autre. Les propriétés des fluides seraient alors déterminées, outre les constantes critiques, par deux paramètres spécifiques dont la ([uasi-constance pourrait servir de définition aux groupes dont il a été question plus haut. De ces deux paramètres, l'un a une im- portance prépondérante, l'autre étant peu variable; on s'explique ainsi que les conclusions auxquelles conduit la variation de la seule constante a soient, en somme, vérifiées par les calculs beaucoup plus compliqués de M™* Meyer. II. — Méthodes donnant deux constantes critiques. Les quatre méthodes que nous allons rencontrer se partagent en deux groupes bien distincts : les deux premières, qui donnent à la fois la température critique et la pression critique, utilisent toutes deux des appareils métalliques, opaques, et s'appliquent à des corps susceptibles d'attaquer le verre; les deux autres mé- thodes sont fondées, au contraire, sur l'observation du corps dans un tube de verre gradué, qui peut être scellé et contenir unique- ment la substance à l'état de pureté, et donnent l'une et Taulre la température et la densiré critiques. Premier groupe, — La méthode de MM. Cailletet et Colar- (leau, ap|)licable surtout aux corps qui sont liquides à la tempé- rature ordinaire, consiste à remplir un tube d'acier de niasst > variables du liquide expérimenté et à déterminer pourcha(|ue pro- portion du liquide la courbe des pressions développées par celui-ri (') l). IJeutiielot, Comptes rendus, t. CXW, p. 71^; ujoo. {') M'"« KiusTiNE Mkyeu, Zcitschr, fiir Phys. Chemie, t. XWU, p. 1 : ,4,0.,. lorsqu'on le cliauflTe a volume constant (•). La superposition sur un même diagramme de tous les résultats expérimentaux (en portant les températures en abscisses et les pressions en ordon- nées) fournit une courbe unique ABC terminée par des sortes de barbes de plumes {Jig- 2). Lorsque, à une température don- née, il y a dans le tube d'acier de la vapeur et du liquide, la pression observée est rigoureusement indépendante de la quantité de liquide introduite. Par TefTet de réchauffement à volume con- stant, le tube d'acier se vide ou se remplit totalement de liquide selon que la densité moyenne du remplissage est nettement infé- Kig. 2. rieure ou supérieure à la densité critique du corps. Dans le pre- mier cas, à partir du moment où le liquide disparaît, la pression de la vapeur, à une température donnée et pour la valeur con- stante du volume, esl plus faible que celle de la vapeur saturée et donne une branche de courbe (barbe inférieure : BB'', CC", etc.) faisant avec le prolongement de la courbe ABC. . . obtenue à tem- pérature plus basse et au-dessous un point anguleux dont l'angle est d'autant plus petit que la température de disparition du liquide est plus éle\fée, c'est-à-dire que la masse du liquide est plus grande. Si, au contraire, la masse de substance introduite est trop grande, le liquide remplit par sa dilatation le volume constant à une tem- pérature à partir de laquelle la pression s'élève plus vite que la pression de la vapeur saturée. On a, cette fois, une branche do courbe (barbe supérieure : BB', CC, . . .) faisant avec le prolon- (') A lu dilatation près du tube d'acier. — 624 - gement de la partie régulière ABC. .. et au-dessus un point an- guleux dont V angle est d^ autant plus petit que la température de la disparition de la vapeur est plus élevée, c'est-à-dire que la masse du liquide est plus faible. Lorsqu'on opère avec des densités moyennes très voisines de la densité critique, soit en plus, soit en moins, le phénomène de Cagniard-Latour se produit avant que le tube soit complètement plein de liquide ou de vapeur et la température du point d'attache de la barbe, supérieure ou inférieure, est un peu trop basse. La température critique est alors la température maxima à laquelle les deux sortes de barbes se rattachent à la courbe unique ABCD. . . due à la seule pression de la vapeur saturée, ou encore la température à laquelle les deux barbes partant de chaque point de la courbe unique se confondent {'). La pression critique est Tordonnée de la courbe unique correspondant à la température critique; avec le dispositif de MM. Gailletet et Colardeau, il faut, de toute nécessité, tenir compte de la pression de la vapeur de mercure. La seconde méthode, qui utilise la détente, a été employée par Wroblewski (i885) et M. OIszewski (1890); elle s'applique, au contraire, aux gaz dont la température critique, nettement infé- rieure à la température ordinaire, permet, sans crainte de liqué- faction, de les soumettre à des pressions considérables dans des récipients mélalliques disposés à cet effet. Au moyen d'un mélange réfrigérant, portons le gaz, soumis à une pression notablement supérieure à sa pression critique, à une température supérieure d'une dizaine de degrés seulement à sa température critique, puis laissons-le se détendre aussi lentement (') Lois(iu'on s'astreint, coiiinic l'ont fait MM. Cailletct et Colardeau dans le cas de l'eau, à n'opérer que sur des masses de liquides telles que la densité moyenne du remplissage soit inférieure à la densité critique, mais peu éloignée d'elle, les barbes inférieures forment un pinceau qui semble partir d'un point unique dont les coordonnées définissent la température et la pression critiques. En réalité, on n'obtient ainsi que des valeurs légèrement par défaut de ces deux éléments. Je crois préférable d'opérer avec des masses de liquide très différenles, de manière que le diagramme qui résume toutes les expériences présente en mi^me temps des barbes supérieures et inférieures. On distinguera mieux dans ces con- ditions, ce me semble, la limite supérieure de leurs points d'attache. - 625 - que peut le permettre Yadiabatisme de la délente. Celte détenlc abaisse à la fois la température et la pression du gaz ; à un cer- tain moment, la température du gaz atteint et dépasse légèrement la température critique; si la pression subsistante est supérieure à la pression critique, le gaz se liquéfie brusquement sous la pres- sion critique, puis, comme il y a écoulement du gaz par un orifice étroit, la pression est maintenue constante par une ébullition tumultueuse du liquide. L'expérience a prouvé, entre les mains de M. Olszewski, que dans le cas de l'hydrogène, pourvu que la pression initiale du gaz maintenue à — 211° fût supérieure ou égale à 80*^™, la température d'ébullition brusque ( — 284°, 5) était constante, ainsi que la pression de 20*'" sous laquelle se faisait cette ébullition: — 234", 5 et 20*'"' sont donc la tempé- rature et la pression critiques de l'hydrogène (*). Lorsque la pression initiale de l'hydrogène maintenu à — 211" est inférieure à 8o*"", on observe dans le phénomène de la détente une ébullition brusque à une température et sous une pression d'autant plus basses que la pression initiale est plus faible; la signification précise de celte température d'ébullition brusque et de la pression passagère qui lui correspond n'apparaît pas bien clairement; toutefois M. Olszewski admet que l'on obtient la tem- pérature d'ébullition normale de Thydrogène lorsque la délenle se fait sous la pression de l'atmosphère. La méthode prcédente, vérifiée sensiblement par M. Olszewski dans le cas de l'oxygène, est évidemment d'une application déli- cate. Second groupe. — Les méthodes du second groupe sont pro- fondément différentes des précédentes; elles ont ceci de commun (ju'elles n'exigent, avec les corps à point critique supérieur à la température ordinaire, qu'un dispositif expérimental en quelque sorte rudimentaire, la seule complication provenant uniquement de Tétuve à température constante, qui permet de porter le corps expérimenté à une température arbitraire, mais constante pendant (') Des eipériences récentes de M. J. Dewar {Royal Institution of G reat Bri- (ain, Weekly evening meetings Friday, January 2o^^\ 1899) donnent i5'*", f pour pression critique de l'hydrogène. Wroblewski avait trouvé i3»^,3. C. P., I. 40 Il ii — 696 — la durée de rexpérîence; en oulre^ ce sont des méiliodei loeot optiques reposant sur l'obser%atioa de l^ surface de tioo du liquide et de sa vapeur daos le tube d^es^périence. Si le corps expériœeDté est liquide â la iempénture € pression ordinaires, on l'introduit à l'état de pureté dan> a de verre étroit que l'on ferme ensuite à la lampe et que Vol dans un bain dont on élève progressîveoieot la tempérât manière qu*on puisse observer la disparition du ménisque. Si le corps considéré est gazeux à la température ordin^ faut construire avec le gaz Iiqué6é supposé piirfcUle ment p lube de Natlerer, ce qui présente des difGcultés pratique: grandes, car il faut abaisser suffisamment la température poi le gaz puisse se liquéfier sous une faible pression. L'emplo bain d^élhvlène liquide bouillant sous la pression atmospht à — io3** permettra de liquéfier la plupart des gaz sous la pn atmosphérique. Dans ie cas des gaz liquéfiés fournis par l'industrie, M. OIsze M. Kuenen et M. Villard ont indiqué les précautions minuii à prendre pour arriver à une pureté parfaite. Nous supposons donc un corps pur, partiellement à l'ét liquide et de vapeur, renfermé dans un tube cjlindrique ver à parois assez résistantes pour qu'on puisse négliger les varia de son volume V sous l'influence de sa pression intérieure • • Von admet avec Nadejdine, M. S. Young et J/. Goiiv y - . y disparition du ménisque d'un mélange de liquide et de va^ se fait rigoureusement à la température critique lorsqu densité moyenne D^ du mélange est égale à la densiu- tique de la substance, tout Tefl^ort de rexpérimenlaleur lent réaliser celle dernière condilion. On démontre aisément que. (|u'il en esl ainsi, le niveau critique occupe, à la température lique, juste le milieu du tube; dès lors on fera varier la qua laquelle — est porté en abscisse et exprimé en centièmes, les pressions étant portées en ordonnées et exprimées en millièmes d'atmosphère. S étant donné par des tables, si h est exprimé en centimètres et p en atmosphères, ou a alors h .-. 227-; (p — V) — 0,022278. Au-dessus de la surface on aura h -- 22.Î7 {P — p) -h 0,02227 S. Quant à la densité moyenne entre la surface et le plan horizontal A, clic est donnée, en prenant la densité critique pour unité, par P - ï' 0 — 2227 ; ' h On trouve ainsi, à la température critique, le Tableau suivant : p - p = 7: Au-(les9ous de la surface Aii-dc4»us ilr !• surfatr en millièmr* ,- — — - — ^ — — d'atoiusphère. /r. 0|. (MU 0,00 o I 0,5 i,Oi)iy 1,017'f 1 2, iSl I ,021 I 2 4j3'^7 ' ,0270 3 6,'|Si i,o3o8 4 8,()i6 i,o33() 5 i^w^T i,o363 n- Of cm 0 1 I, l323 0,98322 2,270 «i97^9 4,575 0,9735*1 6,890 o,9»Mj67 9,212 0,9670 ii,5ao 0,9^407 - 629 - pour un lube de 20*^"* on aurait environ le double. Ainsi donc la densité moyenne du remplissage donnerait avec un haut degré d^approximation la densité critique. Cette méthode ayant donné à Nadejdine des densités critiques trop faibles de plusieurs cenlièmes ('), il y aurait intérêt à en reprendre Inapplication en employant l'étuve de M. Gouy et sa méthode d^observation de la surface du ménisque. La méthode précédente repose sur une hypothèse qui, d'après les vérifications de M. S. Young sur le pentane normal, ne peut être que très voisine de la réalité; j'ai cherché à m'en affranchir, autant que faire se pouvait, dans une méthode décrite dans le Mémoire annexé à ce Rapport et qui, à aucun moment, ne repose sur des relations tirées des équations caractéristiques des fluides, c'est-à-dire sur des relations empiriques. Cette méthode fournil d'ailleurs la température critique et la densité critique du corps expérimenté. III — Méthodes donnant une constante critique. Au point de vue expérimental, ces méthodes ne peuvent pas s'appliquer à la pression critique, ni à la densité critique, qui sup- posent toujours la connaissance préalable de la température cri- tique; elles se rapportent donc exclusivement à la détermination de la température critique. Ces méthodes peuvent être rangées dans quatre groupes différents. I® Méthode reposant sur l'égalisation des densités du li- quide et de la vapeur. — C'est une méthode élégante, mais peu précise, qui a été mise en œuvre par Nadejdine dans le cas de l'eau et dans celui du brome. Un tube d'acier, platiné ou argenté à l'intérieur, contenant la substance expérimentée est porté, à la manière d'un fléau de balance, par un couteau placé en son milieu. L'excès de densité du liquide fait pencher le système aux (* ) Mathias, Densité critique {Ann. de Toulouse; 1892).— Il convient d'ajouter que, pour Nadejdine, le volume critique était caractérisé par l'apparition et la disparition du nnénisque quelque part dans le milieu du tube (mais non rigou- reusement au milieu), sa réapparition étant précédée d'un trouble caractéristique se produisant sur toute l'élendue du fluide {Exner*s Repertorium, t. III, p. 617.) - 630 - tempéralures inférieures à la lempéialure critique; au momenl de l'égalisation des densités, le fléau devient horizontal et la tempé- rature de l'étuve définit alors la température critique. Cette méthode a le défaut d'exiger que Ton procède par tempé- ratures ascendantes; pratiquement elle a donné, dans le cas di» l'eau, une température critique trop faible alors qu'on aurait pu s'attendre au résultat contraire. 2** Méthode fondée sur r identification des indices de réfrac- tion du liquide et de sa vapeur {^). — Cette méthode a été appli- quée à l'acide carbonique par M. J. Chappuis. L'acide carbonique liquide était compris entre deux épaisses glaces fixées dans un bloc en acier et laissant entre elles une cuve à faces parallèles de i*^™,64o d'épaisseur. Ce récipient élait plongé dans une caisse à eau munie de glaces optiquement travaillées; les deux rayons fournis par des miroirs de Jamin, en sortant d'un compensateur de Billet, traversaient la cuve pleine d'eau, dans laquelle l'un tombait sur la cuve à acide carbonique tandis que l'autre rencon- trait une lame de verre dont l'épaisseur était égale à celle des lames qui fermaient les regards. On observait les franges en lumière blanche : l'eau était portée rapidement à 35**; le mouve- ment continuel d'un agitateur et un écoulement goutte à goutte d'eau à 45" permettaient de régler un abaissement régulier de la température de -^ à -^ de degré par minute. Dans ces conditions on peut suivre les franges, qui restent d'une observation facile sans même qu'il y ait besoin d'arrêter l'agitateur. Tant que l'on est au- dessus de la température critique vraie, les franges restent immo- biles, l'indice est constant; à parlir de cette température les franges tombent et Tindice augmente rapidement. Si l'on porte les températures en abscisses et les indices en ordonnées, on trouve que la courbe des indices, à la température critique, présente une tangente t;e/7/ca/e dont l'intersection avec la droite figurative de l'indice au-dessus de cette température (/i zzr c'®) définit admirablement la température critique. Les ré- sultats obtenus de cette façon sont toujours identiques, à -j—j ou ,^ô de degré près, pourvu que Von opère avec une température (') Pour l'imporiantc question «le l'iiKlire critique, se reporter au Rapport de M. le prince B. Galitzine. — 631 — descendante; il n'en est pas de même sî Ton procède par élévation lente de la températnre. Cette méthode a donné pour CO^ un nombre (3i®,4o) extrê- mement voisin de la température critique (3i®,35) donnée par les expériences de M. Amagat au moyen d'une construction gra- phique. 3® Méthode fondée sur r ascension du liquide dans un tube capillaire. — Plusieurs physiciens, Hannay, de Heen, Schmidt en particulier, ont essayé de déterminer la température critique par des observations capillaires. A cet effet, un tube de très petit diamètre intérieur est disposé dans Taxe d'un tube plus large contenant le liquide expérimenté. On élève la température lente- ment et Ton note celle-ci lorsque le ménisque disparaît, auquel cas l'ascension capillaire est nulle. Au fond, cette méthode nest qu^ une forme plus compliquée de la méthode du tube scellé; par suite, on n'observe qu'une température te de Cagniard-Latour, laquelle dépend de la densité moyenne du remplissage {voir la Note annexée au Rapport). Alors que certains auteurs, comme J.-B. Hannay, disent que la température à laquelle l'ascension capillaire est nulle coïncide avec la température critique dans le cas d'un liquide pur, d'autres expérimentateurs, comme J.-W. Clark, affirment la réalité de la dépression du ménisque au moment de sa disparition. Cette dé- pression, déjà observée pour l'éther par M. Wolf, ne se produirait pas entre deux lames parallèles et ne s'observerait pas non plus quand le tube capillaire plonge très peu dans le liquide, etc. (*). Cette dernière particularité s'explique aisément; quand le tube capillaire plonge très peu dans le liquide, c'est que la densité moyenne du remplissage est faible; par suite, la disparition du ménisque se produit sensiblement au-dessous de la température critique, c'est-à-dire à une température pour laquelle l'ascension ( ' ) D'après M. Clark, on pourrait observer avec des tubes capillaires, en ce qui concerne la dépression, des bizarreries qui demanderaient à être étudiées systé- matiquement et qui, peut-être, sont dues à des traces d'impuretés. Hannay avait déjà observé que, si l'ascension du liquide dans le tube capillaire se fait en présence d'un gaz étranger, la température pour laquelle l'ascension est nulle s'abaisse aussitôt. — 632 - très pelile est cependant positive; on conçoit donc très bien qu'on n'observe pas de dépression dans ce cas. Dans le cas des lames parallèles, la dépression, si elle existe, est moitié plus petite que dans le cas d'un tube capillaire dont le diamètre est égal à la distance des lames parallèles; comme elle est fort petite dans ce dernier cas, elle peut très bien n'être pas observable avec des lames parallèles, surtout si l'on opère avec de faibles densités moyennes. Les hauteurs d'ascension n'étant exactes que si le ménisque descend, on voit que cette méthode exige que l'on opère avec une température ascendante; d'autre part, sauf à la partie inférieure où se trouve l'excès de liquide, le tube capillaire est entouré d'un manchon de vapeur mauvais conducteur de la chaleur; comme il y a impossibilité d'agiter le liquide au moyen d'un agitateur tel que celui de Ruenen, pour admettre que la température de l'axe du tube capillaire soit égale à celle de l'étuve dans laquelle l'ap- pareil est placé, il faut que la température de cette étuve croisse avec une lenteur extrême et puisse, à certains moments, rester rigoureusement constante. S'il n'en est pas ainsi, il y a forcément un retard de l'appareil sur la marche ascendante de l'étuve, et la température critique est largement dépassée quand on voit le ménisque s'évanouir dans Taxe du tube capillaire. On s'explique ainsi que cette méthode ait donné en général des températures critiques trop élevées. C'est un fait d'observation déjà ancien que la hauteur de l'ascen- sion capillaire décroît suivant une fonction linéaire de la tempé- rature; Brùnner (cité dans la Thèse de M. Wolf), donnait dès 1847, pour l'ascension capillaire de l'élher, une formule linéaire; le fait a été vérifié fréquemment et notamment dans ces derniers temps par E.-C. de Vries sur l'éthylène, par Verschaffelt sur l'acide car- bonique et le chlorure de méthyle. Pour obtenir les hauteurs d'ascension obtenues, il faut se livrer à des corrections minu- tieuses relatives à l'espace annulaire, du genre de celles dont iM. Verschaffelt a fait la théorie. Si une loi linéaire était la réalité, il serait inutile d'aller jusqu'à la température critique; il suffirait d'établir la formule linéaire dans un intervalle étendu dont la limite supérieure serait voisine de la température critique et d'ex- trapoler légèrement la formule en écrivant que l'ascension est — 633 - nulle. Il est curieux de constater que, de cette façon encore, on obtient généralement des valeurs par excès de la température cri- tique. La méthode de l'ascension capillaire est donc une méthode très pénible, mais peu sûre, de détermination de la température cri- tique. 4° Méthode fondée sur les propriétés des mélanges. — (^ette méthode a été appliquée pour la première fois par M. O. Slrauss au cas de Teau. Elle repose sur ce fait expérimental qu'un mélange de deux corps, considéré comme corps homogène, paraît avoir une température critique propre ('). Si donc on détermine par un procédé quelconque, par exemple par la méthode du tube scellé, qui est la plus simple de toutes, la température critique T du mélange, si de plus on connaît la loi qui relie T aux tempé- ratures critiques t et t' des composants et à la composition du mé- lange, on pourra déterminer ainsi indirectement la température critique de l'un des décomposants, connaissant celle de l'autre et celle du mélange. Si a et p sont les poids des composants, on a, d'après Strauss (=^), Grâce à cette formule et à des expériences faites sur des dissolu- lions aqueuseà d'alcool et d'élher, Strauss a pu prédire à fort peu près (S^o**) la température critique de l'eau, fixée quelque temps après par M. Battelli d'une part, MM. Gailletet et Colardeau de l'autre, au voisinage de 365". La méthode de Strauss a été l'objet de nombreuses vérifications. Elle marche assez bien pour quelques liquides (^); cependant ( ') Voir plus loin la raison de ce fait et les circonstances qui le limitent. (^) Celle formule est ordinairement appelée formule de Pawlewski; mais, d'après Stoletov {Phys. Revue de Graetz, t. II, p. 44)» ^3 priorité semble appar- tenir à Strauss, bien que la formule ait été énoncée pour la première fois dans un Mémoire de Pawlewski {Chem, Ber,y t. XV, p. 4^o; 1882). (') On doit noter à l'actif de cette formule les recherches de F.-V. Dwelshau- vers-Dery Sur la température critique des dissolutions aqueuses d'alcool et d^acétone, d'où il tirait pour l'eau respectivement T = 365« et T ::= 368». Cet expérimentateur observait dans ses tubes scellés la formation de deux phases liquides et d'a/te phase vapeur; la température s'élevant, le ménisque supérieur disparaissait, et l'auteur définissait la température critique du mélange par la tem- pérature de disparition du second ménisque, la température croissant lentement. — 634 — pour les mélanges d*acide carbonique et diacide chlorhydrîque les températures observées ont présenté, avec celles que donne la for- mule, des écarts, toujours de même sens, atteignant 3,6 degrés (Ansdell); pour les mélanges d'étber et d'acétone ou de sulfure de carbone, la règle donne une température critique trop élevée (Galilzine); elle ne réussit pas non plus pour l'air, ni pour le* mélanges de chlorure de méthyle et diacide carbonique (Kuenen). En particulier, il y a un cas pour lequel la règle de Strauss semble tout à fait fausse, c'est celui où la proportion de Tun des composants est minime; on devrait trouver dans ce cas, pour le mélange, une température critique très voisine de celle du com- posant prépondérant; il n'en est rien, d'après les expériences de M. Raoul Pictet et celles de M. Gilbault. D'après M. Pictel, des traces d'impuretés font varier la température critique lo à 60 fois plus que la température d'ébullitîon du corps pur (* ). La méthode de Strauss ne saurait donc être recommandée pour les corps auxquels les autres méthodes (par exemple, celle du tube scellé) peuvent s'appliquer. Elle convient dans le cas de l'eau, parce que ce corps attaque le verre à sa température critique, tandis que l'emploi du tube scellé est possible pour des mélangea aqueux dont la température critique est beaucoup plus basse. En- core est-il prudent, quand on l'applique, d'opérer avec plusieurs dissolvants et de vérifier la constance de la température critique cherchée. IV. — Détermination des constantes critiques reposant sur des formules particulières. Température critique, — Assez nombreuses sont les règle** empiriques pcrmeltant le calcul approché de la température cri- tique; les plus importantes sont celles qui relient cet élément à la température absolue d'ébullilion (règles de Guldberg et de Ph.-A. (luye, règle de I^awlewski) et aux densités de liquide (formule de Thorpe et Rûckerj. Les trois premières règles ne fournissent, le plus souvent, que des valeurs trop grossièrement approchée» pour . ' ) Ce qui est la négation de la règle de Pawlewski relatiTC à la différeoce constante entre la température critique et la température d'éballitioa normale. — 635 - èlre employées avec sécurité; la formule deThorpe etRiicker leur est, à ce point de vue, très supérieure; j'ai donné récemment sa signification physique exacte et montré qu'elle est insuffisante lorsque la constante a du diamètre rectiligne est notablement différente de l'unité. Quant à représenter par une fonction décroissante de la tempé- rature les valeurs connues de la chaleur latente de vaporisation et à exprimer que celle-ci s'annule, c'est aujourd'hui un anachro- nisme, la mesure de la chaleur de vaporisation étant consécutive à la mesure des deux sortes de densités et, par suite, à celle de la température critique. Je ne puis donc que répéter que l'on doit poser en principe que la température critique est un élément primordial qui doit servir à calculer les constantes non accessibles à V expé- rience directe, mais qu^on ne saurait connaître avec certitude et précision par des procédés indirects. Pression critique. — Deux méthodes ont été proposées pour calculer la pression critique : une générale et une particulière. La première est due à M. Ph.-A. Guye; elle repose sur les pro- priétés du coejjîcient critique K^ qui est, par définition, le rap- port de la température critique absolue à la pression critique exprimée en atmosphères. Si l'on suppose connue la température critique absolue, en la divisant par Kc on aura la pression cri- tique. Or M. Gu^e a établi que le coefficient critique d'une com- binaison s'obtient approximativement en faisant le produit du nombre des atomes de même matière (et liés semblablement) par un coefficient convenable (qui dépend de la nature de la liaison), puis la somme de tous ces produits. Cette méthode ne s'applique évidemment qu'aux corps dont la formule de constitution peut être considérée comme bien établie; elle est extrêmement intéressante comme principe, mais elle donne des résultats un peu trop approximatifs pour être mis en comparaison avec ceux que donne aujourd'hui Texpérience entre les mains d'expérimentateurs habiles et consciencieux. Beaucoup moins générale, mais plus sûre, est la seconde règle, qui ne s'applique qu'aux corps que l'on peut faire entrer dans une série homologue de la Chimie organique, c'est-à-dire qui dé- rivent du premier de la liste, par substitution à un atome d'hydro- - G36 — gène, des radicaui: inélliyle, élhyle, propyle, etc. Dans ces séries, la pression critique ir, comme aussi la densité critique ' * ), \arie suivant une fonction continue du poids total de la molécule ou. ce qui revient au même , comme une fonction continue du nombre n d^a tomes de carbone du radical monovalent substitué à H. Si a est une constante convenable, on a, quel que soit /i, la relation (t: H- a)(/i -h 3) = consl. J'ai vérifié cette formule sur un assez grand nombre de séries homologues, notamment sur la série des carbures gras saturés cl sur celle des carbures monosubstitués de la benzine; elle exprimer que la courbe T.=:f{n) est un arc d'hyperbole équilatrrc et qu'on peut passer de la courbe d'une série homologue à celle d'une autre par une simple substitution linéaire de la forme ?:' -- itt — 3, n étant le même pour 7: et tz . Cetle formule, à peine généralisée, peut représenter la pression critique de toutes les séries homologues des éthers composés dé- rivés des alcools gras saturés; il y a lieu alors de distinguer le nombre n d'atomes de carbone du résidu alcoolique et le nombre n' d'atomes de carbone de l'acide. Densité critique, — L'intérêt du calcul de celte quantité esl l'impossibilité (démontrée par l'incohérence des nombres obtenus » de la fir termina tion expérimentale directe du volume cri- tique (^). Si Ton veut simplement avoir l'ordre de grandeur de la densité critique A, la rrgle du tiers de la densité appliquée à une densité de liquide prise à la plus basse température possibir fournit immédiatement, comme je l'ai démontré, une solution satisfaisante. Si l'on veut A à doux ou trois ceulièmes prrs, on appliquera la formule _ 0 -»- 0 1 ( 'i — //l » ( ') II en est de iii«>iiic, mais à un nioindrc degré, de l«i temiMrrjture rntiqui . pour laquelle les tûtes de séries présentent souvent des valeurs «ioculiéres n «|«i est une fonction exlraordinaimnent sensible de la ron«»titution de* isonirre* (') La possibilité dr la détermination expérimentale inttirecte lie la den^itr critir/ue est démontrée dans ce Rapport, mais elle n*a pas encore reçu U «aDction de la pratique. - (537 - dans laquelle o esl une densité de liquide prise à la température T réduite m ^:^ --, cette formule, qui suppose connue la tempéra- ture critique, n'est autre que Téquation du diamètre rectiligne dans laquelle on suppose la constante a égale à l'unité. Quant à la densité de vapeur saturée 8', on la calculera exactement en sui- vant la règle que j'ai donnée dans un travail antérieur dans lequel j'ai montré comment on peut calculer a et A en se servant uni- quement des densités du \{(\m(\e^ pourvu que la loi du diamètre rectiligne s^ applique au-dessous du point d*ébullition normale du liquide considéré. Seconde Partie. — CAS DES MÉLANGES. Ce cas est beaucoup plus compliqué que celui des corps homo- gènes, et son étude expérimentale détaillée ne date que de ces dernières années : aussi me bornerai-je au cas relativement simple des mélanges de deux corps ( ' ). Un mélange a un espace critique au lieu d'un point critique; cet espace est compris entre deux températures extrêmes T^, Tf qui interviennent de la manière suivante : Soit un mélange de deux gaz A et B; pour des températures suffisamment basses, la condensation du mélange s'accomplit à la manière ordinaire : le ménisque séparant la phase liquide de la phase gazeuse reste con- cave, la quantité de liquide allant en croissant jusqu'à liquéfaction totale du mélange. A température plus élevée, on observe un autre phénomène : le ménisque s'aplatit et finit par disparaître complètement avec formation d'un léger brouillard. Ce phéno- mène se présente entre deux températures déterminées ; à la plus basse des deux ou point de plissement du mélange (T^), le ménisque devient plan et disparaît au moment où va être liquéfiée la totalité du mélange; la limite supérieure du phénomène, au- dessus de laquelle toute liquéfaction est impossible pour le mé- lange considéré, s'appelle point de contact critique du mé- lange (T,.). (') Pour le cas général de la Statique des mélanges, se reporter au Rap- port de M. Van der Waals. — 638 — Entre ï^ et T^, une compression isotherme donne une quantité de liquide qui augmente d'abord, passe par un maximum, dimi- nue, puis disparaît; c'est le phénomène de la condensation ré- trograde ( ' ) : voir les régions couvertes de hachures àesjig. 4 et 8. Les propriétés du point critique d^une substance homogène sont donc, chez les mélanges binaires, en quelque sorte partagées entre le point de plissement ï^ et le point de contact critique Te. La particularité de la coexistence de deux phases identiques quant à la composition et à la densité, Taplatissement du mé- nisque et les phénomènes critiques des corps homogènes (stries ondoyantes, nuages bleus, etc.) appartiennent au point de plisse- ment (-). L'impossibilité de la coexistence de deux phases au- dessus de la température critique appartient, chez les mélanges binaires, au point de contact critique où la diflerence de compo- sition et de densité des deux phases peut être très grande et où le ménisque est nettement concave. Si l'on représente les résultats dans le plan des (/?, /) (•'*), on ;i. pour les composants considérés séparément, des courbes/? =y,('/ 1. /t z=: /.^(^t), qui représentent la pression de vapeur saturée en fonc- lion de la température; ces courbes s'arrêtent aux points cri- llques C| et (^.o. Chaque mélange des deux composants donne une ligne de rosée et une ligne d*ébullition dont les points relatifs à une même température indiquent les pressions auxquelles com- mence cl finit la liquéfaction; ces deux lignes se raccordent au point (point de plissement T^,) où elles touchent leur enveloppe commune [ligne de plissement), laquelle passe évidemment par les poinls criti(|ues C| et Co. ( ' ) La théorie prévoit, dans certains cas, une condensation rétrograde de seconde espèce qui, jusqu'ici, n'a jamais pu être réalisée; en ne parlant que dt* la condensation rélroj^rade de preniicro espèce je reste donc, pour le moment du moins, dans le doni.iine drs faits observés. (*) A cause de cela, la température et la pression du point de plissement sont ronsidérées par certains auteurs comme température et pression critiques du iiiélange auquel elles se rapportent, la densité critique étant la densité des deui |)liases identiques du mélanj;e considéré. (•*) Ce mode de représentation graphique particulièrement clair a été introduit dans la Science par M. V. Duhem; il permet de prévoir des faits qui ne se dédui- raient pas aussi ai^ément de la surface 4* de Van der Waals. ( Kuenen, Arcli, nécrl., ?.' série, t. I, p. 33'|.) - 639 IJ y a plusieurs positions possibles des lignes de rosée etd^ébul- lition par rapport à la ligne de plissement. Lorsque les deux com- posants ont des températures critiques très différentes et des pressions critiques voisines (comme c'est le cas pour l'acide car- bonique et le chlorure de mélh^le, dont les mélanges ont été étu- diés par M. Kuenen et M. Caubel), la ligne de plissement est une courbe en forme de parabole reliant C< et Ca ; dans ce cas { fig. 4. • Fig. 4. les températures critiques extrêmes (T^ et Te) de tous les mé- langes sont intermédiaires entre les températures critiques T, cl Ta des composants et suivent une marche à peu près parallèle à celle de la composition des mélanges; pour tous les mélanges, la pression de plissement est plus grande que la pression relative au point de contact critique; quant à l'espace critique T^. — T^, il est maximum pour les mélanges qui contiennent des proportions ù peu près égales des composants, et il atteint alors plusieurs degrés ; il est, au contraire, voisin de zéro pour les mélanges qui ne con- tiennent qu'une faible proportion de Tun des composants. Lorsque les composants ont des températures critiques voisines, mais des pressions criliques très différentes (dans le sens des tem- pératures critiques, par exemple), il peut se présenter trois cns : 1** La ligne de plissement diffère peu de la droite C| C2. — Dès lors, les espaces critiques de tous les mélanges sont intermé- diaires entre T| et T^ et varient dans le même sens que la compo- 640 — sition des mélanges, mais le point de plissement correspond tou- jours à une pression moindre que le point de contact critique Fig. 5. 2" La ligne de plissement est fortement courbée et présente sa convexité vers Vaxe des ordonnées, — Dans ce cas, les mélanges contenant une forte proportion du composé le plus Fig. <). volatil ont des espaces critiques situés nettement au-dessous dt* T| (T, <; Ta). Une partie des mélanges présente un point de plis- sement à pression plus élevée que le point de contact critique ; — 641 - l'autre partie présente le phénomène inverse. Pour un seul mé- lange, les deux points se confondent et ce mélange se comporte rigoureusement comme un corps simple, son espace critique étant réduit à un point critique. C'est le cas des mélanges d'éthane et de protoxyde d'azote étudiés par M. Kuenen {fig» 6). 3° La ligne de plissement est fortement courbée et tourne sa concavité vers l'axe des ordonnées, — Dans ce cas, cer- tains mélanges ont leurs espaces critiques situés au-dessus de Ta (T2>T<) et, comme pour le cas précédent, les mélanges se par- tagent en deux parties selon que la pression de plissement est plus grande ou plus petite que celle du point de contact critique. Ce cas n'a pas encore été rencontré; cependant M. Kuenen cite un mélange d'acide carbonique et d'acétylène étudié par M. J. Dewar et dont la température critique est supérieure à celles de ses composants (*) {fig- 7). Fig. 7. Td^Tc Si l'on représente le phénomène dans le plan des (/?, v)^ on a, pour chaque mélange, un réseau d'isothermes et une courbe de saturation composée d'une ligne de rosée et d'une b'gne d'ébulli- tion. La partie des isothermes correspondant aux phases coexis- tantes est une courbe intérieure à la courbe de saturation et dont (*) J.-P. Kuenen, Arch, néerl., 2* série, t. I, p. 35; 18 C. P., I. 4i - 642 — l'ordonnée croît à mesure que le volume augmente; à celte ligne réelle correspond une isotherme théorique de J. Thomson qui raccorde les branches d'Isothermes extérieures à la courbe de satu- ration en déterminant des aires équivalentes de part et d'autre de l'isotherme réelle intérieure à cette courbe (Blûmcke). Lorsque la température s'élève, l'isotherme réelle finit par être tangente à la courbe de saturation en un point situé à droite du sommet de cette courbe, point qui définit la température de con- tact critique du mélange considéré. Quant à la température de plissement, elle correspond au point de la courbe de saturation où la ligne d'ébullition se raccorde à la ligne de rosée; ce point est situé généralement à gauche du som- met de la courbe de saturation. Les isothermes intermédiaires entre l'isotherme du point de plissement et celle du point de con- tact critique rencontrent alors la ligne de rosée en deux points entre lesquels on observe le phénomène de la condensation rétro- grade {fig. 8). Fig. 8. Le cas des mélanges binaires est donc singulièrement plus com- pliqué que celui des corps homogènes; el encore n'avons-nous envisagé jusqu'ici que le cas de deux phases coexistantes, alors qu'une coexistence de trois phases, deux liquides et une gazeuse, — 643 -^ n'est pas impossible théoriquement. Plusieurs expérimentateurs, notamment MM. Cailletet, Wroblewski et J.-D. Dwelshauvers- Dér}', ont signalé dans leurs expériences sur les mélanges binaires l'existence de deux ménisques séparant trois phases. Il est remar- quable que les efforts de M. Kuenen pour reproduire cette coexis- tence de trois phases ont été vains; il a toujours vu deux phases et rien que deux lorsque l'équilibre était véritablement réalisé, ce que l'on hâte par l'agitation et tout particulièrement par l'emploi de l'agitateur électromagnétique de Kuenen. Bien que, très sou- vent, deux et même trois ménisques soient visibles, ces états ne sont que transitoires et disparaissent par l'agitation. Avant les travaux de M. Kuenen, l'expérience était en con- Iradiclion avec la théorie ('), la condensation rétrograde n'ayanl jamais été observée; à la place, on avait vu l'aplatissement et la disparition du ménisque dans l'expérience célèbre de M. Cailletet sur la compressibilité du mélange de cinq volumes d'acide carbo- nique avec un volume d'air, expérience confirmée par le Mémoire posthume d'Andrews. L'explication de ce désaccord doit être cherchée dans les phénomènes de retard, qui acquièrent une importance énorme dans le cas des mélanges et que M. Kuenen fait cesser par l'agitation (^). Si l'on ajoute à cela que la pesanteur est une cause de perturbation comme pour les substances homo- gènes, on s'expliquera pourquoi toutes les particularités de l'étude des mélanges binaires ne sont pas encore connues. Il semble bien, par exemple, que la pesanteur (') seule soit la cause du singulier résultat trouvé par M. Kuenen dans l'étude des mélanges d'éthane et de protoxyde d'azote, lesquels se sont comportés absolument comme des substances homogènes et ont montré une condensation toujours normale, sans qu'il ait été possible de mettre en évidence la différence qui existe nécessairement entre le point de plissement et le point de contact critique, différence qui, dans le cas consi- (•) Il s'agit de la belle théorie publiée en 1891 par M. J.-D. Van der Waais, et intitulée : Théorie moléculaire d'une substance composée de deux matières différentes {Arch. néerL, t. XXIV, p. i). (^) J.-P. Kuenen, Arch, néerL, i'* série, t. XXVI, p. 38o; 1893. (') « Que le point de plissement soit situé d'un côté ou de l'autre du point de contact critique, l'influence de la pesanteur a pour eflet de réduire la région où s'observe la condensation rétrograde. » (Kuenen.) — 644 — déré, est particulièrement petite (de Tordre du dixième de degré ou moindre). On s'explique maintenant comment les premiers observateurs qui ont, sans précautions particulières, appliqué aux mélanges de deux gaz les méthodes expérimentales qui donnent la température et la pression critiques des corps homogènes, ont pu opérer avec im certain succès et vérifier plus ou moins approximativement la loi des mélanges de Strauss; mais on voit aussi après coup à quel point ces mesures manquent de signification précise et quel est le peu de solidité de cette loi, qui exige que la ligne de plissement se confonde sensiblement avec la droite Ci C2 des points critiques des deux composants (*). Bien que la notion de constantes critiques se complique singu- lièrement dans le cas des mélanges binaires au point de perdre sa signification habituelle, ce sera Thonneur du laboratoire de Pbv- sique de Leyde d'avoir, sous l'impulsion de son éminent directeur M. le professeur Kamerlingh Onnes, entrepris l'élude détaillée de la compressibilité des mélanges binaires dans le but de vérifier et de consolider le remarquable édifice théorique élevé parM. J.-D. Van der Waals. Résultats des déterminations de constantes critiques. Les déterminations expérimentales de constantes critiques s'étendent actuellement à un très petit nombre de corps, cent trente environ, dont cent appartiennent à la Chimie organique; les autres sont des corps simples ou appartiennent à la Chimie inorganique. Pour tous ces corps, on connaît, bien ou mal, la tem- pérature critique ; mais on n'a mesuré la pression critique que pour quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-onze d'entre eux. Quant à la (*) C'est la condition nécessaire pour que, dans tous les cas possibles, les es- paces critiques des mélanges soient compris entre T, et T,; cela entraîne comme conséquence que les pressions du point de plissement et du point de contact cri- tique sont aussi intermédiaires entre les pressions critiques des composants. Si les points de plissement des mélanges de titres équidistants étaient eux-mêmes cqui- distants sur la droite de plissement CiC,, la loi de Strauss serait rigoureuse et s'appliquerait non seulement aux températures, mais encore aux pressions de plissement. — 645 — densité critique, elle a été obtenue par la méthode du diamètre appliqué à la courbe des densités pour trente-deux corps; pour la plupart des autres, elle a pu être calculée à fort peu près par la formule ~ 2 { '2 — m) toutes les fois que l'on a pu se procurer une densité de liquide du corps considéré, ce qui n'a pas été possible pour vingt-cinq corps. Le plus souvent, la température critique n'est connue qu'à quelques degrés près, même pour les corps que l'on pourrait croire le mieux définis au point de vue de la pureté. Voici d'ail- leurs quelques exemples : Températures critiques extrêmes. o o Chlore -hi4ï (Dewar) -f-i48,o ( Ladenburg) Sulfure de carbone -t-273,o5 (Battelli) -t-279,6 (Galilzine) Diéthylamine -+-216,0 (Vincent et Chappuis) -1-222,9 (Schmidt) Méthane — 73,5 (Wroblewski) — 99,5 (Dewar) Triméthyléthylène -4-201,0 (Pawlewski) 4-208,0 (Altschul) Octylène normal -t-298,6 (Pawlewski) -f-3o4,8 (Altschul) Benzine -t-280,6 (Sajotchewski) -t-296,4 (Schmidt) Chloroforme 4-268,8 (R. Pictet) -h268,o (Dewar) Tétrachlorure de silicium. 4-221,0 (Guldberg) 4-23o,o ( Mendeleef) Quelles que soient les divergences des méthodes employées, il est certain que ces désaccords sont attribuables dans une très large mesure à ce que les différents observateurs ont opéré sur des corps impurs. Les divergences sont encore plus accentuées en ce qui concerne la pression critique. Pressions critiques extrêmes. atm atm Chlore 83,9 (Dewar) 93,5 (Knietsch) Sulfure de carbone 72,9 (Battelli) 78,4 (Hannay) Acide chlorhydrique 83, o (Leduc et Sacerdote) 96,0 (Vincent et Chappuis) Éthylène 5 1,0 (Dewar) 58,o (Van der Waals) Benzine . 47,9 (S. Young) 6o,5 (W. Ramsay) Tétrachlorure de carbone. 44,97 (S. Young) 58, i (Hannay et Hogarth) Chlorure de méthyle 64,98 (Kuenen) 73,0 (Vincent et Chappuis) 11 est inutile de multiplier les exemples. - 646 - Quand on veut déterminer les constantes critiques des corps qui affectent l'état gazeux à la température et à la pression ordi- naires, la condition de pureté devient absolument rigoureuse. M. Viilard a montré, en effet, que de Tacide carbonique ne renfer- mant qu'un millième d'air en volume a déjà une pression critique trop grande de près d'une atmosphère ; on conçoit donc que Facide carbonique très pur (*) dont s'est servi M. Amagat dans ses ré- centes expériences sur ce corps ait donné une pression critique inférieure de 4 atmosphères à celle qu'a trouvée Andrews; la présence de quelques millièmes d'air dans l'acide carbonique d' An- drews explique immédiatement cette différence, comme elle explique d'ailleurs la température critique un peu trop basse trou- vée par cet illustre physicien. Lorsqu'on a à choisir entre des constantes discordantes, il peut être commode d'éliminer, par des procédés fondés sur la conti- nuité, les observations par trop mauvaises; c'est de là que vient l'intérêt des séries homologues et de la loi particulière que j'ai proposée pour représenter dans ces séries la marche de la pression critique. Conclusions. Les applications des lois des états correspondants devenant tous les jours plus nombreuses et plus fécondes, le véritable intérêt de la détermination des constantes critiques des corps homogènes est de permettre l'exlension de ces applications; à ce point de vue, il est hautement désirable que les déterminations s'étendent à un beaucoup plus grand nombre de corps, tout en devenant plus précises. S'il s'agit de déterminer les trois constantes critiques, la mé- thode la plus directe est celle qui repose sur la considération des états saturés (S. Young, Amagat). Quant à la méthode d'Andrews, qui consiste dans Tétude générale de la compressibilité des états liquide et gazeux, le grand progrès à réaliser serait Tob- tention d'une équation caractéristique plus parfaite que l'équa- (') Il coulcnail, d'après l'absorption par la potasse, moins de j^ d'un gaz pcraiancnl. - 647 — yon de Clausius, reliant quantitativement les constantes du liquide à celles du gaz et tenant compte de la loi du diamètre rec- tiligne. Si Ton cherche seulement la température et la pression cri- tiques, on pourra employer la méthode de MM. Cailletet et Co- lardeau en opérant avec des masses de liquide très variées. Si Ton ne tient pas à la pression critique, on emploiera avec avantage la méthode si simple du tube scellé en réglant le rem- plissage de telle sorte que la disparition du ménisque, observée à température quasi constante avec les précautions indiquées par M. Gouy, se fasse pour des volumes égaux du liquide et de sa vapeur, les effets de la pesanteur étant éliminés par des observa- tions en position horizontale; la densité critique pourra être déter- minée indirectement avec précision par des observations faites à des températures un peu inférieures à la température critique et cette dernière vérifiée sur des tubes remplis d'une façon variée. ( Voir la Note annexée au Rapport.) Pour déterminer la température critique seule avec toute la précision possible, on pourra employer la méthode de la variation de l'indice de M. J. Chappuis, à température très lentement décroissante; il va sans dire que pour avoir une mesure absolue de la température critique il faudra, dans toutes les méthodes sui- vies, prendre la température du bain avec un thermomètre étalon ou étudier le thermomètre après coup par les méthodes préconi- sées parle Bureau international des Poids et Mesures. La méthode de l'ascension capillaire ne paraît pas recomman- dable pour la détermination de la température critique; il y aurait cependant un haut intérêt, au point de vue de la capillarité, à ce qu'on élucidât complètement le phénomène, signalé par quelques observateurs, de la dépression du ménisque dans un tube capil- laire au point critique, ainsi que les singularités signalées par M. Clark. Au point de vue de la mesure de la température critique, il serait très désirable de voir reprendre l'étude du phénomène de Cagniard-Latour, considéré comme fonction de la densité moyenne, dans les tubes étroits, afin de voir si ce phénomène dépend aussi du diamètre du tube et si, comme M. Kuenen le suppose en s'ap- puyant sur l'incohérence des résultats obtenus jusqu'ici, il est - 648 - impossible de tracer dans rintérieur de la courbe de saturation la ligne de M. Pellat (*). En ce qui concerne l'étude des mélanges, il convient de pro- scrire absolument les méthodes d'observalioji des phénomènes critiques ou de mesure des pressions de vapeur, etc., dans les- quelles Téquilibre thermodynamique des phases coexistantes ne sera pas rendu parfait par une agitation continuelle et par une température maintenue longtemps constante, les phénomènes d'équilibre dépendant non seulement de la température, mais encore du temps. Enfin, il serait désirable de voir adopter, dans le cas des mé- langes binaires, une terminologie uniforme pour la désignation des températures extrêmes de l'espace critique, de la ligne de plisse- ment, etc.; aprrs quoi, la complexité des phénomènes présentés par les mélanges étant reconnue, on ferait peut-être cesser le pa- rallélisme mensonger qui existe actuellement entre les constantes critiques des corps homogènes et celles des mélanges, si l'on en croit certains tableaux de constantes critiques. (') J.-P. KuENF.N, Arch. néerl.^ 2« série, t. I, p. 377; 1898. ~ 6i9 - NOTE SUR LA DÉTERMINATION DE LA TEMPÉRATURE ET DE LA DEKSITÉ CRITIQUES PAR LA MÉTHODE OPTIQUE ET LE PHÉNOMÈNE DE CAGNIARD-LATOUR. 1. Mise en équation de la méthode. Nécessité de tenir compte d'un phénomène accessoire. — Supposons un corps pur, partiellement à rétat de liquide et de vapeur, dans un tube cylindrique à parois assez résistantes et assez peu dilatables pour que le corps puisse être considéré comme se transformant à volume constant. Soient alors t>» 5, v\ 8' les volumes et les densités respectives du liquide et de la vapeur saturée à f° et D,„ la densité moyenne du mélange dont la masse totale est p et le volume total V, on a v8-Hp'8' = ;;, \ =z v ^ v\ p = VD,,i, d'où Ton tire (0 v 8 — D,, La formule précédente indiquerait que le tube d'expérience ne peut être rempli d'un fluide homogène qu'à la température critique, où l'on a A = 0 = 8' = D;„. Dans ce cas, -; se présente sous une forme illusoire, mais d'après le théorème de l'Hôpital on a fdl' V /rf8\ ' (') Jusque-là le calcul est le même que celui de M. B. Galitzine {Journ. de Phys. [3], t. I, p. 477 et 478; 1892) et de M. G. Zambiasi {Attl d. /?. Ace. dei Linceif t. H, p. 31; 1893); il en diiîére par ce qui suit. — 630 - Or, la loi du diamètre recliligne donne a étant le coefficient angulaire du diamètre, lequel est négatif, comme on sait. Gomme on a \dllt = u il vient >i«>^ = ^^^— = .- 2a V ' ■■ ■ /dZ\ /dl\ [dtjr^t^ \dt)t^i^ Il semble donc que la disparition du ménisque à la température cri- tique doive avoir lieu pour des volumes rigoureusement égaux du liquide et de la vapeur saturée^ le volume du liquide étant plus petit que celui de la vapeur un peu avant V égalité. Supposons, au contraire, que D,« ne soit pas égale à la densité cri- tique A; si l'on consulte la courbe des densités du corps considéré, on voit qu'il y a, pour une température 0 inférieure à la température cri- tique, une seule et unique densité numériquement égale à l^my densité de liquide si D,„ > A, densité de vapeur saturée si D,na sans cesse en croissant de o à A et le lieu ZJ'K reste constamment au- dessous de KK', sa tangente au point K, dont l'ordonnée est la densité cri- tique A. Si donc D,« est plus grand que A, à toute température le point R est au- dessus du point J', et le volume du liquide va constamment en croissant et celui de la vapeur en décroissant. 11 en est de même pour D/^, = A, à cela près que, dans un petit intervalle au-dessous de la température critique, la variation de -: est insensible. V Si au contraire Dnt est plus petit que A, la droite RR' rencontre le lieu ZJ'K en un point et un seul correspondant à la température t'\ au-des- sous de t\ IH > IJ' et le volume du liquide augmente tandis que celui de la vapeur diminue ; pour ^ = ^' le volume du liquide passe par un maximum, et pour / > ^' le volume du liquide diminue sans cesse (*). Le cas de D„i = A marque, comme on Ta vu, une discontinuité dans les (•) Si Ton veut tenir compte dans la discussion du léger décroissement que la dilatation du vase fait subir i\ I)^ lorsque la température croit, il suffit de rem- placer la parallèle à O^ d'ordonnée constante \\\ par une courbe légèrement ascendante ou une droite de coefficient angulaire négatif, mais très petit; cela ne changerait rien aux conclusions de la discussion précédente. - 653 - apparences présentées par le tube fermé considéré lorsqu'on suppose que la densité moyenne du remplissage varie d'une façon continue en passant par la valeur A. Or, l'expérience montre qu'il existe toute une série de densités moyennes, les unes plus grandes, les autres plus petites que la densité critique, et pour lesquelles le ménisque disparait avec les caractères qu*on attribue d'ordinaire au point critique (stries on- doyantes, etc.), le rapport des volumes du liquide et de la vapeur pouvant avoir, à ce moment, des valeurs très di£férentes de V unité dans un sens ou dans Vautre. L'expérience est donc en opposition formelle avec la conclusion tirée ç de la limite du rapport —y lequel rapport s'obtient en exprimant unique- ment la conservation de la masse totale du fluide, en supposant tou- tefois que le volume v et le volume v' sont toujours distincts, c'est-à-dire qu'à toute température inférieure à la température critique, le liquide et sa vapeur sont séparés par un ménisque. On a donc oublié quelque chose d'essentiel qui n'est autre que le phénomène de Cagniard-Latour en vertu duquel un liquide chauffé en vase clos en présence de sa vapeur peut présenter la disparition du ménisque avec les stries ondoyantes à une température pour laquelle la densité du liquide est nettement plus grande que celle de la vapeur saturée (*). Ce phénomène a pour résultat de faire disparaître la discontinuité àonl il a été fait mention plus haut; c'est donc un phénomène de continuité qui a pour conséquence la troncature de la courbe de saturation au voisi- nage du point critique, ainsi que M. Pellat l'a montré (*). On pourrait se demander s'il n'est pas dû uniquement à la pesanteur, dont M. Gouy a signalé les curieux effets. Des expériences faites sur des tubes horizontaux permettraient de résoudre immédiatement la diffîculté en montrant si le phénomène se produit ou non. On peut encore remarquer que la pesanteur a pour effet d'augmenter la densité du liquide et de diminuer celle de la vapeur, par suite d'abaisser le ménisque. Or, pour des densités moyennes plus petites que A, le phé- nomène de Cagniard-Latour correspond au contraire à un relèvement du ménisque, puisque au lieu de disparaître au bas du tube sans apparence particulière, il disparait quelque part dans la moitié inférieure du tube en présentant les stries caractéristiques. Il semble donc bien que la pesanteur n'intervienne pas, au moins seule. 2. Introduction de la notion du phénomène de Cagniard-Latour dans les calculs. — Quoi qu'il en soit, introduisons cette notion dans le (*) Cela est conGrmé par l'expérience du tube en G de MM. Cailletet et Colar- deau, expérience répétée par M. Villard, M. Battelli et M. Zambiasi, sous diverses- formes et avec des corps variés. 0) H. Pellat, Journ. de Phvs. [3], t. I, p. aaS; 1892. — 654 — calcul de -,> et soient te et T^ la température de disparition du ménisque et la température critique vraie (d'après les notations de M. Pellat); on a, 0 et 8' étant les deu\ sortes de densités à /c, La loi du diamètre rectiligne (i) donne alors, a étant le coeffîcient an- gulaire (négatif) de ce diamètre, 8-+-o'=2A— 2a(Tc— /r) ou (8-A) = (A-8')-2a(Tc- D,n on a -; < I ; si A < D„i on a - > i. Dans le cas particulier où A = D,„, la formule (3) donne V "Vc-tc -; = i-f. 2 a -X 7- y ç 0 — A on voit que, a étant très petit, quelle que soit la valeur inconnue de tcj (•) Dans le cas où le diamètre est curviligne, il suffit d'appeler a le coefficient angulaire de la tangente au diamèlrc au voisinage immédiat du sommet de la courbe des densités. (^) La valeur absolue du coefficient angulaire ai dépasse rarement o,ooi et T^ — t^ est généralement une fraction de degré. - G55 — ç le rapport -; ne peut pas différer sensiblement de l'unité ( » ) ; dans tous les cas, il ne peut en différer que par défaut, car Tc^^c. Pour que l'on ait rigoureusement - = i, il faut ou Or - = -r-y a étant un coefficient très voisin de l'unité et A 273 -+- Te caractéristique de la substance considérée; on a donc enfin "* . . ^ <^ — ^^ > . Quant à la valeur de -; > elle ne dépend que des rapports — et — ^ , car (/\) peut s'écrire i>'~' "" 8 D,' si donc l'expérience démontre que, pour des substances différentes, à des valeurs égales de —^correspondent des valeurs égales de — » l'égalité des valeurs de - s'ensuivra. Dès lors on pourra dire : A Lorsque la densité moyenne a des valeurs correspondantes, le phé- nomène de Cagniard-Latour se produit à des températures corres- pondantes pour lesquelles le rapport des volumes du liquide et de la vapeur saturée est le même. Le théorème des états correspondants s'appliquant aux courbes de satu- ration, ainsi que je l'ai montré, il s'ensuivrait qu'il s'applique aussi à V V ( * ) Supposons — ; voisin de i et posons -, = i -f- p, p étant petit; la formule (4 ) montre immédiatement que ~ — i est très petit par rapport à — ~ -^ • Soit — ^ = I -h Tj, il vient -- = h-7\-h2- ou sensiblement - = i h- 2 -^ • A ' A p A p Lorsque t; tend vers zéro, il est possible que ^ tende vers une limite finie, petite, mais positive ; cela signifierait que^ pour toutes les valeurs de D,„, le phénomène de Cagniard-Latour se produit en dessous de la température critique vraie T^. - 656 - la courbe de saturation tronquée dans le voisinage du point critique, qui est la vraie courbe de saturation expérimentale et que M. Pellat a considérée le premier ( ^ ). Il devrait en être ainsi, sinon pour tous les corps pris en bloc, au moins dans l'intérieur de groupes que l'on pourrait former. 3. Nouvelle méthode de détermination de la température et de la densité critiques. — Quoi qu'il en soit, chaque tube scellé défînit une température te qui est plus petite que T^ et qui, d'un tube à l'autre, est fonction de D,„, la substance demeurant la même. Sans savoir comment, dans ces conditions, te varie avec D,„ ('), la formule (4) montre que Von peut obtenir d'une façon précise la densité critique, pourvu que l'on connaisse d'une façon très approchée la température critique et que ,, , V l on mesure le rapport — • En effet, de (4) on tire la relation A=:D, relatif à une tempéra- ture t arbitraire, et du rapport — qu'il est nécessaire de connaître. Or, d'après la loi des états correspondants, qui est surtout applicable au voisi- nage immédiat du point critique, - est déterminé sans ambiguïté par la température réduite ni^ telle que '273 -f- / = m (273 H- Te). Si donc on suppose connu T^ et si t n'en est pas très éloigné, m déter- mine 7- et A peut être bien connu, à la condition toutefois que l'incertitude provenant de la connaissance simplement approchée de T^ et de l'im- perfection de la loi des états correspondants n'affecte pas sensiblement le (') H. Pkllat, Journ. de Phys., lac. cit. (*) La courbe de raccordement de M. Pellat montre que, à partir d'une cer- taine valeur mininia de --^y le phénomène de Cagniard-Latour se produit à une température t^ qui est la plus éloignée possible de T^; puis, lorsque D^ croit d'une façon continue, ^^ commence par croître, passe par un maximum pour —^ égal à un ou extrêmement voisin de un^ pius décroît lorsque -~ continue à croître. — 637 — dénominateur de A; il en sera ainsi si le facteur ( — — i J, qui multiplie —, est voisin de zéro. A l'exemple de Nadejdine et de M. Gouy, opérons avec un tube scellé, ç tel que la disparition ou la réapparition du ménisque aient lieu lorsque — est extrêmement voisin de i ; la température te est alors extrêmement voi- ç sine de T^, et si l'on détermine avec précision la valeur de — quelques ç degrés (5, 6, lo, etc.) plus bas, , sera toujours peu différent de un; en faisant cette détermination pour toute une série de températures décrois- santes on devra obtenir une série de valeurs concordantes de A. On arrive donc à la conclusion suivante : Les tubes qui donnent directement la valeur la plus approchée de la température critique sont aussi ceux qui permettent d'obtenir indirectement la densité critique avec le plus de précision. Connaissant ainsi A, on pourra chercher à obtenir T^ avec plus d'ap- proximation et il est singulier de constater qu'on y arrivera en utilisant cette fois les tubes qui donnent les valeurs de te relativement éloignées de T,.. La formule (4) nous donne, en effet, (4) \=-r-^''-' Or, d'après la loi des états correspondants, qui est surtout applicable au voisinage immédiat du point critique, - détermine sans ambiguïté la température réduite m, telle que 273-f-/,.= m(a73-+-T,.). Gomme te est très voisin de T^, m est de la forme i — s, e étant petit; Te sera donnée par T,=:^-Z3^_,73. Les expériences de M. Amagat sur l'acide carbonique permettent de définir -, ou encore - — i, en fonction de s. On obtient ainsi (M une A A ^ ' courbe {Jig. fo) commune à tous les corps et au moyen de laquelle j'ai g dressé la Table suivante des valeurs de ^ 1 et de e qui se correspondent. (') On pourrait aussi bien se servir des expériences de M. S. Young. C P.,I. 42 — 638 — Tableau des valeurs de Z_ _ A '• e. o,of 0,00004 OjO'ji 0,00008 o , o'i o , 000 1 1 0,04 0,00018 o,o5 0,00024 0,06 o,ooo3o 0,07 o,ooo36 0,08 0,00044 0,09 o,ooo5-2 0,10 o, 00060 0,11 0,00070 o, I'2 0,00080 o, i3 0,00090 0,14 0,00100 o,i5 0,00110 0,16 0,00124 0,17 0,00187 0,18 0,001 55 a-) et de z tirées de la courbe. 6 __  g. 0,19 0,00174 0,20 0,00194 0,21 o, 002 1 5 0,22 0,00237 o , 23 o , 00260 0,24 0,00284 0,25 o,oo3io 0,26 o, 00340 0,27 0,00377 0,28 0,0041 5 0,29 0,00457 o,3o o,oo5i3 o,3i o,ooj77 0,32 o,oo65o 0,33 0,00740 0,34 0,00840 0,35 0,009 >o o,36 0,01 i5o Fig. 10. - 659 - i. Évaluation des causes d'erreur de la méthode. — L'erreur com- mise sur £ et provenant de l'inexactitude de la loi des états correspon- dants est très petite; quant à l'erreur résiduelle commise sur A, elle influe D 8 sur la valeur de-— ^> puis de — > puis de s. La différentialion des deux A A membres de la relation (4)' montre que l'erreur absolue, aussi bien que g l'erreur relative, commise sur le rapport — et provenant d'une erreur dans la valeur de — ^ est infiniment grande lorsque - =i et qu'tV convient d^opérer avec des valeurs de D,;, nettement plus grandes que A. En effet, la formule V 1 ''a)-^'<^) -, — I V donne les résultats suivants, dl---\ et dl —^ J étant les erreurs commises sur les quantités entre parenthèses : PO"?- ''(I)="'(^)- p»«'7=^ "(D-'^t')' p"'^^ "(D-Kt)- Pour fixer les idées, supposons une erreur de - — sur A (et, par suite, sur 1 ; pour -7=2 environ. Terreur commise sur — sera de i pour 100 et, comme cette quantité est voisine de i, l'erreur absolue sera sensi- blement 0,01. Cherchons, dans ce cas, l'erreur commise sur Te pour une température critique absolue égale à 3oo", par exemple. Au moyen de la Table ci-dessus, on obtient le Tableau suivant : valle de (i - ■)• Variation de e dans cet intervalle. Erreur sur T^ = 3ooe. o,o5 à 0,06 o,ooooG deg 0,018 0,10 à 0,11 0,00010 o,o3o 0, i5 à 0, 16 0,00014 0,042 0,20 à 0,21 0,00020 0,060 — 660 — 5. Remarques sur la méthode proposée. — Tout l'effort de re\pb>er- vera le tube horizontalement après l'avoir retourné un grand nombre .le fois comme le fait M. Gouy pour faciliter l'obtention de Xétat jinal. Enfin, pour que le ménisque ne s'écrase pas. il faudra prendre un tal^ suftisamment étroit, d'un diamètre intérieur voisin de 2"*" par exemple f* Dans la pratique ordinaire de la méthode optique « Andrews, Nadejdin'r. Gouy), les physiciens étant partagés sur la question de savoir si la i-^nt- péralure de disparition du ménisque au milieu du tube est rigoureusement la température critique ou un peu plus basse qu'elle, il reste un doute. Il ne saurait en subsister dans l'emploi de la méthode précédente, qui ne sup- pose absolument rien sur le phénomène de Cagniard-Latour et qui peut servir, par suite, à en faire l'étude méthodique soit sur un corps donne, soit sur difft'renls corps. S'il était établi, une fois pour toutes, que ce phénomène obéit aux !<. » (les étals correspondants, il en résulterait une grande simplitication .ic i' méllîode oplique: car il existerait entre —^ et la valeur rec/w/Vt' do T — ' une relation identique pour tous les corps ou tout au moins pour les corps d'un mmi- groupe. La fonction// —^) étant supposée connue, l'observation «K- t (') Il i)ourrd être cotnniude de (lélerniiiier par l'expérience la dilTenn. -^ -♦-- lémali<]uc que tlnniic. à tenipératuie constante, le rapport — Ior<<^ir..n -Isir^ liori/.tnl.ileincnt et virlicalemenl. afin de rapporter les mesures deriniti\r> a i* positinii liorizonlale ainsi que cola se fait pour les thermomètres dt bjuî* t r; ei^io^. — 661 — au moyen d'un seul tube rempli d'une façon quelconque, suffirait à déterminer T^ pourvu que l'on connùl la densité moyenne du remplis- sage D,;i et que l'on pût calculer A par les procédés que j'ai fait connaître. Quoique trouvée d'une façon tout à fait indépendante, la méthode pré- cédente apparaîtra vraisemblablement, au point de vue historique, comme le perfectionnement de celle que Sloletov a proposée dans son magistral Mémoire : Sur Vétat critique des corps (^). Le point de départ est le même; il s'agit de montrer que, malgré la variabilité de la température te de disparition du ménisque dans un tube fermé dont le remplissage varie, on peut déterminer exactement la température et la densité critiques, A cet effet, Stoletov combine l'équation Ci) qui exprime la conserva- tion de la masse totale du fluide avec deux relations qui équivalent sen- siblement à la loi du diamètre rectiligne; à la rigueur près, je n'ai pas fait autre chose, sauf que je ne suppose absolument rien sur Z^, tandis que le physicien russe admet que pour D,» = A on a /^ = Te. Reprenons ses cal- culs et ses notations. Soit une masse totale de M grammes enfermée dans un volume cons- tant V; J et 5 sont les volumes spécifiques du liquide et de la vapeur, v et i>\ jjL et m, leurs volumes absolus et leurs poids respectifs à la tempé- rature de disparition du ménisque; on a V = [xa, v' — 7/15, \Li -\- ms -\, ^ -\- m — M. A ces relations, Stoletov joint les suivantes, dans lesquelles V^ est le volume critique et t une quantité qui s'annule à la température critique : Ces relations approchées, qui expriment qu'au voisinage de la tempéra- ture critique les volumes spécifiques du liquide et de la vapeur saturée sont équidistants du volume critique, ont été, dès i88i, déduites par Glau- sius de sa célèbre équation caractéristique, au moyen des variables auxi- liaires de Plancket de développements en séries extrêmement laborieux (*); elles sont évidentes dans la loi du diamètre rectiligne et tiennent à ce que le coefficient angulaire du diamètre est extrêmement petit. En remplaçant j et 5 par leurs valeurs, il vient V UL — m (a) v^^ 4-si^ • M \c ' si donc on observe la disparition du ménisque lorsque les volumes v Ql v (') Stoletov, Physikalische Revue de Graetz, t. II, p. 69 à 78; 1892. (2) R. Clausius, Wied, Ann., t. XIV, p. 287; 1881. - 662 - sont rigoureusement égaux, on a v.-^[.-(^)'] ('). M Cette équation montre la possibilité de mesurer le volume critiquf pourvu que la température de disparition du ménisque soit suflisamment voisine de la température critique ('). Probablement parce qu'il y a de réelles difficultés expérimentales à avoir rigoureusement t' = v\ Stoletov propose de faire deux expériences au moyen du même tube, mais avec des remplissages différents M et M|, et de mesurer chaque fois v — p'. Si A et Ai sont ces différences, Stoletov écrit (c) ^c=l^'' -V , ... M MV^ " Ml M,V,. et, par l'élimination de ^^ il arrive à la formule finale ^ c ... ., V A M -M, M M M, A — MA, En admettant même l'approximation de la formule (b), l'équation ( c) est inexacte, car e est fonction de te et, par suite, de A = i^ — p', et l'on n'a pas, en général, le droit d'éliminer ^ entre les deux équations (c), Stoletov a, de plus, commis une faute de calcul, car de (c) on lire ^■% VI — M, ,A-.MA|' (*) Stoletov écrit simplement «•t, pa (M r suite, V, — m V M * * ( i' - t'" ) C) On en revient toujours là. Pour Stolelov, si v - v', on a t^-- l\ cl 1j méliiode est rigourcurjo. Pour peu que v soit différent , ( v' ) ~ o,uo53, l'c — /,. * o'"», l<), -T- o , lO, / — - ) o«oioo. Ainsi l'erreur sur V^, quand (»n néglige ^» est de ^J^ dans le premier cas. dr ,-Jj dans le second. Lop'iqiHî i' ot Iéu'«^rcmcnt différent tic v\ l'erreur qui en résulte est plus <, v) (H. Pellat), de même on peut le considérer comme une troncature de la courbe des densités. Dans celte manière de voir, on prend pour ordonnée la densité moyenne du remplis- sage D^ d'un tube fermé quelconque et pour abscisse la température à laquelle le ménisque disparaît dans ce tube. S'il disparait en haut ou en bas du tube, on est en dehors du phénomène de Cagniard-Latour cl l'on n'obtient que la courbe (le la densité 0 du liquide saturé ou celle de la densité 0' de la vapeur saturée; si! disparait à rinlérieur du tube, on a, dans la moitié inférieure du tube, une den- sité moyenne plus grande que la deiisilé de vapeur saturée correspondant à la tenipéraLurc de disparition et, clans la moitié supérieure du tube, une densité l>^ plus faible que la densité du liquide saturé qui lui correspond. On a donc bien une courbe de raccordement intérieure à la courbe des densités, et cela dans un intervalle «le température de Tordre de i à li degrés suivant la grandeur de lu température critique des corps expérimentés. Dans ce très petit intervalle de température^ il est permis de supposer que la courbe de raccordement admet pour les cordes verticales le même diamètre rectiligne que le reste de la courbe des densités; on voit, dès lors, (jue la lom- pcratuic la plus élcvcc de disparition du ménisque T^ est inférieure à T^, bien que 1res jumi, mais correspond à une densité moyenne de remplissage un peu plus élevée que la densité critique A, et que les valeurs maxirua et niinima, Df^ et D,',',, de la densité moyenne correspondent à une même température t'^ qui est la limite inférieure du phénomène; a étant le cocflicient angulaire (négatif) du diamètre rectiligne, on a (D:,.-A)=.(A -|);;,)-i-oa(r,-T.), relation dont on remarquera l'analogie avec une de celles qui ont été données au paragraphe J. — 6g:> — proposition énoncée au commencement de ce paragraphe peut donc Otre considérée comme démontrée. Or les expériences de M. A. Battelli montrant très ncUemenl la phase descendante î 19»'' i \ 193. <» / 193,03 1802 l M Oj'.>V.>o i9';t,Gî ( \ f), >i(iji 19^., I Jt (') \. BvTrKLLî, Sulto stato delta materia net punto critico ( !'• Note). {Xuovo Cimenta, 3- série, t. WVIII, p. jj ; iN>j.) — 666 — Pour l'éther, on a A = o,263; donc pour les tubes B, C, D on est dans la partie descendante de la courbe tc=/{D,„)j ce que rexpérience vérifie bien. Au contraire, A correspond à D,„> A; or la différence entre les tg des tubes A et B est faible, guère plus de 0,1 degré, alors que la différence de leurs densités moyennes est plus grande que celle des Dm de B et D dont les te diffèrent de o,5 degré; malgré les petites erreurs d'expérience, l'existence d'un maximum de te au voisinage de Dm= A parait évidente ici. Quant aux tubes M et N dont la matière est moins pure, ayant des te trop bas, on voit que M correspond sensiblement àD;;,= A, donc au maximum de te, tandis que N est relatif à un D^. très grand, par suite à une valeur basse do te, ce qui se vérifie également bien. Les expériences de M. A. Battelli viennent donc à V appui de l'exis- tence d'un maximum relatif de te, mais elles ne permettent pas de dire si ce maximum est égal à T^ ou s'il en est différent. M. Zambiasi croit avoir démontré que pour D;„= \ on a. tc= Te- (*). H ç discute à cet effet la valeur de — donnée par la relation (1), laquelle exprime simplement que, dans le volume constant V, il y a conservation de la masse totale du liquide et de la vapeur. Or, v et p' n'ont de sens qu'autant que les deux fluides se distinguent nettement l'un de l'autre, c'est-à-dire qu'autant qu'ils sont séparés par un ménisque; alors seulement 0 et 0' sont des densités qui sont simplement fonction de la température et non de la masse totale du fluide. Dire qu'à la température critique — se présente sous la forme -> c'est supposer que v et v' ont une existence réelle à celle température; si donc on conclut de là, comme fait M. Zambiasi, que pour Dfn= A la température de disparition est bien T^, on fait une péti- tion de principe, car l'on tire de la relation (i) une proposition qui n'y est pas contenue. Comme M. Battelli, M. Zambiasi pense avoir établi expérimentalement que te est une fonction toujours décroissante de D,,^ ; le maximum de te ayant lieu, d'après lui, pour D„i=A, il s'ensuit nécessairement que le phénomène de Cagniard-Latour ne saurait se produire pour une densité moyenne du remplissage inférieure à la densité critique. Sans invoqutM* les expériences de M. Battelli, reportons-nous aux expériences de l'auteur (*», faites exclusivement sur l'élher. Le remplissage des tubes étant défini par ç la valeur de —, à la température de 18' environ, j'ai pu, en aliijuc do Télat critique. La grande importance de cette question, pourtouie Tétude de l'état critique, nous a engagés à mesurer dirtMlemoni les indices de réfraction du liquide et de sa vapeur saturanlo ti aussi à ("ludier leurs variations avec la température dans le m'I- sinagc du point critique. C'est sur Téther élhvlique que nos expériences ont porté. Nou- avons choisi ce liquide, parce qu'il est très stable dans >os pr». - ('j U.i trouvera le dcUnl (\c nos expériences dans le BuHetin de l'AcTi- Inip. des Sciences de Saint-Pétersbourg, t. XI, n* 3. - G69 — priélés physiques, et très facile à préparer k l'élat de pureté, con- dition indispensable pour des expériences au voisinage du point critique. Enfin, nous avions déjà à notre disposition, pour l'in- tervalle de température utilisé, un très bon régulateur de tempé- rature, construit sur les indications de l'un de nous, et permettant de faire varier lentement la température, ou de la maintenir con- stante à o,o5 degré près. De plus, nous avions étudié, de dixième en dixième de degré environ, la marche des isothermes de Téther dans le voisinage du point critique. Nous avions aussi étudié les variations des densités de l'éther liquide et de sa vapeur saturante avec la température et rinfluence qu'a, sur les isothermes, l'ad- dition de petites quantités de corps étrangers. Grâce à toutes ces observations, nous pûmes déterminer très exactement les données critiques du liquide choisi. Méthodes de mesure* — Plusieurs méthodes permettent de déterminer Tindice de réfraction des corps liquides et gazeux; mais, pour les températures et les pressions élevées auxquelles se trouve Tèther au voisinage de son point critique, ces méthodes ne sont pas d'un emploi commode. A notre connaissance, M. J. Chappuis a seul étudié jusqu'ici Tindice de réfraction de l'acide carbonique dans le voisinage du point critique, par la méthode interférentielle, aisément utilisable pour des températures relati- vement basses (température critique de CO^, 3i*^,4 C), mais qui présenterait de très grandes difficultés aux températures élevées. La méthode de MM. Terquem et Trannin, fondée sur la réflexion totale, aurait fort bien convenu; mais elle exige l'emploi d'une petite couche d'air, comprise dans une cuve constituée par deux lames à faces parallèles, qu'il nous fut impossible de faire con- struire pour les conditions particulièrement difficiles de tempé- rature et de pression auxquelles elle devait être soumise. Nous avons finalement employé exclusivement deux méthodes que, pour abréger, nous désignerons par méthode de la lentille et méthode du prisme. La première de ces méthodes fut imaginée en 1890 et mise on pratique par l'un de nous ('). Voici quel en est le principe : Le (^) Bulletin de l'Acacl. Jnip. de Saint-Pétersbourg, t. III, n° 2, p. i3i ; 1895. — 670 — tube même contenant le liquide en expérience est utilisé comme lentille cylindrique; on mesure Técarlcment de deux traits paral- lèles placés derrière la lentille, après réfraction des ravons lumi- neux, d'abord dans le liquide et ensuite dans la vapeur. I>o gros- sissement obtenu dans ces deux opérations permet d'évaluer facilement Tindice de réfraction de la substance étudiée (liquide et vapeur). Le principe de la seconde méthode consiste dans Temploi d*un prisme de très petit angle, placé à l'intérieur du tube-laboratoire avec le liquide à étudier. Une des faces du prisme est parallèle à la paroi du tube, et Ton mesure la déviation d'un faisceau lumi- neux horizontal très délié après son passage à travers le liquide et à travers la vapeur. Des déviations mesurées, on peut déduire les indices de réfraction correspondants. Il y a, au sujet de cette méthode, un point sur lequel nous de- vons appeler l'attention. Dans le voisinage immédiat du point cri- tique, les densités du liquide et de sa vapeur saturante peuvent, dans certaines circonstances, ne pas demeurer constantes dans toutes les couches, mais augmenter progressivement de haut en bas. Ainsi, il peut se faire que, sans prisme, on obtienne, comme dans le mirage, une déviation du faisceau lumineux tombant ho- rizonlalemcnt sur le système, ce qui augmente beaucoup la diffi- culté des mesures de l'indice de réfraction. Pour la plupart des expériences que nous avons faites, le tube contenant le liquide a étudier était mis en communication avec un manomètre à air, calibré avec soin, et avec un compresseur à mercure. Le tube se trouvait d'ailleurs au milieu du thermostat mentionné plus haut. De cette façon, on pouvait faire varier dans de très larges limites les conditions expérimenlales. Une condition fondamentale est nécessaire à U réussite de cette expérience : toutes les couches du corps soumis à Tobservation doivent être exactement a la même température. Ce résultat devait être obtenu à Taide du thermostat muni d'un agitateur. Bien qu'on pût, de cette façon, compter sur une égalité et une con- stante de température suffisantes, on peut encore utiliser une dis- position particulière qui permette au besoin de mélanger régu- lièrement les dilTércntes couches de liquide et de sa vapeur dans le tube à expérience : ce dispositif permettrait d'obtenir, dans chaque ~ 671 - opération, une parfaite égalité de densité. Nous avons employé dans ce but un second agitateur placé dans le tube même. La méthode de la lentille a été employée dans des condilions différentes; nous mentionnerons les suivantes : Tout d'abord nous nous servîmes d'un tube de verre ordinaire, non rodé, mais les expériences furent si nombreuses, qu'en pre- nant des moyennes nous pûmes compter sur une exactitude suffi- sante. Plus tard, nous employâmes un tube de verre travaillé opti- quement et la mesure des volumes et des pressions fut faite avec tout le soin possible. Pendant ces deux séries d'observations, l'agitateur fonctionnait à l'intérieur du tube. Nous avons jugé utile, pour l'étude théorique de l'état critique, de reprendre les mêmes expériences avec le même tube rodé, mais sans mélanger les couches. Nous pouvions ainsi constater si, la température étant supposée toujours la même partout, la densité du corps observé varie un peu dans les différentes couches, et cela aussi bien au-dessous qu'au-dessus de la température critique. Nous avons exécuté dans ce but notre troisième série d'expériences, où les volumes étaient mesurés avec soin. Dans toutes ces expériences, le tube était toujours en commu- nication avec l'appareil à compression et l'éther était toujours au- dessus d'une colonne de mercure. La dernière série d'observations, qui ne servait en somme qu'à contrôler les précédentes, fut faite un peu différemment : l'éther était placé dans un petit tube de verre ordinaire, scellé à ses deux extrémités, sans mercure, placé au milieu du régulateur. On ne pouvait évidemment mesurer ni les volumes, ni les pressions. La méthode du prisme fut employée dans deux séries d'obser- vations. Dans la première, le tube était étroit, sans agitateur; dans la deuxième, il était large, poli, et un agitateur placé dans le liquide permettait d'étudier l'influence que cause sur la valeur de l'indice de réfraction le mélange des différentes couches. Dans la première série d'observations, le volume total, à peu près égal au volume critique, était maintenu constant pendant toute la durée de l'opé- ration; dans la deuxième série, le volume total pouvait varier dans certaines limites. — 672 - Nous ferons, sur rexactitude des mesures, les remarques sui- vantes : Dans Tévaluation de l'indice de réfraclion de Télher élh\- lique aux températures élevées par la méthode de la lentille avec un tube rodé, Terreur constante sur l'indice n peut atteindre o,oo5; mais l'erreur sur n causée par l'inexactitude des mesures de lé- cartement des deux images (après réfraction des rayons) n'est pas supérieure à o,ooi. Celte exactitude peut élre considérée comme tout à fait suffi- sante, surtout si l'on pense à l'influence qu'a sur la valeur de n uu défaut d'homogénéité de la source lumineuse. Nous avons, par exemple, obtenu pour l'éther éthjlique, au\ températures ordinaires, les résultats suivants : /»!> — n\,, ~ 0,002?., n\ - ni,t - o,ooG6, ces divers indices se rapportant aux raies D et F et à la raie prin- cipale du lithium. Les expériences faites par la méthode de la lentille permettent de reconnaître que les valeurs de l'indice de réfraclion n du li- quide et de sa vapeur saturante, à des températures déterminées, semblent tout à fait indépendantes du volume total mis en jeu, pourvu toutefois que la pression à laquelle on soumet le corps soit égale à la pression de sa vapeur saturante. Cela permet d'ob- tenir plus rapidement les valeurs moyennes de n, Ce n'est (pi'aux températures supérieures à la température crili(|ue que corre-^- pond, à chaque valeur de i', une valeur particulière de n\ on peut alors construire des isothermes, en prenant pour coordonnéen %- et n. Les températures ont <*lé évaluées au jj de degré prés, les \.i- leurs (le n avec la précision de la troisième . représentent U's résultats (le nos deux premières séries d'expériences. Klles ont, comm«* ou voit, une allure très régulière se composant de i\vu\ biiuii lies «piî se rejoignent au point critique, où elles possèdent untr Itin^enle verticale. Elles donnent respectivement : - 673 6,. n. Première série '9^'*» 7 ^ ï93'',8 i , 1-2 Deuxième série i93",8 i , r2 Ce résultat a une importance considérable. Il nous montre que, par la méthode de la lentille, on peut obtenir la température cri- Fig. I. « * " i 18S^ 195? 6? C tique à 0,1 ou 0,2 degré près, même avec un tube ordinaire, à la condition de faire les expériences avec un soin suffisant. F.?;. -.. uoo n 2 - 1.000 17S? 18S? 190? 195? 0?C. L'étude que nous avions faite antérieurement nous avait donné pour les éléments critiques de Tétlier : Température critique 0,= 193", 6 Pression critique pc= 36""', ?.8 Volume critique spécifique ... i'c= 3 cm' : gramme CF., I. 43 — 674 — Il n'est possible d'atteindre une concordance aussi parfaite entre les valeurs de la température critique obtenues par des méthodes tout à fait différentes, que sous la condition formelle de pouvoir disposer d'une température absolument constante. D*aillcurs, il est aussi indispensable, pour la réussite de ces mesures, d'agiter énergiquement les différentes couches; sinon, on ne pourrait pas être sûr des nombres obtenus par les deux méthodes. C'est pro- bablement pour n'avoir pas pris suffisamment garde à ces con- ditions dans la plupart des mesures de la température critique par la méthode optique, la plus fréquemment employée (apparition et disparition du ménisque), que différents expérimentateurs ont obtenu des nombres s'écartant considérablement. On peut aussi déduire de nos expériences les valeurs corres- pondantes de n et de v dans le cas où le tube est rempli d'une substance homogène. On obtient alors pour chaque température une portion d'isotherme. Bien que la température varie de 192**, 7 Fig. 3. 1,200 uoo. 1,000 L W , I i L ^ ^ g ^ ^ - ôl//"" à 197",.^, toutes ces isothermes coïncident e/i une courbe unique Ce résultat indi(|ue que, malgré les grandes modifications ([ui se prodiiiseiïl au voisinage du point critique, Tindice de réfraction, dans rintervalle considéré, semble absolument indé- pendant de la température et seulement fonction du volume total i\ Avant (rallcr plus loin, nous ferons encore quelques remarques. On sait que Tindice de réfraction et la densité d*un eorp.s sont - 675 — liés par la formule de Lorentz 71* I I — . 7ç = const. Celle relation esl aussi bien exacte pour les liquides que pour les corps à l'état gazeux. L'ensemble des résultats de nos expé- riences peut servir à déterminer la constante C du second membre de la formule; nous avons calculé les différentes valeurs de C, en général très voisines. Leur moyenne est C = o,3o25, nombre que nous aurons bientôl l'occasion d'utiliser. On a trouvé d'aulre part pour la lumière du lithium 6. C. lo o,3oio i ,. ' ; liquide 20 o , 3o 1 2 ) * loo o,3o54 vapeur La concordance des valeurs de G est remarquablement bonne et montre dans quel large intervalle de température on peut appli- quer la formule de Lorentz. Occupons-nous maintenant des expériences qui ont été faites sans le secours de l'agitateur dans le tube même (troisième et quatrième séries). L'examen des résultats montre qu'aux basses températures on ne peut reconnaître aucune variation systématique de n avec la hauteur des couches. C'est pourquoi, pour ces températures, on a pris les moyennes de n. Mais il en esl autrement, lorsqu'on s'approche de la température critique. L'indice des couches infé- rieures de la substance placée dans le tube est manifestement plus grand, aussi bien pour le liquide que pour la vapeur, non seulement aux températures inférieures à la température critique, mais encore à celles qui la dépassent de quelques degrés. Les différences sont parfois si grandes qu'il est impossible de les attri- buer à des erreurs d'expérience. Par exemple, les différences des indices des couches inférieures et supérieures, pour la vapeur comme pour le liquide, sont comprises entre o,oo6 et 0,009. Aux températures supérieures à la température critique, où la substance n'a qu'une seule densité et par suite ne devrait avoir - 676 - qu'un seul indice de réfraclion, les différences que présentent les valeurs de n sont notablement plus grandes. Ainsi à 193,95 A„ = 0,057 194,80 o,o36 196,63 0,029 198,89 0,018 Il résulte de tout ce qui précède que la densité du corps croît du haut vers le bas. L'observation des phénomènes au-dessus de la température critique nous enseigne encore d'autres faits intéressants. Exa- minons de plus près ce qui se passe au moment de la disparition du ménisque : il y a une variation subite de densité qui semble indiquer qu'au-dessus de la température critique, le liquide peut encore subsister 5 tout au moins peut-on dire que les valeurs trouvées pour l'indice de réfraction correspondent bien à l'étal liquide. Il y alà un phénomène analogue au retard de vaporisation qui, comme on le sait, se produit aussi dans certaines circonstances, aux basses températures. La conclusion importante que Ton peut tirer de ces différentes remarques c'est qu'on n'a, en aucune façon, le droit de dire qu'on a atteint l'état critique et par suite obtenu l'égalité des densités du liquide et de sa vapeur quand le ménisque a disparu. Il n'en est ainsi que lorsqu'on a mélangé régulièrement les différentes couches; si l'on n'a pas pris cette précaution, les densités dans les différentes parties du tube peu- vent être totalement différentes. Cette remarque a une impor- tance considérable pour la mesure des éléments critiques des dif- férents corps quand on emploie la méthode optique habituelle. Pour la théorie de l'état critique, 11 faut observer ce point ca- pital, l'existence de différentes densités, bien au-dessus de la température critique. Plusieurs expérimentateurs, parmi lesquels l'un de nous, ont attiré l'allention sur ce fait, que d'autres ont contesté. Il y a lieu de se poser la question de savoir si c'est là une propriété inhé- rente aux corps, ou si l'on doit l'attribuer à des causes secon- daires. Examinons quelques hypothèses. — 677 — Tout d'abord, on ne peut supposer que la différence des den- sités tienne à une inégalité de la température, car bien que les différentes couches du tube n'aient pas été elles-mêmes agitées, les autres agitateurs ont toujours élé mis en fonctionnement. On peut d'ailleurs facilement se rendre compte que d'aussi grandes différences entre les indices de réfraction à des tempéra- tures supérieures à la température critique ne sauraient être inter- prétées par une inégalité de température. Au-dessous du point cri- tique, et dans son voisinage immédiat, les indices de réfraction du liquide et de sa vapeur saturante varient de la même façon ; la variation avec la température est encore plus rapide qu'au-dessus de la température critique. D'ailleurs, pour que la différence entre les valeurs de n puisse atteindre o,oi8, comme cela a lieu même à la température de 198", 89, les températures devraient différer de 4 degrés dans les parties supérieure et inférieure du tube. Il faut donc reconnaître que cette hypothèse est tout à fait inadmissible. On peut interpréter les différences dans les valeurs de n par une deuxième hypothèse bien plus plausible et sur laquelle M. Gouy a le premier appelé l'attention. M. Gouy suppose également que, dans le voisinage du point cri- tique, il doit y avoir une différence causée par la pesanteur entre les densités dans les parties haute et basse d'un tube semblable à celui dont nous nous sommes servis. En raison du poids des colonnes qui les surmontent, les couches inférieures sont soumises à une plus forte pression et, par suite, plus comprimées que les couches supérieures. Cette variation de pression est d'ailleurs généralement faible et peut être complètement négligée. Mais, dans le voisinage du point critique, il en est autrement : ici le coefficient de compres- sibilité peut atteindre une valeur très grande; au point critique même il devient infini, et, par suite, au voisinage de cette tem- pérature, de petites variations de pression peuvent entraîner de grandes variations de densité. Pour voir jusqu'à quel point les différences observées peuvent ou non être attribuées à l'action de la pesanteur, nous avons étudié de plus près la théorie de ce phénomène. Le calcul nous a montré qu'à i93'*,9cette action peut au plus modifier la quatrième déci- male de /i, par suite, bien qu'elle ait véritablement une influence — 678 — sur les valeurs de Tindice dans les parties basse et haute du tube, les différences qu'elle cause sont bien inférieures à celles qui ont été efl^eclivement observées. On peut encore imaginer une troisième hypothèse. Peut-être les grandes diff'érences dans les valeurs de n sont-elles occasion- nées par des traces d'air qui pourraient être restées dans le tube. Toutefois, étant donnés les soins pris pendant le remplissage du tube avec de l'éther pour chasser toute trace d'air, et aussi la lar- geur du tube employé dans la troisième série d'observations (dia- mètre 1*^"*,^), cette hypothèse nous paraît tout à fait invraisem- blable. Les traces d'air qui peuvent rester doivent être extrêmement faibles : peut-être, dans le voisinage immédiat du point critique, pourraient-elles produire les effets constatés ; mais à des tempéra- tures qui diffèrent du point critique d'au moins 5 degrés, il est impossible d'admettre cette supposition. Cette discussion nous force à penser que les différences obser- vées dans les valeurs de n doivent être dues en grande partie à un retard dans l'établissement de l'état critique (égalité des densités). II semble qu'à des températures supérieures même de plusieurs degrés à la température critique, l'état liquide peut encore subsis- ter si l'on n'a pas pris soin de mélanger régulièrement entre elles les différentes couches. La variation subite de n, dans le voisinage de Tendroil où le ménisque se trouvait précédemment, est aussi un argument en faveur de cette assertion. On peut aussi exprimer ce résultat d'une façon plus précise, comme il suit : A des températures supérieures à la température critique, une même substance peut, dans certaines conditions, ù la même température et à la même pression, posséder des densités différentes, ce qui est d'accord avec d'autres phénomènes obser- vés dans le voisinage du point critique. Nous avons voulu nous rendre compte de la grandeur des ditré- rencos dans les valeurs des densités, et, pour cela, nous avons calculé pour des températures supérieures à la température cri- tique (•), d'aprts la formule de Lorcntz ? _ « /!» — I 0,'i025 /l* -r- a (' ) \/A substance n'ayant pas clé comprimée auparavant. - 679 en partant des valeurs maxlma etminima de/i, les valeurs corres- pondantes de 0. Les résultats de ce calcul ont montré que les diflTércnces dans les valeurs de 3 peuvent, dans certains cas, être très grandes. A la même température, les diflerences sont quelquefois plus ou moins grandes; ce qui indique que Ton n'est pas ici en présence d'un phénomène régulier, mais bien d'une sorte de retard de vapori- sation qui peut être plus ou moins important, suivant les circon- stances. Cet effet rend les mesures de densités, dans le voisinage du point critique, particulièrement diflicilcs et oblige à agiter énergique- ment les difl'érentes couches; si on ne le fait pas, les densités peuvent prendre des valeurs très différentes; à ivy4",o6la variation de S est encore de 35,5 pour loo et diminue graduellement pour atteindre i<,'.« pour loo à lyS'SSc). Dans la méthode du prisme, nous nous sommes servis de deux tubes diff'érents. Dans la première série d'observations, le tube était étroit (i3"",i), sans agitateur-, dans la deuxième, au con- traire, il était plus large (i8'"",2) et muni d'un agitateur. La méthode du prisme est moins bien applicable au but que nous voulions atteindre, et cela pour plusieurs raisons; tout d'abord parce qu'on n'a aucun critérium permettant de s'assurer que le prisme a bien été placé dans la position convenable. Eu second Heu, et ceci est beaucoup plus grave, si l'on n'agite pas régulière- ment les différentes couches, les rayons peuvent subir une dévia- tion particulière causée par l'inégalité des densités. C'est pourquoi ces observations ne purent fournir des résultats suffisamment précis et ne durent être considérées que comme des expériences de contrôle. Toutefois, elles nous ont conduits à quelques ré- sultats inl«>ressants, sur lesquels nous voulons insister. Quand les couches sont agitées régulièrement, on peut voir que les diff^éreutes valeurs de n obtenues sont, en général, bien concor- dantes. Il n'y a pas augmentation régulière de /i vers le bas, ce qui est d'accord avec les résultats obtenus par la méthode de la lentille. Si nous comparons les résultats obtenus par les deux méthodes, nous ti^ouvons une concordance tout à fait satisfaisante, les plus grandt'S diff'érences étant encore bien au-dessous des erreurs pos- sibles d'expérience. - 680 - . De plus, les valeurs de /i, quand on n'agite pas, restent très constantes dans les différentes couclies; mais cela seulement à des températures relativement basses. Dans le voisinage immédiat du point critique et au-dessus, n est certainement plus grand dans les couches inférieures que dans les couches supérieures; mais des qu'on met Tagitateur en marche, les difTérences diminuent. Les observations permettent de voir directement rinflucnce de Tagilation sur la déviation. Quand ou agite, les valeurs de n restent sensiblement les mêmes pour les dillérentes couches; mais, si Ton cesse d'agiter, au bout de deux minutes, des couches se sont déjà formées, l'angle de réfraction augmente, l'indice diminue. Cet efl'et de l'agitation est assez grand pour qu'on puisse l'étu- dier facilement. Il suffit d'observer directement comment, par suite du brassage, Timage de la fente du collimateur se déplace dans le champ visuel de la lunette. Ce phénomène intéressant ne peut être attribué à une inégalité de température : nous avons vu, en effets à propos de la méthode de la lentille, que les différences de température devraient être beaucoup plus grandes pour pou- voir entraîner de semblables variations dans les valeurs de /i, et l'emploi de notre régulateur rendait absolument impossible cette grande in(*galité de température. Il y a donc lieu d'admettre, pour être d'accord avec les résultats de la méthode de la lentille, que le corps considéré au-dessus de la température critique n'a pas une densité unique si l'on n'a pas soin de mélanger régulièrement entre elles les difl'érenlcs couches. Ces expériences de contrôle, par la méthode du prisme, con- firment ainsi les résultats trouvés précédemment par la méthode de la lentille. CONCLUSIONS. Les résultats de ces recherches peuvent se résumer comme il suit : La méthode de la lentille nous paraît parfaitement convenir à la mesure de la température critique d^. En se servant d*un tube tout à fait ordinaire, on peut obtenir O^* iivec l'exactitude de o, i ou 0,2 degré. La concordance avec la valeur de la température critique calculée au moyen des densités est particulièrement satisfaisante. — 681 - Mais une condition fondamentale doit être remplie si l'on veut obtenir des valeurs exactes de la température critique : il est abso- lument indispensable d'avoir à sa disposition un bon régulateur de température et de mélanger énergique ment les différentes couches de la substance pendant les observations mêmes. On peut fort bien utiliser dans ce but de petits agitateurs électro- magnétiques; le régulateur que nous avons employé a rempli toutes les conditions requises. Si l'on négligeait de mélanger régulièrement les différentes couches, on ne pourrait en aucune façon conclure de la disparition du ménisque à l'égalité des den- sités dans les différentes parties du tube. Cette remarque a une grande importance pour la mesure des éléments critiques par la méthode optique habituelle. Si l'on mélange régulièrement les couches, on peut admettre que l'indice de réfraction est, pour le même état, le même dans toutes les couches; il est indépendant du volume total de la sub- stance employée, sous la pression de vapeur saturante. Quand le tube est rempli d'une substance homogène, l'indice de réfraction semble êlre fonction uniquement du volume total mis en jeu et indépendant de la température. La formule de Lorenlz représente très bien la relation qui lie l'indice de réfraction et le volume dans de très larges limites de température, aussi bien pour l'état liquide que pour l'étal solide. Si l'on n'agite pas les couches, à quelques degrés au-dessous de la température critique, on peut admettre que l'indice de réfraction possède pour le même état la même valeur dans les diverses couches; mais, dans le voisinage immédiat du point critique et au-dessus, les valeurs de l'indice de réfraction deviennent plus grandes dans les couches inférieures que dans les supérieures. Cette observation semble montrer que l'état liquide peut sub- sister au-dessus du point critique; il est nécessaire de tenir compte de ce phénomène dans les mesures de la densité. - 682 lA CHALEUR SPÉCIFIQUE DES GiZ. Par a. BATTELLI, PROFESSEUR A l'UNIVERSITÉ DE PISE. Traduit de l'italien par A. Mejmier, Profetseiir au Collège de Nogent-le-Rotrou. Il est très important, en Thermodynamique, de connaître non seulement la valeur des deux chaleurs spécifiques des gaz, mais encore leur mode de variation en fonction de la lcmpt*rature oi de la pression. Ainsi, par exemple, la différence Cy, — (I.. entre dans la formule classique qui a servi à R. Meyer pour déterminer IVqui- valent mécanique de la chaleur, et des recherches récentes ont montré (jue Tétude lhermo(lynami(|uc d'un fluide est compirle quand on en connaît la loi de compressihililé et de dilatation, et rinflucnce de la température sur la chaleur spécifique à volume constant. On comprend alors facilement que de nombreux physi- ciens se soient occupés, pendant ces dernières années, de re- cherches calorimétriques sur les fluides, soit pour vérifier le< ré- sultats antérieurs en améliorant les méthodes d^ohservation. soit pour étendre nos connaissances en faisant varier les conditions de pression et de température entre des limites assez étendues. Nous ne croirons pas utile de nous arrêter sur les première» expériences calorimétri(]ues faites sur les gaz par Crawford, ni sur - 683 - celles de Lavoisier et Laplace, faites à Paide du calorimètre à glace, ni sur celles de Leslie et de Gaj-Lussac, parce que les méthodes employées par tous ces physiciens sont entachées d'er- reurs et conduisenl à des résultats inexacts. La méthode employée dans les expériences bien connues de Delaroche et Bérard n'est pas exempte de causes d'erreurs; elle a été sensiblement améliorée par Haycraft, qui ne réussit pas cependant à obtenir des résultats exacts de ses mesures; il en résulterait que tous les gaz ont la même chaleur spécifique. En 1827, de la Rive et Marcet essayèrent les premiers de me- surer la chaleur spécifique des gaz à volume constant, mais ni ces expériences ni d'autres des mêmes physiciens ne conduisirent à des résultats acceptables. Toutes ces mesures, de même que celles de Apjohn et Suer- mann, se l'apportaient à la détermination pure et simple des cha- eurs spécifiques des gaz, mais n'avaient pas pour objet la recherche de la variation de ces quantités avec la pression et la température. Les premières expériences faites dans ce sens sont celles de Joule et Thomson, qui furent suivies de celles très importantes de Re- gnault et de beaucoup d'autres physiciens, et qui servirent à établir suivant quelle loi les deux capacités thermiques des fluides dépendent de la pression et de la tempiTature. Dans beaucoup de travaux exécutés dans ce but, on étudie simultanément Tinfluence de ces deux causes; dans certains, on étudie les chaleurs spécifiques des gaz en même temps que celles des vapeurs et dans d'autres on introduit la notion de la chaleur spécifique moléculaire. Avant de passer en revue tous ces travaux par ordre chronologi(|ue, nous croyons bon d'examiner complè- tement les résultats obtenus dans chaque ordre d'études. Variation des chaleurs spécifiques des gaz avec la pression. Dans Télat actuel de nos connaissances, nous pouvons dire avec certitude que la chaleur spécifique Cp à pression constante, de même que la chaleur spécifi(|ue C^, à volume constant varient no- tablement avec la pression. Ce résultat, déjà obtenu par Joule et Thomson qui étudièrent la variation de Cp pour l*air entre o** et 3oo® et pour des pressions — 684 - variant de i à l'j atmosphères, fut contredit par les travaux de Regnault qui, de Tétude de Tair pour des pressions de i à 1 2 atmo- sphères, et de rh^drogènc et de l'acide carbonique jusqu'à 9 atmo- sphères, conclut que C;, est différent pour chacun de ces gaz, mais que, pour tous, il ne varie pas sensiblement avec la pression. Les expériences classiques de Regnault fixèrent les valeurs de C^ pour beaucoup de gaz d'une façon sûre, valeurs qui furent tou- jours confirmées dans les recherches ultérieures des autres physi- ciens; elles ne réussirent pas cependant à mettre en évidence la variation de la chaleur spécifi(|ue avec la pression. Cela était dà non seulement au refroidissement subi par le gaz dans le calori- mètre par la diminution de pression, mais plus encore parce que le gaz sortant du calorimètre nVn avait pas pris la température^ mais conservait toujours un excès de chaleur, excès que Regnault considérait comme constant, mais qui, en réalité, devait être plus grand pour des pressions plus élevées. Ces causes d'erreur, dans les expériences de Regnault, furent indiquées par Lussana el Leduc. Lussana, en effectuant une série de recherches sur les cha- leurs spécifiques des gaz à des pressions de i à 100 atmosphères* fut conduit à conclure que Cp pour Tair augmente certaioemcot avec la pression, mais tend vers un maximum qui serait atteint a la pression de 3(j5 atmosphères, en admettant que la formule qu'il employait pouvait être étendue jusqu'à cette pression. Pour les autres gaz, Taccroissement de Cp est d'autant plus grand qu'ils s'éloignent davantage de la loi de (Boyie) Mariolte. Cette variation de C^ avec la pression, non aperçue par Re- gnault, a été trouvée par Lussana et confirmée par d'autres tra- vaux non seulement expérimentaux, mais théoriques. Parmi ces derniers, nous citerons ceux de Donnini, qui établit que p^ doit diminuer quand la pression augmente, el de de Heen, qui trou\c que les variations observées pour la chaleur spécifique avec la pres- sion doivent être du même genre (|ue celles qui se rencontrent dans la compressibilité, et que la chaleur spécifique doit d'abord aug- menter avec la pression, jusqu'à atteindre un maximum et dimi- nuer ensuite. Parmi les recherches expérimentales, nous passerons sous silence celles de Margules, desquelles il résulte que C^ augmente — 685 - pour Tanhydride carbonique de 0,002 pour chaque atmosphère. Les expériences de Jolj, effectuées avec le calorimètre à conden- sation, mérilent Tattention. L'extrême soin qui apparaît dans ces recherches, où toute cause d'erreur est très réduite et où Ton tient compte de celles qu'il est impossible d'éliminer, inspire confiance dans les résultats obtenus qui sont les suivants : La chaleur spéci- fique à volume constant C», augmente avec la densité, aussi bien pour Tair que pour l'anhydride carbonique, mais d'une manière plus sensible pour ce dernier. Pour l'hydrogène, au contraire, Ci, diminue quand la densité augmente. D'autres confirmations ré- sultent des expériences effectuées, à des températures comprises entre — 5o*^ et — i4o"> P^^ Witkowski, d'après qui la valeur de C;, croît avec la pression d'autant plus que la température est plus basse, et de celles d'Amagat, qui trouve pour C^, des valeurs assez concordantes avec celles de Lussana; Amagat conclut queC^, — Cu doit présenter pour l'air, pour l'hydrogène et pour l'acide carbo- nique, un maximum qui correspond nécessairement à la valeur maxima de C;,. De même, Linde trouve que C^,, pour les gaz, doit augmenter avec la pression. Enfin Amagat, partant de son réseau d'isothermes de CO^ entre 0° et 260° et pour des pressions variant de i à 1000 atmo- sphères, trouve que, pour une température donnée, C^, augmente avec la pression d'abord rapidement (surtout pour les tempéra- tures basses), puis moins rapidement, atteint un maximum sous une pression d'autant plus considérable que la température est plus élevée, puis diminue d'abord rapidement, ensuite plus len- tement quand la pression continue à croître. De Tensemble des recherches rappelées ci-dessus, s'il résulte que, certainement, les chaleurs spécifiques des gaz varient avec la pression, il n'est pas possible d'établir avec certitude la loi de cette variation. Il semble toutefois probable que la valeur de C^ doit présenter un maximum, et l'on doit remarquer que ce maximum a été trouvé par Amagat aux environs de 35o atmosphères pour l'air, à l'aide d'expériences dans lesquelles la pression variait de i à 2000 atmosphères, tandis qu'il a été indiqué vers SgS atmosphères par Lussana, par extrapolation d'une formule obtenue à l'aide d'expériences exécutées seulement jusqu'à 100 atmos phères. — 686 — Variation des chaleurs spécifiques des gaz avec la température. Des expériences de Joule et Thomson et de celles de Regnault on peut déduire que la chaleur spécifique à pression constante varie avec la température. En réalité, Regnault conclut qu'une telle variation se vérifiait seulement pour les gaz qui s'éloignent de la loi /?(^ = R6 et que, pour les gaz permanents, la valeur de Cp ne dépendait pas de la température; mais Finfluence de la tempéra- ture a été mise récemment hors de doute par de nombreuses recherches. En eflet, il résulte des expériences de Lussana que, aussi bien pour Tair que pour l'anhydride carbonique, la valeur de C^ croît avec la température d'autant plus que la pression est plus grande. Des expériences de Joly il résulte que, pour CO^, C,, diminue quand la température augmente, d'autant plus que la pression est plus élev'ée. Les expériences de Wilkowski montrent que, tandis que C^ pour l'air est sensiblement indépendant de la température à la pression atmosphérique, il croît quand la température diminue, à tel point que déjà, à lo atmosphères, il passe de la valeur 0,244 à — 5o** à la valeur o,4o8 à — i4o". De même E. Wiedemann trouve que, pour les gaz qui s'éloignent de l'état de gaz parfait, la variation de la chaleur spécifique avec la température est assez sensible, et il détermine pour différents gaz les coefficients de variation avec la température de la chaleur spécifique à volume constant. Ensuite, Winkelmann, par la conductibilité calorifique des gaz, trouve que la valeur du rapport des chaleurs spécifiques à volume constant, aux températures de 100° et de 0°, calculée théoriquement, est égale à celle déterminée directement. Enfin Wiillncr détermine, par la méthode de Kundt, le rapport entre les deux chaleurs spécifiques de plusieurs gaz aux tempéra- tures o** et 100** pour en déduire les coefficients de variation avec la température de la chaleur spécifi(|ne à volume constant on se servant des coefficients de variation avec la température de la chaleur spécifique à pression constante donnés par E. Wiedemann; il compara les valeurs ainsi obtenues avec celles données par Win- kelmann et obtint une vérification sur|)renante des diverses idées théoriques qui conduisirent à ces belles recherches. — 687 - Chaleurs spécifiques des Tapeurs. — Chaleur spécifique moléculaire. Les mesures eflectuées par E. Wiedemann, par une méthode semblable à celle de Regnault, sur la chaleur spécifique des vapeurs, ramenèrent à cette conclusion que la variation de ces chaleurs spécifiques avec la température doit être du même ordre de gran- deur que la variation de celle des liquides correspondants. Moutier, reprenant une formule donnée par Glausius et par Zeuner, démontra qu'on peut admettre pour les vapeurs saturantes où Y est la chaleur spécifique de la vapeur saturante, G celle du liquide sous la pression de sa vapeur, ^la chaleur de vaporisation du liquide à la température absolue B. D^autres travaux théoriques furent publiés sur ce sujet : par exemple, celui de Pellat, qui établit la variation de la chaleur spé- cifique des vapeurs à pression constante, non seulement avec la température mais encore avec la pression, et ceux de Van der Waais et de Bouty, qui essaient dVtablir la raison pour laquelle la chaleur spécifique des vapeurs saturantes est positive dans quelques cas, et négative dans d'autres. La chaleur spécifique des vapeurs serait négative pour celles qui ont une faible masse ato- mique, positive si la masse atomique est élevée. Les recherches de llegnault s'étendent aussi aux vapeurs, mais les résultats numériques qu'il obtient ne sont pas en parfait accord avec ceux qu'on calculerait en partant de la théorie cinétique des gaz, d'après laquelle le produit des masses moléculaires par la cha- leur spécifique est constant. Macfarlane Graj cherche les raisons de ces divergences dans une interprétation inexacte des résultats de Regnauit, en faisant remarquer qu'il faut apporter a ces résul- tats une correction résultant des difierentcs quantités de liquide en suspension dans la vapeur a des températures difi<érenles. En tenant compte de cela, on obtient une concordance parfaite entre les valeurs calculées et celles observées. L'étude de la chaleur spcci/ique moléculaire a été, depuis, l'objet d'une série importante de travaux. Ainsi Mallard et Le Chalelîer, Berlhelot et Vieille mesurèrent la chaleur spécifique moléculaire des gaz et des vapeurs à des températures très élevées, soit à volume constant, soit à pression constante, en déterminant la température de combustion des mélanges gazeux explosifs, d'abord purs, puis dilués dans des quantités notables de gaz inerte. Il résulte de ces recherches que la chaleur spécifique molécu- laire augmente fortement avec la température; que le coefficient de température est le même pour tous les gaz dits permanents, et moindre pour les autres; que la chaleur spécifique molécu- laire des gaz à volume constant est indépendante de la pression même si celle-ci varie entre des limites assez étendues; et enfin que la chaleur spécifique moléculaire diminue pour tous avec la température, mais qu'elle tend vers une valeur unique qui serait atteinte à la température du zéro absolu. Les objections soulevées contre les conclusions données par Clark, qui prétendait que la combustion continuait encore aprrs que la pression la plus haute observée avait été atteinte, sem- blent contredites par les expériences de Stimpft qui confirmèrt'nl pleinement les résultats de Mallard et Le Chatelier. Par contre. Fliegner, discutant plus récemment les travaux de Mallard et Lo Chatelier et ceux de Berthelol et Vieille, crut pouvoir conclure <|ue, par suite d'une cause d'erreur systématique, les résultats de Mallard et Le Chatelier sont un peu trop grands, et que ces expériences, in- terprétées correctement, font admettre que la chaleur spéciti(|ue moléculaire des gaz reste sensiblement constante jusqu*à jtooo**. D'autres expériences de Berthelot et Ogicr, exécutées sur la vapeur de l'acide acétique entre 147" et 291®, il résulte que la chaleur spécifique moléculaire de cette vapeur diminue assez rapidement quand la température augmente, et atteint, entre 2()o" et ,ioi»*, une valeur très voisine de la somme des chaleurs spécifiques des éléments qui composent cette substance. De la comparaison des propriétés thermiques des gaz avec leur constitution chimique, Berthelot arriva ensuite à cette conclusion que les chaleurs spécifiques moléculaires à volume constant des gaz simples sont, avec une grande approximation, proportionnelles au nombre des atomes contenus dans la molécule. De même, Hertsmann chercha à expliquer la divergence présenlée par les gaz - G89 - à la loi de Clausîus, d'après laquelle le ({iiotîent de la chaleur mo- léculaire par le nombre d'atomes de la molécule doit élrc constaul. Mcndeleef arrive aussi au même résultat, en substituant dans la loi de Clausius la chaleur spécifique à pression constante à la cha- leur spécifique à volume constant. La question fut reprise ulté- rieurement à propos des importantes déterminations de Kundt et Warburg sur la valeur du rapport des deux chaleurs spécifiques de la vapeur du mercure, et donna lieu, entre ces deux ph} siciens et Neumann, à un important débat à la suite duquel Neumann montra que, dans la formule qu^il donne Y = (/n-5)o,o34, v'= (/i-+-3)o,o34, où V et -/ représentent les chaleurs spécifiques a pression constante, et n le nombre d'atomes existant dans la molécule, on doit prendre pour /} la valeur o pour les gaz monoatomiques. Nous rappellerons enfin qu'Ewing elDunkerley et Tumlirz s'oc- cupèrent de la vapeur d*eau surchauffée. Tumiirz, se reportant aux expériences faites par Ilirn et par Cazin sur la dilatation de la va- peur d'eau, en déduit par le calcul la valeur de C^ pour des pres- sions qui variaient de 1,4^4)4 atmosphères et trouve que, dans cet intervalle, entre des limites de température qui nécessairrnieut augmentent en même temps que la pression, la valeur de C^ se maintient presque constante, oscillant autour d'une valeur moyenne de o,5256 avec une dillérence maxinia de 3 pour loo environ. Il en conclut que la chaleur spécifique de la \apeur d'eau à pression constante a pour chaque pression la même valeur moyenne à partir de la limite de condensation jusqu'à Tadiabatique (|ui correspond à la limite de condensation au point 6=ioo" et p = I atmosphère. Autres recherches. Parmi les travaux de caractère théorique qui se rapportent aux chaleurs spécifiques, on doit citer celui de Bogaewski lo(|uel, ob- servant que l'équation jointe à la loi de Mariotte-Gay-Lussac, conduirait à la conclusion que Cp — C^ est une constante indépendante du la nature du gaz, C. P., I. 4i - 690 — ce que rexpérience ne vérifie pas, cherche à modifier celle équa- tion à l'aide de celle de Van der Waals et obtient une expression d'après laquelle Cp deviendrait plus petit que C,, pour cerlaines lempéralures inférieures à la température critique. De même, Quesneville chercha à modifier la relation connue de Clausius pour la faire mieux correspondre au cas des gaz composés. Nous croyons utile de mentionner d'autres travaux expérimen- taux, à savoir ceux de Bekeloffet de Roberts et Wright, sur Thy- drogène occlus dans le palladium. BekelofT, a|)rès avoir saturé avec o*, i4i8 d'hydrogène un mor- ceau de palladium pesant 26^,0938, détermina la chaleur spéci- fique de Talliagc par la méthode des mélanges et en déduisit pour l'hydrogène la chaleur spécifique 5,88, en faisant remarquer que cette valeur doit être légèrement inférieure à la valeur réelle. Sous cet étal, l'hydrogène aurait donc une chaleur spécifique plus grande qu'à l'état gazeux. Roberts-Austen et Wright déterminèrent la chaleur spécifique du palladium hydrogéné et trouvèrent pour l'hydrogène occlus des valeurs d'autant plus basses que la quantité d'hydrogène est plus considérable. Ils en conclurent que les premières quantités d'hy- drogène sont absorbées à Tétat liquide et ensuite à l'état gazeux. Sur la mesure du rapport 7^ • De même que la mesure directe des valeurs spécifiques, tant j pression constante (|u'à volume constant, a donné lieu à de nom- breuses recherches, de même les travaux efi^ectués pour déterminer le rapport entre ces deux chaleurs spécifiques sont très nombreux. Depuis que Laplace a introduit dans la Science la notion de ce rap[)ort pour rendre comparable la vitesse du son dans Pair a\ec la valeur calculée par Newton, et que Dulong, Uegnault, etc., ont observé que, avec la difficulté d'obtenir avec précision la valeur de Cp par des expériences directes, on devait, pour coDuailre cette «luantilé C»,, déterminer C^ et le rapport y= 4^'» des phy- siciens très nombreux se sont occupés de cette mesure, d*aul«inl plus que la connaissance de la valeur de v est par elle-mêuie — 691 - d'une grande importance dans beaucoup de questions de Thermo- dynamique. Tous les travaux effectués dans ce but peuvent être groupés en un petit nombre de types; on pourrait même dire que presque toutes les recherches se réduisent : les unes à suivre une trans- formation adiabatique, les autres à appliquer la formule de La- place pour déduire la valeur de y de la détermination de la vitesse du son dans les gaz. Laplace et Poisson indiquèrent la possibilité de déduire la va- leur de Y de l'expérience de Clément et Desormes. Avant de rap- peler les calculs, il est bon de faire remarquer que cette expé- rience se réduit à mesurer, sous deux étals différents, les valeurs de p et de i^ qui entrent dans Téquation (i) jdpY = const. d'une adiabatique et que la valeur de y s'en déduit par la relation ^ log/Pi — logjPî, logpj — logPi * Comme l'expérience ne donne pas la valeur de i>2j on substitue au rapport des volumes celui des pressions observées à température constante et précisément de celles pi et p^ observées dans la pFe- mière et la dernière phase de Texpérience, de sorte qu'on a ^i Pi et, par conséquent, log/?i— log/?a ^ log/?i — log/?3* De nombreuses déterminations de y furent faites par une mé- thode dérivant de l'expérience de Clément et Desormes. Nous citerons celles de Gay-Lussac et Walter, de Weisbach, de Masson^ de Hirn, de Dupré et de Cazin, toutes exécutées par le même procédé, sans arriver à des résultats définitifs. Kolilrausch et après lui Rontgen et de Lucchi, se préoccupant de la difficulté d'obtenir avec précision la valeur de /?2, em- ployèrent des manomètres métalliques pour étudier de quelle façon la pression varie avec la température pendant Texpérience. Mais les résultats de ces expériences ne sont pas acceptables, pas plus que ceux de RegnauU, de Kurz et de Moutier. - 692 - Dans toutes les expériences exécutées par la méthode de Clément et Desormes, au lieu de déterminer le rapport des vo- lumes qui entrent dans la relation (2), on détermine celui des pressions correspondantes. Witte, au contraire, détermina la va- leur de Y ^^ réduisant un volume donné i^i de gaz à un autre volume donné v^ et en mesurant les pressions correspondantes. Mais, par suite du retard inévitable qui existe dans ses expériences entre Tinstant où le gaz atteint le volume v^ et celui où Ton en détermine la pression, les résultats obtenus sont moins exacts que les précédents. Les valeurs de y trouvées à Taide d'une mé- thode analogue par Amagat (1,297) sont de même un peu plus petites que celles actuellement acceptées. Une autre méthode expérimentale, fondée encore sur la com- pression et la raréfaction adiabatique du gaz, est celle de la durée différente des oscillations d'une colonne de mercure, sui\aot que le tube en U dans lequel il est contenu est ouvert à ses deux ex- trémités ou est fermé à Tune d'elles avec une petite colonne de gaz. Âssmann, qui proposa et employa cette méthode, démontra que, si X est la hauteur de la colonne de gaz contenu dans la branche fermée, A la pression barométrique au moment de Texpé- rience, / et ^ les durées d'oscillations dans les deux cas, on a -xfa)*-]- il obtint, pour Tair, dans deux séries d'expériences, les valeurs i,4i»i et 1,427. D'autres méthodes de détermination de v résultent de la combinaison de l'équation d'une adiabatique avec la relation caractéristique des gaz parfaits y>(^= Re. On en déduit facilement une des relations dans lesquelles les quantités aflTectées des indices 1 et :;t se rai>- porlcnl à deux états de la môme masse gazeuse. Il est dès lor> évident qu'en mesurant, sous ces deux étals, soit les températures - 693 - el les volumes, soit les lempéralures et les pressions, on pourra calculer la valeur de y. Cette méthode fut employée d'abord par Favre et Silbermann, puis avec de meilleurs moyens d*observation par Lummer et Pringsheim; ces derniers firent varier la pression du gaz entre deux limites bien déterminées el en mesurèrent la température ou bien par la variation de résistance électrique d'une spirale de fil d'argent très fin ou avec le bolomètre. Mais ces expériences, de même que les précédentes, admettent une formule qui n'est vraie que pour les gaz parfaits. Des mesures assez précises furent faites par Maneuvrier, à l'aide d'une méthode fondée sur le théorème de Reech, d'après laquelle on a dpg dpa c'est-à-dire y est le rapport entre les variations de pression subies par un gaz qui est soumis à une même variation de volume d'abord par voie adiabatique, puis par voie isolhermique. Maneuvrier obtint par celte méthode les résultats suivants : Air atmosphérique ^( — \ ,399.4 Anhydride carbonique 1 — ^ 1^9^ Hydrogène T = * s ^^4 La même méthode fut employée plus tard par Maneuvrier et Fournier pour l'acétylène. Nous rappellerons enfin que, indépendamment de toute for- mule thermodynamique, la valeur de y fut déterminée par Jamin et Richard, en communiquant une même quantité de chaleur, par le refroidissement d'un fil parcouru par un courant électrique, à une masse de gaz qui se réchauffe : i** à volume constant; 2° à pression constante. Il est facile de voir que, si les coefficients de dilatation du gaz à pression constante et à volume constant sont supposés égaux, on a AH Cp ^_H_^ C„ iv . V AH étant la variation de la pression, \v celle du volume. — 694 — Celle mélhode donne pour Tairel rhjrdrogèneY= 1,41 et pour l'anhydride carbonique y = 1,29. Ces valeurs concordent avec celle qu'on obtient par la méthode indirecte de la mesure de la \itesse du son. Les recherches faites avec cetle mélhode, c'est-à-dire par la mesure de la vitesse du son, sont fondées sur la relation (qui se déduit de la formule de Newton modifiée par Laplace) où n et n^ sont les nombres de vibrations pendant Tunité de temps, correspondant à un son délerminé, et X et X| les longueurs d'onde respeclives, d et d' les densités, 6 et 6' les températures absolues, Y et y' les rapports des deux chaleurs spécifiques dans les deux gaz. Dulong et Masson se servirent de cetle méthode. Martini, au contraire, déduisit la valeur de y pour le chlore en mesurant la longueur d'une colonne de chlore qui esl capable de renforcer un son donné. La valeur de y pour divers gaz et pour la vapeur d'eau fut aussi déterminée incidemment avec la même méthode de ré- sonance par J. Webert Low. D'autres expériences remarquables sont celles de Kundt, qui mesura la vilesse du son dans différents gaz par la méthode bien connue des images que forme une poudre dans un tube qui r<*nd un son. La méthode de Kundt fut employée encore par Kajser, qui Irouva pour l'air la valeur y = i,4>o6, et parSlreeker, dont les recherches avaient pour bul de vérifier la formule de Clausius el de Boitzmann sur la constitution moléculaire des gaz. Strccker trouva que, pour les gaz dialomiques Cl, Br, I, Y ^ ^^* valeurs différentes de celles qu'il a pour les autres gaz diatomiques. Par contre, a\ec la mélhode de Kundt, mais en lenant comple des di- vergences que présentent les gaz à la loi de Mariotte, des expé- riences furent faites sur des gaz et des vapeurs par Capstick« qui Irouva que les gaz qui appartienncnl à un même groupe par leur composition moléculaire ont la même valeur de Y- Daniel el Pierron mesurèrent y pour l'éihane à Paide des deui méthodes de Clément el Desormes el de Kundt, mais pour le pro- pane et l'isobulane, ils se servirent seulement de la méthode de Kundl. Pour les vapeurs d'eau, d'alcool et d'rlher, la valeur de y fut dt'lerminée par Ncvreneuf, en mesurant la longueur d'onde par une mrlhode diflcTente de celle de Kundt, et par Be^me, mais avec des résullals peu satisfaisants. Ou Ire les recherches expérimentales directes de détermination de la valeur de y, celte quantité fut aussi calculée de façons diverses en partant des relations thermodynamiques avec d'autres éléments. Ainsi Ilirn la calcula d'après l'équivalent mécanique de la chaleur; Rankine l'obtint en partant de la formule de Clausius C -C -^. Buff se servit des résultats de Regnault, des rapports de con- densation dans la formation des gaz composés, et de la chaleur de dilatation; Clausius emplova sa formule; Moulier combina l'équation d'une adiabatique avec la loi de Dulong et Petit ; Nichols employa les mêmes formules de Thermodynamique en supposant que les gaz en se dilatant produisent seulement du travail externe; Mohr appliqua la formule qui servit à Meyer pour calculer l'équi- valent mécanique de la chaleur; Simon tint compte de ce que les molécules avaient la forme tétraédrique et modifia en consé- quence les formules de Maxwell et de Boltzmann; Moon reprit la formule de Mejer comme le fit Lodge; Violi étendit la modifica- tion apportée par Boiti aux formules de Boltzmann; Âmagat se basa sur les coefficients de dilatation à pression constante et à volume constant déduits de ses isothermes; Petrini se servit de la formule de Boltzmann. De l'ensemble de tous les travaux expérimentaux et théoriques rappelés ci-dessus, on peut conclure que la valeur moyenne la plus probable de y, dans les conditions ordinaires de température et de pression, est pour Pair i,4o2, pour l'hydrogène 1,398 et pour Tanhydride carbonique i,3oi. Variation de y a^^c la pression et avec la température. Les conclusions auxquelles arrivent les divers expérimentateurs relativement à la variation de y avec la température et la pression ne sont pas très concordantes. Ainsi, tandis que Wille trouva y variable avec la pression, Muller trouva, au contraire, pour de nombreux gaz qu^il a étudiés, Y indépendant de la pression et de la température. Pour les vapeurs, la valeur de y augmenterait, d'après Muller, quand la pression diminue et quand la température augmente. Kundt trouva y indépendant de la température entre o" et loo"; mais Wiillner ne conclut pas ainsi; d'après lui v dépendrait en général de la température, et pour les gaz pour lesquels Cp est indépendant de la température, les variations de y seraient faibles et de Tordre de grandeur des écarts à la loi de Mariotle. Enfin Cohen trouve que, pour la vapeur d'eau surchaulTée, la valeur de y reste constante entre i44** ^t 3oo®; et Leduc, calcu- lant Y pour Tair et l'anhydride carbonique, entre o® et loo*', conclut à l'invariabilité de y pour l'air, mais trouve une diminution assez sensible pour l'anhydride carbonique. De ces résultats et de ceux rappelés ci-dessus concernant les variations des valeurs de C^, et de C„, on peut conclure que Cp et Ci, dépendent de la pression et de la température, et <|u'il en est de même de la valeur de y> mais les recherches faites jusqu'ici ne font pas connaître les lois de ces variations. FIN Df TOMK PnKMIKH. KRUATA. I*jij;c /ii, lii^iie II en reinontuiit, au lieu de 1867 lisez \^\'. TABLE DES MATIÈRES DU TOME I. Paget Avertissement v Relations enlre la Physique expérimentale et la Physique mathématique; par H. PoiNCARÉ i De la précision dans la détermination des longueurs en Métrologie; par J.-René Benoit 3o Les unités de mesure ; par Ch.-Éd. Guillaume 78 Les laboratoires nationaux physico-techniques ; par H. Pellat loi Déterminations métrologiques par les méthodes interférentielles; par J. Macé de Lépinay 108 L'échelle thermométrique normale et les échelles pratiques pour la mesure des températures; par P. CiiAPruis i3i Les progrès de la Pyrométrie ; par C. Barus 148 L'équivalent mécanique de la chaleur ; par J.-S. Ames 178 La chaleur spécifique de Teau (Appendice); par E.-H. Griffiths 214 La vitesse de propagation du son ; par J. Violle 22S Appendice. Propagation dans un gros tuyau; par Marcel Brillouin... 2^6 Les actions hydrodynamiques à distance d'après la théorie de C.-A. Bjerknes; par V. Bjerknes 25i L'état actuel de nos connaissances sur l'élasticité des cristaux; par W. VoiGT 277 La déformation des solides ; par A. Mesnaqer 348 La constitution des alliages métalliques; par Sir \V. Roberts-Austen et A. Stansfield 363 Propriétés des solides sous pression; diffusion de la matière solide; mouve- ments internes de la matière solide ; par W. Spring 4<'3 PafM Les déformations pas ^ag ires des solide*; par Cu.-Ed. Guillaume ^^2 La fusion et la cristallisation d'après les recherches de G. Tammann; par B. Weinbkro 449 Cristallisation à température constante ; par J.-H. Van't Hoff 4^4 La rigidité des liquides ; par Th. Schwedoff 4:^ Sur les phénomènes capillaires; par G. Van der Mexsbruoohe 4^7 La diffusion des gaz sans paroi poreuse dépend-elle de la concentration? par Marcel Brillouin 5i2 Osmose. Parois semi-perméables; par Jean Perrin 53 1 La théorie cinétique des gaz et le principe de Carnot; par Gabriel LiPPMANN 5i6 Statique expérimentale des fluides (fluides non mélangés); par E.-H. Amaqat 55i Statique des fluides (mélanges) ; par J.-D. Van der Waals 583 Les méthodes de détermination des constantes critiques, et les résultats qu'elles ont fournis; par É. Matdias 6i5 L'indice critique; par le Prince B. Galitzine et J. Wilip 668 La chaleur spécifique des gaz; par A. Battelli 683 Errata 696 fin de la table des matikres du tome Parla. —Imprimerie GAUTHIER VILLAKS« quai des Grands-Aurustins,S5. t , ^